Andrzej Wajda (1926-2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Roly Poly ( Przekladaniec - 1968 )

Assez marrant ce court-métrage produit pour la télévision. C'est une parenthèse absurde et GeorgeOrwellienne de 35 minutes où dans une futur indéfini, la science a fait de telle progrès que toutes les greffes sont possibles et réalisables. Un coureur automobile en fera les frais en se retrouvant avec un tiers des organes de son co-pilote mort dans un accident de voiture. Ce qui pose plus de problèmes que prévu

C'est très drôle et Wajda pousse sa logique jusqu'au bout pour des situations que n'auraient pas renié les Monty Pythons ( "Vous n'allez touché que 70 % de son assurance vie puisque 30% est toujours vivant grâce en vous. Par Ailleurs, sa femme demande maintenant que vous payez sa pension alimentaire puisqu'on vous a greffé son organe reproducteur" ou encore "vous allez être au main du meilleur expert de ce genre d'opération. L'an dernier il est intervenu sur un accident de bus avec 13 passagers. Après l'opération on a compté 14 survivants. Bon, ça a posé quelque problèmes administratifs pour celui qui n'existait pas avant : l'identité, lui trouver une famille... mais quel génie quand même" :lol: ).

Récréation donc mais très ludique avec une bonne utilisation du noir et blanc et des décors vides ou aseptisés pour un monde plus intéressé par la performance que par l'humain ou l'émotion.



Ensuite était projeté un autre production pour la télévision Dead Class ( Umarla Klasa - 1977 ) qui une captation d'une pièce de Tadeusz Kantor.

Je me suis barré au bout de 30-40 minutes. Tout simplement imbuvable de complaisance d'autisme auteurisant avant-gardiste contemporain d'auto-complaisance métaphorique abstraite etc....
Au bout de 3 minutes, mon cerveau avait grillé un fusible pour se prémunir de tant de prétention à gerber.

C'est typiquement le genre de truc qui définit les limites de mon ouverture d'esprit. Bref, j'ai essayé d'être patient, de prendre mon mal en patiente, voire même de dormir... tout juste impossible : toutes les 5 minutes les espèces d'acteurs constipés qui gesticulent tout le temps avec leurs gros yeux se mettent à gueuler de façon très stridente pendant 10 minutes...

Bref, je me suis cassé à mi-chemin... Deuxième fois que ça m'arrive de sortir d'une séance ( le premier c'était Tideland de Terry Gilliam )
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Les noces ( Wesele - 1973 )

Le genre de film à l'identité culturelle trop prononcée pour que je puisse rentrer dans le scénario ou adhérer aux personnages. Il faut bien connaître l'histoire polonaise pour en saisir les nuances, les références, les métaphores et comprendre les motivations des protagonistes... En plus l'approche est très littéraire ( ou théâtral, j'en sais trop rien finalement ) où les acteurs ne font pas dans la retenue en gesticulant, hurlant et grimaçant à tout va.
Je me suis donc senti totalement hermétique, et très rapidement, à ces noces qui possèdent pourtant un facture visuelle très travaillé avec des couleurs chaudes, ses moments suspendus proche du fantastique, ses accélération brusques, ses danses tourbillonnantes, ses personnages haut en couleurs ( et assez caricaturaux ) etc...

Mais bon, rien n'y fait. Les noces est un peu mon divorce avec les films célébrant trop ouvertement l'âme polonaise.
( j'ai toujours eut du mal de toute façon avec le sentiment de patriotisme ou de nationaliste ).


