Fin août, début septembre (Olivier Assayas - 1998)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Nicolas Brulebois
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Fin août, début septembre (Olivier Assayas - 1998)

Message par Nicolas Brulebois »

Fin Août Début Septembre : un bon cru (mésestimé) d’Olivier Assayas

Fraîchement accueilli à sa sortie, c'est pourtant le premier Assayas auquel j'adhère (presque) sans réserve.

Ca aurait pu n'être qu'un film de + sur le mode "petites peines des trentenaires bohèmes artistouilles"...

... et finalement, ça dit assez finement quelques belles choses sur la création, le couple, les ex, etc.

Mathieu Amalric est dirigé correctement (c'est à dire plus sobre que dans Rois et Reines, ce qui n'est pas difficile :roll: ), Cluzet campe un artiste maudit très crédible, Balibar regorge de trouvailles de jeu à chaque scène, et Virginie Ledoyen (dans un rôle assez ingrat) a rarement été aussi bien filmée.
On peut aussi mentionner, parmi les seconds rôles, Mia Hansen-Love, dont l'androgynie s'avère infiniment troublante :oops:

Sinon, last but not least... les amateurs de rock pourront revoir dans ce film l’une des figures récurrentes de la galaxie Assayas : Elli Medeiros, ex punkette (Stinky Toys), ex-égérie-new-wave (Elli & Jacno), ex-reine-du-Top 50 (Toi mon toit)… Elle y chante « Altar », qui figure par ailleurs sur la BO de Femme Fatale de Brian De Palma (dont Medeiros a été un temps la compagne) et sur son dernier album en date (2006).
A ce sujet : le réalisateur a filmé le dernier clip de la chanteuse ; c’est visible ici : http://www.youtube.com/watch?v=oG9YwQ85CdQ
bronski
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Re: Fin Août Début Septembre : un Assayas injustement mésest

Message par bronski »

Nicolas Brulebois a écrit :Brian De Palma (dont Medeiros a été un temps la compagne)
Ah ça je savais pas. Je l'ai croisée au temps où le frère de mon ex sortait avec elle.
Nicolas Brulebois a écrit :A ce sujet : le réalisateur a filmé le dernier clip de la chanteuse ; c’est visible ici : http://www.youtube.com/watch?v=oG9YwQ85CdQ
Ouais ben t'enlèves les paroles t'as l'impression d'entendre du Velvet :?
Nicolas Brulebois
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Re: Fin Août Début Septembre : un Assayas injustement mésest

Message par Nicolas Brulebois »

bronski a écrit :
Nicolas Brulebois a écrit :Brian De Palma (dont Medeiros a été un temps la compagne)
Ah ça je savais pas. Je l'ai croisée au temps où le frère de mon ex sortait avec elle.:?
Plus sérieusement: il paraît qu'elle est créditée (outre la chanson Altar sur la BO), sur le film Femme Fatale, pour avoir dessiné un bijou bizaroïde porté par l'héroïne. Manifestement, la "collaboration artistique" Medeiros/De Palma s'arrête là.
bronski a écrit :
Nicolas Brulebois a écrit :A ce sujet : le réalisateur a filmé le dernier clip de la chanteuse ; c’est visible ici : http://www.youtube.com/watch?v=oG9YwQ85CdQ
Ouais ben t'enlèves les paroles t'as l'impression d'entendre du Velvet :?
FAUX :mrgreen: Tu as l'impression d'entendre du Stinky Toys, le premier groupe d'Elli Medeiros, qui fut l'un des premiers groupes punks français. Cette ballade était à l'origine sur leur 2e album, et la chanteuse l'a repris (ainsi que 2 autres chansons) sur son dernier album en date.
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Message par murphy »

J'ai trouvé ce film super chiant. Ca ne m'a pas intéressé du tout. :|

De manière générale de toute façon, je n'accroche pas au film de "bandes", je m'y retrouve pas, ca me semble toujours super branchouille (si toutefois ce mot veut dire quelque chose). :|
Nicolas Brulebois
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Message par Nicolas Brulebois »

murphy a écrit :J'ai trouvé ce film super chiant. Ca ne m'a pas intéressé du tout. :|

