Peter Bogdanovich (1939-2022)
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- Alexandre Angel
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Re: Peter Bogdanovich
Je viens enfin de découvrir en dvd Broadway Therapy. Et j'ai vraiment pris conscience à cette occasion (je l'avais pressenti lorsque le film est sorti en Avril dernier) que ma connaissance du cinéma de Bogdanovich était bizarre, sporadique, décousue. Voilà un cinéaste dont je peine à penser quoique ce soit, n'ayant rien digéré de lui (d'où la belle utilité d'un forum comme celui-ci) à part le sentiment d'un apport cinéphilique, d'une contribution historienne. Moi non plus, je n'ai jamais été convaincu par The last picture show (à charge de réessayer encore) que je trouve anémique, éteint, correspondant à l'idée que l'on peut se faire d'un film "ennuyeux sur l'ennui". Mais je n'affirme rien et peut-être un beau jour aurais-je une révélation. What's up, Doc m'avait follement amusé lorsque je le vis petit à la télé (FR3, vers 1976). Et puis, et puis..pas grand chose de plus sinon les effluves de la réputation (bonne pour Target) et l'ignorance réelle de l'oeuvre. Le tout, parasité par de drôles de distorsions (John Ford, hyper-roublard, lorsqu'il est interviewé par Bogdanovich, ou bien, dans un registre plus grave, la starlette Dorothy Stratten, maîtresse du cinéaste, assassinée par son mec et mac qu'immortalisera Eric Roberts dans Star 80, de Bob Fosse.
Broadway Therapy est donc, pour moi et rétrospectivement, une bonne surprise 2015 aussi sympathique que discrète. Un film de Peter Bogdanovich réussi, drôle, excellemment joué et écrit. Un peu choral, à la façon de certains Altman tardifs (on trouve là une patte générationnelle), pétri de l'aisance de ceux qui finissent par avoir du métier. Un objet à la fois modeste et ciselé comme une pièce de musique de chambre.
De quoi, en tous cas, avoir envie de (re)découvrir une oeuvre.
Broadway Therapy est donc, pour moi et rétrospectivement, une bonne surprise 2015 aussi sympathique que discrète. Un film de Peter Bogdanovich réussi, drôle, excellemment joué et écrit. Un peu choral, à la façon de certains Altman tardifs (on trouve là une patte générationnelle), pétri de l'aisance de ceux qui finissent par avoir du métier. Un objet à la fois modeste et ciselé comme une pièce de musique de chambre.
De quoi, en tous cas, avoir envie de (re)découvrir une oeuvre.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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- Alexandre Angel
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Re: Peter Bogdanovich
Oh non... Par contre, plus il vieillit, plus Bogdanovich se met à ressembler à Droopy (et pas que de visage, sa voix aussi !).Federico a écrit :AtCloseRange a écrit :What's Up, Doc? est sinistre.
c'est vrai en plus et aussi à Gai-Luron
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Re: Peter Bogdanovich
AT LONG LAST LOVE (1975)
Titre qui vaut tout de même bien mieux que sa très mauvaise réputation (laquelle tend à se voir corrigée à la hausse, me semble-t-il, actuellement).
Après, je reconnais que j’ai eu un peu de mal à rentrer dans le film. Le premier numéro musical avec Madeline Kahn chantant bourrée fait un peu mal aux oreilles. Mais ensuite, je trouve que l’on se prend assez facilement au jeu de ce film visuellement très attractif, pratiquant une distance amusée vis-à-vis du genre qu’il explore sans non plus glisser dans la condescendance. La prestation de Cybill Shepherd est peut-être une affaire de goût, mais je l’ai trouvé pétillante, assez craquante au final. Et Burt Reynolds, acteur excellant dans le registre comique, est ici au top.
Pas le chef d’œuvre maudit de Bogdanovich, pas non plus un grand ou petit film malade, juste un (parfois très) agréable néo-musical.
Titre qui vaut tout de même bien mieux que sa très mauvaise réputation (laquelle tend à se voir corrigée à la hausse, me semble-t-il, actuellement).
