Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2015)

Message par Jeremy Fox »

Du Chandler sous acides pour un film de situations, de personnages et de dialogues dans lequel l'intrigue (pas si aussi obscure que ça ; la preuve, je suis arrivé à reconstituer le puzzle) n'est pas ce qu'il y a de plus important. Mise en scène d'une maîtrise incroyable une fois de plus avec, comme dans les films de Tati, des tas de choses qui se déroulent à l'arrière plan et qu'il faudra plusieurs visions pour en découvrir toutes les richesses. Un Joaquin Phoenix qui prouve une nouvelle fois qu'il est le plus étonnant acteur de sa génération, une bande originale fabuleuse et un casting de malade (le Omar de the Wire, superbe Joanna Newson, un Martin Short hallucinant, un Josh Brolin drolissime...) Un film au ton unique entre The Long Goodbye, Tex Avery et The Big Lebowski. Je pense encore mieux l'apprécier lors d'une future revision ; en revanche je ne le conseillerais pas à tout le monde car je comprends qu'on puisse s'y ennuyer à mourir, le film étant constitué presque exclusivement de très longues séquences dialoguées.

EDIT : Sans oublier une mémorable Katherine Waterston ; à peine deux séquences mais quelles séquences ! Notamment la seconde qui ravira les amateurs de Foot Fetish :mrgreen:

EDIT 2 : je constate que les références à Altman (Le privé) et Coen (The Big Lebowski) reviennent très souvent.
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MJ
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2015)

Message par MJ »

Si les films de P.T.A peuvent parfois paraître ampoulés, ce n'est pas le cas du personnage: simple, agréable et passionnant sur près de deux heures de podcast avec Marc Maron (tjrs au top).

Inherent Vice confirme en tout cas la très bonne pente prise par le cinéaste depuis The Master.
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2015)

Message par A serious man »

Jeremy Fox a écrit :Du Chandler sous acides pour un film de situations, de personnages et de dialogues dans lequel l'intrigue (pas si aussi obscure que ça ; la preuve, je suis arrivé à reconstituer le puzzle) n'est pas ce qu'il y a de plus important. Mise en scène d'une maîtrise incroyable une fois de plus avec, comme dans les films de Tati, des tas de choses qui se déroulent à l'arrière plan et qu'il faudra plusieurs visions pour en découvrir toutes les richesses. Un Joaquin Phoenix qui prouve une nouvelle fois qu'il est le plus étonnant acteur de sa génération, une bande originale fabuleuse et un casting de malade (le Omar de the Wire, superbe Joanna Newson, un Martin Short hallucinant, un Josh Brolin drolissime...) Un film au ton unique entre The Long Goodbye, Tex Avery et The Big Lebowski. Je pense encore mieux l'apprécier lors d'une future revision ; en revanche je ne le conseillerais pas à tout le monde car je comprends qu'on puisse s'y ennuyer à mourir, le film étant constitué presque exclusivement de très longues séquences dialoguées.

EDIT : Sans oublier une mémorable Katherine Waterston ; à peine deux séquences mais quelles séquences, notamment la seconde qui ravira les amateurs de Foot Fetish :mrgreen:

EDIT 2 : je constate que les références à Altman (Le privé) et Coen (The Big Lebowski) reviennent très souvent.
J'approuve entiérement! j'ai vraiment aimé, Joachim Phoenix est superbe et il y a certains des plus beaux plan séquence du cinéma contemporain
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2015)

Message par Helena »

