J'ai marché sur une pelouse, l'autre jour. J'ai pu survoler du regard des centaines, des milliers de brins d'herbe. Depuis, je suis expert en botanique. Comme un jeune qui visionne plein de films en accéléré est un expert en cinéma.Addis-Abeba a écrit :Oui mais bon les jeunes "cinéphiles" ont quand même de nos jours un sacré avantage, ils peuvent voir dans les transports en commun un film sur leur téléphone en vitesse x20 grâce à VLC, du coup ils voient vingt fois plus de films que nous, ils sont plus complets.cinéfile a écrit :Je clique au hasard sur la barre de temps et je tombe sur le type qui dit avoir regardé Les Sept Mercenaires en vitesse fois 20... J'ai donc écouté le podcast en vitesse fois 20 LOL.
"Les vieux films, c'est de la merde !"
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
Ou comment transformer tous films en un épisode de ....Addis-Abeba a écrit :Oui mais bon les jeunes "cinéphiles" ont quand même de nos jours un sacré avantage, ils peuvent voir dans les transports en commun un film sur leur téléphone en vitesse x20 grâce à VLC, du coup ils voient vingt fois plus de films que nous, ils sont plus complets.
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
ça fait vraiment mal aux yeux, le HFR !
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
L'argument de la lenteur des vieux films est à la fois faux... et vrai !Addis-Abeba a écrit :Il n'y a pas de lenteur dans les films anciens, c'est juste que les mecs savaient faire des plans, prendre leur temps, et ne se sentaient pas obligés comme maintenant de faire des plans toutes les secondes pour masquer leur manque de technique, et la pauvreté de ce qui se passe sur l'écran.Sybille a écrit :Cet argument de la "lenteur" considérée comme un repoussoir me laisse toujours perplexe. C'est forcément parce que je regarde des films anciens depuis très longtemps que je ne m'aperçois absolument plus de leur soi-disant "manque de rythme". .
Quand t'as rien à montrer tu zappes vite, et encore plus quand tu ne sais pas tenir une caméra.
Pire les gens ne supportent plus les films contemplatifs, si la caméra s'attarde plus de deux secondes sur un plan c'est chiant.
A mon sens, les années 30-40 sont la période où le style des réalisateurs était le plus concis : ils avaient appris grâce au muet à faire "parler" une image sans s'encombrer de dialogues explicatifs en jouant sur la mise en scène / le montage / le hors champ. De plus, les coûts de production, et donc la longueur de pellicule utilisée, étaient contraints par les studios (notamment depuis les mésaventures de Stroheim dans les années 20).
Ainsi, un des meilleurs stylistes n'était autre que Lubitsch. J'en veux pour preuve la simple durée de ses films comparée à celle de leur remake :
- To be or not to be (1942) 1h39 / version Mel Brooks (1983) 1h47
- The Shop around the Corner (1940) 1h39 / You've got Mail (1998) 1h59
Par ailleurs, même les cinéastes qui s'appuyaient plus sur les dialogues favorisaient un rythme trépidant : je pense notamment à Hawks et son invention de l' "overlapping dialogue" qui consistait à ce que chaque acteur coupe la parole à son partenaire, parfois jusqu'à l'hystérie (Twentieth Century (1934) ou His Girl Friday (1940) en sont de parfaits exemples...).
Enfin, il y avait le phénomène du double-programme où le film principal, de durée variable, était précédé d'un "B-movie" à la durée standard voisine de 1h15-1h20. Les scénaristes, cinéastes et producteurs qui ont œuvré dans ce contexte savaient livrer des films sans aucun temps mort, voire abrupts (Détour (1945) de Ulmer qui dure 1h08 !).
A l'inverse, à partir des années 50 le cinéma s'est orienté vers une course aux innovations (couleur, 3D, écran large, voire super large) pour se différencier de la TV. Le grand spectacle du cinéma se devait d'être boursouflé, et le rythme s'est étiré histoire d'en donner pour son argent au spectateur, de le laisser admirer le décor et les stars en costumes.
