Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alex Blackwell
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Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Message par Alex Blackwell »

Film culte outre-Atlantique mais qui n'est encore guère connu chez nous.
Cela est assez incroyable vu qu'il s'agit d'un film qui mérite d'être cité dans tous les recensements des films importants de l'histoire du cinéma.

Une bonne raison à cela : il s'agit au fond d'un des rares films qui parvienent quasi constamment à exprimer ses idées en des termes éminemment et purement cinématographiques, soit un énorme travail de mise en forme. Au premier abord ces constantes recherches formelles interpellent par leur côté ultra-sophistiqué mais on en vient bientôt à comprendre que ce qui pourrait passer pour de l'esthétisme souverain est en réalité simplement de la beauté: ainsi après une heure de film ce plan des trois personnages principaux filmés en plan large tandis qu'ils traversent une rivière en train de discuter ; la caméra reste immobile jusqu'à ce qu'ils soient hors champ, leur conversation s'éteignant au loin et que seul le léger bruissement de la rivière demeure : tout simplement une vision de paradis. Ce dernier mot convient idéalement s'agissant de l'ouvre qui a le mieux réussi à dépeindre cette opposition entre monde « civilisé » et état « naturel » : au début du film, ces différents plans d'un appartement type, avec une ménagère en train de s'activer dans sa cuisine, donnent la vision la plus effroyable qui soit d'une vie aseptisée au possible. Pourtant c'est celui qui s'opposerait à cette société qui serait considéré comme fou. D'où le geste du père de famille qui emmène ses deux enfants dans le désert, commence par leur tirer dessus avant de brûler sa voiture et de se faire sauter la tête. Ceux qui ne comprennent pas le sens de cette scène, et il y en a, doivent avoir du mal à faire la
différence entre cinéma et littérature : pourtant après la vision d'enfer à
laquelle on vient d 'assister nul besoin de discours pour comprendre ce geste désespéré et lucide à la fois mais un simple travail de mise en images. Je ne multiplierai pas les exemples tout en insistant sur le fait que cette ouvre est une pépinière où il fait bon se baisser pour recueillir les plus beaux spécimens floraux qui soient : plan en plongée du
garçon qui traverse un jardin pour rentrer chez lui au début du film, plan
du même se dirigeant vers un oasis, évolution des personnages dans la nature retranscrite en une série de « vignettes » (ce sont des pages de journal feuilletées qui assurent la transition entre les différents plans) dont certaines sont inoubliables (celle où l'on voit en amorce de grandes
feuilles aux motifs si particuliers), saut du kangourou blessé à mort, plan
d'une brève et fulgurante beauté. Chef d'oeuvre absolu.

Je possède les deux éditions dvd:Criterion zone 1 et zone 2 UK. A priori le même master mais je n'ai pas encore comparé attentivement le zone 1, ayant seulement depuis peu un lecteur dvd rendant justice au format ntsc. Le zone 1 a l'intérêt de comporter un commentaire audio de Roeg et de Jenny Agutter, l'actrice principale.
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Bob Harris

Re: Walkabout (Nicolas Roeg: 1970)

Message par Bob Harris »

Chef-d'oeuvre absolu, je ne sais pas, mais c'est en effet un film magnifique, véritable hymne à la beauté de la nature.
Alex Blackwell
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Message par Alex Blackwell »

La vague d'intérêt rencontrée par l'éditeur Criterion m'incite à remonter le topic sur ce film: je suppose que si l'on devait une seule fois visionner un film sur la foi de propos étrangers, ce serait pour ce film-ci.
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Fatalitas
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Re: Walkabout (Nicolas Roeg: 1970)

Message par Fatalitas »

l'editeur Potemkine devrait le sortir en zone 2 courant 2008
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julien
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Re: Walkabout (Nicolas Roeg: 1970)

Message par julien »

J'irais pas jusqu'à dire que le film est un chef-d'oeuvre mais il y a certaines idées intéressantes, notamment quelques effets de montages alternés (comme l'on trouvait déjà dans Don't Look Now) ainsi qu'une musique de John Barry, pour choeur et orchestre assez inspirée. Néanmoins, la nouvelle originale de James Vance Marshall me paraît bien plus aboutit, on peut la trouver en format poche.

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Roy Neary
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Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Message par Roy Neary »

Le DVD de Walkabout édité par Potemkine vient de sortir.
Merci à l'ami ed pour cette chronique instructive et enthousiaste. A vous !

:arrow: Walkabout
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Phnom&Penh
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Re: Walkabout

Message par Phnom&Penh »

Une de mes plus belles découvertes de l’année !
Merci pour ce beau texte et l’évocation de Bruce Chatwin, merveilleux écrivain voyageur et modèle idéal du britannique avec des semelles de vent. Tout le monde devrait avoir lu au moins l’excellent Qu’est-ce que je fais là ? (au Livre de Poche), fabuleux traité de l’errance, son sujet de prédilection.