Après, je reconnais que j’ai eu un peu de mal à rentrer dans le film. Le premier numéro musical avec Madeline Kahn chantant bourrée fait un peu mal aux oreilles. Mais ensuite, je trouve que l’on se prend assez facilement au jeu de ce film visuellement très attractif, pratiquant une distance amusée vis-à-vis du genre qu’il explore sans non plus glisser dans la condescendance. La prestation de Cybill Shepherd est peut-être une affaire de goût, mais je l’ai trouvé pétillante, assez craquante au final. Et Burt Reynolds, acteur excellant dans le registre comique, est ici au top.
Pas le chef d’œuvre maudit de Bogdanovich, pas non plus un grand ou petit film malade, juste un (parfois très) agréable néo-musical.
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Re: Peter Bogdanovich
Projection du rare Daisy Miller (1974) dans le cadre de la carte blanche laissée à Wes Anderson à la Cinémathèque. La copie projetée serait la seule existante en Europe, si je me souviens bien.
Cette adaptation de Henry James fut l'un des rares films mis en chantier par la Directors Company, la société de production co-fondée par Coppola, Friedkin et Bogdanovich.
Wes Anderson a dit s'inspirer de ce film. On peut effectivement trouver quelques échos dans le personnage "andersonien" du gosse avec ses dents de lapin, ou dans l'univers des hôtels européens au début.
Le film n'a pas vraiment su me convaincre. On sent bien qu'il est un véhicule de choix pour Cybill Shepherd, la muse du réalisateur, dans un rôle de femme-enfant aux bouclettes de poupée de porcelaine, mi-mutine (ah, ce regard de défi de Cybill, érotique à en faire craquer une braguette) mi-superficielle (cette logorrhée ininterrompue qu'on a envie de faire taire). La fascination du jeune Frederick Winterbourne pour Daisy Miller est donc communicative, et c'est bien la comédienne qui assure au film son intérêt. Car ce dernier manque pour moi cruellement d'ampleur émotionnelle, psychologique et romanesque. Dans le message de Bogdanovich pour la projection du film, et lu par Wes Anderson, le cinéaste racontait que le livre de Henry James fut littéralement transposé page par page, et qu'il n'y eut donc pas de script (la fidélité allant jusqu'à tourner dans les lieux décrits dans le bouquin) : eh bien ça ne donne pas forcément envie de se pencher sur le matériau d'origine, tant Bogdanovich aborde mollement ces convenances de salons. Ce projet de film d'époque à la Visconti va certes à contre-courant des terres du Nouvel Hollywood, mais il est dénué de la force tragique et de la compréhension intime de ce monde qui animent les films du maître italien : la perversité de ces aristocrates qui s'observent et passent leur temps à juger tout écart derrière leurs sourires hypocrites, ça ne reste qu'au stade de la note d'intention dans le film, probablement parce que Bogdanovich échoue à incarner et à rendre dramatiques les enjeux autour de la conduite de Daisy Miller. Difficile de s'intéresser à ces coquetteries et autres attitudes volages puisqu'une certaine inconséquence préside dans le ton (notamment avec ce rival italien) et dans la forme (globalement étriquée). Il y avait sur le papier quelque chose de magnifique dans l'attitude réservée, observatrice de Winterbourne à l'égard d'une femme dont il ne parvient pas à saisir si elle est candide, imprudente ou dépravée dans le terrain miné de la bonne société, et à qui il ne peut du coup avouer ses sentiments... mais rien ne transparaît à l'écran, c'est purement illustratif, scolaire. Et cela me conforte dans mon impression (qui demande certes à être vérifiée en profondeur) que Peter Bogdanovich, ben ça m'enthousiasme pas des masses.
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Re: Peter Bogdanovich
J'ai encore le Z1, paru chez Paramount ; je me souviens d'un film ô combien académique et chiant...Demi-Lune a écrit :Projection du rare Daisy Miller (1974) dans le cadre de la carte blanche laissée à Wes Anderson à la Cinémathèque. La copie projetée serait la seule existante en Europe, si je me souviens bien.
