1917 (Sam Mendes - 2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54778
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Flol »

Image

Je m'attendais franchement à aimer, à être bouleversé, remué, secoué...eh bien pas du tout.

Parce que je tiens là un pur exemple de cinéma performatif et poudre aux yeux qui m'insupporte de plus en plus. Un type de cinéma qui bande ses gros muscles en tentant de camoufler ses faiblesses sous des apparats techniques faussement impressionnants, avec sa fausse bonne idée de plan-séquence intégral qui se révèle totalement contre-productif, et ce pour plusieurs raisons.
Car ça reste pour moi principalement un argument marketing (il n'y a qu'à voir la promo qui ne parle QUE de ça) : il est évident pour tout le monde que ce n'est pas un vrai plan-séquence, les coupes étant clairement visibles (on s'amuse même à les compter), quand on n'a pas carrément droit à une ellipse en milieu de film.
Et le pire, c'est que non seulement je ne vois absolument pas ce qu'apporte ce procédé de mise en scène, mais en plus ça dessert complètement le but visé par Sam Mendes.

On pense que ça crée de l'immersion, alors que c'est pour moi tout l'inverse qui est produit. Je déteste d'habitude ce genre d'arguments, mais là j'ai été obligé d'y penser : j'ai vraiment eu l'impression d'être face à un jeu vidéo (avec les mêmes mécanismes scénaristiques), mais la manette en moins. Donc je me suis retrouvé à suivre tout ça d'un oeil un peu désintéressé, alors que ce qui m'était proposé à l'écran aurait dû me plonger dans l'enfer et le chaos, bref me faire ressentir quelque chose.

Je crois que le même film, avec la même histoire mais mis en scène de manière plus classique, aurait selon moi gagner en intensité et immersion.
J'y vois vraiment un aveu de faiblesse d'un certain cinéma hollywoodien, réduit aujourd'hui à faire dans l'esbroufe technique car incapable d'emporter autrement ses spectateurs. Alors on y va de ses plans impossibles, de sa caméra mouvante, de ses péripéties maousses (l'avion qui s'écrase évidemment à 42cm de nos héros, le saut improbable dans la rivière), mais l'immersion ne se réduit pas, et même ne DOIT PAS se réduire d'un point de vue de mise en scène à cette approche bêtement 1er degré, en mode "la guerre comme si vous étiez", avec son pseudo temps réel et sa pseudo absence de montage pour nous faire croire au réel.

Mais je me rends bien compte que mon avis mitigé n'est que goutte d'eau face au succès du film, puisque visiblement ça plait si l'on en croit la réception publique et critique. Et désormais, ce sont les Oscars qui lui tendent les bras.
On n'est donc pas prêt d'en finir, avec ce type de performances tournant à vide...
Avatar de l’utilisateur
Karras
Howard Hughes
Messages : 15343
Inscription : 15 avr. 03, 18:31
Liste DVD
Localisation : La cité du Ponant

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Karras »

