Mauro Bolognini (1922-2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

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Vertiges (1975)

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Deux ans après "Liberté mon amour", Bolognini poursuivait son étude des années fasciste sous un angle inattendu. Inspiré des écrits du médecin Mario Tobino, le film nous plonge dans le quotidien de médecins officiant dans un asile d'aliénés.A leur tête on trouve Marcello Mastroianni, médecin chef totalement investi et convaincu de trouver une explication "médicale" à la folie, et menant des recherches afin d'en détecter le germe. L'équilibre des lieux bascule avec l'arrivée d'une assistante universitaire jouée par Marthe Keller, à la l'approche plus psychanalytique et freudienne. Son regard extérieur va mettre à jour les dysfonctionnement divers, notamment les rapports étranges qu'entretient Mastroianni avec les autres femmes en fonction dans l'asile. Sa supposé bienveillance est sérieusement remise en cause par diverses révélations et un comportement révélant au déotur d'un dialogue "tout les syndromes de la schizophrénie". C'est là le grand thème du film, celui d'une Italie malade où la frontière entre la folie et un esprit sain est plus ténu qu'il n'y paraît, l'isolement et la société de déséquilibré mentaux finissant par être contagieuse. Bolognini multiplie les indices, le générique d'ouverture nous montre une fête costumé où Mastroianni apparaît grimé au milieu de ses patients sans que l'on fasse la différence et les malades en voies de guérison (même si les rechutes inattendues sont légions) sont assigné au tâches ménagères. Mastroianni est est brillant d'ambivalence et Bolognini offre 3 superbes portraits de femme avec Marthe Keller, Françoise Fabian et Barbarat Douchet chacune figurant la droiture, la fidélité ou la décadence, vertu les plaçant sous le joug où en opposition à Mastroianni. les second rôle sont superbe également, Pierre Blaise (inoubliable héros de Lacombe Lucien) en homme enfant lucide mais fragile et surtout une magnifique Adriana Asti en femme de chambre en demande maladive d'amour physique. Bolognini confère la même minutie à son asile (le film fut tourné dans un vrai asile, la présence des fous orientant la performance des acteurs) qu'il pouvait le faire à ces décors d'époques plus chatoyant, l'extérieur étant à peine entraperçus pour un huis clos oppressant. La conclusion se fait d'ailleurs cinglante quant on quitte enfin les lieux : le discours vindicatif des tuniques noirs apparaît à peine plus censés que celui des fous qu'on a cotoyés tout le film. C'est pourtant bien celui qui régentera la politique du pays et le menera à sa perte...
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Les garçons (1959)

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Premier film de l'association entre Bolognini et Pasolini qui va permettre à chacun d'eux une avancée majeure. Pour Bolognini jusqu'ici réalisateur de comédie populaire sans relief c'est l'occasion de se frotter à des sujets plus sérieux en se frottant à l'univers de Pasolini, et pour se dernier c'est un apprentissage du métier en cotoyant un grand cinéaste avec de passer derrière la caméra deux ans plus tard avec "Accatone". C'est d'ailleurs précisément à une version moins brute de "Accatone" qu'on pense ici avec cette tranche de vie de petites frappes Romaine. Là où la recherche de réalisme poussera Pasolini à engager des gens du cru et à adopter une mise en scène naturaliste, Bolognini fait appel à duo français pour camper ses mauvaises graines (Lauren Terzief et Jean Claude Brialy postsynchronisé comme cela se faisait à l'époque dans le cinéma italien) et fait preuve du soin visuel qui lui est coutumier (voir la remarquable séquence qui introduit Mylène Demangeot). C'est donc à un équilibre entre les deux sensibilités que tient le film, Pasolini amenant sa connaissance de cette existence d'errance et de petits larcins qu'il connaît bien. Les personnages masculins sont particulièrement médiocres, attachés uniquement à l'argent et au plaisir immédiat qu'il peuvent en tirer. Pas d'ambition notable lorsque la providence et la roublardise leur amène quelques billets, aussitôt engloutis en filles, alcools et frime diverses. L'amitié ne scelle même de lien puisque tous sont prêt à se voler les uns et les autres si l'occasion se présente. Pour creuser un un peu ses personnages plutôt détestable finalement, Bolognini fait appelle à son art de soigner ses figures féminines. Fil rouge du parcours des héros, les différentes filles rencontrées qui vont révéler le fond de leur coeur. Elsa Martinelli est bouleversante lorsqu'elle sort un court instant de extérieur de prostituée exubérante et intéressée, avant qu'une raillerie de Brialy lui fasse comprendre qu'il lui mentait pour arriver à ses fins. Terzief en écorché vif est bien plus intéressant et ses tendres instants avec Mylène Demangeot dans une demeure bourgeoise (une des plus belle scène du film) ainsi que la conclusion oisive et charmante avec Rossana Schiaffino montre un attrait pour un ailleurs que cette vie là. C'est sans doute à lui que Pasolini qui a progressivement réussi à s'en sortir s'identifie le plus. Belle réussite qui connaîtra un complément avec "Ca s'est passé à Rome" (plus explicite avec les deux titres originaux "La Notte Brava" pour "Les Garçons" et "La Giornata balorda " pour "Ca s'est passé à Rome") toujours consacré à la délinquance Romaine. 4,5/6
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