Cette adaptation de Henry James fut l'un des rares films mis en chantier par la Directors Company, la société de production co-fondée par Coppola, Friedkin et Bogdanovich.
Wes Anderson a dit s'inspirer de ce film. On peut effectivement trouver quelques échos dans le personnage "andersonien" du gosse avec ses dents de lapin, ou dans l'univers des hôtels européens au début.
Le film n'a pas vraiment su me convaincre.
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Re: Peter Bogdanovich
Même pas The Last Picture Show ou Paper Moon ?Demi-Lune a écrit :Peter Bogdanovich, ben ça m'enthousiasme pas des masses.
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Re: Peter Bogdanovich
J'avais apprécié The last picture show, mais il ne m'en reste bizarrement quasi rien.Ratatouille a écrit :Même pas The Last Picture Show ou Paper Moon ?Demi-Lune a écrit :Peter Bogdanovich, ben ça m'enthousiasme pas des masses.
Je n'ai pas encore vu Paper Moon.
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Re: Peter Bogdanovich
Ouais c'est ça. Coquinou !Demi-Lune a écrit :J'avais apprécié The last picture show, mais il ne m'en reste bizarrement quasi rien.Ratatouille a écrit : Même pas The Last Picture Show ou Paper Moon ?
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Je pense que ça devrait te plaire (dis-je alors que j'en sais rien en fait, tellement tu es imprévisible).Demi-Lune a écrit :Je n'ai pas encore vu Paper Moon.
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Re: Peter Bogdanovich
Quand je disais quasi, c'est bien parce que je me souviens de ça.Ratatouille a écrit :Ouais c'est ça. Coquinou !
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Re: Peter Bogdanovich
J'ai beaucoup apprécié pour ma part, pour ne pas dire adoré.Demi-Lune a écrit :
Projection du rare Daisy Miller (1974) dans le cadre de la carte blanche laissée à Wes Anderson à la Cinémathèque. La copie projetée serait la seule existante en Europe, si je me souviens bien.
Le film n'a pas vraiment su me convaincre. On sent bien qu'il est un véhicule de choix pour Cybill Shepherd, la muse du réalisateur, dans un rôle de femme-enfant aux bouclettes de poupée de porcelaine, mi-mutine (ah, ce regard de défi de Cybill, érotique à en faire craquer une braguette) mi-superficielle (cette logorrhée ininterrompue qu'on a envie de faire taire). La fascination du jeune Frederick Winterbourne pour Daisy Miller est donc communicative, et c'est bien la comédienne qui assure au film son intérêt. Car ce dernier manque pour moi cruellement d'ampleur émotionnelle, psychologique et romanesque. Dans le message de Bogdanovich pour la projection du film, et lu par Wes Anderson, le cinéaste racontait que le livre de Henry James fut littéralement transposé page par page, et qu'il n'y eut donc pas de script (la fidélité allant jusqu'à tourner dans les lieux décrits dans le bouquin) : eh bien ça ne donne pas forcément envie de se pencher sur le matériau d'origine, tant Bogdanovich aborde mollement ces convenances de salons. Ce projet de film d'époque à la Visconti va certes à contre-courant des terres du Nouvel Hollywood, mais il est dénué de la force tragique et de la compréhension intime de ce monde qui animent les films du maître italien : la perversité de ces aristocrates qui s'observent et passent leur temps à juger tout écart derrière leurs sourires hypocrites, ça ne reste qu'au stade de la note d'intention dans le film, probablement parce que Bogdanovich échoue à incarner et à rendre dramatiques les enjeux autour de la conduite de Daisy Miller. Difficile de s'intéresser à ces coquetteries et autres attitudes volages puisqu'une certaine inconséquence préside dans le ton (notamment avec ce rival italien) et dans la forme (globalement étriquée). Il y avait sur le papier quelque chose de magnifique dans l'attitude réservée, observatrice de Winterbourne à l'égard d'une femme dont il ne parvient pas à saisir si elle est candide, imprudente ou dépravée dans le terrain miné de la bonne société, et à qui il ne peut du coup avouer ses sentiments... mais rien ne transparaît à l'écran, c'est purement illustratif, scolaire. Et cela me conforte dans mon impression (qui demande certes à être vérifiée en profondeur) que Peter Bogdanovich, ben ça m'enthousiasme pas des masses.