Voilà, je crois avoir fait le tour des films vus lors de cette rétro qui aura passionné les foules ici bas. :mrgreen:
J'en ai raté pas mal qui me tentaient beaucoup mais qui existent le plus souvent en zone1 comme la terre promise ou Samson.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Andrzej Wajda

Message par julien »

J'y serais bien allé à cette rétrospective autour de Wajda mais j'habite trop loin de la cinémathèque. En tout cas ton compte rendu était intéressant. Je me rends compte d'ailleurs qu'il y aurait pas mal de films de Wajda à éditer en dvd. En particulier La Croisade Maudite qui est pratiquement jamais diffusé.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Avatar de l’utilisateur
AtCloseRange
Mémé Lenchon
Messages : 25398
Inscription : 21 nov. 05, 00:41

Re: Andrzej Wajda

Message par AtCloseRange »

Kanal
C'est un quasi découverte du cinéma de Wajda (je n'ai vu que Danton).
Le film raconte les dernières heures d'un bataillon d'insurgés de Varsovie. Si la première moitié m'a intéressé sans toutefois me passionner (avec quelques morceaux de bravoure comme le long travelling de présentation initial ou l'acte de bravoure de Jacek aboutissant à sa blessure), c'est la deuxième qui m'a complètement bluffé. En s'engouffrant dans les égoûts pour ne plus en sortir, le film prend une tonalité quasi fantastique jouant sur les ombres, la fumée, les bruits étranges liés aux résonances. La folie et la mort rôdent et semblent inéluctables. Sans oublier un absurde (voir la fin) typique des pays de l'Est.
Choc esthétique donc et grosse découverte d'un cinéaste dont je me faisais sans doute une idée fausse à cause de ses classiques "politiques" des années 70-80. J'ai hâte de voir Cendres et Diamants maintenant.

Mention spéciale à Teresa Izewka en déshabillé dans les égoûts

Image
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Andrzej Wajda

Message par julien »

La Croisade Maudite (1967)

Image

Au début du XIII siècle, des milliers d'enfants et d'adolescents, répondant à l'appel d'un jeune berger, illuminé par la parole divine, quittent leur villages en direction de la terre sainte...

A l'époque de sa sortie, Wajda considérait ce film comme l'un de ses plus mauvais. C'est peut-être pas sûr. Surtout que depuis il en a réalisé d'autres. Probablement à cause de nombreux problèmes liés à la co-production avec l'Angleterre, le cinéaste semble avoir pas mal pataugé sur l'écriture du script, qui manque d'une direction moins affirmée que dans ses précédents films. Il parait aussi que l'adaptation de la nouvelle de Jerzy Andrzejewski, aurait été également mal retranscrite à cause de la traduction, en langue anglaise.

Au final, il en résulte un objet curieux mais finalement assez passionant, si on prend davantage le film, pour un conte allégorique. Le film brasse de nombreux thèmes, comme la religion, l'innocence, le désir, le péché... et regorge de symboles en tout genres, que les esprits curieux pourront interpréter de multiples façons. On peut aussi voir d'ailleurs dans cette marche des enfants, un peu les prémices de l'émancipation de la jeunesse, et des mouvements de contestations sociales qui conduiront ensuite aux évènements de mai 68... Loin d'être un simple film historique, le film aborde des idées, qui peuvent encore d'ailleurs trouver écho dans la société moderne contemporaine. Il y a aussi, une dimension absurde et dérisoire qui traverse tout le film, lorsque l'on comprend progressivement, que les réelles motivations qui animent les adolescents à intégrer le cortège semblent plus d'ordre personnelle ou charnelle que spirituelle et morale.

Ce cortège, guidé par deux singes et qui part en direction de la terre sainte, semble d'ailleurs n'aller nulle part ; On traverse toujours les mêmes paysages, arides et montagneux, comme si la quête de ses enfants, entrainés dans une folie collective, et une passion irraisonnée, était d'emblée vouée à l'échec.

Filmé d'un seul tenant, dans de longs travellings, le film s'avère à la longue assez répétitif, car Wajda réitère toujours un peu le même procédé en filmant tour à tour, la confession des adolescents au moine franciscain, le seul membre à peu prés lucide du groupe. L'usage fréquent du flash-back s'avère néanmoins une idée ingénieuse et permet une construction narrative plus rythmique et moins monotone.

