Michael Winner (1935-2013)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Jeremy Fox »

Resté sur de mauvais souvenirs du cinéma de Michael Winner, je n'avais rien vu de lui depuis pas mal de temps et je dois dire que Les Collines de la terreur (Chato's Land) m'a très agréablement surpris. Genre de Survival à la ligne ultra-claire mais jamais ennuyeux et très efficace. Belle utilisation des paysages et un très bon casting dont un Jack Palance bien meilleur que dans beaucoup d'autres westerns dans lesquels il a joué. Bien aimé aussi le dernier plan et sa coupe abrupte.
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Rick Blaine
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :Resté sur de mauvais souvenirs du cinéma de Michael Winner, je n'avais rien vu de lui depuis pas mal de temps et je dois dire que Les Collines de la terreur (Chato's Land) m'a très agréablement surpris. Genre de Survival à la ligne ultra-claire mais jamais ennuyeux et très efficace. Belle utilisation des paysages et un très bon casting dont un Jack Palance bien meilleur que dans beaucoup d'autres westerns dans lesquels il a joué. Bien aimé aussi le dernier plan et sa coupe abrupte.
Excellente surprise que ce Chato's land pour moi également. L'argument est simple mais son traitement est très efficace. L'intrigue vite lancée, le film peut poser ses personnages et c'est assez brillamment fait puisque Winner parvient à donner une couleur particulière à chacun des 13 membres de la patrouille qui traque Chato. Le casting y fait car tout le monde est très juste là dedans - tu l'as dit, Palance a rarement été aussi bon -, mais le scénario et la mise en scène doivent être salués aussi, j'ai rarement vu film chorale parvenir à faire exister autant de personnages. En face le personnage de Chato est superbe. Quasi mutique et finalement quasi invisible, il est traité comme une menace quasi invisible qui crée un suspense efficace durant le film. On n'est pas loin de Quand les tambours s’arrêteront sauf qu'il y a un seul indien, et c'est un traitement assez audacieux alors que Bronson est la tête d'affiche du film.
Très belle utilisation des décors aussi. Ils jouent leur rôle menaçant, on s'y repère très bien, et il y a beaucoup de plans visuellement superbes.

Je n'ai pas pu m'empecher de faire un parallèle avec Soldat Bleu devant ce film. Le Winner est également une parabole du Vietnam (La patrouille comme image des USA, menée par un soldat de métier, qui ne peut pas vivre sans guerre et composée de racistes forcenés mais aussi de suiveur qui veulent s'intégrer à la communauté ; l'ennemi qui les amène sur son terrain où ils s'enlisent ; le village brulé ; etc...) mais il est incroyablement moins lourd sur le sujet, et beaucoup plus efficace dans son récit. Winner a une réputation (immérité à mon avis) de bourrin, pourtant il traite tout ça avec une grande subtilité et une grande intelligence, de la même manière qu'il mène son récit, avec une utilisation très intelligente des ellipses et un dernier plan tout à fait remarquable.
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Jeremy Fox
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Jeremy Fox »

:)

Par contre j'avais découvert The Lawman juste après et là ce n'était pas passé du tout. Mais oui, je trouve le film de Winner bien moins lourd que celui de Ralph Nelson.
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Rick Blaine
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Rick Blaine »

Je n'ai jamais vu The Lawman même si j'ai le DVD depuis longtemps, il faudrait que je découvre ça. Je vais peut-être profiter de la promo actuelle chez Screenarchive pour prendre le BR d'ailleurs.

Mine de rien si on exclu les suites de Death Wish, entre ce Chato's Land, The Mechanic, le premier Death Wish et Scorpio, Winner me semble un cinéaste bien plus interessant que ce que je n'imaginais il y a quelque temps.
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hellrick
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par hellrick »

Rick Blaine a écrit :Je n'ai jamais vu The Lawman même si j'ai le DVD depuis longtemps, il faudrait que je découvre ça. Je vais peut-être profiter de la promo actuelle chez Screenarchive pour prendre le BR d'ailleurs.