De manière générale de toute façon, je n'accroche pas au film de "bandes" :|
Je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’un « film de bandes » : ce n’est pas la chronique d’une amitié entre potes, mais plutôt une réflexion douce-amère sur la séparation, la construction/déconstruction d’un couple, et aussi un peu la création (littéraire, pour le coup)…

A moins que tu ne parles de « film de bandes » parce qu’on retrouve quelques figures familières de l’univers Assayas ? (Virginie Ledoyen, Elli Medeiros)

J’avoue que j’ai du mal à comprendre cet argument contre le film… tu peux développer :?:
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Message par murphy »

Nicolas Brulebois a écrit : J’avoue que j’ai du mal à comprendre cet argument contre le film… tu peux développer :?:
J'entends par film de "bandes" film avec bandes d'amis, film qui narre (ca se dit ça "narre" ? ) les relations amitié ou amoureuse peu importe des membres de cette bande d'amis.
L'Assayas, je l'ai pas revu depuis ca sortie, alors bon peut être que ma définition de films de bande ne correspond pas à la tienne mais moi, personnellement, ca m'ennuie.
Ce n'est pas un argument contre le film, c'est un ressenti, je suis plus sensible aux films avec des personnages solitaires genre lonesome cowboy que ces portaits groupés de trentenaires (qui plus et sont souvent tous sur le même moule "bobo" parisien dans appart chic avec boulot sympa). J'ai rien contre mais moi je ne m'y retrouve pas. :|
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Re: Fin Août Début Septembre : un Assayas injustement mésest

Message par murphy »

bronski a écrit :
Nicolas Brulebois a écrit :Brian De Palma (dont Medeiros a été un temps la compagne)
Ah ça je savais pas. Je l'ai croisée au temps où le frère de mon ex sortait avec elle.
Tu as croisé Brian de Palma qund ton frère sortait avec Eli Medeiros ? :shock:
Il a du bol ton frère, c'est assez classe je trouve de se faire piquer sa nana par Brian de Palma, c'est quand même pas n'importe qui ça Brian de Palma, c'est autre chose que le maitre nageur de la piscine municipale :evil:
Nicolas Brulebois
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Message par Nicolas Brulebois »

murphy a écrit :
Nicolas Brulebois a écrit : J’avoue que j’ai du mal à comprendre cet argument contre le film… tu peux développer :?:
J'entends par film de "bandes" film avec bandes d'amis, film qui narre (ca se dit ça "narre" ? ) les relations amitié ou amoureuse peu importe des membres de cette bande d'amis.
L'Assayas, je l'ai pas revu depuis ca sortie, alors bon peut être que ma définition de films de bande ne correspond pas à la tienne mais moi, personnellement, ca m'ennuie.
Ce n'est pas un argument contre le film, c'est un ressenti, je suis plus sensible aux films avec des personnages solitaires genre lonesome cowboy que ces portaits groupés de trentenaires (qui plus et sont souvent tous sur le même moule "bobo" parisien dans appart chic avec boulot sympa). :|
Je me permets de défendre un peu le film : même s’ils en ont (pour toi) les signes extérieurs, les « bobos » de ce film ne le sont pas tout à fait, puisque le cinéaste met leurs déboires financiers très en avant. Tous les « héros » sont à peu près fauchés. Alors, même si les personnages joués par Amalric, Balibar, Cluzet, etc. ne sont pas encore SDF, loin de là… il me semble que la caractérisation financière assez accentuée (tous ces « artistes maudits » acceptent des jobs un peu nazes histoire d’avoir la marge manœuvre nécessaire à pondre ensuite leur hypothétique oeuvrette) permet au film d’échapper à ce cliché « bobo branchouille » – qui me faisait moi aussi assez peur, au début.