Je l'ai vue et c'est très particulier comme film, j'aime beaucoup déjà le fait qu'il y a plusieurs affaires pour une même intrigue en soit, et c'est disons très années 70 et farfelus pour le coup, mais cela ne nous choque pas vraiment, enfin moi non en tout cas, cela m'amuse et rien que pour le personnage nawak total de Doc incarné par Joaquin Phoenix, le film mérite d'être vue et je pense qu'il faut le voir plusieurs fois pour comprendre toutes les subtilités.
J'ai eu beaucoup de mal à appréhender le film en une seule vision car je ne suis pas une experte du réalisateur et encore moins du romancier. Le film est réellement trop dense à tous niveaux. Il y a déjà une différence entre le fond et la forme et c'est ce qui donne un côté encore plus foutraque au film, car entre l'univers très bizarre de Pynchon et la rigueur de Anderson, on pourrait presque croire que les deux sont incompatibles et en faite non, pas du tout.
C'est un pastiche de film noir et avec moi cela fonctionne très bien.
Il y a de constantes ruptures de ton et c'est ce qui au début peut surprendre, mais qui au contraire donne à l'oeuvre un aspect très hybride et qui te montre en faite la fin d'une époque, du moins pour les USA. Je ne vais pas dire que c'est conceptuel pour autant, c'est juste une vision sous acide de ce qu'est les USA à l'époque. Le film n'est pas une comédie alors que le trailer le faisait penser et pourtant je dois dire que vu certains personnages, on pourrait clairement le penser, il y a des moments réellement nawaks qui font bien rire et j'aime bien la différence entre notre personnage principal et celui incarné par Josh Brolin, qui pour le coup m'a vraiment surprise, je ne l'attendais pas dans un tel registre, enfin de cette manière en tout cas.
C'est un film très étrange en tout cas, qui pour le coup m'a fait penser à Oliver Stone alors que bon le film n'a aucun rapport avec la filmographie du monsieur, mais je ne sais pas pourquoi j'ai eu ses oeuvres en tête en voyant ce film. J'aime beaucoup l'approche du réalisateur pour les scènes sous drogue, c'est très différent de toutes les approches qu'on e eu pour le coup, en tout cas en ce qui concerne mes connaissances dans ce genre de cinéma, ce n'est pas un film de stoner au sens propre je pense, c'est plutôt un mélange de différentes influences sans que pour autant on se dise, ça je l'ai vue dans ce film ou autre, je ne sais pas trop comment exprimer la chose. En tout cas la mise en scène est encore une fois incroyable et adapte très bien le récit qui pouvait nous apparaitre comme effrayant à mettre en scène sur le papier, du moins pour ce que j'en sais. Ici je pense qu'avec une mise en scène un brin plus classique, le film serait limite irregardable et inintéressant, mais je peux me tromper pour le coup.
J'aime beaucoup comment le réalisateur nous met dans la tête de notre personnage, dans son univers via sa mise en scène, via l'utilisation des flous par exemple, on est limite dans un autre univers comme pourrait l'être le détective. On ne sait jamais vers quels genres veut nous mener le réalisateur et le scénariste, par moment on a limite l'impression de voir un film fantastique se rapprochant des premières oeuvres de Roman Polanski et pourtant cela reste différent, mais c'est plus pour l'atmosphère, c'est difficile à décrire. Je ne vais pas dire que l'histoire est trop étrange et que 'on se perd, mais par moment c'est limite le cas et cela ne me dérange pas vu qu'on veut se perdre et se laisser transporter par l'univers qui s'offre à nous.
Tout au long du film on se pose énormément de questions, que ce soit pour certains détails concernant la vie du héros, ou même sur les liens avec ou entre certains personnages, c'est très étrange et par moment on se demande même pourquoi les questions vu que les réponses n'arriveront pas, ou bien j'ai loupée les réponses en question. C'est vraiment what the fuck du début à la fin, c'est sexy, amusant, dynamique et pourtant il y a 20000 dialogues dans le film, mais c'est ce qui fait avancer le récit même si l'oeuvre ne s'arrête pas à cela bien entendu. C'est une oeuvre qui est blindée de détails et je pense que je dois encore voir une fois le film quand il sera disponible en blu-ray, en tout cas je pense que c'est la première fois que je suis réellement conquise par un des films du réalisateur, et surtout un des premiers ou je ne me suis pas une seule fois ennuyée. Le sexe y est filmer de manière diablement efficace, les questions aussi et même les plans séquences nous laissent sur les fesses dans tous les sens du terme. Le film a un caractère très singulier et on peut dire que par les thématiques et le traitement, c'est très particulier car ça donne une nouvelle approche à ce type de film et je pense qu'il sera peut-être très difficile de faire mieux. Je me suis laissée entrainer tout au long de l'oeuvre en tout cas et même si j'étais souvent dans le brouillard, je ne vais pas m'en plaindre une seule seconde. C'est un film en tout cas d'une grande cohérence et pourtant pendant la première demi-heure on se demandait réellement ce que c'était. J'aime beaucoup en tout cas et je le recommande, je lui donne en tout cas la note de 7/10 car il mérite une seconde vision.
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par Le Ciné Joker »

