Edmond T. Gréville (1906-1966)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Kevin95
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Edmond T. Gréville (1906-1966)

Message par Kevin95 »

L'ENVERS DU PARADIS - Edmond T. Gréville (1953) découverte

Pour son retour en France après une période britannique, Edmond T. Gréville s'embarque dans un grand mélo des familles, lacrymale à souhait et pas loin de se vautrer dans le précipice du ringard si l'humour n'était pas invité. A croire que le réalisateur est conscient du ridicule de son métrage (pourtant pas une commande puisqu'il a écrit lui-même le scénario) et qu'il déjoua les pièges du genre par une ironie réjouissante et des trouvailles de mise en scène étonnantes. Sur le haut de l'iceberg, l'histoire pompière d'une jeune fille malade sur le point de rendre son tablier et qui s'accuse d'un crime pour sauver l'homme qu'elle aime. Madame et sa fille dans la salle sont contentes mais Gréville ne s'arrête pas là et gonfle son petit village de Côte d'Azur de personnalités dérangées du citron, de quoi donner un peu de saveur à L'Envers du paradis. Tous s'emmerdent, Erich von Stroheim picole comme un trou en balançant ici ou là quelques aphorismes vaseux, Edmond Ardisson gonfle tout le monde avec ses récits de guerre (à peine mensonger) et une baronne organise des projections de films licencieux pour l'amour de l'art. La mise en scène trouve de quoi s'occuper, une bagarre entre deux amants fait sonner des cloches, un rocking-chair condamne visuellement un personnage et les contre-plongées Welles-ien accentuent la bizarrerie du lieu. Même si les larmiches prennent pas mal de place (tout juste rendu savoureux par les parents qui parlent de la mort de la gamine comme on fait sa liste des courses), L'Envers du paradis reste une curiosité pas immonde.
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Commissaire Juve
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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

Message par Commissaire Juve »

Kevin95 a écrit :L'ENVERS DU PARADIS - Edmond T. Gréville (1953) découverte

... pas loin de se vautrer dans le précipice du ringard ...
Perso, j'ai vu le film y tomber et s'écraser comme une vieille m*** ! Incidemment : tu as oublié la musique dégoulinante (avec un pauv thème répété jusqu'à la nausée).
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Kevin95 a écrit :... gonfle son petit village de Côte d'Azur de personnalités dérangées du citron...
Ah oué... la cour des miracles de Saint-Germain-des-Prés transportée en Provence ; pouah !
Kevin95 a écrit :... les parents qui parlent de la mort de la gamine comme on fait sa liste des courses...
"Oh peuchêêre, la pôôvre, tu sais bien qu'elle va mourire* !" Dès cet échange -- très mal écrit ("joué" peut-être) -- on comprend que c'est mal barré.

* à prononcer avé l'assent... "mourireuu.."
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

Message par bruce randylan »