Mine de rien si on exclu les suites de Death Wish, entre ce Chato's Land, The Mechanic, le premier Death Wish et Scorpio, Winner me semble un cinéaste bien plus interessant que ce que je n'imaginais il y a quelque temps.
Le cercle noir aussi est un bon polar d'action carré, tu devrais apprécier
J'aime beaucoup La sentinelle des maudits, un grand film d'épouvante seventies entre l'exorciste et rosemary's baby...
Critiques ciné bis http://bis.cinemaland.net et asiatiques http://asia.cinemaland.net

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Rick Blaine
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Rick Blaine »

hellrick a écrit :
Le cercle noir aussi est un bon polar d'action carré, tu devrais apprécier
J'ai justement sorti le BR, je voulais le voir hier soir mais je n'ai pas eu le temps. Surement dans la semaine. Vu le pitch, j'ai confiance pour que ça me plaise bien effectivement. :D
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Kevin95
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Kevin95 »

Sans oublier le tendu The Nightcomers. Parait que sa version de The Big Sleep tient la route, à vérifier.
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manuma
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par manuma »

PLAY IT COOL (1962)
Lors d'un voyage en avion, un groupe de musiciens rencontre une jeune femme envoyée à l'étranger pour oublier sa passion pour une star du moment.
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Ayant beaucoup souffert devant son exécrable The Cool mikado, troisième et dernière comédie musicale signée par le Winner yé-yé de la première moitié des années 60, je n’étais pas transporté à l’idée de découvrir Play it cool, son précédent essai du même genre. Et bien j’aurai eu tort de passer à côté car celui-ci est plutôt une bonne pioche dans la filmo sixties du bonhomme (par ailleurs globalement très fréquentable).

Si la partie purement musicale, tournée à Pinewood, n’offre rien de mémorable à l’oreille, le film se révèle l’occasion d’une jolie balade dans le Londres de l’époque. Gatwick, la gare d’Euston, quelques extérieurs nuit par-ci par-là : on bouge pas mal, au rythme d’une mise en scène affichant une belle patate. Intérêt supplémentaire, il m’a semblé retrouver dans l’approche des personnages et situations cette savoureuse (si souvent opportuniste) pointe de malice propre au cinéma à venir de Winner.

Bref, je pensais trouver le temps long, comme sur le plus friqué Summer Holiday de Peter Yates, découvert il y a peu, et j’ai finalement passé un bon moment. Merci Jack :wink:
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Chapichapo »

Pas mal ce "I vitteloni" à l'anglaise, 10 ans après celui de Fellini.

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Major Tom
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Major Tom »

Rapatriement...

John Constantine a écrit :A la demande générale (?), une citation quotidienne. Aujourd'hui:

Le travail de groupe consiste pour moi en un grand nombre de personnes faisant ce que je dis (1970).
John Constantine a écrit :J'ai réalisé Death Wish en 1974. 11 ans plus tard, Bernard Goetz* abattait des gens dans le métro. Ce type devait être mauvais élève à l'école pour que ça lui prenne 11 ans pour être inspiré par le film. C'est un débile mental. Je n'approuve pas l'acte de Mr Goetz. Mais je dois dire que s'il avait dû abattre n'importe qui dans le métro, j'aurais voulu qu'il le fasse la semaine de la sortie de Death Wish. (1985)

* Bernard Goetz, électronicien, avait tiré sur 4 hommes dans le métro new-yorkais, clamant qu'ils l'avaient menacé et tenté de le voler. Les 4 jeunes étaient afro-américains. Selon eux, ils avaient seulement demandé 5 dollars à Goetz, pour jouer à des jeux vidéo. On a suspecté à l'époque que Goetz, surnommé par les médias Le Justicier du métro, s'était "emporté" après avoir été volé 2 fois. Goetz fut acquitté des charges de tentative de meurtre mais passa 250 jours en prison pour détention illégale d'arme. La famille d'un des "agresseurs" (paralysé à vie) exigea (en vain) 50 millions de dollars de dommages et intérêts à Goetz, qui répliqua: "si vous avez été blessé ou handicapé en commettant des violences contre moi, ce n'est pas ma faute".