L'épilogue fait un peu songer à une satire religieuse, lorsque l'on apprend que la parole divine, reçu par le jeune berger, initiateur de la croisade, s'avère être celle d'un seigneur pédéraste, qui aurait abusé de sa crédulité. Mais sur ce terrain là, Wajda - tiraillé sans doute pas les exigences de la production - se révèle finalement plus timoré et moins corrosif que Pasolini ou Buñuel. On se plait d'ailleurs à imaginer ce que le réalisateur de La Voie lactée et de Los Olvidados aurait pu développer avec un sujet pareil ; en axant par exemple, davantage le film sur le mirage de la foi mystique, et la cruauté des enfants tentant d'accomplir à la place des adultes, l'ordre moral dans le monde. Le film de Wajda, reste à ce niveau là, un peu trop évasif mais demeure quand même un objet esthétique assez fascinant. L'image d'ailleurs est trés picturale ; en particulier ces plans sur les adolescents, filmés dans des tons clairs et lumineux. On peut d'ailleurs y voir l'actrice, Jenny Agutter, dans un de ses premiers rôles, et qui se révèle d'ailleurs je trouve ici, bien plus expressive que dans d'autres films américains, plus renommés, qu'elle tournera par la suite.

Je n'ai pu visionner moi aussi que cette version allemande, qui apparemment semble plus raccourcit de 10mn, par rapport à celle distribuée en Angleterre, et qui est introuvable apparemment sur le marché... J'ai même pas pu savoir d'ailleurs ce qui avait était coupé et quelle version correspondait le mieux aux intentions du réalisateur. Là ça reste un mystère, bien que je ne pense pas que ça apporte de grands chamboulements à l'histoire. Vu que Wajda a renié le film, je suppose qu'il s'en fout pas mal d'ailleurs.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
OM77
Assistant(e) machine à café
Messages : 115
Inscription : 28 févr. 08, 01:15

Re: Andrzej Wajda

Message par OM77 »

A propos de Wajda, et des autres cinéastes polonais... j'ai certainement perdu le fil...
Sait-on où l'on peut se procurer les coffrets blu-ray des "masterpieces of polish cinema" initiés par Scorsese ?
(PS: il me semble me souvenir que des sous-titres français étaient présents)
Avatar de l’utilisateur
Jack Carter
Certains l'aiment (So)chaud
Messages : 30179
Inscription : 31 déc. 04, 14:17

Re: Andrzej Wajda

Message par Jack Carter »

Danton, diffusé ce mercredi à 20h55 sur Arte, suivi d'un documentaire sur le cineaste, decedé la semaine derniere.
Image
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99493
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Andrzej Wajda (1926-2016)

Message par Jeremy Fox »

Danton - 1983

Très bon film excellemment bien réalisé et soutenu par une musique anxiogène de Prodromides qui ressemble étrangement à du Ligeti (le morceau du monolithe de 2001). Un seul problème et de taille me concernant : Gérard Depardieu est tellement grandiose que lorsqu'il n'était plus à l'écran je m'ennuyais presque de ne plus le voir. Et comme en fin de compte il n'est pas présent plus de la moitié de la durée du film, je dois avouer avoir trouvé parfois le temps un poil longuet puisque j'ai eu un peu de mal avec certains seconds rôles moins 'naturels' que notre gégé national. Une scène absolument gigantesque, la longue scène de confrontation entre Danton et Robespierre à mi-film ; l'une des scènes anthologiques de Depardieu qui en aura néanmoins bien d'autres à son actif.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13985
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Andrzej Wajda (1926-2016)

Message par Alexandre Angel »

Jeremy Fox a écrit : Une scène absolument gigantesque, la longue scène de confrontation entre Danton et Robespierre à mi-film ; l'une des scènes anthologiques de Depardieu qui en aura néanmoins bien d'autres à son actif.
Vieux souvenir mais c'est un passage où Danton décoiffe la perruque de Robespierre, quelque chose comme ça?
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99493
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Andrzej Wajda (1926-2016)

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit :
Jeremy Fox a écrit : Une scène absolument gigantesque, la longue scène de confrontation entre Danton et Robespierre à mi-film ; l'une des scènes anthologiques de Depardieu qui en aura néanmoins bien d'autres à son actif.
Vieux souvenir mais c'est un passage où Danton décoiffe la perruque de Robes'pierre, quelque chose comme ça?
Entre autre. Il lui propose un bon repas et devant son refus fait table rase de tout ce qui s'y trouve.
Avatar de l’utilisateur
Demi-Lune
Bronco Boulet
Messages : 14958
Inscription : 20 août 09, 16:50
Localisation : Retraité de DvdClassik.