Quant à ta manière de définir le « film de bandes » en opposition avec les personnages de solitaires que tu affectionnes… Ici, il n’est question que de l’amitié entre un ex-couple et un écrivain… la seule vraie « bande » est celle du frangin du personnage principal, qui est montrée de façon assez ironique, je trouve, comme un ramassis d’ex-gauchos-néo-bio-fumeurs-de-chanvre assez ridicule.
Je pense qu’au lieu de « film de bande », tu devrais peut-être dire « film choral », non ? Le genre d’histoire où l’on suit plusieurs personnages à la fois, sans que ceux-ci forment spécialement une « bande ». (mais même là, je ne suis pas certain de pouvoir affirmer que « Fin Août… » relève à 100% du genre « choral »; j'ai l'impression qu'on aurait tort de lui accoler une étiquette)
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Message par murphy »

Nicolas Brulebois a écrit : tous ces « artistes maudits » acceptent des jobs un peu nazes
mouais, enfin job un peu naze, y'a pire...c'est pas dans ce film ou Almaric doit rédiger une encyclopédie des écrivains ou quelque chose dans ce genre ?
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Jeremy Fox
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Re: Fin août, début septembre (Olivier Assayas - 1998)

Message par Jeremy Fox »

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Gabriel (Mathieu Amalric) tente de vendre son appartement suite à sa séparation d’avec Jenny (Jeanne Balibar) qui est toujours amoureuse de lui. Il vivote en travaillant dans le monde de l’édition et propose à son ami Adrien (François Cluzet), un écrivain en panne d’inspiration, de réaliser un reportage sur lui en revenant à Mulhouse sur les lieux d’enfance de l’artiste. Ce dernier profite du voyage en train pour apprendre à Gabriel qu’il a non seulement des ennuis financiers mais également de graves soucis de santé. Alors que Gabriel débute une nouvelle relation avec Anne (Virginie Ledoyen), une jeune fille pleine de vie mais assez instable, Adrien tombe amoureux de Véra (Mia Hansen-Love), une jeune adolescente à qui il n’ose pas parler de sa maladie…

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"Lorsque j’ai écrit Fin août début septembre, je pensais faire un film sur la mort. Quand j'ai réalisé le film et durant le montage, alors que je pensais faire un film sur la mort, j'ai vu que je faisais un film sur la vie" disait Olivier Assayas en 1999, l’année de sa sortie. Et en effet à mi-parcours, le film dépeint le travail de deuil d’une poignée de personnages suite au décès d’un ami, décrit "la façon dont la disparition d'un être crée un vide et comment ce vide se remplit". Et au final, le résultat des réflexions qui seront nées de cette mort aura été quasiment lumineux pour tout ce petit monde que nous aurons vu vivre des scènes du quotidien durant une année complète, le réalisateur jouant avec les ellipses avec une grande intelligence. Un film tièdement accueilli à sa sortie et qui mérite vraiment que l’on s’y arrête 20 ans après tellement il continuait de démontrer le style et le talent si particuliers d’un cinéaste encore aujourd’hui trop méconnu du grand public, toujours trop souvent cantonné au seul ‘cinéma d’auteur’ sans que ce ne soit nécessairement juste tellement des titres comme L’heure d’été ou Sills Maria auraient facilement pu toucher un panel de spectateurs bien plus large, le cinéma de Assayas n’étant d’ailleurs dans l’ensemble pas spécialement austère ni ardu, au contraire souvent d’un bel élan lié à une profonde sensibilité.

