Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Player »

Je suis tout à fait d'accord. Le film de Verhoeven m'a semblé être une sorte de James Bond à la limite du grand guignol sur un sujet pareil je trouve ça déplacé. Et après c'est à Spielberg qu'on reproche de faire du divertissement sur le sujet...
Jericho
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Jericho »

C'est pour ça je ne comprends pas vos reproches à l'égard du film de Verhoeven, alors que de l'autre côté vous l'acceptez chez Spielberg.
Comme si l'aspect "divertissement" de Black Book annihilé la portée du message du cinéaste, comme s'il perdait en impact émotionnel et en courage...

Mais il y a vraiment besoin de comparer La Liste de Schindler avec Black Book ?
C'est un grand écart périlleux et stérile j'ai l'impression.
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Demi-Lune
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Demi-Lune »

Player a écrit :Je suis tout à fait d'accord. Le film de Verhoeven m'a semblé être une sorte de James Bond à la limite du grand guignol sur un sujet pareil je trouve ça déplacé. Et après c'est à Spielberg qu'on reproche de faire du divertissement sur le sujet...
Dans les entretiens que Verhoeven a donnés à Nathan Réra, le cinéaste disait ne pas trop comprendre ce que Tarantino a voulu dire, avec Inglourious Basterds. J'aurais presque envie de lui retourner la chose au sujet de son Black Book. Je dis presque car je comprends quand même qu'il s'agit d'accommodement - accommodement avec un contexte et un régime, accommodement avec ses propres valeurs morales. Le problème, c'est que je trouve que Verhoeven ne sait pas trop comment se positionner, contrairement à Tarantino dont le film peut choquer parce qu'il a justement pris l'angle de la farce désacralisante. Comme l'indiquait MJ, Verhoeven tente de concilier le cinéma d'auteur et le cinéma populaire, mais les caractéristiques très cinématographiques, romanesques, de son scénario, comme je l'expliquais, ont je trouve fâcheusement tendance à tirer la couverture sur le propos d'auteur. C'est ce que me fait considérer Black Book comme un divertissement et non comme un film historique engagé et un témoignage marquant. Je pense qu'on peut tout-à-fait faire des divertissements sur fond de Seconde Guerre mondiale, je prends d'ailleurs beaucoup de plaisir face à certains - à ceci près que l'objet de Black Book se veut être une analyse sociologique, comportementale, du fascisme (en l'occurrence nazi). Je trouve donc qu'il y a une contradiction éventuellement assez problématique dans le fait que l'on fasse du grand spectacle, régi par des codes d'efficacité propres au cinéma (grand spectacle qui, en outre, apparaît nettement plus substantiel que la réflexion revendiquée par Verhoeven, jusque dans les entretiens qu'il a livrés) sur un tel sujet, sérieux et sensible par excellence, qui à mon sens demande une certaine responsabilité ou du moins un positionnement clair, même s'il doit choquer (cf. Tarantino et sa réécriture bouffonne de l'Histoire sur fond d'hommage au Cinéma).
Jericho a écrit :Mais il y a vraiment besoin de comparer La Liste de Schindler avec Black Book ?
C'est un grand écart périlleux et stérile j'ai l'impression.
Merci d'avoir lu mon message.
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Jericho »

Merci d'avoir lu mon message.
A la base le grand écart est fait dans la critique sur laquelle tu rebondis. Et j'ai l'impression que l'analogie est faite parce qu'ils ont en commun le même contexte historique, et c'est à peu près tout (pas grand chose donc).
Le parti pris, le point de vue et les thématiques sont tellement différents qu'encenser l'un pour "taper" sur l'autre, c'est au final peu éloquent à mon sens (à l'instar du polémique E.T. versus The Thing :mrgreen: ).
Je trouve donc qu'il y a une contradiction éventuellement assez problématique dans le fait que l'on fasse du grand spectacle, régi par des codes d'efficacité propres au cinéma (grand spectacle qui, en outre, apparaît nettement plus substantiel que la réflexion revendiquée par Verhoeven, jusque dans les entretiens qu'il a livrés) sur un tel sujet, sérieux et sensible par excellence, qui à mon sens demande une certaine responsabilité ou du moins un positionnement clair, même s'il doit choquer
Je ne trouve pas qu'il y a contradiction c'est l'essence même du cinéma, que de prendre des sujets sérieux, des faits divers et en faire des objets de divertissements. On en voit partout et sur tout type de sujets, et ça ne pose aucun problème d'éthique ou de fond.
Son positionnement clair est de faire un film d'espionnage (à l'ancienne) avec des humains qui ont tout ce qu'il y a de plus "humain", et de montrer qu'au fond l'antisémitisme n'avait pas de frontière bien établie, qu'en tant de guerre les problématiques n'étaient pas aussi simplistes.