Re: Andrzej Wajda (1926-2016)

Message par Demi-Lune »

Jeremy Fox a écrit :Gérard Depardieu est tellement grandiose que lorsqu'il n'était plus à l'écran je m'ennuyais presque de ne plus le voir.
Depardieu est extraordinaire dans le rôle (toutes ses tirades devant Fouquier-Tinville et les juges du Tribunal révolutionnaire sont d'anthologie et devraient être enseignées en école d'art dramatique : il est littéralement possédé par son rôle, jusqu'à en perdre la voix, au point que je me demande si Georges Danton n'est pas sa plus grande composition), mais je suis encore plus fasciné par la prestation de Wojciech Pszoniak dans le rôle de Robespierre. C'est un vrai duel au sommet en termes de jeu, là. Pszoniak a beau être doublé en français, je pourrais passer des heures à étudier minutieusement sa gestuelle, son port, cette espèce de raideur stressée d'un homme-cerveau déchiré moralement et qui tente de garder le cap et de rester maître de lui envers et contre tout. Ce tic psychorigide des deux mains jointes en parallèle pour "cadrer" les choses lorsqu'il parle, c'est génial. La scène où il doit affronter toute la Convention à la tribune après que Legendre ait mis le feu aux poudres est incroyable, un véritable morceau de bravoure, à étudier là aussi. Le détail qui tue (il se soulève sur la pointe des pieds pour paraître plus grand), son aura, son éloquence, l'intelligence froide mais en même temps passionnée qui s'exhale de son discours, et qui retournera toute l'assemblée qui était prête à renverser le Comité de salut public... fascinant. Je crois que paradoxalement, c'est vraiment Robespierre le "héros" de Danton, et c'est ce qui contribue à rendre cette fin si magistrale ; j'en ai toujours des frissons rien que d'y repenser. De ces deux hommes qui se sont livrés à une lutte à mort, l'Histoire politique et républicaine française est sans doute beaucoup plus l'héritière du tribun Danton que de l'énigmatique Robespierre, mais bien que Wajda évoque au travers de cette page le totalitarisme de son propre pays (il me semble que Jack Lang avait été un peu embarrassé en découvrant le brûlot, d'ailleurs ?), il y a une remise en perspective du rôle de Robespierre qui échappe au manichéisme qui a souvent obligé l'historiographie à se positionner en pro ou anti "l'Incorruptible".
D'une façon générale, je trouve excellent ce sarcasme de faire jouer tout le Comité de salut public par un casting polonais (peut-être aidé par le doublage) : tout ce Comité, cette confiscation du pouvoir ourdie autour de cette grande table à la lueur des bougies, qui a peur et qui tangue face à la voix de Danton, c'est absolument captivant, de même que la réflexion de fond sur le sens de la Révolution, de la République et la démocratie, si passionnante à l'heure où les valeurs portées par tous ces pères, qu'ils soient modérés ou radicaux, sont attaquées et fragilisées (j'aime me souvenir de ces mots possédés de Robespierre face aux députés de la Convention: "La République, c'est le peuple tout entier qui l'a édifiée ! [...] Chaque jour, le monde nous regarde ! Nous ne devons surtout pas faire preuve de faiblesse ni de lâcheté morale ! Car qu'est-ce que deviendrait la France, si nous n'avions plus la confiance des Français !"). Je suis fasciné par cette atmosphère de sang et de mort qui baigne dès les premières images, avec cette guillotine en Place de la Révolution filmée et mise en musique comme le monolithe de 2001, telle la Mort drapée de noir qui attend inexorablement qu'on la repaisse (ce qui donnera lieu à un mouvement de grue magistral à la fin, lorsque la caméra tombe en même temps que le couperet et continue sa descente pour passer sous l'échafaud et accompagner l'écoulement du sang par torrents) ; Wajda a vraiment réussi à donner forme à cette époque où tout le monde passe à l'échafaud pour le soi-disant bien de la Révolution. Le plus grand film sur la Révolution, il a fallu que ce soit un vaillant Polonais en exil qui nous le lègue, fort de son brio dramatique et de l'érudition de son approche (tous ces détails sans s'appesantir qui sonnent juste comme un buste de Marat aperçu dans un coin, cette sans-culotte qui distribue comme une ouvreuse des cocardes tricolores, cette Déclaration des droits de l'homme et du citoyen exhibée comme un autel au Comité de salut public, ces caricatures sur les nonnes républicaines, etc).
aelita
Accessoiriste
Messages : 1769
Inscription : 28 déc. 13, 18:34