Kevin95 a écrit :L'ENVERS DU PARADIS - Edmond T. Gréville (1953) découverte

Pour son retour en France après une période britannique, Edmond T. Gréville s'embarque dans un grand mélo des familles, lacrymale à souhait et pas loin de se vautrer dans le précipice du ringard si l'humour n'était pas invité. A croire que le réalisateur est conscient du ridicule de son métrage (pourtant pas une commande puisqu'il a écrit lui-même le scénario) et qu'il déjoua les pièges du genre par une ironie réjouissante et des trouvailles de mise en scène étonnantes. Sur le haut de l'iceberg, l'histoire pompière d'une jeune fille malade sur le point de rendre son tablier et qui s'accuse d'un crime pour sauver l'homme qu'elle aime. Madame et sa fille dans la salle sont contentes mais Gréville ne s'arrête pas là et gonfle son petit village de Côte d'Azur de personnalités dérangées du citron, de quoi donner un peu de saveur à L'Envers du paradis. Tous s'emmerdent, Erich von Stroheim picole comme un trou en balançant ici ou là quelques aphorismes vaseux, Edmond Ardisson gonfle tout le monde avec ses récits de guerre (à peine mensonger) et une baronne organise des projections de films licencieux pour l'amour de l'art. La mise en scène trouve de quoi s'occuper, une bagarre entre deux amants fait sonner des cloches, un rocking-chair condamne visuellement un personnage et les contre-plongées Welles-ien accentuent la bizarrerie du lieu. Même si les larmiches prennent pas mal de place (tout juste rendu savoureux par les parents qui parlent de la mort de la gamine comme on fait sa liste des courses), L'Envers du paradis reste une curiosité pas immonde.
Et bien, là aussi, j'ai curieusement bien aimé pour son étrangeté, son mélange de poésie de pacotille, de fatalisme pré-fabriqué, de réalisation artificielle (mais très inventive), de premier et de second degré, de bricolage et de virtuosité... Le tout fini par former quelques chose que je trouve assez touchant et prenant, en tout cas me semble-t-il très personnel même si je ne connais absolument pas le caractère du cinéaste et très peu sa filmographie (ça doit être le 4ème ou le 5ème que je vois).
Mais ça vient surtout du style que du scénario ou de l'interprétation (même si là aussi, l'aspect factice dessine une ambiance irréelle et flottante qui trouve un écho presque inexplicable chez moi).

Et puisque je suis là, quelques mots sur Noose, film de sa période anglaise découvert il y a quelques mois que j'ai trouvé fascinant et admirable avec là encore une grosse influence d'Orson Welles et ses recherches sur la photographie et la profondeur de champ. Ca vire parfois au systématisme mais c'est souvent brillant et certaines séquences ont vraiment de l'allure. De plus le scénario est savoureux, truffé de bons mots, surtout dans la bouche de Nigel Patrick, formidable ici et qui envoie le film dans des dimensions stratosphériques à chacune de ses apparitions.
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Kevin95
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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

Message par Kevin95 »

LES MAINS D'ORLAC de Edmond T. Gréville (1960) découverte

Pitch rigolo, extrait d'un bouquin célébré de Maurice Renard (pas lu) déjà adapté en 1935 par Karl Freund dans son Mad Love (pas vu). Le film d'Edmond T. Gréville s'en contente et ne vise pas la grosse cagnotte. Le première quart d'heure intrigue mais très vite, Les Mains d'Orlac ronronne comme un film d’exploitation 60's, un charme se diffuse pendant que la tension tape un roupillon. C'est du Gréville deuxième période (voir L'Envers du paradis), pas super trépidant mais bizarrement attachant. Mel Ferrer ouvre puis ferme la bouche et se fait rapidement voler la vedette par une Dany Carrel (comme d'habitude) canaille et un Christopher Lee (comme d'habitude) génial (à noter que Cricri parle un français admirable). La révélation est un tantinet foireuse mais qui s'en soucie vraiment ? Les Mains d'Orlac a déjà endormi la moitié du public et bercé l'autre. Pas méchant.
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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

Message par Profondo Rosso »

Je remets ça là

Noose de Edmond T. Greville (1948)

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Sugiani est un truand qui s’enrichit illégalement dans l'après-guerre, semant la terreur dans un quartier de Londres. La journaliste américaine Linda Medbury décide de s'opposer à lui pour dénoncer le meurtre d'une danseuse. Avec son fiancé, Jumbo Hyde, Linda entre dans une guerre des gangs.

Un film noir très original et déroutant qui nous plonge dans le Londres de l'après-guerre. L'identité anglaise du film se fond dans d'autres plus inattendues et offre un mélange des genres détonant tout au long du récit. Cela essentiellement due à la présence du réalisateur français Edmond T. Greville fils d'un couple franco-britannique dont la carrière aura justement navigué entre les deux pays. Assistant de René Clair (après avoir été critique) pour Sur les toits de Paris (1930) ou encore sur Napoléon (1927) d'Abel Gance il débutera sa carrière de réalisateur au début des années 30 et signera plusieurs œuvres remarquées comme Menaces (1939). Noose sera l'un de ses films de reprise après un arrêt d'activité durant l'Occupation et démontre largement son style singulier.

