Critique de film
Le film
Affiche du film

Et viva la révolution!

(¡Viva la muerte... tua!)

L'histoire

Dimitri Orlovsky, un immigré russe, est un petit escroc de l’ouest américain. Il entend un jour parler d’un trésor caché au Mexique. Pour savoir où précisément, il doit s’associer à un Mexicain, Lozoya, un petit bandit qui se trouve alors derrière les barreaux. Les deux hommes s’associent et vont se retrouver plongés dans la révolution mexicaine, flanquée d’une journaliste irlandaise idéaliste, et avec à leurs trousses, et poursuivis par le sheriff Randall, le cousin d’Orlovsky.

Analyse et critique

Après s’être illustré en créant dès 1965 un personnage majeur du western italien, Ringo, Duccio Tessari reste régulièrement associé au genre et y revient au début des années 70, alors que le ton parodique s’est imposé, avec Et viva la révolution, sa dernière incursion dans le registre. Le film s’inscrit dans le sous-genre Zapata, un western politique qui prend pour décor la révolution mexicaine dont le premier jalon est le sublime El Chuncho, de Damiano Damiani, et qui fit ensuite florès dans le cinéma transalpin. En traitent de l’opposition nord-sud et des exactions de régimes autoritaires, le western Zapata est le versant le plus politisé du genre, faisant à la fois écho à la période fasciste et à la fracture économique entre le nord et le sud du pays. Comme le reste du genre, il va évoluer petit à petit d’un ton sérieux à un regard plus comique, plus ironique, et c’est dans cette période que s’inscrit Et viva la révolution, film d’aventure rythmé et léger, qui appartient à la comédie sans jamais se rapprocher du ton lourdaud des westerns italiens les plus tardifs.


Il faut dire que Duccio Tessari sait y faire avec le ton comique, grâce notamment au soin particulier qu’il apporte toujours aux dialogues. Ce talent est visible dès les Titans, son premier film, un des meilleurs péplums italiens qui frise souvent avec la parodie, et il est également présent dans son premier western, Un Pistolet pour Ringo, où il installe un héros bien plus léger que les personnages taciturnes qui dominent le genre à ce moment-là. Avec Et viva la révolution, il joue sur du velours avec le duo Eli Wallach-Franco Nero, le premier reprenant peu ou prou les mécaniques de son personnage du Bon, la brute et le truand alors que le second étonne en sortant de son registre ténébreux dans le rôle d’Orlovsky avec un personnage maniéré et rieur, qui contraste avec le débraillé Lozoya. Les deux acteurs et leurs personnages sont complémentaires et le film fonctionne notamment grâce à leurs interactions comique et à la dynamique d’un duo typique du genre, qui voit l’association d’un mexicain et d’un « gringo », exploité avec efficacité. Ce qui est plus original, c’est l’adjonction à ce duo d’un personnage féminin, la journaliste irlandaise Mary O’Donnell, venue couvrir la révolution mexicaine, interprété par Lynn Redgrave, la sœur de Vanessa alors compagne de Franco Nero. Dans un genre particulièrement dominé par les personnages masculins, elle est constamment celle qui fait avancer l’action, en permettant involontairement la libération de Lozoya ou en sauvant le duo d’une mort certaines sous l’écrasant soleil du Mexique, entre autres.

Le personnage de Mary permet également d’apporter une dimension plus sérieuse au film. Si le duo Orlovsky-Lozoya n’a que faire de la révolution en cours et ne pense qu’au trésor, elle est une idéaliste, qui croit sincèrement en la révolution. Mary n’est pas dans l’ironie et Tessari utilise habilement ce personnage pour jouer sur 2 tableaux, d’un côté celui de l’ironie et d’une forme de distanciation par rapport à la révolution classique des westerns Zapata du début de la décennie 70 et de l’autre un ton plus engagé, plus proche des premiers films du genre. Ce deuxième aspect est d’ailleurs également concrétisé par Tessari dans son traitement de l’armée mexicaine, souvent moquée par l’intermédiaire de son général, interprété par le toujours génial Eduardo Fajardo, ainsi que par la trajectoire de Lozoya qui finira par se prendre, un temps, au jeu de la révolution. Et viva la révolution établit ainsi une belle synthèse de l’évolution du genre, tantôt engagé et tantôt distancié, Tessari trouvant le bon équilibre entre les deux regards pour livrer un film qui se fait, finalement, plus malin qu’il n’en a l’air.


Mais encore plus que par son discours, Et viva la révolution brille par le savoir faire de son réalisateur, qui propose un récit particulièrement rythmé, très dense, parfois trop et c’est même le seul reproche que l’on pourrait faire au film, qui accumule parfois les évènements à une vitesse effrénée, au risque de perdre quelques instant le spectateur. La trame d’ensemble se suit toutefois sans encombre, et est jalonnée de scènes particulièrement spectaculaires dont la bataille finale mémorable avec son montage rapide qui laisse, cinquante en plus tard, une impression de franche modernité. Et viva la révolution est une belle réussite supplémentaire à mettre au crédit de Duccio Tessari, qui sans être parfait nous offre un divertissement de belle facture.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Et viva la révolution
Blu-Ray

sortie le 4 avril 2024
éditions BQHL

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Par Philippe Paul - le 29 janvier 2025