L'avocat de Goetz avait déclaré: "la morale de l'histoire est que les gens ont le droit de se protéger et de se défendre dans des cas justifiés".
John Constantine a écrit :[A Washington, sur le tournage de Scorpio, alors que Lancaster est assiégé par les fans américains, qui ignorent Delon]
Alain Delon: "Michael, vous verrez qu'à Vienne, ce sera différent. Je suis très connu là-bas. Je suis longtemps sorti avec Romy Schneider, la reine de Vienne. Là-bas, ils me connaissent tous".

[Plus tard à Vienne, sur le tournage de Scorpio, alors que Lancaster est assiégé par les fans autrichiens, qui ignorent Delon]
Winner: "vous m'aviez pourtant dit, Alain, que des foules vous assiègeraient ici parce que vous être très connu à Vienne".
Delon [souriant]: "je ne suis pas connu dans ce quartier de Vienne".
John Constantine a écrit :Jill Ireland (épouse de Charles Bronson): "Charlie, je voudrai donner une fête pour les enfants cancéreux. Je veux leur dire qu'ils peuvent battre la maladie et comment j'ai combattu la mienne. Ce serait formidable".
Charles Bronson: "C'est l'idée la plus stupide que j'ai entendue, Jill. Un des gamins pourrait tomber pendant la fête et nous attaquer en justice".
Michael Winner: "je crois que la fête vient de tomber à l'eau, Jill".
John Constantine a écrit :Qui a dit que les acteurs sont du bétail? Montrez-moi une seule vache qui gagne un million par film! (1970)
John Constantine a écrit :"Il y avait ce jeune homme très brillant aux auditions de Death Wish - je demandais aux acteurs de violer une chaise. J'allais voir Dino de Laurentis et lui dis: "nous n'aurons pas de problèmes d'accusations de racisme anti-noirs, j'ai choisi le chef des voyous qui violent la fille de Bronson : c'est un juif! Il n'y aura aucun problème. Ce type est un inconnu : Jeff Goldblum."
John Constantine a écrit :[à l'actrice Beverly D'Angelo, sur le tournage de The Sentinel]

Winner: Beverly, donc dans cette scène, tu dois te masturber.
D'Angelo: Michael, cette masturbation sera-t-elle faite avec bon goût?
Winner: ma chérie, il y a des gens qui considèrent qu'une masturbation à l'écran n'est jamais de bon goût. Tout ce que je peux dire, c'est que tu vas te masturber et que moi, je filmerai. Que cela soit de bon goût ou non dépendra en fait de toi.
John Constantine a écrit :"C'était mon premier contact avec la Cannon en 81, au 23ème étage d'un immeuble d'Hollywood Blvd. Ils étaient assiégés par les créanciers. Des gens rentraient, menaçant de tirer à vue sur les personnes présentes parce qu'on ne les avait pas payés [...]. Ce jour-là, Menahem Golan réalisait un film de karaté aux Philippines tandis que Yoram Globus était à New York, rassemblant des fonds. On m'installa dans un bureau sale. Je passai la matinée à nettoyer ce bureau avec du papier toilette. Je téléphonai alors à des amis, leur disant: "euh... c'est bizarre".
John Constantine a écrit :[Interview dans le Guardian, 6/07/1991]

Un journaliste : à quel personnage historique vous identifiez-vous?
Winner : à Mickey Mouse. Il rend toujours joyeux et ne vieillit jamais.
Journaliste : qu'est-ce qui vous déprime le plus?
Winner : au théâtre, avoir un type avec une grosse tête sur le siège devant moi.
Journaliste : quel est votre plaisir coupable?
Winner : péter.
Journaliste : quelle est pour vous la vertu la plus surestimée?
Winner : la fierté.
Journaliste : comment voulez-vous mourir?
Winner : d'une manière qui me permette de revenir sur terre.
Journaliste : comment voulez-vous qu'on se souvienne de vous?
Winner : très précisément comme étant une personne incroyable, pleine d'esprit et surtout merveilleuse.
John Constantine a écrit :[itw du Daily Mirror, 1/03/2003]
"Si j'étais Dieu, je serais féroce; il y aurait des morts en masse. Je tuerais les voyous, les violeurs et tueurs d'enfants pour commencer et ensuite ceux qui se garent en stationnement interdit".
John Constantine a écrit :OJ Simpson : "tu sais Michael, les noirs ne peuvent pas nager."
Winner : "OJ, nous sommes aux Caraïbes et je vois des noirs en mer. Nager!"
OJ : "tu as déjà entendu parler d'un athlète noir nageur? Les noirs excellent dans tous les autres sports. On a mesuré leur densité osseuse. C'est pourquoi ils ne peuvent pas nager."
"OJ était hanté par cela".