Reprise du topic classement 2020 :
Joshua Baskin a écrit :
Alexandre Angel a écrit : Ça ne ressemble pas trop à Dunkerk ? (qui ne m'avait pas déplu du reste).
Dunkerque m'avait laissé de marbre. Je me souviens qu'on s'était regardé avec Flol en sortant de la salle en se disant tout ça pour ça ?
1917 est bien différent, plus viscéral, presque physique tant on ressent des choses très bestiales, une bombe qui explose, de la poussière, de la crasse...c'est assez impressionnant.
J'aurais pu lui attribuer une note plus élevée si
Spoiler (cliquez pour afficher)
la scène avec la jeune actrice française (?) n'était pas ratée. Les dialogues sonnent faux, l'actrice joue comme un pied et si Sam Mendes a voulu donner un peu de respiration au film, l'effet est raté. Je n'attendais qu'une chose, qu'il en finisse avec elle. J'ai trouvé que la scène cassait le rythme du film.
Phnom&Penh a écrit :1917 7/10 Bel exploit technique, bonne reconstitution historique, bons acteurs, bonne intensité.
Par contre, je regrette qu'à la fin (attention, vrai spoiler)
Spoiler (cliquez pour afficher)
Après la rencontre pas terrible avec la française planquée, ça tourne vraiment à The Revenant, notamment avec la chute dans une rivière torrentielle qui se termine par une chute d'eau. Pour un film jusque là très réaliste, mettre le Colorado dans le nord de la France :uhuh:
Phnom&Penh a écrit :
Supfiction a écrit : Il y a des français sur le champ de bataille à part des boulangères ou des infirmières ou alors ils nous refont le coup de l’immersion anglo-britannique totale comme dans Dunkirk ?
Pour ce que je connais du sujet, le front de la Somme était tenu par les anglais, très nombreux, et l'histoire n'ayant rien à voir avec des Etats-Majors, il n'est pas anormal de n'y voir aucun français, contrairement à Dunkerque où ils étaient présents (ce qu'on voit dans le film) et ont été nombreux à être embarqués (ce que le film nie).
C'est une errance de deux soldats britanniques en zone britannique où ils traversent un front tout juste abandonné par les allemands. Franchement, hormi l'incohérence géographique soulignée en spoiler, le film me paraît très réaliste sur le plan historique.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Reste le cas de la française "oubliée" par les allemands dans leur retraite stratégique. Ce qui semble peu crédible d'autant qu'elle ne risquait pas de survivre longtemps en zone de combat. Sur la situation des français en zone occupée par les allemands en 14-18, je te recommande Les yeux de Sophie de Jojo Moyes. C'est une spécialiste des romans très "romantiques" :uhuh: mais elle travaille bien ses sujets et sur celui-ci, peu étudié, je trouve que son roman est très bien fait...tout en faisant couler les larmes des cœurs tendres :mrgreen: :uhuh:
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54778
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Flol »

J'attends plus que l'arrivée de G.T.O. pour me sentir moins seul.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 14052
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Alexandre Angel »

Flol a écrit :J'attends plus que l'arrivée de G.T.O. pour me sentir moins seul.
Ne l'ayant pas encore vu, je m'interdis de trop m'avancer mais les images, la BA, presque même l'affiche du film avec sa charte graphique mi-ambitieuse, mi-conformiste, tout cela m'a fait penser que 1917 était peut-être le film "immersif" de trop, en tout cas celui qui montre que ça commence à être une recette.
Si les expériences précédentes chez notamment Cuaron, Inarritu ou Nolan m'avaient plutôt séduit, c'est parce que je percevais qu'elles parvenaient à une vérité artistique supérieure au seul principe de l'immersion : une certaine invention plastique, un imaginaire étaient au rendez-vous. Surtout Gravity que j'ai trouvé vraiment beau et goûteux à regarder. Si le parti-pris fabriqué que tu dénonces (de manière convaincante) peut servir à ouvrir sur un imaginaire de cinéma, ça me va. Mais c'est vrai que 1917 est un film dont la sortie et la perspective m'ont immédiatement trouvé tiède, sentant d'emblée que ça pouvait prêter le flanc à des critiques comme la tienne.
Mais maintenant je ferme ma gueule et je vais voir le film.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17109
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Watkinssien »

Flol a écrit :J'attends plus que l'arrivée de G.T.O. pour me sentir moins seul.
Honnêtement, je comprend aisément tout ce qui a pu te décevoir.

C'est le risque que le projet porte en lui-même depuis ses premières informations marketing. Se tirer une balle dans le pied avec cette promotion basée sur ses performances techniques, se gargarisant tout en se (nous) persuadant que le procédé est le parfait exemple pour la narration de cette histoire.

Même si cela me semble impossible, ce genre de production ne devrait jamais mettre en avant sa forme avant que le public le découvre.

Néanmoins, j'ai beaucoup apprécié 1917, Mendes restant un cinéaste à la maîtrise formelle qui existait dès American Beauty, donc ses débuts cinématographiques il y a 20 ans.
Car au-delà de l'immersion voulue certainement, le principe du plan-séquence (et de son illusion) fonctionne sur moi moins comme un exploit que comme un autre mouvement pour mettre en avant un vrai découpage technique. Pourquoi choisir de se resserrer contre tel ou tel personnage, dialogue, source lumineuse, pourquoi au contraire s'en éloigner, pourquoi en mettre deux, trois, bord cadre, au centre, etc...
C'est, entre autres, ce qui m'avait fasciné dans Birdman (film que je préfère à ce 1917).

