Critique de film
Le film
Affiche du film

Hirondelles et Amazones

(Swallows and Amazons)

L'histoire

1929, un groupe d'enfants qui constituent l'équipage de deux voiliers, le "Swallow" et "l'Amazon", jouent à la "bataille navale" dans le Lake District. Pendant l'été, les enfants laissent libre cours à leur imagination, jusqu'à ce que survienne un véritable drame. Le bateau habité par l'Oncle Jim de l'Amazon est cambriolé et son coffre volé. Il soupçonne immédiatement les Swallow. Ils devront retrouver le coffre volé et le rendre à Oncle Jim avant qu'il ne décide d'agir...

Analyse et critique


Un classique de la littérature enfantine anglaise donne son équivalent cinématographique avec cette belle adaptation de la série de romans d'Arthur Ransome. Swallows and Amazons fut publié en 1930 et comporte une grande part d'autobiographie pour Ransome. L'auteur s'inspire de l'été qu'il passa avec les enfants de ses amis, les Altounyan, et durant lequel il leur enseigna la navigation avec deux barques nommées Swallow et Mavis. Se souvenant de ce beau moment quelques années plus tard, il s'en inspirera pour écrire la série de romans qui le rendra célèbre et où l'on retrouve nombre d'éléments du contexte réel comme le cadre du Lake District (fictif mais reprenant toute la topographie des lieux réels), les prénoms des enfants Altounyan repris pour les héros des livres, et bien sûr le nom des barques à peine modifiée en Swallow et Amazons. Sur cette base, il brodera une trame originale et un univers qui enchantera plusieurs générations de lecteurs à travers une série de treize romans. Une première adaptation fut produite à la télévision pour la BBC en 1962, mais c'est bien celle en couleur réalisée par Claude Whattam qui gagnera ses galons de classique.


C'est l'été, les enfants Walker John (Simon West), Susan (Suzanna Hamilton) pour les aînés et Titty (Sophie Neville) et Roger (Stephen Grendon) viennent passer l'été dans la campagne de Lake District. S'ils sont seulement accompagnés de leur mère, l'esprit de leur père capitaine à la Royal Navy les imprègne indéniablement puisque, après autorisation, ils pourront naviguer à bord de leur petit voilier le Swallow ainsi qu'explorer et camper dans l'île voisine durant ces vacances. Dès l'expédition lancée, les adultes et en tout cas toutes les contraintes qui s'y rattachent s’estompent pour que se lance le vrai film d'aventures en culottes courtes. Le caractère et l'âge différents des quatre enfants permettent l'attachement, l'identification et des émotions variées grâce aux charmants interprètes juvéniles. John est ainsi l'aîné et, fin stratège, ne se démonte jamais dans l'adversité ; Titty (la plus attachante), la douce rêveuse, prolonge toujours ses lectures dépaysantes dans les péripéties ; et le benjamin Roger est naïf, maladroit et fragile. La petite île au milieu du lac devient donc un immense terrain de jeu pour nos gamins débrouillards et as de la vie en plein air. La traversée contemplative du lac puis l'exploration de l'île se font donc avec une énergie communicative, mais bientôt la menace guette : nos héros ne sont pas seuls. Claude Wattham amène le mystère avec un premier degré réjouissant, ramenant à son échelle l'anxiété de L'île mystérieuse de Jules Verne. Point de Capitaine Nemo ici mais seulement deux gamines de la région, Peggy (Lesley Bennett) et Nancy (Kit Seymour), qui à bord de leur barque Amazon vont disputer la propriété de l'île aux Walker / Swallows. Tout se jouera à celui qui réussira à s'emparer du bateau de l'autre dans un pur duel stratégique de pirates.


Le réalisateur offre une réjouissante partie d'échecs où le vrai film de pirates se place à hauteur d'enfant, les péripéties classiques du genre se mariant parfaitement avec la jeunesse des protagonistes. Ainsi, s'il est facile de constituer un stratagème pour dérober le navire ennemi la nuit venue, la concrétisation est plus compliquée quand il s'agira de faire le guet seule dans le noir pour la pauvre Titty ; les autres Swallows vont perdre leur chemin dans l'obscurité d'une eau calme et sans vent et les Amazons seront piégées sur l'île alors qu'elles ont fait le mur. On se surprend à ressentir à nouveau de vraies terreurs enfantines, le suspense fonctionne réellement et la bataille reste captivante. Si les enfants se plaisent à réaliser des prouesses d'adultes, ils sauront ramener certains "grands" à leur insouciance. Ce sera le cas pour Jim (Ronald Fraser), ancien grand voyageur et oncle des Amazons, auquel il a transmis son gout de l'aventure. Seulement, occupé à écrire un livre, il vit reclus sur son bateau, acariâtre et devenant ainsi l'ennemi commun des enfants qui le renomment Capitaine Flint. Une animosité qui ne durera pas bien longtemps, le script désamorçant toutes les sous-intrigues trop dramatiques (la résolution du cambriolage du bateau expédiée alors qu'il y avait matière à un petit suspense policier, l'absence du père qui ne pèse jamais vraiment) pour privilégier le charme suranné de l'aventure.


Du coup, le film n'égale pas tout à fait la merveille absolue qu’était The Railway Children (une influence claire, portée par les mêmes producteurs qui pensaient réitérer ce succès avec une autre adaptation d'un livre culte d'une oeuvre de jeunesse) qui maniait avec brio mélodrame et enchantement enfantin. Swallows and Amazons reste néanmoins une petite perle, qui ramènera tout spectateur à la belle époque où il se prenait pour Robinson Crusoé. Le film sera d'ailleurs si marquant (faisant exploser une industrie touristique autour de Windermere et Coniston Water dans le nord de l'Angleterre où se situe l'intrigue) qu'aucune autre tentative d'adaptation ne verra le jour au cinéma ou à la télévision, si ce n’est à la radio et aussi sous forme de comédie musicale dont la partition sera signée (excusez du peu) Neil Hannon.


En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 28 avril 2015