Le Cinéma muet

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alexandre Angel
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Re: Le cinéma muet

Message par Alexandre Angel »

Une petite suggestion à Bruce ou Ann ou à tous ceux qui rendent compte de films vus en fondation ou en thèque, sachant ,qu'après tout, je pourrais très bien faire ce travail tout seul, comme un grand.
Bon nombre de ces films étant inaccessibles pour tous ceux qui n'habitent pas Paris (et quand bien même), vous serait il possible d'indiquer si telle ou telle œuvre est visible sur YouTube, ou sur tel ou tel site, ce qui s'est déjà trouvé?
Et encore une fois, pouvant faire cette vérification tout seul, je comprendrais que vous n'y souscriviez pas.
Mais j'avoue que ça m'intéresserait bien que ce soit mentionné systématiquement le cas échéant..
Et bravo encore pour votre très précieux travail :D (#pommade)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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bruce randylan
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Roh le fainéant ! :P

Bon, je tâcherai de checker ça les prochaines. En tout cas, sache que beaucoup de films italiens abordés dernièrement sont visibles sur YT ou Viméo, parfois via des comptes officiels. Y-a pas toujours des intertitres autre qu'italiens. J'ai vu qu'Il Fauno était visible par exemple mais je n'ai pas regardé la qualité.
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Alexandre Angel
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Re: Le cinéma muet

Message par Alexandre Angel »

bruce randylan a écrit : Bon, je tâcherai de checker ça les prochaines. .
Je t'en sais super gré :D
Cela dit, même si une certaine fainéantise n'est pas à exclure :mrgreen: , elle n'est pas la raison principale de ma suggestion.
Je me suis réellement pris à "visualiser" cela comme une plus value à des compte-rendus comme les tiens. Je lis ton texte et, pour peu qu'il soit favorable au film (donc qu'il donne envie), le plaisir d'être renseigné à son sujet pourrait être rehaussé encore par l'assurance qu'on peut le consulter dans la foulée (je pense surtout aux films courts). Ce serait comme une invitation à partager quelque chose, tu vois? Plutôt que ça reste lettre morte....comme une langue morte.
Parce que tout de même, je trouve affligeant que le cinéma muet (qui n'est absolument pas un genre!) prenne la poussière et les toiles d'araignée dans notre imaginaire alors qu'il a tant à donner.
Et le premier que je sermonne à ce sujet, c'est moi-même qui suis, pour le coup, devenu paresseux dans ma fréquentation des films d'avant 1929. Alors qu'il suffit d'un petit effort d'adaptation, comme un cycliste qui changerait de braquet, pour prendre son pied.
Mais je ne t'apprends rien :wink:
Tiens, j'ai regardé Tumbleweeds, de King Baggott et William S.Hart, sur YT. La séquence de ruée vers l'Ouest, putain, quelle claque :shock:
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Re: Le cinéma muet

Message par The Eye Of Doom »

Jack Carter a écrit :
Jack Carter a écrit :2 muets (1 moyen et 1 court metarge le 7 mars
Shoes (Lois Weber, 1916), moyen metrage de 50 minutes, suivi d"un court de 10 minutes, Suspense, de la meme realisatrrice
avis enthousiaste de bruce : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... &start=990
Vu hier.
Excellent film dont on regrette vraiment que la pellicule soit si abîmée sur la dernière partie.
On est surpris par le ton sobre, dramatique sans être outrée, la justesse et l'efficacité dans la description dès situation et personnage, le jeu moderne de l'actrice, le côté documentaire de la plupart des séquences : le magasin, le square du quartier, ....
Il y a tout ce qui fait le meilleur du muet.
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Détour par l'Europe de l'est avec de du Tchèque, du Letton et de l'autrichien (ça commence comme une blague belge) découvert lors de Toute la mémoire du monde pour le premier et à la fondation Pathé pour les deux autres.

Séduction / Erotikon (Gustav Machaty - 1929)
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Un homme de passage dans une petite se fait héberger le temps d'une nuit dans la maison d'un garde barrière. Profitant de son absence, il séduit sa fille qu'il abandonne dès le lendemain. Quelques mois plus tard, la jeune fille, déjà traumatisée par sa déception amoureuse, apprend qu'elle est enceinte.