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Le Bel Antonio (1960)

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Toutes les femmes sont amoureuses du bel Antonio. Mais lorsqu'il épouse Barbara, Antonio ne s'avère pas être l'amant espéré...

Marcello Mastroianni, sûrement le plus bel homme ayant traversé le cinéma italien aura pourtant toujours soigneusement évité les rôles de pur séducteur ou de héros romantique. Ses rôles les plus fameux cherchent constamment à déformer d'une manière ou d'une autre par l'artifice vestimentaire,le maquillage ou l'attitude déviante ce physique avantageux que la nature lui a donné. Et quand il décide d'assumer cette prestance séductrice qui est la sienne, c'est la tournure du film elle même qui se charge de la briser que ce soit en en faisant un amant supplanté dans Les Nuits Blanches, l'arroseur arrosé du dernier sketch de Aujourd'hui demain et après demain ou le séducteur impuissant (déjà) de Casanova 70. Il y a une sorte de constante fuite en avant par rapport à son apparence à laquelle n'a jamais voulu être réduit dans ses rôles alors que même un Vittorio Gassman aura donné dans les emplois de bellâtre à ses débuts.

Le film emblématique de cette attitude, c'est très certainement Le Bel Antonio sans la plus connue des collaboration Pasolini/Bolognini. L'histoire nous plonge donc dans le drame d'un homme impuissant qui a le malheur d'exercer une attraction frénétique chez les femmes, le confrontant constamment à son "infirmité". La scène d'ouverture au où il reste de marbre au supplication de désir et d'amour d'une femme donne le ton. La question de l'homosexualité (de toute façon difficilement abordable frontalement à l'époque) est vite évacué quand on constatera que Antonio recherche et apprécie la compagnie des femmes bien qu'il ne puisse leur donner ce qu'elles attendent. La vraie question du film, c'est la confrontation de cette faillite intime avec une société italienne où règne alors l'image d'une virilité masculine toute puissante. Bolognini multiplie égrènent graduellement toutes les facettes de ces tendances machistes prononcées tout d'abord par les échanges d'Antonio avec son père (excellent Pierre Brasseur) tout en sous entendus complices puis lors de la séquences de la fêtes mondaine où nantis et politiciens écoeurant de vulgarité s'échange des jeunes filles peu farouches.L'explication des problèmes d'Antonio montrera d'ailleurs par la suite comme cet étalage de puissance et cette concurrence tacite peux briser les premiers élans des plus fragiles.

Contre toute attente Antonio tombé sous le charme accepte de convoler avec Barbara (Claudia Cardinale) belle jeune femme qui lui était promise. Le malaise demeure pourtant, l'union n'étant qu'une amitié amoureuse dépourvu du lien charnel liant un homme et une femme. Le cadre de la Sicile n'est pas anodin puisqu'il permet d'accepter en plus de la toute puissance masculine ambiante certain archaïsme que n'aurait pas toléré un cadre urbain tel l'ignorance totale de Claudia Cardinale des choses de la vie (au point de croire à l'insulte lorsqu'on les lui explique) donc du fait qu'elle ne constate pas qu'il manque une chose essentielle à son mariage. Claudia Cardinale (aux antipodes de son autre grand rôle de l'année La Fille à la valise) exprime parfaitement cette innocence virginale dans ce rôle effacé. La véracité et la cruauté du script de Pasolini est contrebalancée par l'élégance de la mise en scène de Bolognini magnifiant le bonheur éphémère des jeunes époux en campagne puis promenant sa caméra dans les espaces bourgeois où se décident le sort des faibles, l'argent soumettant l'institution de l'église à une nouvelle réalité à savoir un prétendant plus richement doté pour Barbara.