Du coup, j'ai pu oublier le formalisme donnant l'impression d'un seul et même plan, pour me concentrer à la fois sur l'histoire et sur ce que Mendes et le génie visuel de Deakins choisissaient de mettre en avant. La survie comme élément de fuite, les pauses comme éléments testimoniaux, les confrontations comme aspects des décisions à prendre, la tragique adrénaline pour aller à la prochaine étape, l'échappatoire comme objectif humain.

La mission confiée à ces deux jeunes soldats porte en elle l'espoir d'une jeunesse, dans toutes ses capacités physiques, à aller de l'avant pour sauver un grand nombre de vies devient le prétexte à dépeindre une frontière floue entre égoïsme et altruisme.

J'ai même pensé à Phidippidès, le messager Grec devenu célèbre qui aurait parcouru une quarantaine de kilomètres de Marathon à Athènes. Les différentes péripéties correspondant à ce que ces deux soldats subissent pour accéder à ce qu'il semble un point d'horizon à atteindre.

Une oeuvre vraiment intéressante.
Image

Mother, I miss you :(
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54778
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Flol »

Watkinssien a écrit :Du coup, j'ai pu oublier le formalisme donnant l'impression d'un seul et même plan, pour me concentrer à la fois sur l'histoire et sur ce que Mendes et le génie visuel de Deakins choisissaient de mettre en avant. La survie comme élément de fuite, les pauses comme éléments testimoniaux, les confrontations comme aspects des décisions à prendre, la tragique adrénaline pour aller à la prochaine étape, l'échappatoire comme objectif humain
J'aurais franchement aimé voir les mêmes choses que toi.
Tandis que de mon côté, je n'ai vu que scènes ratées (avec la française, notamment : "Je neuh sais pas"..."oh tiens, du lait !?") et gros sabots.
Parce que j'ai oublié de mentionner les apparitions d'acteurs connus traitées comme des cameos de luxe : au bout du 3ème avec mec qui tourne la tête sur le mode "Salut, vous me reconnaissez ?", je me suis dit que c'était forcément une blague de la part de Mendes.
Désolé, je donne l'impression de ne m'arrêter que sur des détails, mais entre ça et l'aspect ostentatoire de cette mise en scène, c'était trop pour moi.
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6172
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Thaddeus »

Flol, je comprends (voire partage) parfaitement tes griefs. Sans avoir de position arrêtée sur 1917, j'ai pour ma part de plus en plus de mal à adhérer au principe d'"immersion" recherché pour ce type de films. Le mot-même me paraît, sinon obscène, du moins problématique. Le procédé m'avait déjà gêné dans Le Fils de Saul de Nemes ; il me gêne à nouveau ici. La question relève d'un débat vieux comme Hérode mais elle se reformule encore une fois : de la tragédie de l'Histoire (la Shoah, l'horreur de la guerre, des tranchées, du champ de bataille), peut-on tirer une expérience qui se voudrait la plus proche possible de la réalité ? A-t-on le droit de viser la projection sensorielle, de chercher à faire éprouver (même partiellement) ce que les victimes ont pu ressentir ? Cette tranche de simulation "comme si vous y étiez", en jouissant peinard du son Dolby Stereo, de la débauche audiovisuelle, des enluminures esthétiques (voyez ici comment le chaos est artistiquement agencé, avec ses charniers, ses morceaux de cadavres et ses corps en décomposition si soigneusement disposés), est-il moralement acceptable ? En bref, comment peut-on créer du suspense, générer du spectacle (le mot est lâché et il est légitime, quoi qu'on en dise) à partir d'un tel sujet ? J'avoue que tout cela me met mal à l'aise. Et c'est un questionnement qui est loin de ne valoir que pour ce film (il pourrait s'appliquer à Il faut sauver le soldat Ryan par exemple, et notamment à sa fameuse première séquence). Lorsque Coppola filme Apocalypse Now comme un son & lumière, la démarche me semble totalement justifiée tant son oeuvre déréalise l'expérience de la guerre, tant elle épouse la logique de l'onirisme, du cauchemar, de la folie. Le film de Mendes, comme bien d'autres avant lui, recherche au contraire le réalisme. Cette ambition est-elle seulement admissible ? Ce qui amène à la question suivante : peut-on filmer la guerre d'une façon réaliste mais totalement exonérée des ambiguïtés douteuses du spectacle ? Avec le temps, j'ai de plus en plus de doute là-dessus. Peut-être que la seule manière de raconter et de dénoncer l'expérience de la guerre serait justement de ne pas la visualiser, de biaiser avec elle, d'en désamorcer les mécanismes de représentation. Et là, il me vient un exemple remarquable : Johnny s'en va-t-en guerre de Dalton Trumbo.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 14052
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Alexandre Angel »