Jusqu'à ce que le film commence, je croyais voir Extase en me disant que j'allais enfin découvrir le rôle qui rendit "célèbre" Hedy Lamarr. Et bien non, ça sera pour plus tard et mine de rien ce malentendu résume bien la situation dans lequel est tombé le cinéaste Gustav Machaty, réduit à un titre, pas forcément pour les bonnes raisons, et faisant office d'arbre cachant la forêt. C'est fort regrettable puisque Séduction est une vraie merveille, le genre de film qui fait une fois de plus constater que le cinéma muet avait atteint une plénitude et une sophistication dans son langage. La photographie est somptueuse et très raffinée avec des contrastes très marqués, le sens du cadre est souvent inventif représentant uniquement par l'image des conflits psychologiques et la caméra se permet quelques mouvements audacieux comme lorsqu'elle est accrochée au buste du Don Juan, cadrant son visage qui se penche sur sa "proie" allongée sur son lit. Et on est plusieurs décennies avant Seconds ou Le destin d'un homme ! Le plan est d'ailleurs très court et le cinéaste ne cherche pas à épater la galerie. Il est toujours centré sur ses personnages. Le début est ainsi d'une sensualité extraordinaire où l'on ressent les palpitations et ses accélérations, la montée du désir et l'attraction des corps avec quelques métaphores très subjectives sur l'orgasme (goutte d'eau en très gros plan sur le carreau d'une vitre suivi d'un plan sur une fleur sur le rebord de celle-ci).
Une première partie qui n'a absolument pas à rougir de ses presque 90 ans et qui a de quoi en apprendre à bon nombre de cinéastes en activité.

La suite est moins novatrice car plus centrée sur la désillusions, les tensions dramatiques et les doutes qui assaillent chacun des 3 personnages principaux. L'écriture est à ce titre complexe, ne cédant à effets ou formules faciles. Le climax est pour ainsi dire une partie d’échec habilement découpé. On n'est ainsi pas dans le mélodrame tragique mais le lyrisme contenu et le frémissement intérieur pour une intensité dramatique particulièrement touchante pour son trio (voire quatuor) prisonnier de leur passion, très bien définie par la construction du scénario parfaitement crédible malgré plusieurs raccourcis.

Et l'accompagnement musicale était excellent avec un groupe blues-rock qui avait parfaitement compris le film sans chercher à surligner chaque émotion. La restauration date un peu (fin des années 90) et ça doit être la même copie qui traîne sur internet (trouvable on ne peut plus facilement mais avec les cartons en tchèques)

The bearslayer / Lacplesis (Aleksandrs Rusteikis - 1930) provient donc de Lettonie pour une œuvre nationaliste dont la construction rappelle un peu les grosses production américaines où l'histoire contemporaine est mise en parallèle avec des faits historiques ou mythologiques (comme chez Cecil B DeMille ou dans l'Arche de Noé de Michael Curtiz).
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Les séquences "mythologiques" sont ce qu'il y a de plus intéressant, assez travaillé visuellement avec une nette influence du cinéma expressionniste, des maquillages remarquables et des travellings bien exploitées. Comme c'est ce qui ouvre le film, je suis parti confiant et même vraiment surpris par sa bonne tenue technique... avant de trouver le temps un peu long face aux séquences militaires et guerrières interchangeables qui vont ensuite s'enchaîner durant 80 à 90 minutes. Aucun personnages n'est attachant, et même existants, et la méconnaissance de l'histoire du pays n'aide pas à comprendre cette évocation de combat des Lettons pour leur liberté face aux allemands et aux russes (le pays fut en guerre ou occupé encore 2 ans après sa déclaration d'indépendance).
Il est tout de même indéniable de nier le budget conséquent, l'atmosphère de certains séquences, son rythme soutenu ou la compétence des professionnels locaux et ça m'a paru bien plus aboutis formellement que Les jeunes aigles, seul autre muet que je connais des pays baltes (Estonie) et qui passe également en ce moment à la Fondation Pathé (mais dans un accompagnement musical plus conventionnel qu'à la cinémathèque).
La aussi, ça se trouve sur YT mais faut connaître la langue puisque les intertitres sont dans la langue de Jānis Akuraters (j'ai pris le premier écrivain letton que j'ai trouvé :mrgreen: ). Qualité médiocre par ailleurs mais même dans la copie diffusée aurait méritée une restauration plus poussée.