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Peut-être que beaucoup ont dans l'idée qu’il s’agit d’un cinéma cérébral par le fait qu’avant d’être réalisateur Assayas ait tout d’abord été critique de cinéma aux Cahiers du cinéma mais c’est oublier qu’il écrivit aussi pour Rock & Folk et Metal Hurlant dans lesquels, malgré ses goûts éclectiques, il s’était fait spécialiste en cinéma asiatique, notamment celui de Hong Kong et Taïwan. Il arrêta cette activité en 1985 pour se lancer dans la réalisation. Dès Désordre en 1986, au travers ce portrait de la jeunesse des 80's furieusement romantique, assez noir mais jamais déprimant, il prouvait d’emblée que sa réalisation était non seulement personnelle et fortement racée mais également d'une élégance folle. Le cliché qui veut que tous les critiques passant derrière la caméra se plantent la plupart du temps était alors une fois de plus battu en brèche. Malgré de très belles réussites comme Paris s’éveille, Une Nouvelle vie - peut-être le plus beau rôle de Bernard Giraudeau que l’on attend toujours de voir apparaitre sur support numérique - ou encore L’Eau froide - version cinéma du téléfilm réalisé pour Arte dans la fameuse série de téléfilms Tous les garçons et les filles de leur âge -, il lui faudra attendre son hommage vibrant et plein de vitalité au cinéma avec Irma Vep pour avoir une reconnaissance du public un peu moins confidentielle. Après Fin août début septembre - qui reste un des films préférés du réalisateur : et je ne lui donne pas tort – il réalisera encore un film à costumes avec Les Destinées sentimentales ou encore L'Heure d'été, une œuvre fortement poignante abordant à nouveau le travail de deuil et l'unité familiale qui risque d'être bouleversée par l'organisation de la succession.

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Sa superbe série sur Carlos, le sympathique Après Mai ou encore le passionnant Sills Maria feront eux aussi – et c’est tout à fait justifié - une belle unanimité auprès de la critique qui désormais dans son ensemble respecte beaucoup le cinéaste et lui reconnait un beau talent. Certes inégale dans son ensemble - même si les ratages sont bien moindres que les réussites -, une filmographie qui me semble être l'une des plus passionnantes et les plus pleine de ferveur du cinéma français de ces dernières décennies. Pour en terminer avec ce panégyrique qu’il m’est très plaisant d’écrire en espérant faire des émules, il ne faudrait pas oublier qu’il signa à mon humble avis le segment le plus enthousiasmant et l’un des rares mémorables de Paris, je t’aime, le film collectif à sketchs regroupant 22 réalisateurs où il côtoyait, excusez du peu, pas moins que Gus Van Sant, les frères Coen, Alfonso Cuaron, Alexander Payne, Nobuhiro Suwa ou Wes Craven pour ne citer que les plus connus. Au travers sa captivante filmographie et quelques belles références placées ici et là sans jamais qu’elles n’alourdissent ses œuvres, Assayas aura eu maintes fois l’occasion de nous faire partager son amour pour la jeunesse, le rock, Feuillade, Ingmar Bergman, la Nouvelle Vague – il fera d'ailleurs partie de ce que l’on a appelé la nouvelle Nouvelle Vague au milieu des 90’s - ou encore le cinéma hongkongais auquel il emprunta à plusieurs reprises l’une de ses égéries, la belle Maggie Cheung (qui fut son épouse avant Mia-Hansen Love). En attendant de découvrir son dernier né en cours de gestation, un film d’espionnage avec Penelope Cruz et son Carlos, Edgar Ramirez, redécouvrons avec un immense plaisir son superbe Fin août début septembre.

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Ce dernier met en scène une dizaine de personnages dans leur quotidien le plus banal, le tout d’une manière très réaliste et très crédible, ce que savait parfaitement bien faire le cinéma français surtout dans ses glorieuses années 90 avec l’arrivée d’une nouvelle génération de cinéastes emmenée par Arnaud Desplechin, Cedric Kahn, Patricia Mazuy, Xavier Beauvois, Hervé Le Roux et bien d’autres encore. Un cinéma souvent bêtement qualifié de ‘bobo’ mais dont le corpus est devenu aujourd’hui un véritable document sociologique sur l’époque, l’équivalent de la Nouvelle Vague pour les années 60 ; il n’est d’ailleurs pas étonnant que cette mouvance ait été nommée un peu plus tard comme nous l’évoquions déjà ci-avant ‘nouvelle Nouvelle Vague’ surtout qu’elle ne lui est en rien inférieure. Mais trêve de détours et revenons-en au pitch ! Gabriel tente de vendre son appartement suite à sa séparation d’avec Jenny qui est toujours amoureuse de lui. Il vivote en travaillant dans le monde de l’édition et propose à son ami Adrien, un écrivain en panne d’inspiration, de réaliser un reportage sur lui en revenant à Mulhouse sur les lieux d’enfance de l’artiste. Ce dernier profite du voyage en train pour apprendre à Gabriel qu’il a non seulement des ennuis financiers mais également de graves soucis de santé. Alors que Gabriel débute une nouvelle relation avec Anne, une jeune fille pleine de vie mais assez instable, Adrien tombe amoureux de Véra, une jeune adolescente à qui il n’ose pas parler de sa maladie... Sans vouloir spoiler et en sachant que le film aborde le sujet de la mort et du deuil, il n’est pas très difficile de comprendre le personnage qui va passer l’arme à gauche, inspiré d'ailleurs à Assayas dans les grandes lignes par Serge Daney.