La trame est assez classique avec une journaliste décidant de dénoncer les méfaits d'un duo de truands semant la terreur dans le quartier de Soho à Londres. Le saut entre les genres suit en fait le côté cosmopolite des protagonistes semblant chacun s'être trompé de film. Linda Medbury (Carole Landis) est ainsi une journaliste américaine émigré à Londres dont le bagout et l'énergie en fait plutôt une héroïne de screwball comedy. Son fiancé vétéran de la Deuxième Guerre Mondiale (et première apparition en uniforme à la clé) évoque lui encore un autre genre dans ses attitudes tandis que le témoin gênant Annie Foss (Ruth Nixon) par sa gouaille toute parisienne et son accent français prononcé semble échappée du réalisme poétique français. Le meilleur reste le duo de malfrats où les attitudes de dandy charmeur de l'anglais Bar Gorman (Nigel Patrick surprenant alors qu'il se spécialisera plus tard dans les rôles de flics) contrastent la brutalité de l'émigrant italien Sugiani (Joseph Calleia). Le premier mise sur la séduction, s'occupera plus du business et de la corruption en tout genre quand le second est en charge des basses œuvres, balançant les témoins gênant dans les profondeurs de la Tamise. C'est précisément la victime de trop qui va leur attirer la curiosité de la journaliste.

ImageImageImage

Les écarts de ton sont ainsi constant avec pareil galerie de personnages. L'atmosphère pesante et l'urbanité inquiétante de la mise en image de Greville contraste ainsi constamment avec la légèreté des personnages dans un équilibre ténu, surtout pour les méchants qui prêteraient presque à rire avant qu'un éclair de violence viennent rapidement nous rappeler leur dangerosité. On pense à ce moment faussement décalé où ils viennent intimider Linda chez elle, la discussion badine prenant un tour plus menaçant face à la résistance de la journaliste. Autre moment glaçant quand Sugiani tuera une jeune femme dans un gymnase, où le montage accentue la férocité de la scène la contre plongée sur la silhouette imposante du truand alterne avec la chute brutale de sa victime puis un plan d'ensemble sur l'ombre de ses acolytes face au corps inanimé. Une pure séquence expressionniste (magnifique photo de Otto Heller) mais Greville sait aussi faire naître la tension par l'ellipse avec le terrifiant personnage du barbier (Hay Petrie au physique évoquant aussi une créature échappée de l'expressionnisme allemand) adepte de la torture et de l'étranglement dont la seule évocation des méfaits jette un voile funèbre.

Le film parvient néanmoins à garder une profonde identité anglaise. Il revient plusieurs fois que le mal que les soldats sont parti affronter au front a été retrouvé à leur retour à travers ce grand banditisme. Tout comme le peuple anglais avait su faire front face à la menace nazie, on retrouve à petite échelle cette solidarité lorsque les clubs de boxe s'unissent pour faire tomber minutieusement les affaires de Sugiani et Gorman. Une belle idée mais traitée assez naïvement, d'autant que par son mélange des genres et son accent sur les personnages le film fait un peu trop passer le tout par le dialogue (c'est à l'origine une pièce de théâtre de Richard Llewellyn qui en signe l'adaptation également). Le brio de Greville et les fulgurances visuelles ne compensent pas complètement le côté un peu statique dû au matériau originel notamment le final. Là le gros morceau de bravoure (l'assaut du peuple dans le repère des truands) tombe à plat car penchant trop sur la comédie, les changements de ton qui auront fait le sel du reste du film enlève cette fois toute la tension espérée en dépit de quelques moments amusants (l'actrice perdant ses vêtements au fil des péripéties). A défaut d'être convaincant jusqu'au bout, une tentative très originale et singulière en tout cas. 4/6
bruce randylan
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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

Message par bruce randylan »

Dorothée cherche l'amour (1945)

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Refusé tant au Paradis qu'au Enfer, un dandy trop méprisant durant sa vie est renvoyé sur terre en vagabond pour essayer de faire au moins le bonheur d'une personne. Il croise une jeune femme naïve sur le point de fêter ses fiançailles arrangées avec un homme dont les seuls centres d’intérêts sont les poissons.

