Philip Kaufman

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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odelay
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Re: Philip Kaufman

Message par odelay »

Sublime musique d'Henry Mancini pour White Dawn, réutilisée par Kaufmann lors de la scène du vol dans l'espace dans "L'Etoffe des héros"
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Thaddeus
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Re: Philip Kaufman

Message par Thaddeus »

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L’invasion des profanateurs
En exerçant cet art du remake qui est celui de faire croire, fondé sur la dissimulation, Kaufman ne cherche nullement à se travestir en huissier relevant tout ce qui établit l’intérêt du classique de Siegel, et évite de donner des clés ; à peine peut-on discerner une volonté de mettre en question la prétention démiurgique de la science. Il y aurait plutôt ici un jeu de l’oie et de l’identification où l’on entre comme dans le domaine du vertige et des sens abusés. Il s’y formule une certaine idée du territoire soigneusement délimité, plein de signes annonciateurs et funestes, mais aussi l’ivresse d’un déménagement du monde. Et il s’y opère une montée horrifiante de l’angoisse par laquelle rien n’est épargné aux héros, un climat insidieusement anxiogène qui entraîne peu à peu dans les décombres d’une humanité clonée. 4/6

L’étoffe des héros
Les avions supersoniques ont remplacé les purs-sangs, les cow-boys ne fixent plus l’horizon mais les étoiles, cependant la mythologie de la conquête et de ses étapes sont aussi magnifiés que dans les plus beaux westerns : cette extraordinaire épopée fuse trois heures durant avec une légèreté euphorisante. Jamais complaisant, le regard de Kaufman sait se montrer très critique sur les dessous politiques et idéologiques de l’aventure, préférant se concentrer sur les doutes et les rêves de ses héros courageux et individualistes. Le spectacle est total, porté par un souffle galvanisant qui se lève dès les premières images (suivant les candidats suicidaires au franchissement du mur du son) jusqu’aux ultimes mots off exaltés par le score fabuleux de Bill Conti – totalement électrisé, mon cœur menace d’éclater à chaque coup. 6/6
Top 10 Année 1983

L’insoutenable légèreté de l’être
1968, un vent de liberté souffle sur la Tchécoslovaquie, le printemps de Prague annonce l’euphorie d’un socialisme à visage humain. Menant une existence facile de Don Juan, un séduisant chirurgien oscille entre une artiste, incarnant le jeu érotique et partageant les mêmes idées que lui, et une jeune femme timide dont rougeurs, cris et pleurs trahissent l’autre pôle de l’esprit : la pesanteur de l’amour. L’opposition entre la frivolité et l’engagement, l’insouciance et la responsabilité, l’indifférence et la compassion est traduite par une mise en scène inspirée qui tente d’échapper au discours, de composer une grammaire romanesque associant à chaque sentiment, chaque évènement, le signe de sa légèreté. L’entreprise est ambitieuse, et l’exigence que s’impose Kaufman pour la mener à bien suscite le respect. 4/6

Henry et June
L’acte créateur est aussi difficilement transmissible au cinéma que la douleur d’une rage de dents dans la vie. Le cinéaste prend donc un certain risque en adaptant le fragment du Journal d’Anaïs Nin qui détaille sa liaison avec Henry Miller dans le Paris bohème des années trente. Plus gourmand d’illustrer les mots de l’amour que l’amour des mots, il cherche à définir la part d’engagement sentimental nécessaire à la vie érotique, dans une kyrielle de duos sexuels et de panoramas aphrodisiaques servie par un art consommé de la mise en scène licencieuse. Loin de l’insane caquet psychologique du drame bourgeois, il a aussi le bon goût de choisir, pour l’incarnation gracile de l’ingénuité et celle de la femme charnue mais éthérée, ces deux belles et intrigantes actrices que sont Maria de Medeiros et Uma Thurman. 4/6

Soleil levant
Un conflit d’idéologies dans une bataille économique, c’est une toile de fond captivante pour l’intrigue criminelle que l’enquête policière cherche à éclaircir. Malheureusement ce thriller luxueux, tiré d’un best-seller de Michael Crichton (rude relégation pour un cinéaste qui avait auparavant adapté Tom Wolfe et Milan Kundera), opère un règlement de comptes de bas niveau et semble refléter la peur des Américains face à l’avancée technologique des Japonais sur leurs industries majeures et leur domination en matière de manipulation des images et des informations. D’une facture assez conventionnelle, bien qu’efficace et pernicieuse, le film, qui s’explique surtout comme tribut payé au système hollywoodien, croit sauver son âme dans le brassage des cultures mais la perd dans un scénario mille fois rebattu. 3/6


Mon top :