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Mais ce n’est pas bien grave et ça n’entache en rien l’appréciation du film de le savoir car bien évidemment il ne s’agit pas d’un scénario à surprises mais d’une œuvre ancrée dans la réalité et le quotidien, une peinture des rapports humains et du désarroi face à la maladie. Adrien autour de qui le récit va se recentrer à mi-film, c’est donc François Cluzet, le seul comédien de ce casting alors déjà connu à l’époque de la sortie en cette fin des années 90 ; il aura rarement été aussi juste, sobre et émouvant dans la peau de cet écrivain un peu névrosé qui ne croit pas en lui, qui a perdu l’inspiration et qui aura paradoxalement plus de succès après sa mort ; avant ça il est tombé amoureux d’une jeune adolescente interprétée par une troublante Mia-Hansen Love presque alors androgyne. Elle incarne ici une sorte de pureté qui se retrouvera dans le choix d’Adrien de lui faire comme don posthume un dessin aux traits justement épurés auquel il tenait beaucoup. Cette histoire d’amour entre un quarantenaire et une toute jeune fille est à la fois touchante et pleine de fraicheur. Gabriel et Jenny, ce sont Mathieu Amalric et Jeanne Balibar qui se sont beaucoup amusés à jouer cette séparation alors que leur couple à la ville était dans une période très heureuse. On ne dira jamais assez comment ce duo fonctionne à merveille et combien ils font partie des meilleurs comédiens apparus ces années-là, le jeu très original de Jeanne Balibar faisant ici des merveilles, Jenny étant peut-être pour cette raison le personnage le plus mémorable du film.

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Gabriel en ayant terminé de sa romance avec Jenny, il en entame une autre avec Anne campée par une Virginie Ledoyen qui aura rarement été aussi belle et sensuelle – sa scène de bondage devrait rester longtemps dans les mémoires tellement la caméra d’Assayas s’avère particulièrement voluptueuse à ce moment - : une jeune fille passionnée et pleine de vie mais également assez instable, ce qui va amener le couple à se chercher et parfois vaciller. La tension qui règne à ces moments est palpable et l’on vibre avec eux. Parmi le reste du casting, nous retiendrons avant tout Eric Elmosnino dans le rôle du frère moralisateur de Gabriel, Arsinée Khanjian (la muse d’Atom Egoyan) dans celui de l’ex-d’Adrien ou encore Nathalie Richard qui provient elle aussi - comme Amalric et Balibar - et de ce vivier de talents éclos au début des années 90. Tout ce petit monde est filmé par Assayas au plus près des corps et des visages, à partir de choix techniques assez radicaux "dans des conditions de Dogme" - dénuement presque total -, caméra super 16 à l’épaule qui apporte une grande liberté et qui par l’ultra sensibilité de la pellicule n’ayant quasiment pas besoin de lumière donne à l’écran une texture très particulière, très granuleuse. Peu de champs/contre champs mais beaucoup de plans séquences, un découpage parfois brutal et un montage qui laisse expressément l’impression de scènes tronquées. Dès la mi-parcours, après que nous ayons fait bien connaissance avec tous les protagonistes, Assayas nous parle alors principalement du travail de deuil et de comment la vie se reconstitue autour de l'absence d'un être chéri ; et son constat se révèlera bien plus lumineux que nous aurions pu l’imaginer, la séquence finale qui restera sur une image en suspens faisant partie des plus émouvantes et mélancoliques de tout son cinéma, porteuse d’espoir, de lumière et de nouveau départ.