Ainsi, un même cinéaste pourra très bien avoir réalisé des films courts, nerveux dans les années 40, puis des grandes fresques un peu figées vingt ans plus tard.
Je pense ici à Anthony Mann, dont les derniers films, même si non dénués de qualités, sont tout de même bien longs et lents (El Cid (1961) et The Fall of the Roman Empire (1964) notamment) et bien loin de la nervosité de ses débuts (Raw Deal, T-Men). De même, la Cléopâtre (1963) de Mankiewicz, par ailleurs auteur de films noirs percutants dans les années 40, fait plus de 2 fois la durée de celle de DeMille (1934) !
Vers la fin des années 50, les nouvelles vagues vont s'orienter en parallèle vers une accélération du rythme des films masquant leur manque de moyens et leur tournage, parfois illicite, en décors naturels. La mise en valeur du réalisateur comme auteur du film "à la mode" tiendra lieu de différenciation avec la TV, plutôt orientée vers l'académisme des adaptations littéraires.
Le style des réalisateurs-auteurs est alors volontiers vif, avec des effets "pop" (ex : Zazie dans le Métro (1960) de Malle, Une femme est une femme (1961) de Godard, Billy Liar (1963) de Schlesinger, Les Marguerites (1966) de Vera Schytilova, etc.).
Puis, dans les années 70, on va assister de nouveau à une boursouflure progressive des films d'auteur, notamment avec le Nouvel Hollywood, jusqu'à l'explosion du système des studios, incapables de maîtriser les coûts et la durée des films : The Last Movie (1971) de Hopper, Apocalypse Now (1979) de Coppola, et naturellement Heaven's Gate (1980) de Cimino en sont les exemples canoniques.
La période qui suit, des années 80 à ce jour, est plutôt indécise, avec simplement l'impératif commercial qui s'impose dans de nombreux cas : une règle non écrite stipulant que la durée d'un film présenté en salles n'excède pas 2h afin de caser 5 séances par jour.
De nos jours, depuis l'avènement des séries TV et de la VOD, et l'apparition des Webséries en format très court (Bref en est l'exemple le plus parlant), l'expérience audiovisuelle elle-même cesse progressivement d'être une expérience commune, vécue en même temps par nos concitoyens. On ne parle plus du film du dimanche soir ou de la série HBO du moment : chacun vit une expérience personnelle où se concurrencent tous les supports et toutes les durées.
Dès lors, un film de 1h30 pourra paraître long à une personne qui consomme principalement des Webséries sur son téléphone.
Aussi, le montage "MTV" particulièrement haché, les effets de caméra portée ou les mouvements de caméra "impossibles" permis par les images de synthèse : tout cela hystérise nombre de productions aujourd'hui, ce qui peut rendre les films du passé (et ceux qui s'en inspirent) en apparence plus statiques, même si parfaitement rythmés.
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
Merci pour ce résumé.
Oui, c'est en partie pour leur rapidité, nervosité que j'ai un faible pour les films américains des années 30.
A mon avis, la sensation de lenteur ressentie par celles et ceux qui ne sont pas (encore) habitués aux visionnages de films d'autrefois tient quasiment de l'auto-suggestion. Parce que c'est "vieux", ils ont l'impression que forcément, c'est "lent."
Oui, c'est en partie pour leur rapidité, nervosité que j'ai un faible pour les films américains des années 30.
A mon avis, la sensation de lenteur ressentie par celles et ceux qui ne sont pas (encore) habitués aux visionnages de films d'autrefois tient quasiment de l'auto-suggestion. Parce que c'est "vieux", ils ont l'impression que forcément, c'est "lent."
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
Non, je pense que les vieux films qu’ils se forcent à regarder ne sont justement pas ces films nerveux des années 30 et 40 dont ils ignorent l’existence (« et pourquoi pas des films muets aussi ? ») mais plutôt les grands classiques des années 50-60 ou même des années 70.Sybille a écrit :Merci pour ce résumé.