La conclusion face à la supposée virilité retrouvée d'Antonio est d'une amère cruauté avec cette intimité étalée sur la place publique(qui vaudra d'ailleurs le seul rebondissement grotesque lorsque le père succombe à une ultime étreinte), et la question reste ouverte quand à la réalité de cet état de fait dans le regard résigné et égaré d'Antonio. 5/6
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Profondo Rosso
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

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La Viaccia (1960)

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En 1890, Amerigo, jeune homme rangé, quitte la ferme paternelle pour venir travailler à Florence dans le magasin de vins de son oncle. Il s'aperçoit que son oncle mène une vie de débauché, à la merci de Beppa, sa maitresse, et qu'ils ont un fils illégitime. Amerigo tombe fou amoureux de Bianca, une fille de moeurs légères, mais son oncle le renvoit à la ferme quand il le surprend entrain de le voler.

La Viaccia est le film de la rupture pour Mauro Bolognini, celui par lequel s'affirme la touche de raffinement, de tragédie et de romanesque qu'on lui connaîtra dans ses grandes oeuvres des années à venir. Jusque là il s'était imposé dans les années cinquante par des comédies inoffensives dans les années 50 avant d'aligner plusieurs réussites importantes néanmoins très empreinte de la personnalité de son prestigieux scénariste attitré Pasolini. La Viaccia impose donc sur tout les points la véritable touche du réalisateur tel l'attirance pour la grande adaptation littéraire (ici d'un roman de Mario Pratesi), le film en costume et la reconstitution d'inspiration picturale et le grand mélodrame.

La personnalité de Bolognini ne se résume pas à ce simple apparat puisque les grand thèmes et la construction de La Viaccia annoncent déjà son Bubu de Montparnasse dans le perte d'illusion du héros incarné par Jean-Paul Belmondo, le pouvoir de l'argent et l'univers de la prostitution. La Viaccia, c'est un une étendue de terrain fermier dont les membres d'une famille se disputent l'héritage. D'emblée la notion de richesse et possession domine tout les autres sentiments lors d'une sordide séquence où le patriarche meurt (sans rien laisser aux siens) alors que ses enfants se préoccupe plus de la distribution de ses biens que de l'accompagner dans ses derniers instants. Le rugueux père de famille paysan joué par Pietro Germi envoie donc son fils à la ville pour travailler chez son oncle ayant racheté le domaine, et ainsi s'attirer ses faveurs pour la famille lorsque viendra à son tour le moment de léguer l'héritage. Belmondo est finalement le seul personnage désintéressé et sans calcul du film, obéissant constamment à son coeur pour le meilleur et pour le pire. Tombé sous le charme de la prostituée Bianca (Claudia Cardinale), il va tout lui sacrifier : sa fierté, sa situation et cette fameuse possibilité d'héritage. Bianca est elle plus ambigüe puisque bien que réellement amoureuse de lui, elle fonctionne également selon les même précepte matérialiste (soit l'exacte inverse de Bubu de Montparnasse où l'homme poussait l'héroïne amoureuse sur le trottoir) et qui oscille tout le film entre la tentation d'un ailleurs avec Amerigo et conserver sa rentable mais sordide situation. Belmondo et Cardinale forment un couple magnifique dont Bolognini capte l'alchimie avec brio par son formalisme (cadrage splendide, superbe photo de Leonida Barboni) qui accentue encore la touche charnelle de leur scène ensemble.

C'est la première collaboration entre le décorateur Piero Tosi et Mauro Bolognini sur un film à teneur historique et le résultat est époustouflant de bout en bout. Les visions de cette Florence grisâtre, austère et majestueuse à la fois offre quelques moment de toutes beauté notamment la première rencontre entre Belmondo et Cardinale sous la pluie. Le luxe un peu vulgaire de la maison close a également quelque chose de captivant, surtout quand il s'oppose au sentiments pur échangés par notre couple et formant ainsi un obstacle symbolique et sous-jacent à leur union. Hormis quelques petites longueur, Bolognini affiche donc déjà une belle aisance et un sens de la dramaturgie certain qu'il ne cessera d'affiner par la suite. Après un film dans l'ensemble plutôt en retenue laissant émerger quelque éclats, les vingt dernières minutes passent par toutes sortes sentiments contradictoires pour Amerigo dans un crescendo puissant avant une conclusion parfaite de mélancolie. 5/6 La copie des éditions Montparnasse est pas top du coup j'ai renoncé à mettre quelques captures...

edit : allez une petite quand même

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arturo
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par arturo »

