Une grosse claque. Le dessin et la mise en scène affirment à chaque planche leur virtuosité, avec des audaces que je n'avais pas vues depuis la grande époque de Geoff Darrows. Mais là où ça devient fabuleux, c'est que cette virtuosité n'a rien de gratuit, puisque l'auteur la met au service d'un récit incroyablement solide, et même carrément bouleversant.
Un pur coup de cœur. J'ai toujours adoré le dessin de De Thuin, pour moi l'héritier direct de Macherot, y compris dans le trouble que peut susciter un dessin en apparence rond, enfantin et chaleureux, avec des histoires parfois sombre. Ce mélange atteint ici des sommets, De Thuin proposant une mise en abîme géniale, commentaire plein d'amertume du métier d'auteur de BD, des concessions commerciales, sur fond de trouble psychologique. L'auteur ne s'interdit rien, pour preuve il l'avait précédemment édité à compte d'auteur, et c'est assez étonnant que Glénat décide de le commercialiser. C'est à la fois mignon et bouleversant, drôle et cruel. Totalement inclassable (ça a toutes les apparences d'une BD jeunesse mais s'adresse clairement aux adultes). Et c'est sans complaisance, y compris dans la maîtrise de la narration.
Alors autant j'ai été impressionné par la folie poético-psychédélique du premier cycle, autant l'intérêt de prolonger ce délire sur deux autres cycles m'échappe complètement. Dans LLe Gant de l'infini, qui fut justement culte à sa sortie, on atteint déjà un point de non-retour, dans une épopée qui met pratiquement tout le catalogue Marvel aux prises avec le titan détenteur de pouvoir divins, et qui pour séduire la Mort elle-même est prêt à annihilier le cosmos tout entiet. L'idée est magnifique, servie par des dialogues qui assument la grandiloquence de la situation et par une mise en page démente. Les pouvoirs conviés sont tellement énormes qu'on ne conçoit même pas que des affrontements puissent avoir lieu. On voit donc défiler sans conviction les superhéros du monde entier, ce qui est plutôt amusant, et on attend avec impatience de voir quelle faille va être utilisée pour sortir de l'impasse.
Mais une fois cette histoire bouclée, pourquoi Jim Starlin s'est-il senti obligé de rejouer la partie et de refaire le coup d'un nouveau méchant surpuissant qui va massacrer tout le monde. Puisqu'on sait désormais qu'il sera possible in fine de miraculeusement effacer cette réalité funeste et de revenir à l'ancienne, il n'y a plus d'enjeux, et les rivalités entre héros ne font pas illusion. Je ne vois pas l'intérêt d'avoir 350 personnages par case, avec au final un inventaire des costumes les plus improbables, la plupart étant endossé par de pauvres silhouettes. Même graphiquement, j'ai trouvé que le dessin de Perez perdait en qualité. L'impression que les planches sortaient d'un générateur automatique. Ça m'est littéralement tombé des mains et j'ai donc lu les 2 autres cycles en diagonale.
Magnifique récit, plein de sensibilité, mené sur un rythme tout en délicatesse, sans éclat ni accélération, et qui pourtant parvient à captiver. Cela étant du au mystère de la disparition du mari de l'héroïne, qui va devoir reprendre en main le petit établissement de thermes qu'elle avait ouvert avec lui. Il y a une justesse dans la caractérisation de personnages alors qu'ils semblent à peine esquissés, et un sens de l'atmosphère vraiment fascinant. Une merveille.
). M'en manque encore une douzaine !
