Redécouverte de ce grand film orphelin des années 90, au sein d’une filmographie elle-même mésestimée. Moins médiatisé que son acolyte George Miller, Weir reste un cas de réalisateur bizarrement oublié, souffrant d’une trop grande discrétion stylistique. On ne sait si de son style diffus extrêmement fluide, perceptif, refusant les effets, ou de son attachement à une forme de narration classique, est l’obstacle majeur à une reconnaissance plus grande.
Parmi les plus grandes réussites les moins connues de Peter Weir, il y a donc le cas du film, Fearless (Etat Second). Film sorti dans l’anonymat de l’année 1993, méditation étrange ur la décade, qui, déclinant la figure du héros weirien du poisson hors de l’eau, en décalage avec son environnement, doté d’un casting prestigieux (Jeff Bridges, Rosie Perez, Isabella Rossellini, John Turturro, Tom Hulce, Benicio Del Toro, excusez du peu ! ) se glisse dans l’esthétique glacée des années 90, et des valeurs matérialistes de l’american way of life, pour y faire jaillir, à travers l’histoire de ce personnage en crise, la possibilité d’un mode de vie alternatif, fondée sur l’authenticité et une liberté retrouvée. Un contre mythologie.
De cette liberté retrouvée lors du crash, consistant en une certaine attitude face à la mort, va naitre la nouvelle conscience de Max. Une sorte de névrose qui, jugeant du confort de sa vie, va l’en éloigner. La fiction névrotique de cet illuminé permet à Weir de faire procès à l’american way of life, à ses valeurs; à son matérialisme notamment auquel s'oppose la spiritualité de Max. Il y a un "manque à vivre", un oubli à vivre. Aussi l'événement du crash ramène t-il Max à l'essentiel, à rebours de cet endormissement; l'avion n'étant que la métaphore de la vie moderne. Le fait d'oublier de vivre revenant alors à oublier de se remémorer la scène de l'accident. Rarement un film n'aura fait du souvenir une question de vie ou de mort, réaffirmant, dans un final aussi beau que tétanisant, un magnifique "Je me souviens"que "je vis" .