D'ailleurs avec du recul, Black Book m'a fait bien plus réfléchir sur la condition et bêtise humaine, que ne l'a pu faire La Liste de Schindler (j'aime les deux oeuvres pour des raisons différentes). Comme quoi les apparences et les étiquettes, elles ont bon dos...
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Player »

Je rebondissais sur l'avis cité par Demi-lune c'est vrai que comparer les deux films n'a pas grand intérêt. Je ne reproche pas à Verhoeven d'introduire une part de divertissement (après tout, ça reste du cinéma on est pas devant Shoah), je lui reproche le maniérisme exagéré de sa mise en scène (cette volonté affichée de vouloir choquer m'énerve pas exemple). Alors quand on le fait à la manière de Tarantino ça ne me dérange pas parce que c'est totalement assumé et qu'il n'y a pas vraiment de tentative de réflexion derrière, mais ici pour les raisons qu'a très bien énoncé Demi-lune ça me gène.
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Jericho »

je lui reproche le maniérisme exagéré de sa mise en scène (cette volonté affichée de vouloir choquer m'énerve pas exemple). Alors quand on le fait à la manière de Tarantino ça ne me dérange pas parce que c'est totalement assumé et qu'il n'y a pas vraiment de tentative de réflexion derrière, mais ici pour les raisons qu'a très bien énoncé Demi-lune ça me gène.
Dans l'ensemble je trouve ton propos contradictoire.
S'il n'y a pas tentative de réflexion chez Tarantino, c'est que la violence exacerbée, ou les moments soit disant choquants sont gratuits quelque part, non ? Juste pour le fun, somme...
Et je ne vois pas en quoi le fait d'assumer une chose te mets à l'abri de toute critique tangible.

Sachant que j'aime également Inglorious Bastards, je ne veux pas critiquer ce film (surtout pas pour le parti pris du réalisateur), j'essaie de comprendre les arguments avancés.

Pour Paulo, ce n'est pas choquer pour choquer chez lui, c'est choquer pour apporter un point de vue et éventuellement une réflexion par dessus. Cela me semble difficilement critiquable, dans l'absolu.
Et je n'y vois point de maniérisme, bien au contraire, les personnages existent de manière naturelle, et ont un comportement beaucoup plus réaliste (chacun agit pour son confort et ses petits intérêts personnels), que dans n'importe quel autre fiction historique.
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Demi-Lune
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Demi-Lune »

