Premier passage derrière la caméra pour Roschdy Zem qui passe donc ici au long-métrage en tant que réalisateur et traite d’un sujet déjà abordé dans le cinéma mais auquel il redonne une jeunesse et une fraîcheur assez inédites : l’amour entre un jeune homme arabe et une femme juive. Quiproquos, malentendus, dîners ratés qui imposent les silences gênants, positions rétrogrades ou au contraire volonté de s'en affranchir et d'aller vers des positions progressistes, coups de gueules et coups de cœur, le jeune réal traite tout cela sans l’aplomb qui l’aurait plongé dans le film à thèse, mais avec une conviction certaine et surtout beaucoup d’intelligence.
Autour de Roschdy Zem qui co-écrit le film et hérite du rôle d’Ismaël garçon rêveur parfois mal dans ses baskets, la talentueuse Cecile de France apporte la force de caractère d’un personnage déterminé mais se remettant aussi pas mal en cause. Les préjugés et les à priori sur le papier ont été esquivé : le film n’est pas à charge ou à thèse, il ne pointe du doigt aucune communauté comme responsable. Il invite davantage au dialogue, et surtout à l’intelligence. C’est toujours plus agréable de parler avec des gens ouverts y compris lorsqu’elles sont de confession différentes des notres plutôt que de mettre en avant les différents religieux. En cela le film n’est pas tant une attaque contre l’intolérance qu’un film sur l’ouverture d’esprit et le partage entre les communautés, le mariage des origines ressortant grandi plutôt qu’affaibli. On a droit aussi à une esquive du film prenant parti de façon unilatérale grâce à un saisissant dialogue autour d’Israel et de la Palestine qui débute comme une simple partie de jeu en menaçant de se finir en rupture. Mais là encore pas de burin, de la finesse et de la contradiction dans les réparties (au sens j'avance une idée et tu peux me contredire). Le film est dans ce sens beaucoup plus rassembleur que diviseur. Il ne se pose pas en traité ou tentative d’explication de texte scolaire sur le conflit du Proche-Orient, et se positionne davantage en film pro arabe et israélien, que l’un contre l’autre. C’est sa force et sa grandeur.
Outre Roschdy et Cécile, on retrouve avec un plaisir non feint Jean-Pierre Cassel dans un rôle plein de noblesse qui lui va à merveille, un pincement au cœur étant inévitable quand on revoit cet acteur au talent si monstrueux et à la chaleur humaine si perceptible. A l’image du film lui-même, alerte, au rythme incroyable, qui porte en jubilation de tous les instants les scènes de dialogues pourtant sans fioritures, mais aussi les atermoiements, les doutes, les remises en question ou les caresses, subtiles, filmées par une caméra complice. La photo s’en sort aussi pas mal, mais c’est surtout la rigueur de la mise en scène qui impressionne, la maturité de cette dernière et la volonté de Roschdy Zem de s’affranchir de l’apparent cadre télévisuel du sujet, qui pourrait convenir à un format télé, mais qui par la transposition su grand écran prend une toute autre dimension.
Les scènes fortes se succèdent, tantôt très drôles grâce à la participation de Pascal Elbé, parfait lui aussi en ami de longue date, tantôt plus dramatiques, faisant constamment voguer le spectateur entre rires francs et larmes aussi essentielles que libératrices : elles ne viennent pas en forçant, elles viennent naturellement, comme les répliques, les scènes d’accolades transcendant la beauté des liens familiaux, l’unité des familles, unies dans les épreuves, les doutes et au final les espoirs, comme le dernier plan, tout un symbole, au delà de la simple métaphore du «Acceptons nos différences». Le film va bien au dela, intergénérationnel, direct dans son approche, travaillé dans son cadrage, bossé dans les moindres détails dans ses réparties, semblant couler de source, tant il est évident qu’il y a un don chez Roschdy pour parler de l’homme, de la femme et de l’amour.
Quand Clara est prête à prendre une décision grave
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Cerise sur le gâteau, comble du bonheur, Leïla Bekhti qui interprète la petite sœur Mounia, mine boudeuse, joueuse de foot passionnée, caractère bien trempé en impose dans ce premier contre-emploi. Comme le dit Roschdy dans le making-of du film où elle intervient également : « Un Bijou ». Une des cinq actrices qui me fait monter les larmes aux yeux dès son apparition sur un écran de cinéma. Et quand il est aussi large que l’est le cœur de ce film, ça en jette.
C’était le petit poussin du mois, le petit film et c’est ma Palme d’Or. La Palme du cœur, mais aussi et surtout de l’intelligence. De celle qui vous file la pêche et le sourire. Vous rendent heureux.
Merci Roschdy. Je t’aime.
Décidemment le cinéma français se porte très bien. Après Flandres, Sheitan, Comme t’y es belle, Mauvaise Foi confirme cette production de qualité dont il serait vraiment dommage de se priver.
DVD de très bonne qualité, tant au niveau de l’image que du son. Making-of du film en bonus
Palme d’Or
9.5/10