Je termine par l'autrichienne La petite Véronique (Robert Land - 1930)
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Sur le papier, absolument rien d'original où une jeune et naïve campagnarde est envoyée à Vienne chez sa tante et ne va pas tarder à être confrontée au cynisme et la débauche de cette grande ville.
Histoire vue et revue et qui passe cette fois-ci très bien grâce déjà à la qualité de son interprétation et surtout une excellente mise en scène de Robert Land. J'en suis le premier surpris puisque j'avais trouvé très décevant Je baise votre main madame qu'il avait tourné un an avant et qui manquait cruellement de personnalité. Aucun de ces problèmes dans ce film qui bénéficie d'une elle sensibilité qui s'attache à transcrire la perception du monde par la petite Véronique avec une photographie lumineuse, un recours fréquent à des focales inhabituelles et un sens du cadre inspiré qui sublime les extérieurs du village natal, au pied des chaîne des montagnes. La ville provoque au contraire une effervescence et une excitation qui passent par des cadrages plus larges qui multiplient les plans en mouvements sur les véhicules et les vues plongeantes sur l'activité dans rues, sans parler des scènes de bal.
La mise en scène et la photographie font vraiment de l'héroïne une véritable sainte, saisie parfois par des éclairages qui l'enveloppent de halo lumineux à la blancheur virginale.
Cette attention portée sur Véronique évite au film de tomber dans une pure démonstration moralisatrice. Par exemple, après sa nuit d'amour Véronique n'a rien perdu de sa candeur contrairement à d'autres représentants du genre qui sorte tout de suite la carte de la culpabilité ou du regret. C'est davantage l'incompréhension accusatrice de la société qui provoque son désespoir ; accusation hypocrite puisqu'on devine bien que les voisines de la tante ont toutes connues le même destin et que la ville de Vienne ne propose de toute façon pas beaucoup d'autres possibilités d'"émancipations" et d'indépendances financières.
Seule la conclusion des 5 dernières minutes m'a paru un peu téléphoné avec un personnage sorti de nulle part au dernier instant pour créer un happy end trop facile.
Malheureusement, le film est plus difficilement visible mais sa (très belle) restauration est encore très récente, en 2016. Faut peut-être patient et croiser les doigts.
Dernière modification par bruce randylan le 13 juin 18, 00:43, modifié 1 fois.
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Alexandre Angel
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Re: Le cinéma muet

Message par Alexandre Angel »

bruce randylan a écrit :Le début est ainsi d'une sensualité extraordinaire où l'on ressent les palpitations et ses accélérations, la montée du désir et l'attraction des corps avec quelques métaphores très subjectives sur l'orgasme (goutte d'eau en très gros plan sur le carreau d'une vitre suivi d'un plan sur une fleur sur le rebord de celle-ci).
Ah ouais, c'est sacrément chaud le début! :shock: (ces baisers sur le doigt!)
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Après l'année 1917, La cinémathèque incrémente et propose un cycle autour de l'année 1918

Le Million des sœurs jumelles (Million Dollar Dollies - Léonce Perret - 1918).
Je me faisais un plaisir de découvrir un nouveau titre du cinéaste français (exilé ici au USA) et il faut rapidement se faire à l'idée : c'est un navet. Pas le plantage, la petite oeuvrette commerciale et bon enfant ; non, non... Le bon gros navet insipide d'une idiotie même pas drôle où deux jumelles bécasses sont embauchées par un inconnu pour se rendre dans une maison mystérieuse où un sultan hypnotise son neveu pour qu'il trouve son épouse repoussante. De quoi se demander de nombreux fois "mais pourquoi ?"
Mais rien n'est expliqué ni justifié dans ce scénario grotesque (écrit par Perret !) qui essaye vaguement de cacher sa vacuité derrière un second degré auto-parodique. Ça ne fait pas illusion et on s'ennuie de pied ferme dans cette "comédie" qui tourne en plus en rond très rapidement dans ces deux-trois décors vaguement exotiques.

Et même pour du Perret qui s'offrirait une récréation, le travail est indigne de sa personne avec une photographie généralement sans caractère où ressortent toute de même 3-4 plans mieux éclairés. Maigre pitance.
Même si ça me fait une belle jambe, ça m'aura fait au moins découvrir les Dolly Sisters, de vraies jumelles qui ont eu leurs heures de gloires comme danseuses et comédiennes dans les années 1910-1920 entre l'Europe et les USA. Le Million des sœurs jumelles est l'un des rares films où elles sont apparues.