Jericho a écrit :Je ne trouve pas qu'il y a contradiction c'est l'essence même du cinéma, que de prendre des sujets sérieux, des faits divers et en faire des objets de divertissements. On en voit partout et sur tout type de sujets, et ça ne pose aucun problème d'éthique ou de fond.
Pour moi ça peut poser des problèmes d'éthique dès lors que ça a trait à des sujets historiques lourdement connotés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais trouvé particulièrement intéressants, même si je ne les partageais pas, les arguments contre Tarantino et son révisionnisme radical présenté comme irresponsable car trivial et complaisant. Sauf que pour moi, Tarantino s'est "couvert" en faisant de son film une farce, comme l'est Papy fait de la résistance et sa désacralisation totale (des nazis, des résistants).
Ce qu'il y a là en filigrane, c'est qu'on touche au débat qui avait fait rage au moment de la sortie du Tarantino, sur ce qui est filmable et sur ce qui ne l'est pas, mais plus encore, sur l'éthique et la responsabilité historiques au cinéma. Débat certes passionnant mais qui est voué à tourner en rond parce qu'il y aura toujours des conservateurs de la décence et des partisans de la toute-représentation édifiante, qui ont chacun leurs arguments légitimes. Je crois cependant, à titre personnel, que la Seconde Guerre mondiale et plus précisément ses atrocités barbares, avec l'idéologie qui était sous-tendue, est un sujet qu'il faut manier avec extrêmement de précaution. Je le redis, que Verhoeven fasse son film d'espionnage, son "divertissement", avec la Résistance hollandaise, à partir de faits qu'il affirme être authentiques, d'accord, pourquoi pas. Ce n'est pas le premier à faire un tel film. Mais du moment qu'il cherche également à élever son film du simple niveau du divertissement, en proposant une représentation réaliste du contexte et une réflexion sur l'antisémitisme, le fascisme, et l'attitude des Hollandais (collaboration, résistance, épuration) durant la guerre, alors il faut que ce qu'il ait à dire soit fort, en vaille la peine. Et je trouve que Black Book, de ce côté-là, se montre quand même pour le moins décevant et finalement superficiel. Décevant car le côté spectaculaire, romanesque, écrase clairement la réflexion qui ne se cantonne qu'à quelques répliques ou rebondissements. C'est pas suffisant pour moi pour en faire un film riche et abouti. Décevant car, un peu comme Player, j'ai eu le sentiment que Verhoeven voulait choquer pour choquer, sans grand-chose derrière. A mes yeux, assez symbolique est cette scène du seau de merde, dont il explique dans ses entretiens qu'elle est celle qui a conditionné son implication dans le projet. C'est une scène extrême et elle témoigne effectivement de l'aveuglement de l'épuration, mais même si elle s'inspire d'un fait réel, Verhoeven en fait pour moi quelque chose de malsain, obscène, l'impression qu'il filme ça sans recul, quoi, qu'il pioche dans l'Histoire le truc le plus dégueulasse possible dans le but de satisfaire ses envies provocatrices bien connues, et que j'apprécie en général au demeurant. Il dit qu'il n'aurait pas fait la scène des douches de La Liste de Schindler parce qu'il y a là-dedans quelque chose de positif (le fait que les détenues ne meurent pas gazées) qui est dérisoire à l'échelle de l'atrocité de la Shoah, mais ne peut-on en dire autant concernant sa scène d'excréments dont l'extrême rareté factuelle est en tous points similaire* ? Le fait est que j'aime le côté rentre-dedans de Verhoeven, mais ici, comment dire... ça me dérange. Black Book procède d'une démarche intéressante mais comme je le disais, c'est pour moi le théâtre d'une non conciliation (entre spectacle et prétention auteurisante qui perce mal) parce que le sujet ne le permet pas, ou en tout cas pas de la manière dont l'a géré Verhoeven.

* Il raconte en effet qu'aucun livre n'en parle et que c'est la veuve du président de la Banque de Hollande, Rost van Tonningen, qui lui a raconté cet épisode qui est arrivé à son défunt mari dans une prison pour collabos.
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Jericho »

Tarantino a fait un film de propagande à l'envers (comme d'habitude chaque film est plus ou moins un pastiche chez lui), qu'il touche à l'Histoire avec un grand H, ne me pose pas de problème.

Et que penses-tu du Vieux Fusil, parce qu'à y regarder de plus près, c'est un pur film de genre qui se rapproche fortement du vigilante movie
Et je trouve que Black Book, de ce côté-là, se montre quand même pour le moins décevant et finalement superficiel. Décevant car le côté spectaculaire, romanesque, écrase clairement la réflexion qui ne se cantonne qu'à quelques répliques ou rebondissements. C'est pas suffisant pour moi pour en faire un film riche et abouti.
Il y a la mise en scène aussi, ce n'est pas uniquement centré sur quelques répliques et autres péripéties.
C'est amplement suffisant et c'est ça la force du cinéma de Verhoeven: en peu de mots, en peu de gestes, en peu de plans, il pointe du doigt (si je puis dire, car ça fait un peu leçon de morale, alors qu'il ne juge pas) les aberrations dont l'humain est capable parfois.
Être éloquent avec si peu de choses, c'est pour moi un idéal de ce qu'il faut faire au 7ème art: éviter le sur-lignage et éviter le pensum égocentrique pour livrer sa conception du monde qui nous entoure.

