Irréversible (Gaspar Noé - 2002)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Coxwell
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Message par Coxwell »

(Revu)

Ce qui va suivre est une critique dithyrambique. J’assume toute la subjectivité que cela sous entend.

Même si Monica Bellucci est plus souvent une cruche constipée à la palette de jeu réduite à son expression la plus simpliste ; si le propos est parfois ambigu (quant à la nature et au statut de l’homosexualité) et le contenu visuel parfois « too much », le film de Gaspard Noé a tout d’un chef-d’œuvre artistique dans une époque où la censure est de plus belle, où l’art est menacé par un format tout mâché, préconçu, imposé par la sacro-sainte loi du marché dans lequel le « cinéma » est vu d’abord comme un objet de rentabilité. Alors oui, dans ce cas de figure, le travail de Noé est à marquer d’une pierre blanche. C’est un film abouti dans le sens où le metteur en scène va jusqu’au bout de ce qu’il entend, imagine dans le passage de l’esprit au tournage. Son cinéma n’est pas là pour faire des compromis, n’y faire du racolage, c’est un morceau d’art brut, libre.

Inutile de revenir ici sur tout ce qui a été dit à propos de la monstruosité, de la vengeance dépeinte de sa manière la plus abrupte, la plus crue, par un cinéaste qui refuse toute concession. Penchons-nous davantage sur d’autres thèmes que ce très beau film comporte. Irréversible est un drame humain, et au-delà social. Ce que Noé avait déjà abordé dans ses deux précédents métrages (Carne et Seul contre tous) ont été poussé sans doute à leur paroxysme : la violence comme exutoire des frustrations sociales, inégalitaires. La violence qui ressort de chacun des protagonistes est celle d’un immense sentiment d’injustice dans un monde déboussolé, où les rapports sociaux sont tendus. Que ce soit Marcus, ou le Ténia, ce qui engendre cette violence chez eux, c’est l’agression d’un certain nombre de facteurs d’inégalité sociale décuplant l’animosité, renforçant la rancœur d’un monde vu comme inéquitable, partial. C’est un univers où le couperet fatal s’abat de manière arbitraire, un peu à la manière de l’injustice socio-économique représentée par le chômage, l’exclusion, et la marginalité.

Sur le plan artistique, Noé est un virtuose. Il manie la caméra comme personne, s’aventure dans des expérimentations mise-en-scéniques audacieuses et percutantes. Inutile de s’acharner sur le fait qu’il n’aie pas inventé le montage « réversible » (il ne l’a jamais prétendu), mais plutôt de souligner la fluidité de l’ensemble, du sens de l’espace et du cadre. Les sublimes plans-séquences sont sans doute parmi les plus beaux jamais filmés, faisant entrer Noé dans la catégorie des grands filmeurs, à l’instar de Mikhaïl Kalatozov.

Comment ne pas saluer dans cette optique, le génie de Gaspard Noé ? Après Carne, Seul contre tous, Irréversible confirme ici que nous avons affaire à un grand, peut-être le cinéaste français le plus doué de sa génération. Quand le talent se conjugue avec le courage et la témérité, le cinéma ne peut que mieux s’en tenir dans une époque où on le dit « mort »…
Sergius Karamzin
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Message par Sergius Karamzin »

Bravo Coxwell. D'accord sur tout.
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Coxwell
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Message par Coxwell »

Sergius Karamzin a écrit :Bravo Coxwell. D'accord sur tout.
Je le savais quand j'allais poster. Nous avions déjà échangé quelques mots à propos de Seul contre tous.
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

Pas d'accord sur pas mal de points, sauf sans doute le plus important, la virtuosité de Noé

Pas envie de me replonger dans le débat, pourquoi ne pas remonter le topic Elephant pendant qu'on y est ?
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Cosmo Vitelli
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Message par Cosmo Vitelli »

Nikita a écrit :Pas d'accord sur pas mal de points, sauf sans doute le plus important, la virtuosité de Noé

Pas envie de me replonger dans le débat, pourquoi ne pas remonter le topic Elephant pendant qu'on y est ?
:lol:

D'accord avec Nikita sur de nombreux points :mrgreen:
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Kevin95
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Message par Kevin95 »

Sergius Karamzin a écrit :Bravo Coxwell. D'accord sur tout.
Même avis que Sergius, sauf que je serai moins élogieux sur la mise en scène de Noe (associer Noe et Kalatozov me parait légerement exagéré, mais bon ...).

