Ray Enright (1896-1965)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Ray Enright (1896-1965)

Message par Profondo Rosso »

Dames (1934)

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Un milliardaire puritain et son cousin tentent de compromettre une toute nouvelle production de Broadway mise en scène par un de leurs parents éloignés.

En trois triomphes artistiques et commerciaux signés en durant la seule année 1933 (42e rue et Prologue de Lloyd Bacon, Gold Diggers of 1933 de Mervyn LeRoy), Busby Berkeley était devenu une figure incontournable de la Warner avec ses numéros musicaux extravagant. Cette importance se manifesterait également au générique des films puisque de simple chorégraphe sur Gold Diggers of 1933 et 42e rue il serait désormais crédité comme coréalisateur et seul créateur des séquences musicales. Cette mainmise progressive permet du coup de saluer le talent de Lloyd Bacon et Mervyn Leroy puisque dans leurs films le final sur un grande séquence musicale constituait le point d'orgue mais pas la seule raison d'être d'un récit qui aura su nous tenir en haleine par son énergie et euphorie (Prologue), sa force drame (42e rue) et une tonalité constamment inscrite dans le contexte d'alors de la Grande Dépression (42e rue). Avec Dames (1934), la formule est désormais bien installée tout comme les acteurs récurrents (on retrouve le couple Dick Powell/Ruby Keeler, Joan Blondell ou encore Hugh Herbert et Guy Kibbee caution comique des films précédents) et le réalisateur semble avoir une marge plus réduite, Ray Enright étant le troisième choix après notamment la défection de Archie Mayo initialement envisagé.

Le scénario de Robert Lord et Delmer Daves tente une approche différente, le cœur du récit ne reposant plus sur la seule confection du spectacle et ce dernier ne constituant plus ce refuge face à la crise économique qui n'est plus évoquée (seul le personnage Joan Blondell reste rattaché légèrement à ce contexte sinon les héros sont des nantis). L'angle choisit reste néanmoins pertinent en dépeignant le monde du spectacle comme un havre de liberté s'opposant à une société puritaine et adepte de la censure, d'autant que le Code Hays désormais bien mis en pratique amène un lissage de l'érotisme et de la provocation des films précédents. Hal Wallis fit notamment éliminer du script avant tournage un numéro qui montrait une bagarre entre un chat et une souris conclut par une Joan Blondell entonnant la douce invitation "come up and see my pussy sometime" qui aurait eu du mal à passer. Dans le film le puritain et excentrique milliardaire Ezra Ounce (Hugh Herbert) soumettra ainsi ses héritiers à une morale irréprochable qui n'implique évidemment pas de participer à des spectacles de Broadway. Jimmy' Higgens (Dick Powell) et Barbara Hemingway (Ruby Keeler) n'en ont cure et feront passer quelques suées à leur entourage lorgnant sur l'héritage, le père (Guy Kibbee) subissant même le chantage de la provocante Mabel Anderson (Joan Blondell irrésistible comme d'habitude) pour financer le spectacle.