Thaddeus a écrit : Ce qui amène à la question suivante : peut-on filmer la guerre d'une façon réaliste mais totalement exonérée des ambiguïtés douteuses du spectacle ?
Non car il y aura toujours une recréation, donc une stimulation sensorielle orientée, donc du plaisir formel pouvant en découler (je trouve le son des impacts de balle et des détonations, dès lors qu'il est un tant soit peu soigné, souvent jouissif).
Cela ne me gêne pas plus que cela (bien que le cinéma de guerre n'est tout de même pas le genre que je préfère) dans la mesure ou n'importe quelle scène de violence, si l'on pousse la logique jusqu'au bout, ou de confrontations violentes et/ou guerrières dans bon nombre de westerns ou de films historiques notamment, est d'une manière ou d'une autre, confrontée au côté discutable de la représentation. En d'autres termes, combien de séquences acceptables, voire jouissives sur l'écran, trouvent dans la réalité un équivalent juste épouvantable?

La question et le problème ici sont moins le fait de représenter que d'imposer au spectateur l'idée que l'effet immersif est une sorte d'horizon idéal de la représentation. La guerre comme parc d'attraction, c'est juste inadmissible.
Quant au Fils de Saul, voilà un film que j'ai trouvé plutôt bien sur le moment mais dont j'ai eu le sentiment de faire le tour en une seule vision. Et pour rebondir sur le message de Flol, voilà l'exemple d'un film non hollywoodien, pas spectaculaire pour un sou, qui participe, qu'on le veuille ou non, de cette mode de l'immersif.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54778
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Flol »

Je me souviens qu'à sa sortie, Le Fils de Saul avait eu droit lui aussi à quelques critiques sur le mode "les camps de la mort comme si vous y étiez" (Libé avait été particulièrement virulent).
Pour le coup je ne partageais pas cette opinion, ayant été beaucoup plus sensible au film de Nemes...sans doute parce qu'il contient à mon sens moins de facilités et plus d'authenticité.

Quant au point de vue de Thaddeus, je le comprends mais pour ma part, le souci que j'ai avec ce procédé n'est pas tant d'ordre moral qu'esthétique : malgré la prouesse technique que ça peut représenter, j'ai l'impression que c'est aujourd'hui une facilité, un choix presque par défaut et ultra attendu, comme s'il n'existait plus d'autre moyen pour créer de l'expérience cinématographique que du grand spectacle à coup de gros effets bien appuyés - d'ailleurs en parlant de ça, coucou le score de Thomas Newman totalement ronflant et superflu (on veut faire dans le réalisme immersif, mais on tartine quand même son film de musique :|).
Avatar de l’utilisateur
Coxwell
Le Révolté de l'An 2000
Messages : 4006
Inscription : 24 févr. 05, 10:58

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Coxwell »

Rapidement, je rejoins l’avis de Flol.
Je l’ai vu dans d’excellentes conditions techniques (imax laser et format 1.90:1 opengate), la realisation et l’immersion très verticale notamment est au max de ses possibilités et permet de servir l’intention du réal, mais cela tourne vite au « dispositif » technique et démonstratif plutôt qu’à une vraie plus-value au service d’un scénario qui souffre de facilités et d’un manque d’ambition criant.