Mais la scène des douches dans le film de Spielberg, à juste titre, ce n'est pas le seul à qui ça dérange, et ce n'est pas tant le dénouement de la scène, qu'il soit positif pourquoi pas (il a le droit d'être sacrément naïf), mais c'est toute la mise en place et le manque de recul dont il a fait l'objet.
A aucun moment il ne s'est dit qu'il pouvait prendre en otage des spectateurs avec un rebondissement aussi faussement roublard ?
Là pour le coup, ça met très mal à l'aise, pour ensuite faire place au soulagement, histoire de compenser les sentiments. Autant ne pas l'inclure dans le montage final si c'est pour souffler le chaud et le froid. Pour cette scène précisément, j'appelle pas ça du courage.
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Demi-Lune
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Demi-Lune »

Jericho a écrit :Et que penses-tu du Vieux Fusil, parce qu'à y regarder de plus près, c'est un pur film de genre qui se rapproche fortement du vigilante movie
Je n'ai pas vu ce film.
Jericho a écrit : Mais la scène des douches dans le film de Spielberg, à juste titre, ce n'est pas le seul à qui ça dérange, et ce n'est pas tant le dénouement de la scène, qu'il soit positif pourquoi pas (il a le droit d'être sacrément naïf), mais c'est toute la mise en place et le manque de recul dont il a fait l'objet.
A aucun moment il ne s'est dit qu'il pouvait prendre en otage des spectateurs avec un rebondissement aussi faussement roublard ?
Là pour le coup, ça met très mal à l'aise, pour ensuite faire place au soulagement, histoire de compenser les sentiments. Autant ne pas l'inclure dans le montage final si c'est pour souffler le chaud et le froid. Pour cette scène précisément, j'appelle pas ça du courage.
Revoilà ce sacré Spielberg qui prend le spectateur en otage.
Ce qu'a tenté Spielberg sur cette scène, c'est quelque chose de volontairement malaisant et effroyable parce qu'il abaisse sa mise en scène au niveau du ressenti des femmes qui sont entassées dans cet espace. Toute l'horreur absolue de la Shoah est contenue dans ce moment, il n'a même pas besoin de montrer la Mort (l'extermination par crémation est hors-champ, avec ce plan sur les files de Juifs et les cheminées qui crachent de la fumée), car l'angoisse absolue de la mort par gazage est encore plus forte en termes émotionnels. Cette scène me bouleverse parce qu'aucun cinéaste n'aurait eu le cran de faire un truc pareil, de placer le spectateur dans la position extrêmement inconfortable que de vivre, comme les détenues, l'attente insoutenable d'une mort programmée. S'il avait fait mourir ces détenues, on l'aurait taxé d'obscénité totale parce qu'il aurait montré cette attente au préalable et qu'il aurait franchi le seuil de l'immontrable et donc de l'inacceptable en termes de représentation historique. Costa-Gavras ne s'y est pas plus risqué sur Amen. Mais la réalité abominable de la Shoah, son arbitraire total, existe à mes yeux dans cet instant d'angoisse viscérale. Verhoeven, lui, a besoin de seaux de merde pour édifier ; Spielberg, lui, d'un simple plan sur des pommeaux. C'est puissamment évocateur, ça ne suscitera jamais le consensus parce qu'il y en aura toujours qui trouveront ça indécent, mais ça me rend un peu triste que tu éprouves du soulagement à l'issue de cette scène, car le spectre de l'horreur absolue qui a plané tout du long doit travailler le spectateur, l'ouvrir à un vertige d'effroi qui doit largement supplanter le vague "soulagement" venant du fait que les pommeaux crachent de l'eau et non du Zyklon-B.
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Thaddeus
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Thaddeus »