J'ai personnellement toujours conçu le cinéma comme un médium se divisant en deux « sous-arts » distincts : « le cinéma vérité » et « le cinéma formaliste ». Le premier, en prônant l'idée « d'image trace », essaye de nous interpeller sur l'ambiguïté de la réalité en tentant de s'emparer du réel, tout en évitant de sombrer dans la simple reproduction mimétique. Le second accorde une place prépondérante aux formes artistiques, souvent les plus subjectives, en essayant pour sa part d'atteindre l'indicible réalité du monde à travers la réorganisation et l'image qu'il en propose.
A ce niveau, « Inherent Vice », le dernier film de Paul Thomas Anderson, est très ambiguë. Léché sur le plan formel et esthétique, les sinuosités de sa narration perdent vite le spectateur. Explications.


Inherent Vice est l'adaptation par Paul Thomas Anderson du roman homonyme de Thomas Pynchon. L'action se déroule en 1970 à Los Angeles, du point de vue de « Larry Doc » Sportello, un détective privé hippie occupant le gros de son temps libre à se droguer. Le film s'ouvre par une visite que lui rend son ancienne petite amie. Elle essaye de le convaincre d'enquêter sur un promoteur immobilier milliardaire dont elle craint que l'épouse et son amant conspirent pour le faire interner. Se lançant dans l'enquête, Sportello va se retrouver au cœur d'une histoire de trafic de drogue aux multiples ressorts et acteurs.

Dès les premières séquences, le spectateur est perdu dans des scènes verbeuses enchainant les sketches dans lesquelles les acteurs s'en sortent très bien. Brisant le rythme de l'intrigue, Anderson affiche alors son premier objectif : faire un film à atmosphères et à longues séquences se suffisant à elles-mêmes. Ne traitant quasiment jamais de l'intrigue de plus en plus sinueuse qui finit par passer en second plan, les dialogues s'égarent dans des discussions quasi-tarantinesques révélant l'état d'esprit pessimiste des différentes couches de la société à cette époque là, toutes sous l'emprise de l'éternel retour du réel : la fin de la parenthèse enchantée des année 60, le retour de la déchéance morale et de l'autorité policière.

Même si les séquences finissent par s'affadir sur la durée et que les scènes sans réelle articulation s'entrechoquent à mesure que le film avance, brisant ainsi toute cohérence dans la narration, il est à noter une immense maitrise de la part du réalisateur dans la peinture de ses atmosphères. Sa mise en scène, constituée principalement de long fondus enchainés incessants, de plans séquences, de travelings lents ou encore de gros plans à faible profondeur de champs, couplée aux caractères burlesques et imprévisibles des personnages et au style visuel rétro et psychédélique accompagné avec élégance par une BO surf-jazz liant les séquences entre-elles, parvient à créer une réelle ambiance vintage, fascinante mais indéniablement dérangeante. Le jeu sur l’obscénité, le corps sexué des femmes, les réactions burlesques et en même temps dégoutantes de la police retranscrivent à merveille l'ambiance très spéciale des années 70 : celle d'une période insouciante cachant un malaise qui la ronge inconsciemment. Ce malaise éclora dans la dernière partie du film et l'explosion de la violence qui la caractérise, encore une fois très bien amenée par la mise en scène d'Anderson à travers son travail sur les distances focales et la mise au point.