Ca tient essentiellement à la structure du film et l"évolution de sa mise au travers, au travers de ses comédiens/personnages.
Le début est assez détonnant avec ses dialogues débités à tout vitesse, sans même que les acteurs prennent le temps de respirer, et enregistré dans de long plans toujours en mouvement. Il y une dimension anachronique immédiate qui permet justement de se débarrasser de l'imagerie Viscontienne (auquel je n'ai jamais pensé et dont je suis ne pense pas que Bogdanovich cherchait à se rapprocher) en intégrant les codes de la Screwball comedy : la femme tornade accompagnée d'une famille excentrique qui s'amuse à se moquer d'un intellectuel un peu trop guindé, le tout à renfort de dialogues mitraillettes.
J'avoue que les premières minutes m'ont déstabilisés par cette approche peu commune qui a manqué de me fatiguer... avant de comprendre que tout celà est une apparence de Daisy Miller qui préfère occuper tout le champ, comme pour empêcher à son interlocuteur de réfléchir à ce qu'elle dit ou ce qu'elle montre, plutôt que de montrer ses fêlures, ses doutes et sa peur d'être dans un microcosme qu'elle ne connait pas tout en cherchant cependant à y imposer son style et sa modernité.
Une fois qu'on arrive à Rome, les dialogues se font ainsi moins nerveux, plus espacés et même plus rares avec au contraire beaucoup plus de silence et de jeux de regards et d'observation. Même chose pour les plans qui se font plus courts, plus posés et moins démonstratifs (par contre, la photo est toujours autant classe mais moins lumineuse et plus nocturne avec beaucoup d'intérieur également).
Il en ressort une mélancolie et une incompréhension grandissantes qui finissent pas devenir un véritable gouffre entre les deux personnages. Un jeu de cache-cache innocent et taquin qui se mue en guerre psychologique alimentée par l'hypocrisie d'une aristocratie aux codes immuables. Mais cette critique n'est pas le cœur du récit, ni sa dynamique mais bien un drame à deux qui se termine dans une conclusion déchirante.
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Re: Peter Bogdanovich
Content de voir que je ne suis seul à avoir apprécié cette Daisy Miller, même si, curieusement, je comprends tout à fait les grosses réserves émises plus haut par Demi-Lune (qui, de toute façon, a pour involontaire habitude de détester tout ce que j'aime / adore ). De ce que je connais de Bogdanovich, peut-être son film le plus subtil et ambitieux.
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Re: Peter Bogdanovich
Je crois bien que je n'ai jamais capté l'existence de ce Daisy Miller. Merci aux commentateurs.
Par rapport à Bogdanovich au sens large, je me suis toujours un peu cassé les dents sur The Last Picture Show. Mais je ne désespère pas, nous devrions sympathiser un jour ou l'autre. Pour l'heure, j'ai envie de revoir le délicieux Broadway Therapy .
Par rapport à Bogdanovich au sens large, je me suis toujours un peu cassé les dents sur The Last Picture Show. Mais je ne désespère pas, nous devrions sympathiser un jour ou l'autre. Pour l'heure, j'ai envie de revoir le délicieux Broadway Therapy .