Demi-Lune a écrit :aucun cinéaste n'aurait eu le cran de faire un truc pareil, de placer le spectateur dans la position extrêmement inconfortable que de vivre, comme les détenues, l'attente insoutenable d'une mort programmée.
Il me semble que c'est ce que beaucoup ont reproché à Spielberg, justement.
Un artiste comme Claude Lanzmann attaquait le film là-dessus, sur le fait qu'un cinéaste n'a moralement pas le droit de susciter, sur un sujet d'une gravité aussi indicible que la Shoah, un sentiment de projection ou d'identification par rapport aux victimes. Parce que ce que celles-ci ont vécu est absolument intraduisible par le biais de la fiction ou de la reconstitution : selon lui (et pas mal de "détracteurs" du film), la tragédie ne peut être évoquée que par le biais du témoignage documentaire, objectif, distancié - en encore, en témoignant de la plus extrême rigueur morale.

Je précise que cette précision n'illustre pas forcément ma position sur le sujet... qui n'en finit pas de faire débat, manifestement.

(chapeau bas à la remarque de MJ au passage, qui aura provoqué l'effet exactement inverse de ce à quoi elle était destinée :mrgreen: )
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Demi-Lune »

Stark a écrit :
Demi-Lune a écrit :aucun cinéaste n'aurait eu le cran de faire un truc pareil, de placer le spectateur dans la position extrêmement inconfortable que de vivre, comme les détenues, l'attente insoutenable d'une mort programmée.
Il me semble que c'est ce que beaucoup ont reproché à Spielberg, justement.
Un artiste comme Claude Lanzmann attaquait le film là-dessus, sur le fait qu'un cinéaste n'a moralement pas le droit de susciter, sur un sujet d'une gravité aussi indicible que la Shoah, un sentiment de projection ou d'identification par rapport aux victimes. Parce que ce que celles-ci ont vécu est absolument intraduisible par le biais de la fiction ou de la reconstitution : selon lui (et pas mal de "détracteurs" du film), la tragédie ne peut être évoquée que par le biais du témoignage documentaire, objectif, distancié - en encore, en témoignant de la plus extrême rigueur morale.
Mais crois-moi, je comprends parfaitement le point de Lanzmann, qui se défend. C'est l'éternel débat entre les gardiens de la décence et les cinéastes qui se questionnent sur la représentation de cette tragédie historique. Cela dit, Lanzmann est un documentaliste, il ne se confronte sans doute pas aux mêmes problèmes (ce qui ne veut pas dire qu'il n'en rencontre pas) liés à la représentation ou à la représentativité que les films de fiction.
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par AtCloseRange »

Je ne comprends absolument rien à ces reproches sur le Verhoeven.
Parce qu'on aurait le recul sur l'horreur nazie, on ne pourrait plus aujourd'hui traiter ce type de sujet de façon romanesque?
Et ça en ferait moins un film d'"auteur"?

Quant à la comparaison avec Schindler...
D'un côté , une histoire vraie et de l'autre une fiction.

Par contre, c'est vrai qu'au moment de la sortie du film, on l'a vendu comme le film du retour de Verhoeven dans son pays et dans sa langue natale et on s'est mis à attendre un film "historique".
Le contexte du film l'est mais ça reste une fiction.

Avec Verhoven, on a l'habitude (voir Starship Troopers ou Showgirls) mais j'ai l'impression qu'il y a vaiment un malentendu sur ce film.
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Player »