Journaliste : "et voici Michael Winner, un ancien ami d'OJ Simpson".
Winner : "non pas ancien, je suis toujours un ami d'OJ Simpson".
Journaliste : "mais il a assassiné deux personnes".
Winner : "et alors? Que sont deux cadavres entre amis?"
John Constantine a écrit :Extrait d'une fin de non-recevoir de Michael Winner à une invitation au Télématin anglais [où on tape la discute autour d'un petit dej']:

Monsieur Winner se rend rarement aux invitations de petit déjeuner à moins qu'il n'ait couché avec la personne en question la nuit précédente. Bien que je sois sûr que vous consentiez à de nombreux sacrifices pour la cause de Télématin, nous comprenons que vous refusiez le principe [Evening Standard, 23/12/92].
John Constantine a écrit :Marlon Brando avait une femme de ménage du nom de Maria Ruiz, qui lui donna plus tard 3 enfants. Il me dit un jour, "tu connais ma chambre à coucher, j'y ai tous ces équipements électriques. Un jour, j'ai laissé tomber un petit écrou sur le sol. Maria s'est penché à quatre pattes pour le chercher sous mon lit. C'est là que mes rapports [jusque là professionnels] avec elle ont changé". La relation se termina mal. [...] Plus tard, Marlon me confia, "j'ai abandonné le sexe [depuis Maria], Michael. Je regarde la chaîne porno et je me soulage. C'est beaucoup plus simple".
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Kevin95
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Kevin95 »

Faut vraiment qu'un éditeur français se penche sur les mémoires de m'sieu Winner. Ce mec est fascinant.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Bon, en attendant, je viens de me le prendre en VO à deux euros. :oops:
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manuma
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par manuma »

On en trouve parfois des extraits dans les livrets de CDs consacrés aux musiques de ses films, et ça a l'air effectivement croustillant...

Du coup, j'en profite pour recaser cette photo de Winner que j'adore :

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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Jeremy Fox »

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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Profondo Rosso »

Le Corrupteur (1970)

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Dans une grande demeure bourgeoise, après la mort de leurs parents dans un accident, deux enfants, Flora et Miles, sont confiés aux soins d'une jeune gouvernante, Miss Jessel. Mais c'est surtout Quint, le domestique irlandais, qui peu à peu impose son autorité sur la maisonnée, et en particulier sur Miss Jessel, qui se soumet à sa perverse domination. Dans le même temps, les enfants tombent également sous le charme diabolique du domestique.

Le Corrupteur est un scénario original de faisant office de prequel au classique Le Tour d’écrou d’Henry James, et par extension à l’adaptation qu’en tira Jack Clayton avec le chef d’œuvre gothique Les Innocents (1961). Tout en respectant les non-dits et l’ambiguïté du roman d’Henry James, Jack Clayton avait réussi à en égaler le malaise avec quelques éléments troubles supplémentaire. L’esquisse des relations scandaleuses entre les domestiques disparus (et possiblement fantôme) Miss Jessel et Quint se laissaient deviner à travers le trouble de la gouvernante Miss Giddens, tout cela de manière implicite à travers la mise en scène et le sens de l’atmosphère de Clayton. Michael Winner est un cinéaste bien plus frontal et son approche sur ce préquel (qui peut se voir sans avoir lu le roman ni vu le film de Clayton, même si cela se savoure d’autant plus en connaissant au moins l’un ou l’autre) est totalement différente.

