Critique de film
Le film
Affiche du film

La Leçon particulière

L'histoire

Elève en philosophie au lycée Henri IV, Olivier (Renaud Verley), fils de la haute bourgeoisie parisienne, n’a que deux choses à penser : les études et les filles. Et lorsqu’au sein même de son appartement, la jeune et séduisante aide familiale de ses parents est prête à lui apporter un certain ‘apaisement’ pour qu’ensuite il puisse mieux travailler, pourquoi irait-il chercher des aventures ailleurs ?! Sauf qu’en dépannant Frédérique (Nathalie Delon), pas très à l’aise pour ramener à bon port la Lamborghini de son compagnon, un pilote de course renommé, il tombe amoureux fou de cette femme de sept ans son aînée. Ils vont vivre une folle passion entre Paris et Avoriaz, nouvelle station de ski huppée à la mode…

Analyse et critique

En lisant le pitch ci-dessus, l’on comprendra aisément que la société et l’époque évoquées dans La Leçon particulière sont bel et bien révolues ; et d’ailleurs le roman-photo ‘Harlequin’ de Michel Boisrond est tellement daté que d’une manière paradoxale c’est principalement aujourd’hui ce qui fait tout son charme, se révélant par la même occasion un passionnant document sociologique sur une certaine France, celle des fils à papa sans soucis et sans conscience politique, des lycées haut de gamme et des appartements bourgeois, des voitures de course couteuses et des stations de ski pour nantis... Évoquer une telle jeunesse quelques mois à peine après les évènements de mai 68 (à Noël de cette même année plus précisément) devait d’ailleurs paraitre bien anachronique voire agaçant à beaucoup lors de sa sortie en salles ; à moins que ce ne fût au contraire pour de nombreux autres une bouffée de fraicheur. Ce qui semble s’être confirmée car si étonnamment plus personne ne connait ce film dans notre pays, il eut pourtant un énorme succès et pas seulement en France, ayant également marqué à cette époque pas mal de jeunes américains et japonais .


Rappelons que le cinéaste Michel Boisrond (lui aussi de nos jours presque totalement oublié) fut tout d’abord assistant de René Clair sur ses plus beaux films des années 50 avant de passer derrière la caméra pour une carrière assez prolifique mais dont peu de titres seront passés à la postérité, hormis peut-être quelques films d'ailleurs pas désagréables tel Le Chemin des écoliers d’après Marcel Aymé avec Bourvil, Lino Ventura et Alain Delon, le plus regardable des OSS 117 ‘première manière’ avec A tout cœur à Tokyo, ou encore une version du Petit Poucet avec Jean-Pierre Marielle dans le rôle de l’ogre qui a marqué quelques-uns d’entre nous à l’époque de sa diffusion à la télévision à la fin des années 70. Le réalisateur écrivit l'histoire d’amour et d'apprentissage qu'est La Leçon particulière en collaboration avec Annette Wademmant, sa scénariste attitrée, ainsi qu’avec Claude Brulé, autre auteur lui aussi assez fécond. Au vu du résultat à l’écran on se demande pourquoi avoir réunis trois personnes pour aboutir à une intrigue aussi mince, le visionnage du film nous faisant nous questionner sur le fait de savoir si le scénario n’aurait pas été improvisé sur le tournage au jour le jour.


Mais encore une fois, c’est me semble-t-il cette légèreté et cette inconséquence (aussi bien des personnages que du scénario), cette absence de sérieux papal ou de ton moralisateur qui permettent à ce film certes sirupeux mais au charme certain de ne pas sombrer dans le ridicule, au contraire de garder tout du long une certaine élégance. Paris au printemps : Olivier un étudiant en philosophie, fils à papa, heureux dans ses études, pas dépourvu de relations amicales (sympathique Bernard Le Coq au tout début de sa carrière) et amoureuses, la jeune bonne néerlandaise de ses parents n’étant pas farouche et lui proposant de profiter d’elle à son gré, pas réticente à en faire bénéficier également ses copains ! Autant dire que cette situation présentée ainsi ne passerait plus très bien de nos jours d’autant que les auteurs n’y mettent pas spécialement d’humour ni de second degré. Quoiqu’il en soit, malgré toutes ses faciles opportunités, le jeune homme tombe passionnément amoureux d’une femme de 25 ans, Frédérique, qu’il rencontre au volant d’une Lamborghini qu’elle ne parvient pas à faire redémarrer. Elle est la compagne d’un célèbre pilote de courses qui la délaisse un peu, une ex journaliste qui a quitté son métier pour se donner toute entière à son homme, car "c’est ce qu’il convient de faire pour une femme lorsque l’on est éperdument amoureuse" (même réflexion que précédemment) !! Frédérique, c’est Nathalie Delon, belle comme rarement, que l’on n’avait vu auparavant à l’écran qu’une seule fois, aux côtés de son célèbre époux dans le magnifique Le Samouraï de Jean-Pierre Melville. Que ce soit elle ou Renaud Verley (frère de Bernard), ils ne sont pas mauvais mais on ne peut pas dire que la direction d’acteurs les aide beaucoup d’autant que la post synchronisation n’est pas une franche réussite non plus. Tous les autres comédiens, à commencer par Robert Hossein, ne font presque office que de figuration.


Le film ne sera qu’une suite de séquences sans grandes tensions dramatiques ni spécialement d'émotion narrant une romance assez banale et vaporeuse ; et malgré Francis Lai (dans une assez bonne forme), les voitures, la vitesse, un homme et une femme… n’est pas Lelouch qui veut... et le résultat ne sera pas forcément inoubliable. Quoiqu’il en soit, malgré quelques instants de gravité dont la dernière séquence, la fraicheur de l’ensemble l’emporte, le rythme rapide du montage fait son effet, et l’on se prend à trouver vraiment plaisante cette histoire faussement moderne et culottée, au contraire même assez doucereuse. Il est à parier que le film fera grincer quelques dents aux nouvelles générations mais si on le replace dans son contexte, on trouvera tout ceci assez intéressant en tant que constat de l’évolution des mœurs. Une histoire d’amour sinon touchante, d’une légèreté assez incroyable qui lui permet de nous faire oublier ses clichés. Un film qui devrait trouver aussi son public parmi les amoureux de ces années-là, de ses voitures, de son ambiance et de ses éléments de décors extérieurs et intérieurs, car si Michel Boisrond sait capter l’espace de bistrots, d’appartements ou d’hôtels, il descend plus souvent dans les rues, faisant de Paris, plus encore que d’Olivier et Frédérique, son personnage principal, avant de le remplacer par un Avoriaz lui aussi en quelque sorte assez féérique. Pas un grand film, loin s’en faut (il a pourtant ses fans), mais un film charmant et agréable. Deux ans après, Boisrond réalisera avec quasiment la même équipe un autre film sur la jeunesse tout aussi méconnu mais encore plus réussi et attachant, Du soleil plein les yeux : nous y reviendrons assez vite !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 29 novembre 2023