J’en veux pour preuve ces quelques scènes qui sont très artificielles et théâtrales dans la construction de « l’espace scénique » et de l’interaction notamment des quelques items / personnages mis en place sur une longueur non négligeable par ailleurs (ex:
Spoiler (cliquez pour afficher)
avion, grange, pilote, soldats, rebondissement, mort, autres soldats
. La scène finale est du même acabit, elle vire au dispositif démonstratif, et souffre même d’un déficit d’authenticité presque crue et sale, ce qui est un comble considérant l’intention « immersive » du procédé
Spoiler (cliquez pour afficher)
le soldat courant devant la tranchée, scène très proprette, y compris dans le rendu esthétique et plastique, peu puissante, avec peu d’explosions et finalement inutile sur le plan des enjeux si ce n’est pour mettre en avant à nouveau, et très artificiellement, la prouesse de réalisation - un ratage à mon sens.
Je sauverai l’introduction qui est interessante car première au niveau de la présentation générale, et la scène nocturne et apocalyptique (jolie lumière et bel accompagnement musical - surtout au début de la dite scène)
Je ne m’attarderai pas sur les quelques bêtises de géographie (topographie et géologie notamment, ce n’est pas déterminant mais c’est assez drôle (surtout quand on cherche la continuité du « plan séquence » qui ne peut donc faire passer ça pour de l’ellipse géo-cinématographique (
Spoiler (cliquez pour afficher)
la descente du cours d’eau en mode ravin de plateau, avec de la roche granitique sur les côtés, le tout près de Croisilles ... ou la couleur de la roche blanche pour terminer le périple, dans des localisations similaires ... la géographie ferait passer l’Aisne pour l’Artois et vice versa)
Un film qui souffre de facilités d’écriture et d’un scénario assez indigent. La réalisation est certes très belle (assez souvent) mais ne permet pas vraiment d'apporter du souffle et une vraie intensité narrative. C'est assez convenu et plat finalement.
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54778
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Flol »

Coxwell a écrit :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Je sauverai l’introduction qui est interessante car première au niveau de la présentation générale, et la scène nocturne et apocalyptique (jolie lumière et bel accompagnement musical - surtout au début de la dite scène)
Je retiens les mêmes scènes.
Vraiment au début, j'y ai cru. Et puis patatras. (oui je parle comme en 1917)
Avatar de l’utilisateur
Ouf Je Respire
Charles Foster Kane
Messages : 25906
Inscription : 15 avr. 03, 14:22
Localisation : Forêt d'Orléans

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Ouf Je Respire »

Je n'ai pas vu ce film, mais je n'ai pas envie de le voir, notamment pour les raisons qu'évoque Flol.

Les films qui se vendent sur la prouesse technique du seul plan-séquence me donnent l'impression de ne vendre que ça. Pas d'autre sens. Pas d'autre enjeu. Et puis je ne veux pas faire mon JLG de comptoir, mais pour moi, le cinéma est cinéma parce qu'il y a le montage. Pour moi, pas de montage = pas de cinéma. C'est un point de vue non pas théorique, mais épidermique. La Corde, Timecode, Birdman, etc... me donnent l'impression de lire un livre d'une seule page, mais longue de 300 m. Interdiction de cligner des yeux. Remplir l'oeil plutôt que l'aider à structurer. Ecrire avec une plume Mont-Blanc, mais être nul (même pas mauvais, mais factuellement "nul") en grammaire.

Quitte à expérimenter les plans-séquences sans montage, autant que je tente de le faire avec des jeux vidéo, univers qui m'est quasi-totalement inconnu et qui m'apprendra une nouvelle grammaire. Ou alors aller au théâtre.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
« Toutes choses sont dites déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer. » André Gide
Avatar de l’utilisateur
Ouf Je Respire
Charles Foster Kane
Messages : 25906
Inscription : 15 avr. 03, 14:22
Localisation : Forêt d'Orléans

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Ouf Je Respire »