Si on met de côté l'introduction du film très abrupte (au point qu'on se demande s'il ne manque pas une bobine), c'est une savoureuse comédie romantique que voila. Le sujet n'est pas inédit ni toujours original dans son déroulement mais le film regorge de trouvailles. Elles sont d'abord visuelles avec ce style si particulier du cinéaste, rempli de décadrages, d'ombres expressionnistes, de diagonales sabrant l'image et de compositions de plans audacieuses. Tout cela est assez rare dans une comédie légère et c'est parfois un exercice de style qui fait office de cache-misère. Par contre, quand le scénario aborde des séquences plus amères ou mélancoliques, l'effet est remarquable comme dans le cabaret sordide où joue un pianiste handicapé. Le film y gagne une certaine poésie qui fonctionne aussi très bien dans des moments plus gracieux comme l’irrésistible jeux de séduction avec le cambrioleur qui déborde d'idées délicieuses et de dialogues savoureux. L'humour est d'ailleurs parfois proche du surréalisme ou du non-sens, et même de l'anarchisme, grâce à quelques seconds rôles comme l'employé des docks philosophant sur la vie et le travail (les bidons) ou le policier.

La verve et la fantaisie font largement oublié une construction proche d'un film à sketch et quelques passages moins inspirés.
Espérons que les louanges de Tavernier sur Gréville donne davantage d'idées aux éditeurs. Ce Dorothée cherche l'amour découvert à la cinémathèque a l'air extrêmement rare à ce titre.
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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

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beb a écrit : 10 avr. 22, 12:06 L'accident (1963)
Dernier film de Gréville avant sa mort 3 ans plus tard qui vérifie l'adage (idiot) que le dernier film est toujours raté.
Drame à trois sur l'ile de Bréhat où l'instituteur tombe amoureux de la nouvelle institutrice qui débarque dans l'ile, au détriment de sa femme (de l'instituteur :mrgreen: )
C'est assez mal joué, le scénario est lourdingue (pourtant d'après le roman de Frédéric Dard) et on se croirait dans un téléfilm de FR3.

Autant je suis impressionné par les 3 films d'avant-guerre que j'ai vu (notamment Remous qui est une merveille), autant ce que j'ai vu de l'après-guerre me déçois beaucoup
A l'occasion, si ce n'est pas déjà fait, essaie Le diable souffle, drame âpre, presque étouffant, avec Charles Vanel, admirablement photographié par Henri Alekan et aussi Quand sonnera midi, film d'aventures exotique célébré sur ce forum par Jack Carter.
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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

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beb a écrit : 10 avr. 22, 12:06 L'accident (1963)
Dernier film de Gréville avant sa mort 3 ans plus tard qui vérifie l'adage (idiot) que le dernier film est toujours raté.
Drame à trois sur l'ile de Bréhat où l'instituteur tombe amoureux de la nouvelle institutrice qui débarque dans l'ile, au détriment de sa femme (de l'instituteur :mrgreen: )
C'est assez mal joué, le scénario est lourdingue (pourtant d'après le roman de Frédéric Dard) et on se croirait dans un téléfilm de FR3.

Autant je suis impressionné par les 3 films d'avant-guerre que j'ai vu (notamment Remous qui est une merveille), autant ce que j'ai vu de l'après-guerre me déçois beaucoup
A l'inverse, je garde globalement un bon souvenir de ce dernier film de Greville. L'intrigue et l'interprétation n'ont en effet rien de transcendant, loin de là même, mais l’œuvre se rattrape côté réalisation et atmosphère, étrange, presque fantastique, avec comme souvent chez le cinéaste, une belle tension érotique sous-jacente (le film est d'ailleurs produit par José Benazéraf).

Et, pareil que John, je trouve son œuvre d'après-guerre tout de même traversée de belles réussites. L'extravagant Quand sonnera midi en premier lieu, mais aussi les productions anglaises Noose et Beat girl, ainsi que le précité Le Diable souffle.
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Re: Edmond T. Gréville (1906-1966)

Message par Jeremy Fox »

Noose, notre film anglais du vendredi.
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