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Re: Peter Bogdanovich
Disons que pour moi, Visconti s'impose au film presque contre son gré, et à son détriment. Le décorum Belle Époque (gentilshommes endimanchés, dames avec leurs ombrelles, dans un hôtel au bord d'un lac) au début m'a immanquablement fait penser à Mort à Venise, mais je veux bien croire que ce soit peut-être plus un effet collatéral de la force d'évocation du film qu'un véritable patronage conscient. Si Bogdanovich désamorce rapidement cette parenté avec ses longues prises en mouvement et ces logorrhées épuisantes et superficielles (je n'en suis clairement pas amateur), pour moi il revient quand même fatalement dans le giron du maître italien lorsque l'action se déplace à Rome et dans une thématique purement viscontienne, qui est la ténacité du sentiment d'appartenance à des cercles de sociabilité pourtant castrateurs. En effet, Winterbourne ne peut se résoudre à avouer ses sentiments (et commencer par se les avouer à lui-même) parce que l'emprise de ce monde de salons est trop forte sur lui : il est culturellement vampirisé par la conscience de classe, digéré par elle (il suffit de voir sa mollesse et le peu de résistance qu'il oppose aux menaces de rang de Mrs. Walker), alors même qu'il est lui-même américain, non noble, et devrait théoriquement avoir un esprit plus ouvert aux écarts de conduite de la "nouvelle riche" Daisy Miller. Tout le film tourne autour de ça, autour de cette domestication castratrice (et le fait que Daisy ne rentre pas dans cette case, justement), et je suis un peu surpris que tu paraisses le minimiser dans ton commentaire. Je trouve au contraire que c'est la dynamique essentielle de cette histoire (d'où la fameuse phrase amère à la fin, arrivant trop tard comme prise de conscience : "J'ai vécu trop longtemps dans des lieux étrangers"), et aussi ce qui signe l'échec du film, parce que Bogdanovich n'arrive jamais à incarner et à dramatiser un enjeu aussi lointain (vu de nos mœurs) que celui de la bonne convenance dans le champ infesté de mines qu'est le théâtre de la haute société. Son traitement reste beaucoup trop illustratif, et anecdotique... je vais dire quelque chose qui semblera sans doute idiot, injuste ou déterministe (faites votre choix), mais je crois que le cinéma américain ne réussit ce genre de questionnements que lorsqu'il se laisse maturer par une très forte culture européenne, sinon franco-italienne (plus facilement pénétrée par ce rapport de classes, et la cruauté sentimentale qui peut en être l'expression). Pour moi, le film de Bogdanovich reste extérieur à ça, ça reste "petit". Ce n'est pas pour rien que Coppola, Scorsese ou James Gray ont toujours Visconti dans leur viseur pour ce genre de projets.bruce randylan a écrit :Il y une dimension anachronique immédiate qui permet justement de se débarrasser de l'imagerie Viscontienne (auquel je n'ai jamais pensé et dont je suis ne pense pas que Bogdanovich cherchait à se rapprocher) en intégrant les codes de la Screwball comedy
Dernière modification par Demi-Lune le 12 mars 17, 12:47, modifié 2 fois.
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Re: Peter Bogdanovich
manuma a écrit :Demi-Lune (qui, de toute façon, a pour involontaire habitude de détester tout ce que j'aime / adore )
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Re: Peter Bogdanovich
Découverte de Paper Moon.
Plutôt bien aimé ce film sans prétention, simple, parfois court sur patte, bâtit uniquement sur le charme du tandem père-fille O'Neal. On sent une vraie tendresse et complicité entre eux, qui va au-delà d'un scénario peu passionnant ayant la fâcheuse habitude de réécrire le motif du voyage en saynètes pas toujours drôles, en cases d'un jeu d'oie. Avec en prime, malgré les espaces ouverts, un aspect maison de poupée assez étouffant ne découlant pas de son contexte, les années 30, d'ailleurs assez largement éludé et sous exploité par le film. Vraiment pas étonnant d'apprendre que Bogdanovich soit une des source d'inspiration du cinéma - miniature et taxidermiste- de Wes Anderson. Reste une photo splendide, avec un très beau noir&blanc, et surtout un formidable duo comique, épatante Tatum O'Neal au regard triste et bouillonnante, et un Ryan dont on découvre ici l'insoupçonné talent burlesque.
Dernière modification par G.T.O le 11 oct. 17, 13:21, modifié 1 fois.