Est ce que quelqu'un connait "la viaccia" en version française?
J'ai le souvenir d'avoir vu "la viaccia" à la télé ds mon enfance en francais (à l'époque ou on passait encore des films en noir et blanc à 20h30 sur les chaines hertziennes).
Dans la version italienne ,les deux acteurs principaux (Belmondo , Cardinale, Frankeur) sont doublés .Et c'est très gênant ...
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Profondo Rosso
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Profondo Rosso »

Jamais vu en vf (qui n'est pas sur le dvd) mais Belmondo était déjà doublé dans d'autres films italiens comme La Ciociara (j'avoue ça gêne un peu au début mais on s'y fait pris par le film) et Cardinale dans pas mal de ses premiers films italiens. Il y a même une anecdote comme quoi elle aurait piqué une grosse colère contre Bolognini en découvrant lors de la première projection salle qu'elle était doublée dans Le Bel Antonio :mrgreen:
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cinephage
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par cinephage »

Profondo Rosso a écrit :Il y a même une anecdote comme quoi elle aurait piqué une grosse colère contre Bolognini en découvrant lors de la première projection salle qu'elle était doublée dans Le Bel Antonio :mrgreen:
C'est désormais devenu une clause standard des contrats comédien qu'au cas où son rôle doive être doublé dans une langue qu'il maîtrise, le comédien se double lui-même, sauf s'il refuse de le faire.
Sans doute à cause de précédents tels que celui-ci.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par riqueuniee »

Cardinale était doublée dans ses premiers films parce que son italien était jugé pas satisfaisant (accent trop prononcé ou quelque chose comme ça). De toute façon, à cette époque , tous les films italiens (ou presque) étaient post-synchronisés (ce qui a facilité la carrière "italienne" de nombre de comédiens).
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Federico »

riqueuniee a écrit :Cardinale était doublée dans ses premiers films parce que son italien était jugé pas satisfaisant (accent trop prononcé ou quelque chose comme ça).
Oui, sa langue natale est... le français (de Tunisie).
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Profondo Rosso »

Metello (1970)

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Metello Salani naît à Florence en 1872. Sa mère morte en couches, il est élevé par de pauvres paysans chez qui son père, un ouvrier sablier anarchiste, l'a mis en nourrice peu avant de mourir dans un accident de travail. Il n'a pas vingt ans quand il retourne dans sa ville natale où, adopté par les amis anarchistes et socialistes de son père, il devient maçon.

Parmi les grandes réussites de Bolognini, Metello prolongeait les préoccupations sociales de ses oeuvres conçues avec Pasolini tout en s'inscrivant dans la lignée de leur dernière collaboration en commun, La Viaccia. Ce dernier film marquait le virage de Bolognini pour la grande adaptation littéraire et le film en costume. Pourtant si la La Viaccia était le reflet des drames sociaux sombres et résignés de l'époque (à l'image de Rocco et ses frères, Mamma Roma), Metello est bien différent. Au moment de la sortie du film, l'Italie a entamée ses douloureuses "Années de Plomb" où durant une décennie le pays vivra au rythme des attentats et des revendications des extrémistes de tout bords. Adapté d'un roman de Vasco Pratolini, Metello n'est donc pas un choix innocent pour Bolognini use du contexte d'époque comme d'un miroir adressé au présent afin de le prévenir des dérives du passé.

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L'histoire nous dépeint donc le destin du jeune Metello (Massimo Ranieri) qui se voit dès son plus jeune âge lié aux soubresauts sociaux de son époque. La formidable séquence d'ouverture le voit encore nourrisson perdre sa mère épuisée au gré d'un énième provocation de son père ouvrier anarchiste qui ne tardera pas à succomber également. Tout est alors fait pour éloigner Metello de Florence et de toute influence politique mais la vie et le sang bouillonnant en lui en décideront autrement. Toute l'intrigue à travers les différentes rencontres et actions menée par Metello laisse constamment entendre que notre héros en dépit de ses efforts va suivre le même funeste chemin que son père.

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Une initiative noble mais que Bolognini teinte constamment d'ambiguïté. Au départ jeune ouvrier cherchant simplement à subsister Metello se trouve rapidement confronté aux injustices les plus cruelle, entre salaires de misère et répression violente d'un gouvernement à la solde des patrons. Bolognini interroge pourtant le jusqu'au boutisme des ouvriers et de leur mouvement, que ce soit le Parti incapable de les soutenir financièrement en temps de grève ou de la notion de groupe primant sur l'individu sous l'apparente fraternité et camaraderie ouvrière. Le patron tel que dépeint ici n'a d'ailleurs rien du despote inhumain et exploiteur, plutôt un homme soumis à la loi du marché. Metello lui-même n'est pas exempt de reproche lorsqu'il délaisse son épouse (Ottavia Piccolo) pour sa belle voisine, une bourgeoise méprisant tous ses principes.