Ci-dessous un lien vers un dossier sympa fait sur cet écrivain sur le site du guide du Routard:

Bruce Chatwin, Une enfance rêveuse sur Routard.com

Tant qu’à Walkabout, c’est vraiment un petit bijou. Son introduction, avec des plans très géométriques de la ville, la façon dont il montre que le désert est aux portes des cités, ce père complètement branque, et, d’un coup de pistolet, les deux enfants qui se retrouvent totalement abandonnés au milieu du désert, j’ai trouvé ça génial.

Sans le mettre au niveau de la Nuit du Chasseur, je l’ai trouvé très poétique, dérangeant, quelquefois un peu borderline (il se régale quand même bien l’œil sur un corps d’adolescente, mais bon, on est en 1971, et puis c’est très beau, il n’y a rien à redire). Si le film est souvent sur le fil du rasoir, jamais il ne dérape vers le bordélique ou le vulgaire. Au contraire, on frôle le sublime où baigne la Nuit du Chasseur, on ne l’atteint peut-être pas, mais c’est quand même une formidable expérience.

Je l’ai trouvé plus film dur que film noir. A la fin de leur Walkabout, l’adolescente se voit offrir un choix de vie qu’elle refuse mais le rêve final de la femme casée donne l’impression que le paradis perdu existe toujours quelque part au milieu du désert, qu’on en a juste oublié le chemin. Elle, elle l’a vu sans le reconnaître mais elle sait qu’il existe.

Un sacrément beau film, en tout cas, et un petit Walkabout personnel pour chaque spectateur.
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julien
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Re: Walkabout

Message par julien »

Phnom&Penh a écrit :Son introduction, avec des plans très géométriques de la ville, la façon dont il montre que le désert est aux portes des cités
Au début, ce que j'ai bien aimé aussi, Ce sont les plans alternés de la ville et des acteurs, montés sur les sonorités du didgeridoo et des bruits urbains. On voit aussi Jenny Agutter faire des exercices de chant dans une salle de classe si je me souviens bien. Au niveau rythmique, la séquence est très réussit. (Y'a que moi pour m'intéresser à des trucs pareils :mrgreen: ) Ça montre aussi le parallèle qu'il peut y avoir entre deux cultures d'origine différente. La culture Occidentale et Indigène. D'ailleurs auparavant, le monteur du film Antony Gibbs avait également utilisé ce principe d'alternance dans Petulia de Richard Lester.
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Phnom&Penh
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Re: Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Message par Phnom&Penh »

julien a écrit :Au début, ce que j'ai bien aimé aussi, Ce sont les plans alternés de la ville et des acteurs, montés sur les sonorités du didgeridoo et des bruits urbains. On voit aussi Jenny Agutter faire des exercices de chant dans une salle de classe si je me souviens bien. Au niveau rythmique, la séquence est très réussit. (Y'a que moi pour m'intéresser à des trucs pareils ) Ça montre aussi le parallèle qu'il peut y avoir entre deux cultures d'origine différente.
Oui, c'est vrai, tout est vraiment très construit, très géométrique dans ce début de film, et la musique syncopée (enfin, je crois que c'est ça, je l'ai vu une seule fois il y a déjà deux mois), accentue le rythme, on arrive à une scène de folie, et d'un coup, c'est le désert et le silence. Un début excellent.

Jamais vu Petulia, mais d'après ce que j'ai trouvé sur le net, ça a l'air très bien.
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Re: Walkabout

Message par Wagner »

Phnom&Penh a écrit : Au contraire, on frôle le sublime où baigne la Nuit du Chasseur, on ne l’atteint peut-être pas, mais c’est quand même une formidable expérience.

A mon humble avis Roeg l'atteint aisément dans l'ehtétique qu'il développe, totalement étrangère à celle de Laughton.
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Phnom&Penh
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Re: Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Message par Phnom&Penh »

Wagner a écrit :A mon humble avis Roeg l'atteint aisément dans l'ehtétique qu'il développe, totalement étrangère à celle de Laughton.
Je te l'accorde volontiers. Walkabout m'a fait beaucoup penser à la la Nuit du Chasseur mais les deux films n'ont pas grand chose de commun (encore que, mais ça mérite d'y réfléchir plus avant). Du coup, je n'ai pas voulu choquer en mettant Walkabout en même niveau qu'un film culte, mais c'est vrai qu'au final, ça paraît péjoratif, alors que c'était peut-être mon rapprochement qui était hasardeux. :wink:
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Re: Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Message par Wagner »

Phnom&Penh a écrit :Je te l'accorde volontiers. Walkabout m'a fait beaucoup penser à la la Nuit du Chasseur mais les deux films n'ont pas grand chose de commun (encore que, mais ça mérite d'y réfléchir plus avant). Du coup, je n'ai pas voulu choquer en mettant Walkabout en même niveau qu'un film culte, mais c'est vrai qu'au final, ça paraît péjoratif, alors que c'était peut-être mon rapprochement qui était hasardeux. :wink:
Il ne l'est sans doute pas en raison de la thématique similaire, seul le traitement diffère, mais le film ne souffre pas de la comparaison avec la nuit du chasseur.