Re: Andrzej Wajda (1926-2016)

Message par aelita »

Oui, tout en reconnaissant le talent de Depardieu, c'est par Pzoniak que j'ai été bluffée. J'ai eu l'impression qu'il n'était pas doublé (le personnage s'exprime avec un léger accent, ou alors c'est qu'il a été doublé par un Polonais parlant très bien français).
D'accord avec toi : un des meilleurs films sur la période révolutionnaire, avec une approche historique des plus rigoureuses (ça serait intéressant de savoir ce qu'en ont pensé les spécialistes de la période, hors ceux qui ont travaillé sur le film).
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (pensée shadok)
Avatar de l’utilisateur
Demi-Lune
Bronco Boulet
Messages : 14958
Inscription : 20 août 09, 16:50
Localisation : Retraité de DvdClassik.

Re: Andrzej Wajda (1926-2016)

Message par Demi-Lune »

Allez, pour le plaisir :



Impossible de trouver la grande tirade de Danton sur la Révolution et les tyrans sans qu'il n'y ait une musique pourrie hors-sujet.

Et cette fin génialissime :
Spoiler (cliquez pour afficher)
O'Malley
Monteur
Messages : 4579
Inscription : 20 mai 03, 16:41

Re: Andrzej Wajda (1926-2016)

Message par O'Malley »