Même si l'incohérence narrative, très bien formalisée par les fondus, nous conduit de plus en plus à penser que Sportello assimile son enquête à ses délires comme le spectateurs assimile le récit à ceux d'Anderson, la structure elliptique du film peine à fonctionner sur la durée. Même si par intermittence les situations burlesques très bien amenées peuvent fasciner et captiver, elles tournent très rapidement à vide et se changent à terme en un objet de plus en plus bouffon. Ce qui est en cause ici, c'est les portraits des personnages. Beaucoup trop nombreux, introduits beaucoup trop rapidement, tous sont imperceptibles. A trop osciller entre des dialogues à la vacuité volontaire, des comportements surréalistes et une intrigue hermétique, Anderson ne parle au final plus de rien et désincarne involontairement ses personnages. En plus de ses problèmes d'articulations, le film peine réellement à trouver un réel langage, enfermant son réalisateur dans la virtuosité hermétique qui tourne assez vite à la démonstration de force creuse. Le film paraît au final trop confus pour captiver pleinement, mais aussi trop bien maitrisé et beaucoup trop sûr de ses qualités pour fasciner et bousculer pleinement.

Bousculer, il en est en effet question. En ne donnant aucune consistance à ses procédés, tout en introduisant une série de thèmes bâclés séquences après séquences, Anderson ne parvient finalement pas à faire saisir sa vision auteuriste du monde qu'il est en train de représenter. On l'aura compris, il se range ici du coté des formalistes. Formalistes qui font fonctionner leurs films suivant leurs propres règles et un langage qu'ils sont les seuls à comprendre. Formalistes donc, mais formalistes particuliers, qui ne sous estiment pas les potentialités émotionnelles de l'irruption du réel dans leurs films, en témoigne l' élégance de la séquence sensuelle de retrouvaille entre Sportello et son ancienne petite amie, qui s'achève par un acte sexuel aussi perturbant que fascinant. Une séquence à l'image film, dans laquelle Anderson arrive par intermittence à capter avec délicatesse et sincérité l'image d'une scène émouvante, une scène qui pour lui est un objet pour nous inconnu mais émouvant et sensuel parce qu'il sait le représenter. L'irruption du réel qui achève la séquence est elle aussi en elle-même psychédélique. Elle illustre bien ce qu'il n'a pas réellement cherché à faire dans ce film : atteindre une partie de l'universel dans les images qu'il montre.

Ni totalement formaliste, ni réaliste, Inherent Vice peine à trouver son chemin ce qui est dommage car cinématographiquement et thématiquement, le film est très riche.



Note : 12/20
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Duke Red
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par Duke Red »

J'y allais un peu avec appréhension, craignant après la déconvenue The Master que la rencontre entre Anderson et Pynchon (que je connais seulement de réputation) tourne au trip verbeux et autorisant. Alors certes je ne le reverrai pas de sitôt, mais j'ai trouvé ça vraiment bien, pas exempt de défauts (notamment le rythme qui faiblit dans la 2ème partie -
Spoiler (cliquez pour afficher)
dès lors que l'ex-petite amie refait surface
; d'ailleurs le fameux plan sur le canapé, je trouvais que le réal se regardait un peu trop filmer), mais je me demandais constamment où l'histoire allait nous mener. Celle-ci est loin d'ailleurs d'être incompréhensible, il "suffit" juste de ne pas perdre de vue le nom des nombreux personnages. Inherent Vice est comme un puzzle foireux, dont les pièces ne s'imbriqueraient pas parfaitement, mais qui fait sens globalement. Il y a juste un point qui est resté obscur :
Spoiler (cliquez pour afficher)
pourquoi Josh Brolin met-il la drogue dans le coffre de Joaquin Phoenix à la fin ?
La reconstitution est impeccable et a le bon goût de ne pas trop en faire (c'est pas la fête du slip des accessoires 70s, heureusement). C'est souvent drôle, trippant lorsque le héros se la joue undercover (chez les dentistes ; à l'institut psychiatrique) et on retrouve comme dans Punch-Drunk Love ces élans d'affection qui lient des personnages un peu marginaux, à l'image de la fin, où les méandres de l'intrigue, cet enchevêtrement de complots où même l'ombre de Nixon flotte, vont aboutir aux retrouvailles toutes simples et très belles entre un père et sa famille. Mais au-delà de l'atmosphère de défonce joyeuse et drôlatique dans laquelle baignent Doc Sportello et son entourage, Anderson dessine en creux un monde particulièrement inquiétant, où des puissances maléfiques - la politique, le FBI, la drogue, le business - oeuvrent dans l'ombre et transforment le pays, faisant table rase des anciens quartiers et de ses populations, contaminant ceux qu'elles touchent (l'ex est comme éteinte à son retour) et menaçant d'engloutir nos héros, contraints à une fuite incertaine (vers où le couple roule-t-il à la fin ?). C'est cette ambiance discrètement crépusculaire, cette mélancolie sourde, qui élèvent Inherent Vice au-dessus du film à enquête bêtement foutraque que le bande-annonce pouvait laisser présumer.
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par AtCloseRange »

