Michel Leclerc & Baya Kasmi
Interview récente :
https://lemag.seinesaintdenis.fr/Michel ... max-de-mix
Jeremy Fox a écrit :Télé Gaucho : Michel Leclerc 2012
Après le sympathique Le Nom des gens, Michel Leclerc nous livre à nouveau une comédie qui, contrairement à beaucoup trop ces derniers temps, est loin d'engendrer la morosité. S'inspirant de l'expérience réelle de Télé Bocal, une télévision indépendante, le cinéaste revient sur les années 90 avec cette bande de joyeux provocateurs anarchisants qui tirent à boulets rouges sur tout ce qui n'est pas "de gauche". Leclerc est évidemment de leur côté tout en restant très lucide sur leurs dérives, mauvaise foi et aveuglement. Cocasse, foutraque et haute en couleurs, cette comédie est certes dans l'ensemble inégale mais ce joyeux bordel nous apporte finalement plus de rire que de grimaces. Et puis accompagner 100 minutes durant cette bande de sympathiques comédiens qui s'amusent comme des petits fous est assez réjouissant. Ils sont tous excellents à commencer par le naïf Félix Moati, la charmante Sara Forestier, Eric Elsomino qui cabotine pour notre plus grand plaisir, Maiwenn et son tempérament de feu, Zinedine Soualem ("tu veux la voir ma bite ?") ou encore l'inénarrable Lionel Girard (Adonis) et ses chansons les plus ringardes qui soient. Ca patine un peu dans le dernier tiers mais le film m'aura fait passer un très agréable moment, les fous rires ayant été assez nombreux (notamment lors des séquences "les objets qui nous font chier"). Un réalisateur à suivre dans le domaine de la comédie française.
Supfiction a écrit :Le nom des gens était un petit bijou. En revanche, je n'avais pas accroché à Télé gaucho.
Le prochain Michel Leclerc, La vie très privée de Monsieur Sim, aura en tête d'affiche Jean-Pierre Bacri.
Miss Nobody a écrit :Le nom des gens 6/10
Le film est inégal mais parvient à rester frais, à faire sourire, à émouvoir même parfois (grâce à un scénario bien écrit, faute d'être tout à fait bien fichu)... Bon par contre, je suis loin d'être réconciliée avec Sara Forestier.
Supfiction a écrit :Je comprends très bien ton point de vue. C'est vrai que le personnage de Sarah Forestier peut agacer et certaines situations (dans le métro par exemple) sont ..Kevin95 a écrit : Je crois être un des seuls à trouver le film difficilement supportable plombé par une Sara Forestier à qui on aimerait foutre une paire de baffes. J'ai juste souvenir d'un premier quart d'heure jouissif autours des choix hasardeux du personnage principal mais dès que l'actrice se pointe c'est une horreur (et le cameo d'un célèbre homme politique est d'un relou...).
Personnellement, c'est surtout Jacques Gamblin que je trouve excellent.
Quoiqu'il en soit, ce genre de comédies "intelligentes" dans la lignée des Bacri/Jaoui fait du bien au milieu des Pourquoi j'ai pas mangé mon père, Robin des bois et autres Les gorilles actuellement à l'affiche. On est vraiment pas gâtés ces derniers temps.
Rick Blaine a écrit :Suite à la mention faite par Jeremy en page précédente de Michel Leclerc, j'ai regardé Le Nom des Gens qui s'avère être une réussite. Un film rythmé et lumineux, qui donne le sourire. Un film engagé aussi, ce qui n'est pas pour me déplaire, d'autant que si les prises de positions sont nettes, elles n'empêchent pas le réalisateur d'être lucide. Même si tout n'est pas parfait, notamment en fin de film où il me semble que Leclerc peine à conclure, Le nom des gens est dans l'ensemble très plaisant, avec de belles idées de narration, et un joli sens du montage. Le film est portée par une Sara Forestier pétillante qui fait un très joli couple avec Jacques Gamblin. On ressort de là avec le sourire. Comme quoi - comme de tout temps - il reste de bonnes comédies françaises.