Film très rare, et il peut le rester.
Dernière modification par bruce randylan le 13 juin 18, 00:48, modifié 1 fois.
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Retour à la Fondation Pathé avec le dernier film de leur mini-cyle sur les pays baltes avec de nouveau l'Estonie

Tchekist Commissar Miroschtschenko (Paul Sehnert - 1925)
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Sous occupation soviétique, des estoniens attendent de pouvoir rentrer chez eux. Le chef de la division communiste du village profite de son rang et du climat de répression autour des opposants politiques pour se rapprocher d'une jeune femme en faisant pression sur sa famille.

Un film très étonnant par sa violence, voire son sadisme, et sa critique très virulente du communisme même si elle charge avant tout son autoritarisme pour retranscrire avec réalisme (du moins j'imagine) le climat de l'époque : les dénonciations anonymes de jaloux pour se débarrasser de personnes "gênantes", les arrestations sans preuves, les conditions d'emprisonnement précaires, les séances de tortures, les exécutions sommaires, la direction du parti local qui vit dans la débauche et les excès alors que la population vit dans la misère... Tout cela gravite autour du chef qui multiplie les tentatives de chantage sur l'héroïne qu'il désire et qu'il finira par violer pour la délaisser cyniquement juste après. Ses adjoints ont eux aussi compris comment profiter du système et supprimer leurs opposants (pas seulement politiques). Ca a devient presque un gimmick d'ailleurs.
Il y a vraiment plusieurs moments assez glaçant, pour ne pas dire dérangeants, entre la séquence du viol et les tortures.
Il n'y que la fin qui semble souffrir de concessions bancales et stéréotypée avec quelques rédemptions sous forme de deux ex-machina trop faciles et pas forcément toujours cohérents sur la nature des personnages.
Impossible de trouver des informations sur le cinéaste Paul Sehnert qui semble-t-il n'aurait réalisé que ce seul film (après avoir été acteur pour un unique film). Pas même ses dates de naissance/mort.
Son film tient en tout cas la route visuellement. Les intérieurs trahissent un budget insuffisant mais il y a quelques très beaux plan d'extérieurs avec des travellings qui saisissent bien la réalité sociale et économique de son pays. Et le film possède souvent des petit détails qui encrent bien la réalité de l'époque. De plus la direction d'acteurs est plutôt solide, sans trop de cabotinage de la part des "méchants". Quelques moment sont plus maladroits dans le découpage mais je me demande si ça ne proviendrait pas de la censure.

Je regrette pas le déplacement d'autant que le film est très rare et invisible.
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Ah, je viens de retrouver ça que j'avais oublier d'évoquer durant Toute la mémoire du monde : un focus sur le studio de production Balboa.

A cause d'un manque de problème de distribution, les productions Balboa n'ont été que peu vu, malgré une critique plutôt élogieuse sur leur qualité plastique. Par chance, l'une des rares société à avoir acquis leurs films fut la Société Pathé Exchange, ce qui a permis à la France de conserver une douzaine de titres son catalogue qui mérite qu'on s'y penche pour avoir hébergé en son sein les débuts d'Henry King derrière la caméra. Avant ce passage derrière la caméra il était déjà l'un des acteurs phare du studio et on le retrouve justement dans deux titres présentés dans ce programme Balboa.