Le titre français Le Corrupteur est bien vu puisque le film se présente à la fois comme un récit de corruption morale, ou alors un récit d’apprentissage tordu. Les jeunes Flora (Verna Harvey) et Miles (Christopher Ellis) vivent isolés et livrés à eux-mêmes dans leur manoir de campagne depuis la mort récente de leurs parents, gardée secrète par leur entourage. Ils n’ont pour repère que la vieille gouvernante Mrs Grose (Thora Hird), leur préceptrice Miss Jessel (Stephanie Beacham) et surtout le domestique irlandais Quint (Marlon Brando). Ce dernier est un partenaire de jeux facétieux dont la liberté de ton plaît aux enfants auxquels il répond avec franchise à toutes les interrogations (dont celle cruciale concernant le sort de leur parent). Le film en en subtilisant les quelques séquences « problématiques » pourrait vraiment se présenter comme un récit d’apprentissage naïf où Quint fait office de mentor aidant les enfants à grandir, et où ces derniers serviraient d’entremetteurs pour la romance qui va se nouer entre le domestique déclassé et l’institutrice au rang plus élevé (façon Le Messager de Joseph Losey (1971)). Plusieurs élément vont dans ce sens, que ce soit la manière méprisante dont le tuteur légal (Harry Andrews) s’adresse à Quint, le mélange de gêne et d’attirance lors des entrevue publiques de Quint et Miss Jessel, ou encore le regard inquisiteur et indigné que pose Mrs Grose à leur possible rapprochement.

Mais justement c’est ce qui se passe à la dérobée, ce qui sort de l’imagerie pastorale bienveillante et romantique, qui intéresse Michael Winner. Chaque passage obligé de cette imagerie se voit dévoyé de la façon la plus trouble. Les connaissances de Quint sur la faune et la flore servent ainsi à torturer une grenouille pour les enfants dès la scène d’ouverture. L’attirance entre Quint et Miss Jessel débouche sur une relation SM particulièrement corsée où l’institutrice subit les derniers outrages dans un sentiment mêlant la honte, le plaisir et la soumission. Michael Winner expose de manière crue tout ce qui était sous-entendu chez James sur papier ou Clayton dans sa version, ce qui pourra choquer les puristes mais tout l’intérêt repose justement sur cette approche différente - notamment l’esthétique puisque l’atmosphère rurale, automnale et terreuse de Winner ne renferme par le mystère et l’onirisme de Clayton. Le malheur n’intervient d’ailleurs pas à cause des failles des adultes, mais plutôt de l’interprétation qu’en font les enfants sans boussole morale. Winner pousse loin le malaise lorsque Miles ayant assisté aux ébats SM de Quint et Miss Jessel tente de les reproduire avec sa sœur Flora. La candeur et la spontanéité avec laquelle les enfants cherchent à rejouer ces mœurs adultes est la source de ce trouble, sans que les scènes aillent pourtant très loin. On comprend néanmoins le choix de jeunes acteurs un peu plus âgés que dans le roman ou le film de Clayton (Verna Harvey qui joue une fillette de 12 ans en avait même plutôt 19 mais l’illusion fonctionne). L’ambiguïté de Winner fait merveille dans la caractérisation de Quint et Miss Jessel, joués comme des êtres torturés plutôt que malfaisants par Marlon Brando et Stephanie Beacham. Quint parait ainsi parfois comme un mentor affranchi des conventions dans un sens positif (lorsqu’il donne aux enfants une explication de la mort sortant des notions religieuse) mais aussi comme un être puéril en soif de reconnaissance. Miss Jessel est un modèle féminin élégant et cultivé, mais aussi une femme soumise à ses désirs coupables. En gros Quint et Miss Jessel font office de parents de substitution, mais sans la capacité qu’ont naturellement de vrais parents à dissimuler certaines failles intimes que les enfants ne sont pas en âge de comprendre.

Tout le film repose sur ce malentendu, mais amplifié par le sens de la provocation de Michael Winner. Ainsi les élans naïfs des enfants débouchent toujours sur une monstruosité, du fait de la désinhibition des adultes puis de la compréhension biaisée qu’en feront Miles et Flora. Une des séquences les plus mémorables est celle où Miles et Flora réussissent à organiser une entrevue intime pour Quint et Miss Jessel. La scène débute comme une vraie scène feutrée et romantique, mais Miss Jessel n’y cesse de provoquer Quint pour qu’il se déleste de sa bienséance pour la violenter et la souiller, voilà ce qu’elle attend de lui – et ce qu’interprète les enfants d’une relation homme/femme. La conclusion mémorable lorgne vers des sphères plus proches de Les Révoltés de l’an 2000 que du mélodrame victorien et psychologique, tout en faisant habilement la transition vers l’histoire officielle de Le Tour d’écrou. 5/6
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Re: Michael Winner (1935-2013)