1. L’étoffe des héros (1983)
2. L’invasion des profanateurs (1978)
3. L’insoutenable légèreté de l’être (1988)
4. Henry et June (1990)
5. Soleil levant (1993)

Il est l’auteur d’un film que j’adore sans réserve, le scénariste d’un autre (Les Aventuriers de l’Arche Perdue), et s’est affirmé comme un réalisateur de talent, fort d’une remarquable ambition et d’un authentique bagage culturel, en relevant le défi d’audacieuses adaptations littéraires. Si sa carrière a notoirement décliné depuis, il a su concilier au cours des années 80 les impératifs du spectacle majoritaire à une véritable ambition intellectuelle.
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G.T.O
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Re: Philip Kaufman

Message par G.T.O »

bruce randylan a écrit : The white dawn (1974)
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Grosse révélation à l'inverse pour un traitement d'une honnêteté et d'une intelligence remarquables. On est autant dans un film d'aventures, dans le cinéma d'exploration ou le documentaire ethnographique, poussant encore plus loin le regard et le traitement de Nicholas Ray dans The savage innocents. Encore plus que dans ce dernier, on y décrit des pratiques, des coutumes, des mœurs et une société sans le moindre jugement morale et même civilisationnel. Chaque événements est évoqué dans ce qu'il a de logique, d'évident sans que la caméra ne s'y attarde pour éviter tout voyeurisme par exemple, qu'il s'agisse d'un cadavre humain qu'on donne à manger aux chiens, de la sexualité, des chasses d'animaux sauvages ou des croyances religieuses.
Après, il est évident que ce regard est facilité par le rôle des "héros" occidentaux, 3 membres d'un baleinier échoués sur la banquise et qui sont recueillis par des inuits (qui y parlent leur propre langue). Chacun de ses trois hommes incarnent une manière de réagir face à cette culture qui leur est inconnue : l'ouverture bienveillante, la curiosité réservée et la méfiance méprisante et condescendante via Warren Oates. De quoi mettre en scène le choc des cultures avec lucidité sans tomber dans le rousseauisme ni la fable parabolique. Pourtant le film évoque la contamination d'un peuple "primitif" par des individus "civilisés" qu'ils corrompent au travers de la possession, l'alcool et l'égoïsme. Kaufman parvient à n'être jamais théorique ou à verser dans "la thèse" pour privilégier le strict naturalisme et la quête d'une véracité.
Vraiment admirable et passionnant.
Même si c'est totalement injuste, je peux comprendre pourquoi The white dawn fut un cuisant échec à sa sortie.

Gros regret en revanche pour la copie 16 mm totalement virée que la cinémathèque a projeté. :cry:
La copie du DVD Us est correcte pour le coup. Mais on attend surtout un blu-ray digne de ce nom.
Sinon, sur le film, plutôt en phase avec ce que tu dis, notamment sur la justesse du regard, ni paternaliste comme le dit Tavernier-Coursodon dans 50 ans de cinéma américain, ni moral. C'est un traitement documentaire stupéfiant qui utilise les acquis néo-réalistes en un sens, notamment en opposant la fiction et le document. Une démarche assez semblable à celle du très beau film de Carroll Ballard, Never Cry Wolf, dont on attend aussi une belle édition. Ce souci ethnologique est d'autant plus marquant qu'elle épouse, comme tu le dis, les traits du récit d'exploration, et plus on avance, plus le mystère d'être face à une culture autre est important jusqu'à faire basculer le film dans le mythologique...C'est d'autant plus impressionnant que l'on retourne pas trace de cet effort dans les films suivants de Kaufman.
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Demi-Lune
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Re: Philip Kaufman

Message par Demi-Lune »

odelay a écrit :Sublime musique d'Henry Mancini pour White Dawn, réutilisée par Kaufmann lors de la scène du vol dans l'espace dans "L'Etoffe des héros"
Je me suis demandé tout au long de The white dawn où j'avais déjà bien pu entendre cette mélodie (que j'étais persuadé de connaître), c'était en train de me rendre fou. Bon ben voilà, tout s'éclaire, maintenant (les aurores multiples vécues par Ed Harris dans la capsule spatiale, bien évidemment...).