La Vie très privée de Monsieur Sim de Michel Leclerc
François Sim, homme solitaire et quinquagénaire divorcé, a pratiquement tout raté dans sa vie : son mariage, sa carrière et à se faire aimer de sa fille. Lors d'un voyage en avion pour aller voir son père, il est ennuyeux à mourir. Ses vacances avec son père se révèlent catastrophiques. A l'aéroport, il rencontre Poppy qui enregistre des bruits d'avion. Des sons qui serviront d'alibi aux hommes mariés volages. François tombe sous le charme de la jeune fille qui ne tarde pas à l'inviter à dîner. Sur place, François rencontre l'oncle de Poppy qui lui raconte l'histoire étrange d'un navigateur anglais qui leurre tout le monde...
Voici peut-être bien la comédie la plus morose de l'année mettant en scène Jean-Pierre Bacri homme dépressif de cinquante ans, fraichement divorcé mais surtout un homme terriblement seul.
Le film commence d'ailleurs exactement comme Blue Jasmine de Woody Allen : Bacri est dans l'avion et raconte sa vie à son voisin qui n'en a cure. En fait durant tout le film Bacri racontera sa vie à tout ce qui bouge et même à ce qui ne bouge pas, comme son GPS par exemple.
Jean-Pierre Bacri a été nommé aux Césars pour ce rôle et pourtant c'est loin d'être évident et d'autres auraient bien davantage mérité cette nomination (Benjamin Lavernhe, Olivier Gourmet). Le film n'est pas si long mais il parait parfois très long et morne. Quelques éclaircies viennent pourtant sauver le film de l'ennui : Vimala Pons (pour changer dans un rôle léger et quelque-peu farfelu), Mathieu Amalric (savoureuse scène dans laquelle il prend la defense de Bacri devant un golden boy arrogant mais inculte) et surtout Valeria Golino, incarnant un ancien amour d'adolescence dans la plus belle séquence du film ("quand ça veut pas, ça veut pas") malheureusement sous-exploitée.
Trois courtes séquences qui viennent sauver le film de l'ennui donc (le pire étant la disgression sans intérêt sur le navigateur des années 1960). C'est un peu comme si Michel Leclerc avait fait Le nom des gens en ne gardant que les séquences tristes avec Gamblin et en soustrayant toute la folie jubilatoire autour du personnage de Sarah Forestier qui donnait au film un équilibre parfait.. Est-ce du à l'absence de sa co-scénariste Baya Kasmi parti faire son propre film (Je suis à vous tout de suite ) ?
Je suis à vous tout de suite (2015)
Réalisation : Baya Kasmi
Avec Vimala Pons , Ramzi, Agnes Jaoui, Bruno Podalydès, Christophe Paou, Zinedine Soualem, Carole Franck, Claudia Tagbo, Anémone, Camélia Jordana, Laurent Capelluto..
Hanna a 30 ans, beaucoup de charme et ne sait pas dire non : elle est atteinte de la névrose de la gentillesse. Ce drôle de syndrome familial touche aussi son père, Omar, "épicier social" et sa mère, Simone, "psy à domicile". Avec son frère Donnedieu qui se fait appelé desormais Hakim depuis qu'il s'est focalisé sur ses racines algériennes et sa religion, le courant ne passe plus vraiment...
Co-scénariste du Nom des gens de Michel Leclerc (mais aussi d'Hippocrate et de La vie très privée de Monsieur Sim), Baya Kasmi creuse le même sillon et met une nouvelle fois les pieds dans le plat. Ce film singulier est une preuve parmi d'autres que non le cinéma français contemporain n'a pas moins de liberté et moins d'audace que celui d'hier et que oui il est pleinement ancré dans son époque lorsqu'il en a l'ambition.
A l'instar du superbe Nom des gens, Je suis à vous tout de suite est à la fois humaniste et gonflé. Baya Kasmi y dit beaucoup de choses sur cette France minée par le communautarisme, l'individualisme et les préjugés, sur la crise identitaire, le sexisme, le machisme et les cases dans lesquelles les gens veulent absolument vous faire rentrer, en particulier lorsqu'on est gamin dans une citée.