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Un cinéma spontané, vibrant et aérien tout en restant constamment fluide et gracieux (on pourrait d’ailleurs dire ça de quasiment tous les films du réalisateur) ; un cinéma introspectif et personnel d’une grande acuité, dans la mouvance de Chereau et Desplechin mais pas aussi cérébral que le second ni aussi sombre et désespéré que le premier. "C'est ce qui se rapproche le plus d'un journal intime en matière de cinéma" dira Olivier Assayas de ce film qu’il voulait centrer sur les acteurs et dont la division en chapitres fait clairement référence à l’aspect littéraire de l’histoire, beaucoup des protagonistes travaillant dans le domaine de l’écriture. Le réalisateur disait encore : "je voulais revenir au cinéma épuré de tout le superflu […] je voulais voir si je pouvais faire un film entièrement basé sur les émotions [...] J'ai tenté de capturer les sentiments et les émotions du quotidien..." Mission accomplie pour ce film fait avec des bouts de ficelles où ont convergé beaucoup de choses qu'Assayas avait cherché depuis qu'il avait commencé à faire du cinéma : ces émotions nous les partageons avec ses personnages et ses acteurs qui ont tout compris à l’improvisation et qui s’en servent à merveille pour amener à un plus grand naturel, à une remarquable authenticité et à une étonnante justesse. Cette chronique douce-amère sur le couple, la séparation, l’amitié, l’amour, le deuil et la reconstruction est portée à bout de bras par la musique splendide et épurée de Ali Farka Touré tirée de son album The Source ; il aurait été dommage de finir ce texte sans la citer.
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Watkinssien
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Re: Fin août, début septembre (Olivier Assayas - 1998)

Message par Watkinssien »

Assayas confirmait sa patte encore une fois avec ce film touchant, libre, aérien, parfaitement interprété.
Une révision s'impose.
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Jeremy Fox
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Re: Fin août, début septembre (Olivier Assayas - 1998)

Message par Jeremy Fox »

Dans les passionnants bonus du Bluray, Assayas confirme aussi qu'il est l'un des cinéastes que j'apprécie le plus d'entendre parler de son métier, un homme intelligent, d'une grande simplicité, de plus profondément sensible et sympathique, ce qui ne gâte rien. Les retrouvailles 20 ans après entre Amalric et Assayas durant 40 minutes sont également fortement émouvantes.
Max Schreck
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Re: Fin août, début septembre (Olivier Assayas - 1998)

Message par Max Schreck »

J'avoue n'avoir déjà plus trop de souvenirs, mais c'est un film choral que j'avais beaucoup apprécié à sa sortie, et que j'aimais revoir régulièrement. Il faisait suite à Irma Vep auquel je vouais déjà un petit culte, et je l'associe vraiment à cette époque révolue où ma cinéphilie parcourait le quartier latin et se nourrissait du cinéma des Desplechin, Assayas, Podalydès et de cette génération d'acteurs Amalric, Ledoyen, Balibar, Bouchez, Poupaud, Bruni-Tedeschi et autres Emmanuel Salinger.
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Bogus
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Re:

Message par Bogus »

murphy a écrit :J'ai trouvé ce film super chiant. Ca ne m'a pas intéressé du tout. :|
Voilà à peu près ce que j’ai ressenti pendant 1h40.
Le style, l’écriture... je ne sais pas. Seule Jeanne Balibar m’a sorti de ma torpeur.

Et puis sans que je m’y attende il y a cette fin superbe, simple, intelligente et comme Mathieu Amalric on ne tient plus en place, on a le cœur qui s’emballe et 1000 projets dans la tête. :o
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