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Les moyens de moins grandes envergures (c'est particulièrement criant sur les scènes où Metello fait son service militaire) offrent paradoxalement un plus grandes authenticité à la reconstitution de Bolognini, toujours épaulé par le fidèle chef décorateur Piero Tosi. Sans atteindre tout à fait la perfection plastique de Bubu de Montparnasse à venir l'année suivante, Metello par sa sobriété distille une tonalité nostalgique et mélancolique à cette Florence du XIXe (soulignée par le beau générique en noir et blanc où le score romantique de Ennio Morricone) et rend palpables les milieux modestes traversés. La photo diaphane d'Ennio Guarnieri associée au cadrage de Bolognini confère certaines vues absolument somptueuse, véritable tableaux en mouvements témoins d'une la recherche picturale constante. Massimo Ranieri, chanteur de variété reconverti acteur est parfait de fougue, de hargne et de passion dans ce premier rôle. Il véhicule un un charme et une authenticité qui l'humanise et fait comprendre les différents errements de son parcours vers une forme de sagesse.

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Le couple qu'il forme avec Ottavia Piccolo sera si convaincant que Bolognini les réunira à nouveau dans Bubu de Montparnasse l'année suivante. Les moments les plus délicats du film leurs sont réservés, notamment la relation épistolaire par laquelle se tisse leur amour. C'est autour d'eux et de leur réunion que se situe le vrai enjeu du film, savoir si Metello réitera les errements de son père et mènera sa famille à sa perte. Les revendications politique obtenues de haute lutte passent ainsi au second plan quand arrive la séquence finale dont le mimétisme parfait avec celle d'ouverture fait le lien entre passé et présent, pour une issue qui annonce des lendemain plusapaisé. 5/6

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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Best »

Profondo Rosso a écrit :Metello (1970)
...
Ton avis m'avait donné envie de le découvrir, c'est maintenant fait. Je ne peux que te remercier car sans lui je serais passé à côté de ce magnifique film.

J'en redemande :D
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Profondo Rosso
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Profondo Rosso »

Best a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Metello (1970)
...
Ton avis m'avait donné envie de le découvrir, c'est maintenant fait. Je ne peux que te remercier car sans lui je serais passé à côté de ce magnifique film.

J'en redemande :D
Si tu as aimé celui là tu peux sauter sur Bubu de Montparnasse et La Viacca vraiment dans la style de Metello, le premier est encore plus éblouissant visuellement (j'ai fait quelque capture sur la page d'avant) et le second est tout aussi touchant et au message aussi fort. :wink:

D'ailleurs on a un autre Bolognini sorti tout récemment en dvd avec cette adaptation de Stendhal je vais sûrement craquer pas vu...

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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Best »

Profondo Rosso a écrit : Si tu as aimé celui là tu peux sauter sur Bubu de Montparnasse et La Viacca vraiment dans la style de Metello, le premier est encore plus éblouissant visuellement (j'ai fait quelque capture sur la page d'avant) et le second est tout aussi touchant et au message aussi fort. :wink:
Je les rajoutes à ma wishlist :D
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par paul_mtl »

Profondo Rosso a écrit :D'ailleurs on a un autre Bolognini sorti tout récemment en dvd avec cette adaptation de Stendhal je vais sûrement craquer pas vu...

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la Certosa di Parma est une serie TV de 6 ep de 60 min d'apres IMDB


Argh !!!
Quel difficile dilemme se pose a moi le voir en version française pour Marthe Keller ou en VO pour G-M Volonte !?!
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El Dadal
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par El Dadal »

J'ai découvert La Viaccia hier via l'affreux dévédé (ou bien est-ce une VHS et m'aurait-on trompé? -le master avec ST incrustés semble plus vieux que moi...) Ed Montparnasse. Je réagis par rapport au doublage des comédiens. Sait-on pour sûr s'ils ne se sont pas eux-mêmes acquittés de la tâche? Je pense en particulier à Belmondo, dont le personnage m'a semblé en partie construit afin d'aérer sa diction, lui permettre d'énoncer correctement, toujours dans des situations contrôlées pour lesquelles le risque de rebasculer vers une accentuation française liée à l'excitation reste minime. Ça m'a suivi pendant tout le film, parce qu'en regardant ses lèvres, je trouvais la post synchro assez juste, et qu'à l'oreille, j'ai trouvé le ton de sa voix cohérent...
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