Thaddeus a écrit :Flol, je comprends (voire partage) parfaitement tes griefs. Sans avoir de position arrêtée sur 1917, j'ai pour ma part de plus en plus de mal à adhérer au principe d'"immersion" recherché pour ce type de films. Le mot-même me paraît, sinon obscène, du moins problématique. Le procédé m'avait déjà gêné dans Le Fils de Saul de Nemes ; il me gêne à nouveau ici. La question relève d'un débat vieux comme Hérode mais elle se reformule encore une fois : de la tragédie de l'Histoire (la Shoah, l'horreur de la guerre, des tranchées, du champ de bataille), peut-on tirer une expérience qui se voudrait la plus proche possible de la réalité ? A-t-on le droit de viser la projection sensorielle, de chercher à faire éprouver (même partiellement) ce que les victimes ont pu ressentir ? Cette tranche de simulation "comme si vous y étiez", en jouissant peinard du son Dolby Stereo, de la débauche audiovisuelle, des enluminures esthétiques (voyez ici comment le chaos est artistiquement agencé, avec ses charniers, ses morceaux de cadavres et ses corps en décomposition si soigneusement disposés), est-il moralement acceptable ? En bref, comment peut-on créer du suspense, générer du spectacle (le mot est lâché et il est légitime, quoi qu'on en dise) à partir d'un tel sujet ? J'avoue que tout cela me met mal à l'aise. Et c'est un questionnement qui est loin de ne valoir que pour ce film (il pourrait s'appliquer à Il faut sauver le soldat Ryan par exemple, et notamment à sa fameuse première séquence). Lorsque Coppola filme Apocalypse Now comme un son & lumière, la démarche me semble totalement justifiée tant son oeuvre déréalise l'expérience de la guerre, tant elle épouse la logique de l'onirisme, du cauchemar, de la folie. Le film de Mendes, comme bien d'autres avant lui, recherche au contraire le réalisme. Cette ambition est-elle seulement admissible ? Ce qui amène à la question suivante : peut-on filmer la guerre d'une façon réaliste mais totalement exonérée des ambiguïtés douteuses du spectacle ? Avec le temps, j'ai de plus en plus de doute là-dessus. Peut-être que la seule manière de raconter et de dénoncer l'expérience de la guerre serait justement de ne pas la visualiser, de biaiser avec elle, d'en désamorcer les mécanismes de représentation. Et là, il me vient un exemple remarquable : Johnny s'en va-t-en guerre de Dalton Trumbo.
Le débat que tu proposes me paraît très intéressant. Selon toi, est-il dans la même lignée que celui engendré avec le film "Kapo" et le fameux article de Rivette "De l'abjection"?
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
« Toutes choses sont dites déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer. » André Gide
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6172
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par Thaddeus »

Il me semble qu'on est en plein dedans, en effet : la représentation (ou pire : l'esthétisation) de l'irreprésentable. Mais je n'ai pas la prétention d'apporter quoi que ce soit à ce débat archi-usé qui a déjà mobilisé tant de développements et d'arguments. D'abord parce que, comme je le précisais, je n'ai moi-même pas d'opinion tranchée sur la question. Et ensuite parce que des gens bien plus intelligents et cultivés que moi en ont déjà largement le tour.
Avatar de l’utilisateur
cinephage
C'est du harfang
Messages : 23900
Inscription : 13 oct. 05, 17:50

Re: 1917 (Sam Mendes - 2019)

Message par cinephage »

Qu'on aime ou non 1917, la prouesse technique au service d'une narration cinématographique de la guerre n'a vraiment pas grand chose de nouveau.

Du célèbre travelling latéral d'à l'ouest rien de nouveau au travail sonore des croix de bois, repris par Hawks, en passant par les miraculeuses séquences d'avion, et la complexité du grand spectacle de Wings, la guerre a régulièrement été considérée comme justifiant un rendu spectaculaire "comme si vous y étiez"...

La question de la Shoah déplace pour moi fondamentalement la question, donc je laisserais le fils de Saul de coté.

Mais la nouveauté du film de Mendès ne relève pas, à mon sens, de son aspiration à faire de la guerre un spectacle immersif pour le spectateur par sa forme -plus ou moins- innovante. Elle participe en revanche à une tendance de fond qui subjectivise l'histoire, qui déplace les évènement historiques d'une vision ample, factuelle, ou chronologique à celui du vécu des héros, des bourreaux, ou des victimes. Par le bout de la lorgnette, en somme.

Ce n'est pas spécialement propre au film de guerre, les romans & les livres d'histoire adoptent ce point de vue de l'individu. Le cinéma l'a épousé à l'occasion depuis plusieurs années, notamment via le found footage pour l'épouvante, mais pas seulement. Désormais, les vécus individuels priment sur la grande histoire. Le film ne raconte pas grand chose de la première guerre mondiale (il faut se renseigner ailleurs si on veut savoir ce qui se passe, ou avoir la culture nécessaire), mais plutôt "les histoires" du grand-père Mendes...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
Répondre