Maid of the wild (Sherman Macdonald -1915) est toutefois assez anecdotique, très conventionnel dans sa structure construit sur l'opposition Ville/campagne (ou plutôt east/west), sujet presque aussi vieux que le cinéma américain : une jeune fille vivant dans la forêt épouse un millionnaire de passage qui l’emmène dans une grande ville. Les grandes lignes du scénario sont conventionnelles et en grande partie prévisibles. De plus sa durée de 40 minutes ne lui permet pas de développer ses personnages hors des clichés avec notamment une fin précipitée peu satisfaisante. Pour autant, le film essaye de nuancer ses personnages avec un trio qui aurait pu être largement plus manichéen et à l’interprétation plus outrée. De plus, un certain soin a été accordé à la photographie même si l'état de la copie ayant survécu n'en restitue d'une fraction.
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L'héritage convoité / the coveted heritage (Bertram Bracken – 1915) est mieux préservée et permet de davantage profiter de la qualité de sa direction artistique d'autant qu'il est également plus ambitieux formellement avec une volonté de travailler la profondeur de champ voire d'innover. C'est le cas avec un flash-back évoqué en split-scréen lors des derniers instants d'un homme riche qui confie un secret à son avocat. L'effet est non seulement original et habile pour l'époque mais il est complexifié par de nombreuses ellipses, nécessitant plusieurs fondus enchainés à l'intérieur de ce même split-screen.
De manière générale, la photographie joue beaucoup des sources de lumière extérieur. Par contre, et contrairement au précédent, c'est le développement du scénario qui est très décevant avec des raccourcis et des facilités éhontées, privant l'intrigue de toute crédibilité.
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

De retour à la CF pour le cycle "1918"

The Lure of the Circus (J.P. McGowan - 1918)

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La curiosité est un vilain défaut.
Je me suis laissé tenter par la rareté du film et l'évocation d'un tournage dans le célèbre cirque Barnum et Bailey. La désillusion a été rapide et immédiate : il s'agit d'une version condensée des quelques bobines existantes d'un sérial de 18 épisodes. La moitié des 70 minutes sont des cartons explicatifs qui résument laborieusement l'intrigue, illustrés de quelques plans brefs des comédiens évoqués. Découragement garanti. Le dernier tiers qui a l'air de présenté le(s) dernier(s) épisode(s) en intégralité (ou s'en approchant) est à peine mieux mais on reste dans du sérial vraiment médiocre, sans idée ni surprise. A peine le sens du mouvement pour des rebondissements remplies de facilités et d'incohérences. On y retrouve son lot de courses contre la mort, kidnapping, piège, fusillades, maison sur le point d'exploser, trappe dérobée et poursuite en voitures. Déjà la routine en pilotage automatique.

Finalement, il n'y a bien que les quelques plans réellement tournés dans le Cirque Barnum et Bailey qui offre un certain sens du spectaculaire avec son chapiteau gigantesque et ses trois pistes bourrées d'acrobates virevoltant en tout sens.
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Toujours dans ce cycle 1918
Bas les masques / The huns within (Chester Withney - 1918)

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Pur film de propagande, Bas les masques portent les traces de son scénariste D.W. Griffith (qui le signa sous pseudonyme) : moralisateur, assez manichéen, bons sentiments et un gros morceau de bravoure sous forme d'une course contre la montre désespérée qui se déroule sur plusieurs endroits en même temps. Ce final occupe un bon quart du récit, heureusement d'ailleurs, car ce qui précède est assez laborieux avec une histoire qui n'avance que par ses cartons, bien trop nombreux, qui alourdissent la narration, platement illustrée et peu inspirée dans leur compositions et éclairages.
Le cinéaste n'a clairement pas la carrure de son scénariste et on attend un peu longuement que le film prennent enfin son envol, même si on n'attend rien des personnages, sans saveur et trop caricatural. Bon point tout de même, les acteurs ne surjouent pas, à part quelques moments près (des épisodes plus dramatiques).
Le dernier acte vient nous récompenser de cette attente. Dénué du génie de Griffith, on se contentera davantage d'une dimension sérial, assez prenante et trépidante bien que régulièrement idiote tel les péripéties autour de la cellule dans la cave ou la bombe dans une thermos. Mais ça ne manque pas de panache dans l'accumulation de rebondissement.

Je ne regrette pas le déplacement à Bercy d'autant qu'il doit s'agir de la seule copie existante (imdb le liste même comme un film perdu !)
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Reprise de la Fondation Pathé avec un programme d'un mois consacré aux pionnières du cinéma (Germain Dulac, Loïs Weber, Alice Guy, Alla Nazimova, Musidora, Mary Pickford...)

Flickan I Frack / Girls in Tails (Karin Swanström - 1926)

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Katja, une étudiante talentueuse, est amoureuse d'un camarade de classe qu'elle aide à obtenir ses diplômes. Quand celui-ci lui reproche son style vestimentaire trop négligé, elle regrette d'avoir régulièrement donné son argent de poche à son jeune frère, un dandy, d'autant que son père refuse de lui payer une nouvelle robe.