Sinon, pour rappel, le dvd Criterion est en 4/3 et n'est donc pas une référence si ce transfert est widescreen. La référence sera sans doute le blu ray annoncé sans date.
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Phnom&Penh
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Re: Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Message par Phnom&Penh »

Wagner a écrit :la thématique similaire, seul le traitement diffère
Je n'ai pas revu la Nuit du Chasseur depuis une grosse dizaine d'années, raison de ma prudence sur la comparaison. Je ne parlais pas tant de l'esthétique que de l'émotion reçue:
- Nuit du Chasseur: une merveille, un film très violent, deux petits enfants jetés dans le monde noir et obscène des adultes, sauvetage par l'imaginaire, fin déchirante.
- Walkabout: un film superbe, l'enfance rentre dans l'âge adulte (personnage féminin adolescent), séduction (le côté "érotique" du film) et répulsion (la réaction du personnage féminin devant la danse), sécurité du monde moderne et attrait de la vie sauvage (la fin avec le rêve à rebours), film équilibré donc automatiquement plus sage même si la modernité esthétique de Walkabout est un point fort du film. C'est moderne, très audacieux et dérangeant.

Il faudrait surtout que je revoie les deux.
Wagner a écrit :le dvd Criterion est en 4/3 et n'est donc pas une référence si ce transfert est widescreen. La référence sera sans doute le blu ray annoncé sans date.
Cela m'ennuie toujours de critiquer un "transfert" parce que techniquement je n'y connais pas grand chose. En tout cas, le Potemkine est 16/9, image très belle, aucune déformation. L'auteur de la chronique semble satisfait lui aussi.
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Joe Wilson
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Re: Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Message par Joe Wilson »

Très beau film, qui laisse toujours planer une impression saisissante de mystère et d'inconnu, et offre une grande liberté d'interprétation.
Walkabout suit le récit d'un regard sur l'altérité, scelle les conditions d'une perte pour mieux transcender des instants de grâce.
Le travail sur le son est en effet excellent, de l'orchestration ample et sereine du thème principal de John Barry, à ces séquences rythmiques à la fois fascinantes et effrayantes.
L'interprétation de Jenny Agutter et David Gulpilil marque durablement, permettant au film de trouver un équilibre émouvant entre une évidence juvénile et l'observation inquiète d'un monde qui semble nous échapper.
Le moment fort de Walkabout provient de son final à travers le regard lointain, fuyant et triste de Jenny Agutter, qui abrite le souvenir d'un espace oublié et pourtant indispensable à son vécu. La scène est très forte, renferme la puissance affective du film. Entre la rêverie d'une poésie visuelle et l'écho d'une rencontre décisive (avec la nature, avec soi...), Walkabout provoque un ressenti contrasté, ambigu à exprimer. Mais dont la richesse est indiscutable.
Dernière modification par Joe Wilson le 14 sept. 09, 21:38, modifié 1 fois.
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The_Thing
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Re: Walkabout (Nicolas Roeg - 1971)

Message par The_Thing »

Un des plus beaux films que j'ai vu de la filmo pas encore terminé de ce réalisateur anglais, une richesse picturale de tout les instants, des cadrages magnifiques témoignant du passé de photographe de Nicolas Roeg, une puissante évocation sexuelle où le désir nait sous une façon innocente, un périple de voyageur amer surligné par le sous texte écologiste. Malgré les séquences de tueries animalières totalement absurde mais filmées sous l'angle d'un côté du jeune aborigène qui tue pour survivre et ne se répands pas en massacres inutiles et de l'autre côté du point de vue gratuit de chasseurs sans âme ni vergogne n'hésitant pas à tuer pour le fun de voir des animaux tomber devant leur fusil, le film s'impose justement comme une ode à la nature et la découverte du patrimoine de l'humanité. Dans ce périple hasardeux on se prend également à évoquer un autre film rempli de mystère et d'errance, Picnic at Hanging Rock de Peter Weir même si ce film joue plus sur le mysticisme et la corde du drame fantastique on retrouve la richesse de paysages qui n'attendent que la découverte, découverte qui porte en elle l'abandon à la civilisation pour un temps donné afin de pouvoir chercher l'aventure synonyme d'accomplissement personnel. Il me reste à découvrir maintenant "Eureka' du même réalisateur film plutôt rare que je ne trouve nulle part. Si quelqu'un a une solution..
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