Je me joins aux louanges déjà exprimées au sujet de The white dawn, merci à qui de droit pour la découverte. :wink:
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Re: Philip Kaufman

Message par mannhunter »

Il y a un entretien avec Philip Kaufman dans le dernier Mad Movies, il dit espérer une restauration de "The white dawn" car selon lui aucune copie n'est correcte et ne rend justice à la photo de Michael Chapman.
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El Dadal
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Re: Philip Kaufman

Message par El Dadal »

C'est vrai que The White Dawn est une belle promesse de cinéma, ancrée dans un cadre rare et portée par une foi humaniste qu'on retrouvera tout au long de la carrière de Kaufman, tout comme son goût ethnologique pour les communautés et la façon dont l'individualisme si cher à la civilisation occidentale finit toujours par en avoir raison. Dommage à mon sens que les mécanismes narratifs soient si voyants, car totalement artificiels et empruntés à Hollywood, comme si le film était déjà suffisamment "expérimental" comme ça. On était pourtant à une époque où l'on osait tout. Dommage également pour la fin, qui m'a semblée un peu calquée sur le même modèle. En résulte une créature bicéphale qui devient progressivement fascinante, mais toujours entachée d'un certain degré de frustration en ce qui me concerne. Un gros point supplémentaire pour la scène de danse tribale autour du "wind kiss", totalement hypnotique.

Merci à qui de droit pour la découverte :wink:
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Alexandre Angel
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Re: Philip Kaufman

Message par Alexandre Angel »

El Dadal a écrit :Dommage à mon sens que les mécanismes narratifs soient si voyants, car totalement artificiels et empruntés à Hollywood, comme si le film était déjà suffisamment "expérimental" comme ça.
Ce n'est pas un film expérimental, c'est un film "hollywoodien". Bien entendu, il est anti-hollywoodien dans l'esprit mais aussi hollywoodien que peuvent l'être quantité suffisante de films américains des années 70. Le fait qu'il y ait des mécanismes narratifs reconnaissables contribue à la beauté de ce film et à son originalité. Tout comme la très belle musique d'Henry Mancini qui renvoie à sa création sur The Molly Maguires.
Je viens de voir le meilleur film de Philip Kaufman dont la raréfaction (c'est plus que la rareté) est un scandale. Et partant, le plus beau film jamais fait sur les Esquimaux.



Et merci à qui de droit :mrgreen:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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El Dadal
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Re: Philip Kaufman

Message par El Dadal »

Alexandre Angel a écrit :Le fait qu'il y ait des mécanismes narratifs reconnaissables contribue à la beauté de ce film et à son originalité.
Pas convaincu :lol: Tu peux faire mieux !
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Alexandre Angel
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Re: Philip Kaufman

Message par Alexandre Angel »

El Dadal a écrit :
Alexandre Angel a écrit :Le fait qu'il y ait des mécanismes narratifs reconnaissables contribue à la beauté de ce film et à son originalité.
Pas convaincu :lol: Tu peux faire mieux !
:mrgreen:
Ce que je veux dire, c'est que....en fait, je ne vois pas trop ce que toi, tu veux dire, quand tu parles de "mécanismes narratifs voyants"
Si tu veux dire que le film te semble bridé dans son côté expérimental, c'est là que j'ai envie de répondre que ça ne me gêne pas puisque je ne considère pas qu'il est expérimental. C'est un vrai film d'aventures, donc quelque part il s'inscrit dans une tradition. Simplement le ton est très singulier, captivant et finalement sans concessions.
En tout cas, je n'ai qu'une attente : qu'il paraisse avec un bel appareil éditorial pour que je puisse me ruer dessus.
Du coup j'ai envie de découvrir Quills, que je n'ai jamais vu et je vais me refaire L'Insoutenable légèreté de l'être dans son vieux dvd.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Philip Kaufman

Message par la_vie_en_blueray »

J'ai loupé L'insoutenable titre qui n'en finit pas à sa sortie, et si personne ne le restaure, pfff

On est quand même pas verni avec ce réalisateur qui est quand même une figure des années 70/80.
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Alexandre Angel
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Re: Philip Kaufman

Message par Alexandre Angel »

Que vaut son téléfilm sur Hemingway ?
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Philip Kaufman

Message par la_vie_en_blueray »

Alexandre Angel a écrit :Que vaut son téléfilm sur Hemingway ?
il est sur OCS pour les curieux.
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Jeremy Fox
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Re: Philip Kaufman

Message par Jeremy Fox »

Que vaut le Jesse James du réalisateur ? Il est diffusé sur OCS
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Re: Philip Kaufman

Message par Torrente »

J'aime vraiment bien, même si ce n'est pas un film "aimable" au sens où il n'est pas propre sur lui, il est dur, revêche, refuse le spectacle et l'héroïsme.
C'est un western naturaliste, mélancolique, boueux, à la photo typique des années 70 que l'on trouve d'habitude dans les films de détective ou les films urbains de l'époque.

Pour ne rien gâcher, le casting est excellent.

Il y a de très belles scènes, comme celle-ci :
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Jeremy Fox
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Re: Philip Kaufman

Message par Jeremy Fox »

Je regarderais alors. Merci pour cet avis.
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