Oui, c'est en partie pour leur rapidité, nervosité que j'ai un faible pour les films américains des années 30.
A mon avis, la sensation de lenteur ressentie par celles et ceux qui ne sont pas (encore) habitués aux visionnages de films d'autrefois tient quasiment de l'auto-suggestion. Parce que c'est "vieux", ils ont l'impression que forcément, c'est "lent."
Edit : je n’avais pas lu le texte de David Locke et cela rejoint mon propos lorsqu’il parle de films boursouflés durant ces périodes.
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
cinephage a écrit :J'ai marché sur une pelouse, l'autre jour. J'ai pu survoler du regard des centaines, des milliers de brins d'herbe. Depuis, je suis expert en botanique. Comme un jeune qui visionne plein de films en accéléré est un expert en cinéma.Addis-Abeba a écrit : Oui mais bon les jeunes "cinéphiles" ont quand même de nos jours un sacré avantage, ils peuvent voir dans les transports en commun un film sur leur téléphone en vitesse x20 grâce à VLC, du coup ils voient vingt fois plus de films que nous, ils sont plus complets.
Rassure moi, t'as quand même compris que c'était de l'humour ?
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
Tu veux dire un film de vieux j'imagineJeremy Fox a écrit :Rien déjà que "les films de western", ça donne pas envie d'aller plus loin. Et du coup, je viens de gagner un peu de temps pour visionner un bon vieux film.
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
Bien sur, même si dans ton humour, tu ris d'une position que j'ai déjà lue sérieusement défendue dans certains forums, il y a réellement des gens qui pensent avoir vu des films, pour les avoir vus en avance rapide.Addis-Abeba a écrit :Rassure moi, t'as quand même compris que c'était de l'humour ?cinephage a écrit : J'ai marché sur une pelouse, l'autre jour. J'ai pu survoler du regard des centaines, des milliers de brins d'herbe. Depuis, je suis expert en botanique. Comme un jeune qui visionne plein de films en accéléré est un expert en cinéma.
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
On en a même vu donner leur avis après avoir vu la bande annonce uniquement...
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
je peux concevoir qu'une personne finisse un film qui lui déplaît en vitesse X2 pour voir la fin, si ca reste rare.cinephage a écrit :Bien sur, même si dans ton humour, tu ris d'une position que j'ai déjà lue sérieusement défendue dans certains forums, il y a réellement des gens qui pensent avoir vu des films, pour les avoir vus en avance rapide.Addis-Abeba a écrit :
Rassure moi, t'as quand même compris que c'était de l'humour ?
Mais si c'est un truc récurrent pour certains c'est effectivement indéfendable, tout est déformé, musique, son des voix etc ...Tout est faussé, impossible de juger vraiment un film de cette manière pour le moins barbare.
Vivement des séances cinéma en accéléré X20
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
Vu hier soir pour la énième fois Assurance sur la mort avec des amis à la médiathèque du coin. Nous n'étions que deux à connaître le film et à l'avoir déjà vu, les autres - y compris le bibliothécaire - n'en avaient même jamais entendu parler. France, pays de la cinéphilie...
Je ne dirai pas que nous avons eu droit à une standing ovation à la fin de la projection, mais ce ne fut que de peu. Tout le monde ou presque a été emballé, ce qui est au fond normal, mais surtout étonné qu'un film en noir et blanc de plus de soixante-dix ans et avec des acteurs inconnus (pour eux) puisse être aussi bon. Cet étonnement, je le rencontre souvent chez les gens qui ne s'intéressent pas au cinéma vintage; ils ont souvent de façon inconsciente l'idée que les "vieux films" sont ennuyeux, ou boiteux, ou mal fichus et sont donc surpris de découvrir qu'ils ne sont rien de tout cela.