En parallèle de sa carrière de comédienne, Karin Swanström réalisa 6 films entre 1919 et 1926. Seul deux ont survécu (plus une troisième partiellement) dont ce Flickan I Frack, son ultime passage derrière la caméra. Une comédie (dramatique) surprenante dans son sujet mais pas pleinement satisfaisant. La mise en place est déjà un peu trop longue et aurait mérité d'être condensé d'une vingtaine de minutes car le film commence réellement au bout de 45 minutes lors d'une scène réjouissante où Katja s'habille comme un homme lors d'un bal pour montrer sa révolte envers son père et la société.
Bien que très original - et moderne - thématiquement (égalité homme-femme, désir d'émancipation et d'indépendance, mentalités moralisatrices...), l’exécution laisse un peu à désirer et manque de mordant et d'ironie. C'est au final le principal défaut d'un film finalement assez sage et illustrative pour une réalisation trop timorée et superficielle. Le scénario parait survoler finalement son sujet contrairement au livre qui semble allait plus loin.
Ca demeure cependant tout à fait plaisant et léger sans qu'on puisse jamais dire qu'on s'y ennuie grâce à Magda Holm à la fois pétillante et fragile dans le rôle titre. Il y a aussi quelques jolis extérieurs sur le bord d'un fleuve, une certaine décontraction qui cherche à éviter le mélodrame et une certaine justesse à dépeindre les carcans de ce petit village. Sans oublier donc un engagement sincère.

Par contre, l'accompagnement était pour une fois très décevant avec un pianiste (qui ne venait pas de l'école d'improvisation de Zygel) jouant comme déconnecté du film et de son style. C'était non seulement trop répétitif maissurtout trop lent et grave, étouffant la fraîcheur de nombreux moments. Vraiment dommage.

A noter qu'un remake fut tourné en 1956
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Dorothy Vernon of Haddon Hall (Marshall Neilan, Mary Pickford - 1924)

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Alors qu'ils avait été promis leur enfants respectif à un mariage, les chefs de deux clans voisins deviennent ennemis peu avant la cérémonie. Mais leurs progéniture se rencontrent par hasard et malgré les interdits et tombent amoureux. La situation est rendu encore plus compliqué avec un complot politique.

Mary Pickford s'associe une nouvelle fois avec le réalisateur Marshall Neilan dans ce film historique qui se rapproche davantage de l'esprit de ceux de son mari Douglas Fairbanks. Comme un parrainage avoué, c'est d'ailleurs Fairbanks qui sert de doublure à Allan Forrest quand celui-ci est torse nue, de dos (car plus musclé). Il s'agit donc d'un film d'aventures entre comédie, romance et cape et d'épée pour un ton frais, décontracté et enlevé. Après, Marshall Neilan, malgré tout son professionnalisme, n'est pas Allan Dwan et Dorothy Vernon of Haddon Hall manque un peu de panache et de mouvement. La dimension historique est plutôt bien intégré au récit au début avec les références à la Reine Elizabeth et Marie Stuart mais quand elles deviennent des personnages à part entière du récit, l'écriture devient un peu trop mécanique et souffre de plusieurs invraisemblances et facilités. Leurs interprètes respectives n'ont pas assez de temps de présence suffisante à l'écran pour être crédibles. On a du mal à se dire qu'il s'agit d'autre chose que d'artifices supplémentaires.
Cela dit, pour voir que le film dure 2h15, on ne s'ennuie jamais grâce à sa reconstitution, ses costumes (signé Mitchell Leisen qui conçut pour l'occasion la robe la plus cher jamais faîte), au charme des comédiens, à un mélange des genres bien dosé et une seconde moitié, certes peu crédible, mais assez haletante avec par exemple une course contre la montre à cheval nerveuse et spectaculaire. Et puis ça fait plaisir de voir Mary Pickford dans un registre un différent dans une femme de caractère, espiègle et vaillante. Même si je suis loin d'avoir fait le tour de sa carrière, forcément.