Tout de fois, d'accord sur le film en lui-même ! :wink:
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Coxwell a écrit :Ce que Noé avait déjà abordé dans ses deux précédents métrages (Carne et Seul contre tous) ont été poussé sans doute à leur paroxysme : la violence comme exutoire des frustrations sociales, inégalitaires. La violence qui ressort de chacun des protagonistes est celle d’un immense sentiment d’injustice dans un monde déboussolé, où les rapports sociaux sont tendus. Que ce soit Marcus, ou le Ténia, ce qui engendre cette violence chez eux, c’est l’agression d’un certain nombre de facteurs d’inégalité sociale décuplant l’animosité, renforçant la rancœur d’un monde vu comme inéquitable, partial. C’est un univers où le couperet fatal s’abat de manière arbitraire, un peu à la manière de l’injustice socio-économique représentée par le chômage, l’exclusion, et la marginalité.
Je ne me souviens pas que les trois personnages principaux du film appartiennent à des catégories sociales défavorisées. Parabole de l'injustice socio-économique dans Irréversible ? Je n'y crois pas du tout.
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Tuck pendleton
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Message par Tuck pendleton »

Roy Neary a écrit : Je ne me souviens pas que les trois personnages principaux du film appartiennent à des catégories sociales défavorisées. Parabole de l'injustice socio-économique dans Irréversible ? Je n'y crois pas du tout.
Effectivement, ce sont des bobos.
Sergius Karamzin
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Message par Sergius Karamzin »

Je crois que j'avais lu le texte de Coxwell en diagonale... :lol: :roll: 8)
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Coxwell
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Message par Coxwell »

Roy Neary a écrit :
Coxwell a écrit :Ce que Noé avait déjà abordé dans ses deux précédents métrages (Carne et Seul contre tous) ont été poussé sans doute à leur paroxysme : la violence comme exutoire des frustrations sociales, inégalitaires. La violence qui ressort de chacun des protagonistes est celle d’un immense sentiment d’injustice dans un monde déboussolé, où les rapports sociaux sont tendus. Que ce soit Marcus, ou le Ténia, ce qui engendre cette violence chez eux, c’est l’agression d’un certain nombre de facteurs d’inégalité sociale décuplant l’animosité, renforçant la rancœur d’un monde vu comme inéquitable, partial. C’est un univers où le couperet fatal s’abat de manière arbitraire, un peu à la manière de l’injustice socio-économique représentée par le chômage, l’exclusion, et la marginalité.
Je ne me souviens pas que les trois personnages principaux du film appartiennent à des catégories sociales défavorisées. Parabole de l'injustice socio-économique dans Irréversible ? Je n'y crois pas du tout.
La scène centrale du film : le viol. Elle est perpétrée à l'encontre d'une bourgeoise propre - parvenue - rabaissée à la saleté, au sol de ce tunnel, sorte de rabaissement social au même niveau que le Ténia, délinquant marginal. C'est le ténia qui se venge, une forme d'exutoire contre une frange sociale supérieure.
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

Je ne vois pas ce qui te permet d'affirmer que le ténia est un zonard
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Coxwell
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Message par Coxwell »

Nikita a écrit :Je ne vois pas ce qui te permet d'affirmer que le ténia est un zonard
Marginal, homosexuel refoulé qui soumet une hétérosexuelle qui s'affiche luxueusement.
Sergius Karamzin
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Message par Sergius Karamzin »

Quand le Ténia est dans le tunnel, il est avec une autre fille. Il est visiblement bi. Ou peut-être n'était-il dans la boîte de nuit que pour un deal quelconque avec celui qui sera tué ?
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Gounou
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Message par Gounou »

Sergius Karamzin a écrit :Quand le Ténia est dans le tunnel, il est avec une autre fille. Il est visiblement bi. Ou peut-être n'était-il dans la boîte de nuit que pour un deal quelconque avec celui qui sera tué ?
Souviens-toi... la fille n'en est pas vraiment une... :roll:
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Coxwell
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Message par Coxwell »

De toute façon, le film s'inscrit dans la continuité des 2 précédents, il s'ouvre sur Nahon et son ami. cette première séquence exploite les mêmes thèmes que Seul contre tous. On est dans un film aigri, parcouru par frustrations et le choc des catégories sociales (argent, sociabilité).
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