Allez quelques mots pour parler du film le plus décevant de PT Anderson et j'en suis le premier déçu.
J'ai été vraiment sous le charme pendant 20-30 minutes: c'est drôle, la reconstitution est parfaite et je me suis laissé happé par cette enquête enfumée.
Sauf que sur le longueur, ça ne tient pas la route. Il n'y a pas d'enjeu, pas de personnages ou presque (beaucoup de seconds rôles sont là pour la galerie et ne servent quasiment à rien: Del Toro, Eric Roberts, la pauvre Reese et ses 2 scènes, Martin Short - rigolo 2 minutes mais qui "disparaît" et on s'en fout).
Owen Wilson est plus présent mais n'ai rien d'intéressant à jouer (toutes ses scènes sont les plus emmerdantes) A quoi bon tant tout cela relève de la digression constante.
The Big Lebowski au-delà de son apparente superficialité se révèle beaucoup plus profond et surtout permettait à toute une galerie de personnages secondaires d'exister, d'avoir des scènes pour les incarner. Rien de tel ici.
Je n'ai pas lu Pynchon mais j'ai le sentiment que le problème vient de la source. ça marche peut-être sur papier mais ici, l'enchaînement de scènes disjointes et incohérentes ne fait pas un film.
Les 2h30 n'ont pas été aussi pénibles que ça car (très) ponctuellement l'intérêt peut revenir (quand la jeune Waterston revient - mais là encore, elle est trop peu présente et ses scènes à tonalité plus dramatique ou sérieuse jurent avec le côté jemenfoustiste du reste du film).
Bien sûr, il y a Joaquin Phoenix mais même lui ne sort pas complètement indemne du flou entretenu par le film.
Et puis bon, 2h30 pour ça, c'est abusé.
Depuis Double Mise, c'était un quasi sans faute. ça devait bien arriver un jour.
Dernière modification par AtCloseRange le 21 mars 15, 19:09, modifié 1 fois.
7swans
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par 7swans »

AtCloseRange a écrit : Sauf que sur le longueur, ça ne tient pas la route. Il n'y a pas d'enjeu, pas de personnages ou presque (beaucoup de seconds rôles sont là pour la galerie et ne servent quasiment à rien: Del Toro, Eric Roberts, la pauvre Reese et ses 2 scènes, Martin Short - rigolo 2 minutes mais qui "disparaît" et on s'en fout).
Owen Wilson est plus présent mais n'ai rien d'intéressant à jouer (toutes ses scènes sont les plus emmerdantes) A quoi bon tant tout cela relève de la digression constante.
The Big Lebowski au-delà de son apparente superficialité se révèle beaucoup plus profond et surtout permettait à toute une galerie de personnages secondaires d'exister, d'avoir des scènes pour les incarner. Rien de tel ici.
(...)
Les 2h30 n'ont pas été aussi pénibles que ça car (très) ponctuellement l'intérêt peut revenir (quand la jeune Waterston revient - mais là encore, elle est trop peu présente et ses scènes à tonalité plus dramatique ou sérieuse jurent avec le côté jemenfoustiste du reste du film).
Bien sûr, il y a Joaquin Phoenix mais même lui ne sort pas complètement indemne du flou entretenu par le film.
Et puis bon, 2h30 pour ça, c'est abusé.
Pareil.

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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par G.T.O »

Moi, j'ai beaucoup aimé.