Le film a été restauré par la Cinémathèque de Bruxelles mais j'ai pas l'impression que la copie a servi pour le DVD américain qui semble bien médiocre.
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Message par bruce randylan »

Deux suédois de Gustav Molander :

L'Héritage d'Ingmar / Ingmarsarvet (Gustav Molander - 1925)

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Une jolie photographie influencée par la peinture et des extérieurs très "école suédoise" mais c'est à peu prêt tout ce que j'en retiens. Je n'ai pas réussi à rentrer dans une histoire où la religion et la foi tiennent une grande place. Le film parle d'une petite communauté de fermiers qui hésitent à suivre un pasteur qui les encourage à aller en Terre Sainte d'où il revient.
Au delà de l'histoire, il y avait aussi un coup de fatigue personnelle (un film muet à 14h00, c'est jamais pratique :oops: ) qui fait que j'ai eu du mal à me retrouver dans les nombreuses sous-intrigues. Je me suis donc plutôt rattaché aux images, souvent magnifiques avec en premier lieu une scène de tempête qui vire au cauchemar collectif quand les villageois imagine des démons, cachés dans les nuages sombres ou les arbres tourmentés par les bourrasques. Il y a une beauté plastique digne de Gustave Doré ou Goya.

Pêché / Synd (Gustav Molander - 1928)
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Désespère de voire son épouse faire vivre la famille, un écrivain sans succès est finalement contacté par un théâtre pour produire sa dernière pièce. La comédienne principale tombe amoureuse de lui et fait tout pour le séduire.

Cette production germano-suédoise se déroulant à Paris est autrement plus traditionnel que le précédent, moins original aussi, mais accroche immédiatement par la chaleur et la sensibilité du traitement, la justesse de l’interprétation et une réalisation précise et délicate. On pense un peu dans sa première partie à la Vie de bohème revu par Borzage (comme dans le Seven heaven, le héros passe d'un appartement à l'autre en empruntant des corniches).
Les différents personnages sont vivants, attachants pour des séquences qui dosent à merveille émotion, complicité, humour, le tout sans précipitation.
C'est donc un peu dommage que la seconde moitié bascule quasiment dans un nouveau film avec l'écrivain et sa maîtresse qui se demandent s'il ne faut pas se débarrasser du fils du premier. Ca donne une (trop) longue séquence, pas inintéressante avec une narration à la "Rashomon" où des petits flash-backs se complètent. Même si la réalisation y apporte des variations intelligentes dans les contrastes ou les cadrages qui montrent les différences de perceptions, on a un peu trop le sentiment d'avoir basculé dans quelque choses de différents, limite hors-sujet par rapport au début du film. Ce que confirme la dernière séquence qui renoue in-extremis avec la tendresse initial.
Malgré ses deux heures pas toujours équilibré dans sa construction bancale, il y a tout de même suffisamment de qualités pour le recommander. De ce que je connais du cinéaste (3 muets et autant de parlant), c'est clairement ce qu'il a fait de mieux.
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bruce randylan
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Encore un suédois : Le plus fort / den starkaste (Alf Sjöberg et Axel Lindblom - 1929)

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Un marin sans travail est embauché comme homme à tout faire dans une exploitation agricole dont le propriétaire organise des expéditions pour aller chasser les ours et les phoques. Mais le marin et un proche de la famille sont tous deux amoureux de la même femme, ce qui crée une rivalité au moment du départ.

Nouvelle merveille venue de Suède pour un drame à la beauté picturale époustouflante.
Les paysages sont divinement cadrés et photographiés avec une palette de nuances grises exquises qui ravissent plans après plans. Bien qu'assez tardif, on est toujours dans l'esprit de l'école suédoise de Sjostrom/Stiller & cie et pour son premier film Alf Sjöberg (bien épaulé par le directeur de la photo Axel Lindblom) n'a absolument pas à rougir de ses aïeux en faisant preuve d'un admirable sens des composition tout en captant la vie et le rythme paysan. Il profite des intérieurs plus confinés pour travailler les relations entre les personnages et les tensions qui en découlent.
La seconde moitié est davantage un film d'aventures véritablement filmé sur la banquise (où les animaux se font donc vraiment abattre :? ) entre Flaherty et le survival.
Par la configuration même des paysages, de la lumière et des conditions de tournages, les plans sont un peu moins inspirés et lyriques mais demeurent régulièrement impressionnants et immersifs. De plus la direction d'acteurs est excellente avec une sobriété qui donne une violence contenue perpétuellement au bord de l'explosion.

Et ce qui ne gâche rien, la restauration est magnifique pour une définition et un piqué superbes.
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