Message par Arn »

Rick Blaine a écrit : 19 févr. 18, 09:57
Jeremy Fox a écrit :Resté sur de mauvais souvenirs du cinéma de Michael Winner, je n'avais rien vu de lui depuis pas mal de temps et je dois dire que Les Collines de la terreur (Chato's Land) m'a très agréablement surpris. Genre de Survival à la ligne ultra-claire mais jamais ennuyeux et très efficace. Belle utilisation des paysages et un très bon casting dont un Jack Palance bien meilleur que dans beaucoup d'autres westerns dans lesquels il a joué. Bien aimé aussi le dernier plan et sa coupe abrupte.
Excellente surprise que ce Chato's land pour moi également. L'argument est simple mais son traitement est très efficace. L'intrigue vite lancée, le film peut poser ses personnages et c'est assez brillamment fait puisque Winner parvient à donner une couleur particulière à chacun des 13 membres de la patrouille qui traque Chato. Le casting y fait car tout le monde est très juste là dedans - tu l'as dit, Palance a rarement été aussi bon -, mais le scénario et la mise en scène doivent être salués aussi, j'ai rarement vu film chorale parvenir à faire exister autant de personnages. En face le personnage de Chato est superbe. Quasi mutique et finalement quasi invisible, il est traité comme une menace quasi invisible qui crée un suspense efficace durant le film. On n'est pas loin de Quand les tambours s’arrêteront sauf qu'il y a un seul indien, et c'est un traitement assez audacieux alors que Bronson est la tête d'affiche du film.
Très belle utilisation des décors aussi. Ils jouent leur rôle menaçant, on s'y repère très bien, et il y a beaucoup de plans visuellement superbes.

Je n'ai pas pu m'empecher de faire un parallèle avec Soldat Bleu devant ce film. Le Winner est également une parabole du Vietnam (La patrouille comme image des USA, menée par un soldat de métier, qui ne peut pas vivre sans guerre et composée de racistes forcenés mais aussi de suiveur qui veulent s'intégrer à la communauté ; l'ennemi qui les amène sur son terrain où ils s'enlisent ; le village brulé ; etc...) mais il est incroyablement moins lourd sur le sujet, et beaucoup plus efficace dans son récit. Winner a une réputation (immérité à mon avis) de bourrin, pourtant il traite tout ça avec une grande subtilité et une grande intelligence, de la même manière qu'il mène son récit, avec une utilisation très intelligente des ellipses et un dernier plan tout à fait remarquable.
Découvert hier Les collines de la terre et bonne surprise pour moi aussi.
Le récit est assez classique, avec une traque où traqueurs deviennent traqués, mais c'est fait avec une limpidité exemplaire. Y'a vraiment pas de gras dans ce scénario qui déroule avec une grande fluidité malgré ses (nombreux) personnages. Tout est vite posé, les enjeux, la caractérisation de chaque membre de la petite troupe, et tout cela va évoluer d'une manière certes assez prévisible mais efficace dans ce que nous raconte le film en recréant une petite communauté.
Et la mise en scène est au diapason de l'écriture, toujours très lisible dans son jeu de cache cache, dans le rendu de cet environnement désertique étouffant, dans les petits regards que les uns et les autres se lancent.

Ca ne m'étonnerais pas non plus qu'un second visionnage dévoile d'autres subtilités de la mise en scène par exemple dans sa différence de filmer Bronson (plus à hauteur d'homme ?) et la troupe de Palance (plus pris de haut ?). Car ce qui me reste en tête c'est un peu cette image décalée, satirique, d'un groupe d'un bonne dizaine d'hommes, fait d'anciens militaires, de rednecks, de suiveurs, parti faire la guerre à un unique indien. Et ça ne va pas se passer comme prévu. Le parallèle avec le Vietnam semble alors assez évident, et plus généralement avec l'aventurisme guerrier qui entends souder toute la communauté national derrière un ennemi désigné.
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