La famille Belkacem est le prétexte pour aborder ces sujets difficiles. C'est une famille très proche de l'une des deux familles du Nom des gens.
Ainsi Vimala Pons, par sa sexualité décomplexée et sa fraîcheur bien connu des cinéphiles, n'est pas très éloignée du personnage fantasque de Sara Forestier dans le film de Michel Leclerc. Forestier couchait avec des hommes pour les inciter à voter à gauche, Vimala Pons couche pour les consoler de leurs tracas. Aussi, en tant que DRH, elle passe à la casserole à chaque fois qu'elle doit licencier un employé.
Ramzi reprend quant à lui pratiquement à l'identique le personnage du père de famille serviable et d’une gentillesse excessive joué précédemment par Zinedine Soualem (ce dernier revenant lui en gérant d'un magasin hallal dans une scène qui donne l'occasion de se moquer des excès ridicules de cette pratique) tandis qu'Agnès Jaoui reprend celui, caricatural, de la mère gauchiste et idéaliste précédemment incarné par Carole Franck dans Le nom des gens. Ces acteurs ne sont pas là par hasard, car le cinéma de Leclerc et Kasmi s'inscrit dans la lignée de celui de Bacri/Jaoui et de Klapisch : un cinéma qui ambitionne de dire des choses tout en restant drôle et populaire.
Le casting est également riche de petits rôles : Claudia Tagbo en prostituée (de carte postale), Bruno Podalydès (acteur qui se bonifie de film en film) en employé licencié, Anémone en grand-mère fauchée qui fume des joints et tape sa fille et son petit-fils, Christophe Paou une nouvelle fois la bite à l'air en clin d’œil à L'inconnu du lac) ..
Un mot sur Ramzi qui, loin de ses pitreries habituelles avec Eric Judor, confirme après une tentative en 2011 (Des vents contraires de Jalil Lespert) qu'il a le potentiel pour jouer de beaux personnages attachants et dramatiques. Il n'a jamais été aussi touchant qu'ici, plein d'humanité et de tendresse. La suite nous dira si ce potentiel émotionnel saura être exploité par d'autres auteurs.
Quelques réserves tout de même.
Le film de Baya Kasmi n'est pas aussi abouti que son désormais illustre prédécesseur en dépit de son casting impeccable. Bien que son propos soit riche et courageux, elle peine à développer une véritable intrigue originale. Le film avance par introspection dans la vérité et le passé des personnages davantage que par leurs actions (le film s'articule d'ailleurs davantage autour des choix du frère qui se radicalise et s'enferme dans la religion qu'autour du personnage de Vimala Pons). Mais cela fonctionne grâce à une structure en flashbacks (alternance de scènes de l'enfance et de l'adolescence avec le contemporain) limpide mais qui par contrecoup donne une impression statique. En outre, peut-être à cause de son abondance de personnages, il manque un peu de véracité et de profondeur dans les rapports familiaux (entre Ramzi et Agnes Jaoui par exemple, on ressent peu de complicité).
Mal vendu comme une enième comédie lambda avec son affiche calquée sur tant de précédentes (celle de Pour mériter ça.. euh.. non Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? ou de Il reste du jambon ?), Je suis à vous tout de suite ne déclenche pas des crises de rire. Quelques scènes font sourire par l'incongruité ou l'absurdité des situations (Kasmi utilisant une nouvelle fois la nudité de ses acteurs pour créer le décalage) mais on sent à chaque instant, derrière la tendresse et la fausse légèreté apparente, le poids d'un climat sociétal lourd, celui de la France de 2015 et de ses banlieues.
La lutte des classes (2018)
Réalisation : Michel Leclerc
Scénario et dialogues : Michel Leclerc et Baya Kasmi
Avec Edouard Baer, Ramzi, Leïla Bekhti, Baya Kasmi..