Demi-Lune a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Gérard Depardieu est tellement grandiose que lorsqu'il n'était plus à l'écran je m'ennuyais presque de ne plus le voir.
Depardieu est extraordinaire dans le rôle (toutes ses tirades devant Fouquier-Tinville et les juges du Tribunal révolutionnaire sont d'anthologie et devraient être enseignées en école d'art dramatique : il est littéralement possédé par son rôle, jusqu'à en perdre la voix, au point que je me demande si Georges Danton n'est pas sa plus grande composition), mais je suis encore plus fasciné par la prestation de Wojciech Pszoniak dans le rôle de Robespierre. C'est un vrai duel au sommet en termes de jeu, là. Pszoniak a beau être doublé en français, je pourrais passer des heures à étudier minutieusement sa gestuelle, son port, cette espèce de raideur stressée d'un homme-cerveau déchiré moralement et qui tente de garder le cap et de rester maître de lui envers et contre tout. Ce tic psychorigide des deux mains jointes en parallèle pour "cadrer" les choses lorsqu'il parle, c'est génial. La scène où il doit affronter toute la Convention à la tribune après que Legendre ait mis le feu aux poudres est incroyable, un véritable morceau de bravoure, à étudier là aussi. Le détail qui tue (il se soulève sur la pointe des pieds pour paraître plus grand), son aura, son éloquence, l'intelligence froide mais en même temps passionnée qui s'exhale de son discours, et qui retournera toute l'assemblée qui était prête à renverser le Comité de salut public... fascinant. Je crois que paradoxalement, c'est vraiment Robespierre le "héros" de Danton, et c'est ce qui contribue à rendre cette fin si magistrale ; j'en ai toujours des frissons rien que d'y repenser. De ces deux hommes qui se sont livrés à une lutte à mort, l'Histoire politique et républicaine française est sans doute beaucoup plus l'héritière du tribun Danton que de l'énigmatique Robespierre, mais bien que Wajda évoque au travers de cette page le totalitarisme de son propre pays (il me semble que Jack Lang avait été un peu embarrassé en découvrant le brûlot, d'ailleurs ?), il y a une remise en perspective du rôle de Robespierre qui échappe au manichéisme qui a souvent obligé l'historiographie à se positionner en pro ou anti "l'Incorruptible".
D'une façon générale, je trouve excellent ce sarcasme de faire jouer tout le Comité de salut public par un casting polonais (peut-être aidé par le doublage) : tout ce Comité, cette confiscation du pouvoir ourdie autour de cette grande table à la lueur des bougies, qui a peur et qui tangue face à la voix de Danton, c'est absolument captivant, de même que la réflexion de fond sur le sens de la Révolution, de la République et la démocratie, si passionnante à l'heure où les valeurs portées par tous ces pères, qu'ils soient modérés ou radicaux, sont attaquées et fragilisées (j'aime me souvenir de ces mots possédés de Robespierre face aux députés de la Convention: "La République, c'est le peuple tout entier qui l'a édifiée ! [...] Chaque jour, le monde nous regarde ! Nous ne devons surtout pas faire preuve de faiblesse ni de lâcheté morale ! Car qu'est-ce que deviendrait la France, si nous n'avions plus la confiance des Français !"). Je suis fasciné par cette atmosphère de sang et de mort qui baigne dès les premières images, avec cette guillotine en Place de la Révolution filmée et mise en musique comme le monolithe de 2001, telle la Mort drapée de noir qui attend inexorablement qu'on la repaisse (ce qui donnera lieu à un mouvement de grue magistral à la fin, lorsque la caméra tombe en même temps que le couperet et continue sa descente pour passer sous l'échafaud et accompagner l'écoulement du sang par torrents) ; Wajda a vraiment réussi à donner forme à cette époque où tout le monde passe à l'échafaud pour le soi-disant bien de la Révolution. Le plus grand film sur la Révolution, il a fallu que ce soit un vaillant Polonais en exil qui nous le lègue, fort de son brio dramatique et de l'érudition de son approche (tous ces détails sans s'appesantir qui sonnent juste comme un buste de Marat aperçu dans un coin, cette sans-culotte qui distribue comme une ouvreuse des cocardes tricolores, cette Déclaration des droits de l'homme et du citoyen exhibée comme un autel au Comité de salut public, ces caricatures sur les nonnes républicaines, etc).
Assez d'accord avec tout ça mais au final, j'ai quand même du mal à m'emballer sur ce film et je ne sais pas trop comment me l'expliquer.
Peut-être que je trouve que Depardieu reste quand même un peu trop Depardieu et pas assez Danton.
Il me semble que le film est un peu à charge et donc un peu lourd. Les personnages restent quand même assez unilatéraux et je ne retrouve pas d'ambivalence finalement sur les situations et sur les personnages, à l'instar du Danton dont le film tait grandement les zones d'ombre (il était quand même un peu corrompu économiquement).
La scène du diner entre Robespierre et Danton reste quand même extraordinaire (jeux des acteurs, mise en scène, direction artistique, perspicacité du propos...) et la prestation de Wojciech Pszoniak est d'une rare qualité de jeu (notamment sur les détails que tu cites).
Dernière modification par O'Malley le 26 oct. 16, 14:45, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99493
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Andrzej Wajda (1926-2016)

Message par Jeremy Fox »

O'Malley a écrit : La scène du diner entre Robespierre et Danton reste quand même extraordinaire
... de l'amorce de diner :mrgreen: C'est bien de cette séquence dont je parlais et qui me restera quand j'aurais oublié le reste.
Répondre