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L'approche était donc intéressante mais reste à l'état d'ébauche et fait plutôt figure de prétexte en attendant le final musical. La comédie un peu balourde arrache certes quelques sourires, le couple Dick Powell/Ruby Keeler est toujours aussi charmant mais on sent la formule et tout cela fait tout de même office de remplissage avec les numéros musicaux. Heureusement là tout est pardonné tant Busby Berkeley semble au sommet de son inventivité et extravagance. The Girl at the Ironing Board voit une Joan Blondell modeste lingère s'épanouir au milieu des pyjamas et autres sous-vêtement masculins, osant une promiscuité audacieuse (un pyjama ayant semble-il la main baladeuse) et des images complètement folles. Ce n'est pourtant rien à côté de I Only Have Eyes for You, déclaration d'amour et ode délirant à Ruby Keeler. On opère d'abord par le vide avec un contexte réaliste (ruelle, métro, publicité) se vidant pour laisser place à un Dick Powell énamouré d'une ravissante Ruby Keeler. On procède ensuite par l'envahissement, l'espace mental de l'amoureux fou se remplissant de l'image de Ruby Keeler sous toutes les formes possibles : masques gigantesques, illusion d'optique et jeu sur la perspective nous faisant croire qu'elle se démultiplie à l'écran à travers toutes les danseuses vêtues comme elle et bien sûr omniprésence de l'intéressée quasiment de tous les plans et renforçant la prouesse vertigineuse. La déclaration s'étend à la femme et à ses charmes dans son ensemble avec Dames, ultime numéro coquin en diable et où la caméra de Berkeley se fait plus virevoltante que jamais, multipliant les effets pour mieux s'abandonner à son gouts pour les formes géométriques. La résolution est expédiée avec la même désinvolture que ce qui a précédé mais en dépit du récit lâche l'émerveillement pour les séquences musicales aura quand même réussi à nous emporter. 4,5/6

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Jeremy Fox
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Re: Ray Enright (1896-1965)

Message par Jeremy Fox »

Le western du WE : Bad Men of Missouri
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Re: Ray Enright (1896-1965)

Message par Jeremy Fox »

Le western du WE : Les Chevaliers du Texas, inédit en DVD tout du moins en France.
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Re: Ray Enright (1896-1965)

Message par Jeremy Fox »

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Frances
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Re: Ray Enright (1896-1965)

Message par Frances »

Blondie Johnson de Ray Enright -1933- Joan Blondell, Chester Morris, Allen Jenkins, Mae Busch, Sterling Holloway.

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Le film brasse des thèmes chers au pré-code : les effets délétères de la grande dépression sur les plus défavorisés, l’incapacité des institutions débordées à secourir les citoyens, les femmes au caractère bien trempé, la pègre, la ville.

Jetée à la rue avec sa mère mourante par un propriétaire peu empathique, Blondie Johnson, harcelée par son patron quitte son emploi, dernier rempart avant de basculer inexorablement dans la misère. Fort heureusement, la jeune femme possède un atout formidable : son intelligence à laquelle s’ajoute une ambition et un culot à toutes épreuves. Quand les femmes décident de ne plus être victimes et de prendre leur destin en mains, elles se hissent aussi haut, si ce n’est plus haut que leur pendant masculin et si pour l’occasion, il s’agit des gros pontes de la pègre, qu’importe ! Blondie fera son apprentissage sur le terrain, forçant sa chance, usant de roublardise et faisant fi de tout scrupule. A la guerre comme à la guerre semble-t’elle nous dire. Ici, ce n’est ni le charme, ni les artifices féminins qui prévalent mais la matière grise. Une ascension sociale avec en miroir celle de Baby face sauf que Blondie bouscule les clichés, incarne la figure de la femme moderne libérée de toute entrave amoureuse pour mener à bien ses projets.

Peu d’extérieurs dans ce métrage mené tambour battant. Les scènes s’enchaînent sans temps mort, chacune justifiant la progression de l’action sans digression inutile. Un savoir-faire récurrent en cette période. La caméra de Ray Enright alterne plans fluides et champ/contre-champ. Rien de révolutionnaire ni de particulièrement original mais la forme sert le propos avec honnêteté. Il faut retenir l’interprétation de Joan Blondell qui insuffle toute la vitalité et la détermination à son personnage résolu à fuir la misère. Face à elle, Chester Morris enfile le costume de l’associé et de l’amoureux éconduit. Force est de reconnaître que le duo fonctionne bien sur ce pied d’inégalité. Des seconds rôles en veux-tu en voilà assurent un bel équilibre à l’œuvre. Sans atteindre le niveau des meilleurs pré-code, Blondie Johnson tient la distance sans avoir à rougir.
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" - De mon temps, on pouvait cracher où on voulait. On n'avait pas encore inventé les microbes." Goupi
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