J'ai énormément penser à Punch Drunk Love. Même récit instable, même ivresse, une histoire simple avec un arrière-plan qui gronde, construite sur un personnage central autour duquel gravite situations et personnages si ubuesques que l'on en vient à interroger la véracité de la narration. Une enquête qui débute avec une scène ambivalente de demande d'aide et d'explications et qui se termine avec des retrouvailles artificielles ( comédie de remarriage ). Difficile à croire qu'il s'agisse d'un film à prendre littéralement. Il n'a pas seulement l'allure d'un trip comme on l'a trop souvent dit. Mais le film est lui-même une divagation dont l'idée d'enquête est le produit. Un film-délire en somme ( et non un film délirant) qui, à différents moments trahit sa nature. Réponse du Doc à un événement douloureux, dont les différentes apparitions de Shasta nous font progressivement comprendre le caractère entêtant et intense.
Dernière modification par G.T.O le 22 mars 15, 14:58, modifié 1 fois.
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par ed »

G.T.O a écrit :Un film-délire en somme, et non un film délirant, qui, à différents moments est confondu de manière très allusive, est là pour combler un drame, un deuil ( ?), resté hors-champ; et dont les différentes apparitions de Shasta nous fait progressivement comprendre l'insurmontable dépassement.[/justify]
Y'a des bizarreries syntaxiques, dans cette phrase
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par G.T.O »

ed a écrit :
G.T.O a écrit :Un film-délire en somme, et non un film délirant, qui, à différents moments est confondu de manière très allusive, est là pour combler un drame, un deuil ( ?), resté hors-champ; et dont les différentes apparitions de Shasta nous fait progressivement comprendre l'insurmontable dépassement.[/justify]
Y'a des bizarreries syntaxiques, dans cette phrase
Oui, c'est vrai, je l'admets.Trop d'idées en une phrase. :mrgreen:

Le film est un délire. Et ce délire semble être une forme de compensation que fait le personnage principal afin d'oublier un drame. Lequel, on ne sait pas : séparation ou deuil. Un événement hors-champ mais qui est sans cesse évoqué. Une sorte d'épicentre à partir duquel le film, ce récit d'enquête nait. Comme si le personnage du Doc fantasmait la séparation ou la mort de sa copine Shasta en la réinterprétant à sa sauce; c'est-à-dire sous les traits d'un récit parano, d'une enquête à tiroirs et d'un mystère à résoudre.
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par Edouard »

7swans a écrit :
AtCloseRange a écrit : Sauf que sur le longueur, ça ne tient pas la route. Il n'y a pas d'enjeu, pas de personnages ou presque (beaucoup de seconds rôles sont là pour la galerie et ne servent quasiment à rien: Del Toro, Eric Roberts, la pauvre Reese et ses 2 scènes, Martin Short - rigolo 2 minutes mais qui "disparaît" et on s'en fout).
Owen Wilson est plus présent mais n'ai rien d'intéressant à jouer (toutes ses scènes sont les plus emmerdantes) A quoi bon tant tout cela relève de la digression constante.
The Big Lebowski au-delà de son apparente superficialité se révèle beaucoup plus profond et surtout permettait à toute une galerie de personnages secondaires d'exister, d'avoir des scènes pour les incarner. Rien de tel ici.
(...)
Les 2h30 n'ont pas été aussi pénibles que ça car (très) ponctuellement l'intérêt peut revenir (quand la jeune Waterston revient - mais là encore, elle est trop peu présente et ses scènes à tonalité plus dramatique ou sérieuse jurent avec le côté jemenfoustiste du reste du film).
Bien sûr, il y a Joaquin Phoenix mais même lui ne sort pas complètement indemne du flou entretenu par le film.
Et puis bon, 2h30 pour ça, c'est abusé.
Pareil.