C'est au fond une question d'éducation et je dois la mienne à ma mère qui m'a appris à apprécier et à comprendre ce cinéma-là. Elle-même s'était formée sur le tas, un peu comme Truffaut (ils étaient de la même génération) en allant voir tous les films qui sortaient - et dans certains cas plusieurs fois d'affilée, car il n'y avait pas de DVD en ce temps-là et on ne savait jamais quand et si on les reverrait un jour. Je parlais l'autre jour de l'importance de la transmission, et je ne la nie pas, mais je crois que ce qui empêche celle-ci de se faire est avant tout le changement de statut du cinéma, passé de seul loisir accessible à tous à une option parmi d'autres. Devenir cinéphile de nos jours nécessite une volonté, un effort ce qui n'était pas le cas autrefois où cela se faisait tout seul. Ma mère n'a d'ailleurs jamais employé le mot "cinéphile" pour parler d'elle-même alors qu'elle connaissait mieux le cinéma (surtout américain) classique que certains spécialistes reconnus!
Je ne dirai pas que nous avons eu droit à une standing ovation à la fin de la projection, mais ce ne fut que de peu. Tout le monde ou presque a été emballé, ce qui est au fond normal, mais surtout étonné qu'un film en noir et blanc de plus de soixante-dix ans et avec des acteurs inconnus (pour eux) puisse être aussi bon. Cet étonnement, je le rencontre souvent chez les gens qui ne s'intéressent pas au cinéma vintage; ils ont souvent de façon inconsciente l'idée que les "vieux films" sont ennuyeux, ou boiteux, ou mal fichus et sont donc surpris de découvrir qu'ils ne sont rien de tout cela.
C'est au fond une question d'éducation et je dois la mienne à ma mère qui m'a appris à apprécier et à comprendre ce cinéma-là. Elle-même s'était formée sur le tas, un peu comme Truffaut (ils étaient de la même génération) en allant voir tous les films qui sortaient - et dans certains cas plusieurs fois d'affilée, car il n'y avait pas de DVD en ce temps-là et on ne savait jamais quand et si on les reverrait un jour. Je parlais l'autre jour de l'importance de la transmission, et je ne la nie pas, mais je crois que ce qui empêche celle-ci de se faire est avant tout le changement de statut du cinéma, passé de seul loisir accessible à tous à une option parmi d'autres. Devenir cinéphile de nos jours nécessite une volonté, un effort ce qui n'était pas le cas autrefois où cela se faisait tout seul. Ma mère n'a d'ailleurs jamais employé le mot "cinéphile" pour parler d'elle-même alors qu'elle connaissait mieux le cinéma (surtout américain) classique que certains spécialistes reconnus!
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
Moi hier soir, c'était une salle grenobloise au moins à 60% remplie pour La classe ouvrière va au paradis, en VOSTF (évidemment) et en 35mm (le son était affreux mais la copie plutôt belle, malgré les fins de bobines encore visibles).
Surpris qu'il y ait autant de monde. Le film a conquis.
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Re: "Les vieux films, c'est de la merde !"
Pas surpris pour la faible renommée de Assurance sur la mort. Je pense qu’il a du être très peu diffusé à la télé et beaucoup moins en tous cas que des films comme Gilda, Laura, Le facteur sonne toujours deux fois etc. Je pense que c’est du en partie à Barbara Stanwyck qui n’a jamais été glorifiée à sa juste valeur et moins sexy que des Lana Turner, Rita, Ava etc.
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Je me demande si on assiste pas progressivement à un retour en grâce des films noir et blanc, du fait à la fois de la standardisation d’Hollywood et de la restauration haute définition des œuvres longtemps découvertes sur de petits écrans de télé et dans de mauvaises conditions.tenia a écrit :Moi hier soir, c'était une salle grenobloise au moins à 60% remplie pour La classe ouvrière va au paradis, en VOSTF (évidemment) et en 35mm (le son était affreux mais la copie plutôt belle, malgré les fins de bobines encore visibles).
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