Jericho a écrit :Dans l'ensemble je trouve ton propos contradictoire.
S'il n'y a pas tentative de réflexion chez Tarantino, c'est que la violence exacerbée, ou les moments soit disant choquants sont gratuits quelque part, non ? Juste pour le fun, somme...
Et je ne vois pas en quoi le fait d'assumer une chose te mets à l'abri de toute critique tangible.
Oui pour moi la violence d'Inglourious Basterds est totalement gratuite. Et je ne dis pas qu'assumer la chose met forcément à l'abri des critiques, c'est un point de vue personnel.
L'impression que j'ai eu concernant Black Book c'est que le film ne sait pas sur quel pied danser. D'un côté on a un scénario sérieux, anti manichéen, tragique etc.. et de l'autre côté une mise en scène flamboyante à la limite du grand guignol et qui m'empêche d'adhérer à l'histoire. Du coup je n'ai ressenti aucune empathie pour les personnages par exemple, contrairement à une Armée des ombres ou à La grande évasion qui restent très sobre niveau mise en scène, en adéquation avec leur sujet.
Pour Paulo, ce n'est pas choquer pour choquer chez lui, c'est choquer pour apporter un point de vue et éventuellement une réflexion par dessus. Cela me semble difficilement critiquable, dans l'absolu.
Et je n'y vois point de maniérisme, bien au contraire, les personnages existent de manière naturelle, et ont un comportement beaucoup plus réaliste (chacun agit pour son confort et ses petits intérêts personnels), que dans n'importe quel autre fiction historique.
Voila ça aussi ça m'a énervé par exemple. Vouloir faire croire que le film est plus réaliste que les autres films sur le sujet sous prétexte qu'il choque plus, et que la guerre c'est chacun pour sa gueule (alors qu'en fait c'est qu'un vulgaire twist). Et à côté de ça on a une mise en scène moins réaliste tu meurs (l'esthétique est limite kitsch dans mes souvenirs).
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par pol gornek »

Demi-Lune a écrit :Merci d'avoir lu mon message.
Parce qu'en plus, il faut les lire, tes messages ? :?
Le public qui grandit devant la télé affine son regard, acquiert une compétence critique, une capacité à lire des formes compliquées. Il anticipe mieux les stéréotypes et finit par les refuser car il ne jouit plus d'aucune surprise ni curiosité, les deux moteurs de l'écoute.Il faut donc lui proposer des programmes d'un niveau esthétique plus ambitieux. La série télé s'est ainsi hissée, avec ses formes propres, au niveau de la littérature et du cinéma.
(Vincent Colonna)
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Re: Black Book (Paul Verhoeven - 2006)

Message par Jericho »

L'impression que j'ai eu concernant Black Book c'est que le film ne sait pas sur quel pied danser. D'un côté on a un scénario sérieux, anti manichéen, tragique etc.. et de l'autre côté une mise en scène flamboyante à la limite du grand guignol et qui m'empêche d'adhérer à l'histoire. Du coup je n'ai ressenti aucune empathie pour les personnages par exemple, contrairement à une Armée des ombres ou à La grande évasion qui restent très sobre niveau mise en scène, en adéquation avec leur sujet.
Eh bien, de coutume, j'imagine que tu dois en penser du plus grand bien de Verhoeven, parce que sur Black Book, en terme de mise en scène c'est ce qu'il a fait de plus sobre et sage justement. :mrgreen:
Si je devais faire un reproche à l'égard du film ce serait ça: un peu trop classique sur le plan formel, ça manque un peu de folie et de virtuosité. Je pense vraiment qu'il a fait un effort de ce côté là pour mieux épouser le sujet évoqué. Visiblement ce n'est pas suffisant.
Voila ça aussi ça m'a énervé par exemple. Vouloir faire croire que le film est plus réaliste que les autres films sur le sujet sous prétexte qu'il choque plus, et que la guerre c'est chacun pour sa gueule (alors qu'en fait c'est qu'un vulgaire twist). Et à côté de ça on a une mise en scène moins réaliste tu meurs (l'esthétique est limite kitsch dans mes souvenirs).
Tu le vois comme une posture calculatrice, j'y vois plus une démarche naturelle et sincère.
L'individualisme ne s'arrête pas à un twist, c'est présenté comme tel du début jusqu'à la fin du métrage.
T'es dur pour l'esthétique, j'ai trouvé la direction artistique presque irréprochable, la reconstitution a clairement de la gueule alors que le budget n'était pas énorme. C'est d'autant plus méritoire donc.
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