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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par A serious man »

G.T.O a écrit ::

Le film est un délire. Et ce délire semble être une forme de compensation que fait le personnage principal afin d'oublier un drame. Lequel, on ne sait pas : séparation ou deuil. Un événement hors-champ mais qui est sans cesse évoqué. Une sorte d'épicentre à partir duquel le film, ce récit d'enquête nait. Comme si le personnage du Doc fantasmait la séparation ou la mort de sa copine Shasta en la réinterprétant à sa sauce; c'est-à-dire sous les traits d'un récit parano, d'une enquête à tiroirs et d'un mystère à résoudre.[/justify]

Trés interessant tu formule quelque chose que j'ai ressenti pendant la séance mais que j'avais du mal a formuler. A plusieurs reprise on a effectivement l'impression que le film est un simple délire de drogué, une sorte de rêve et de ce point de vue là la narration est ambigu, le commentaire off semble donné comme extérieur a l'histoire raconté (ce sont surement des passages condensé du roman), comme si l'on avait une narration objective mais c'est presque du discours indirecte comme si on était plongeait dans les errances mentale du personnages
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par G.T.O »

A serious man a écrit :
G.T.O a écrit ::

Le film est un délire. Et ce délire semble être une forme de compensation que fait le personnage principal afin d'oublier un drame. Lequel, on ne sait pas : séparation ou deuil. Un événement hors-champ mais qui est sans cesse évoqué. Une sorte d'épicentre à partir duquel le film, ce récit d'enquête nait. Comme si le personnage du Doc fantasmait la séparation ou la mort de sa copine Shasta en la réinterprétant à sa sauce; c'est-à-dire sous les traits d'un récit parano, d'une enquête à tiroirs et d'un mystère à résoudre.[/justify]

Trés interessant tu formule quelque chose que j'ai ressenti pendant la séance mais que j'avais du mal a formuler. A plusieurs reprise on a effectivement l'impression que le film est un simple délire de drogué, une sorte de rêve et de ce point de vue là la narration est ambigu, le commentaire off semble donné comme extérieur a l'histoire raconté (ce sont surement des passages condensé du roman), comme si l'on avait une narration objective mais c'est presque du discours indirecte comme si on était plongeait dans les errances mentale du personnages
Oui, assez d'accord avec la référence au discours indirect libre, cette forme privilégié du discours intérieur. En effet, on en est jamais très loin ici...Et le plus remarquable dans tout ça, c'est que le film parvient à donner la sensation d'être sous "trip" mais sans recourir à l'imagerie - baroque - façon Las Vegas Parano. La caméra n'est pas de traviole, y a pas de filtre orange ou rouge pour signifier le caractère délirant de la réalité décrite. Et, plus généralement, il n y a pas d'indications visuelles destinées à nous faire comprendre que cette réalité est, avant tout, le produit d'un sujet sous drogue. À aucun moment le film ne nous indique que ce que nous voyons est fantasme. Il ne possède aucune longueur d'avance ou n'est doté de fonction démystificatrice. Tout est matérialisé, comme rendu concret par la foi que lui accorde le Doc. C'est dans l'enchaînement des péripéties, le côté décousue de l'intrigue, la non-résolution voire l'abandon de certains pans de l'enquête, la voix-off, le caractère fantomatique des apparitions de Shasta, que le film trahit sa nature de délire. C'est un film dans lequel la narration adopte la logique du délire.
D'ou, je pense, les reproches d'incohérence, de vacuité, du "tout ça pour ça", que certains ont pu lui faire. Inherent Vice est un film mental utilisant des procédés invisibles finalement assez proches de ceux utilisés par Kubrick sur Eyes Wide Shut, film dans lequel la réalité demeurait indistincte du fantasme.
A serious man
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Re: Inherent vice (Paul Thomas Anderson - 2014)

Message par A serious man »

G.T.O a écrit : D'ou, je pense, les reproches d'incohérence, de vacuité, du "tout ça pour ça", que certains ont pu lui faire. Inherent Vice est un film mental utilisant des procédés invisibles finalement assez proches de ceux utilisés par Kubrick sur Eyes Wide Shut, film dans lequel la réalité demeurait indistincte du fantasme.[/justify]
Je n'ai pas fait le rapprochement avec le Kubrick, mais c'est vrai en effet, d'ailleurs j'aime beaucoup Eyes Wide Shut justement pour ce caractére flottant et ambigu entre rêve et réalité.

Sinon je me retrouve entièrement dans ta description du film.
"Il ne faut pas être timide avec la caméra. Il faut lui faire violence, la pousser jusque dans ses derniers retranchements, parce qu'elle est une vile mécanique. Ce qui compte, c'est la poésie."

Orson Welles
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