Dans la ville de Bagnolet, le fils de Sofia et Paul voit ses copains de classe quitter l’école primaire publique pour l'établissement privé attenant, au nom d’une éducation supposée meilleure. Les parents se trouvent tiraillés face au dilemme entre le respect de la carte scolaire au nom de leurs idéaux de mixité sociale et l'envie du recours à une école privée.
Cette nouvelle comédie du duo Leclerc/Kasmi traite une nouvelle fois d'un sujet (très) brûlant : l'école républicaine face à la montée du communautarisme. Le duo met les pieds dans le plat et n'écarte aucun sujet. Edouard Baer et Leïla Bekhti semblent être leurs doubles à l'écran, un couple de "bobos" "rebelles" au système. La scène d'introduction, amusante, donne immédiatement le ton : le couple a mis en vente son appartement à Paris pour partir acheter le pavillon de leurs rêves à Bagnolet et l'agence les informe alors qu'ils ont, bonne nouvelle, fait une importante plus valu : ils peuvent vendre leur appartement 400000 euros alors qu'ils l'ont acheté un peu plus de 200 quelques années auparavant. Edouard Baer déclare refuser d'être complice du système et vouloir vendre au prix auquel il avait acheté. Dans la scène suivante on apprendra qu'il aura finalement cédé aux arguments de sa femme et qu'il s'est résigné à vendre 390.000 euros après marchandage. Cette scène annonce le ton et le propos du film où comment joindre l'acte à la parole, être conforme à ses idéaux républicains et laïques. Le choix le plus difficile sera celui de maintenir leur fils dans l'école publique du quartier alors que leurs amis et voisins cèdent un à un aux sirènes de l'école privée "parce que c'est l'avenir de leurs enfants qui est en jeu". De fait, leur gamin se retrouve en situation de minorité ethnique dans une école manquant de tout et soumis aux ré-allocations budgétaires vers des postes de dépenses de sécurité suite aux attentats de 2015.
Baya Kasmi s'offre le rôle tristement vrai et drôle de la maîtresse d'école traumatisée qui n'ose plus prononcer le moindre mot à caractère religieux ("quels sont les élèves parmi vous qui ne mangent pas d'aliments à caractère porcin ?"), obligeant le directeur d'école, Ramzi, à faire le traducteur auprès des élèves ou des parents.
Le film fustige également intelligemment l'inquiétude exagérée des parents qui sous-estiment les capacités d'adaptation de leurs enfants et amplifient les risques et violences subies dans la cour de récré, même si celles-ci sont réelles. On voit ainsi comment Edouard Baer et Leïla Bekhti aggravent les problèmes en voulant les résoudre. Lui se trouvant désarmé pour protéger son fils, prend ainsi la décision de placer son gamin dans une meilleure école (par le subterfuge d'une location de chambre de bonne à Paris), sous-estimant la capacité de ce dernier à trouver sa place en tant que seul "blancos" ("blanc, aujourd'hui, est une classe sociale") au milieu des "patacouettes".
Le film réussit l'exploit de faire rire tout en abordant des problèmes graves sans jamais esquiver les sujets qui fâchent. Leïla Bekhti est très juste en mère trop inquiète pour son fils et son duo avec Edouard Baer fonctionne magnifiquement. Ce dernier en ex-punk sur le retour (auteur du tube "j'encule le pape.." du groupe Mozart 77, dont le clip lui vaut d'ailleurs à la production une menace de procès du vrai groupe Gogol Premier) excelle une nouvelle fois dans la comédie. En particulier lorsque le couple est mis face à ses contradictions et ses difficultés de rester laïque et "de gauche" dans un environnement de plus en plus envahi par le fait religieux ("Mais on est quoi nous ?" demande le gamin à ses parents déstabilisé par le fait de ne pas avoir de religion à revendiquer).
C'est l'optimisme malgré tout de Leclerc/Kasmi qui s'exprime quand le gamin retourne dans son école publique retrouver ses camarades de classe. Quitte à conclure maladroitement leur comédie par une scène ratée et ridicule (mais plus si invraisemblable depuis le sauvetage du spider-man français de 2018).
Un film drôle, honnête et courageux qui réussit l'exploit de faire rire sur des réalités qui font plutôt pleurer.