Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Choix des armes

L'histoire

Ancien truand, Noël Durieux s'occupe désormais d'un haras avec sa femme Nicole. Mickey, un malfrat en cavale, trouve refuge chez lui. Mais, le voyant discuter avec l'inspecteur Sarlat, il s'imagine que Noël l'a dénoncé...

Analyse et critique



Le Choix des armes vient conclure la série de grands polars d'Alain Corneau après les succès de Police Python 357 (1976), La Menace (1977) et Série Noire (1979). Alors que l'intrigue des précédents films reposait sur des ressorts de polar plus porté sur l'enquête, les indices et les rebondissements divers, Corneau souhaite procéder différemment avec Le Choix des armes. La trame s'inscrit ainsi dans une veine à la fois traditionnelle et moderne qui prend un tour de tragédie par cette opposition. Cela se traduit plus par un sentiment d'ensemble tout au long du film plutôt qu'un scénario volontairement linéaire. Le film confronte Noël Durieux (Yves Montand), ancien truand rangé, au jeune chien fou Mickey (Gérard Depardieu). Les deux se croiseront lorsque Mickey en cavale avec un ancien acolyte de Durieux tente de trouver refuge chez ce dernier. Corneau les oppose dès la scène d'ouverture où le grain de folie de Mickey, lors de l'évasion, trouve son contrepoint au réveil paisible de Durieux, sa tendresse avec son épouse Nicole (Catherine Deneuve) et le calme de son haras.



La nature imprévisible de Mickey et la réaction en retour de Durieux va les amener dans une spirale tragique où leur univers va voler en éclat. Corneau se place ainsi d'un côté dans la tradition du polar français classique avec amitié, code d'honneur et bandes (et aussi tenue vestimentaire avec feutre et imperméable élégant) quand Montand fera appel à ses anciens acolytes pour traquer Mickey qui le menace. Tout se fait dans un silence entendu, avec méthode et précision pour remonter la piste (la demeure dévastée et cambriolée de Constantini) chez les gangsters classiques, quand c'est le chaos permanent dans le parcours de Mickey qui enchaîne brutalité, menace et braquages sans aucune cohérence, restant miraculeusement en liberté. Depardieu, pourtant déjà vu dans ce registre de jeune loubard, parvient à se réinventer avec ce personnage incroyable. C'est un homme-enfant à l'allure de colosse, guidé par un instinct de survie quasi animal, s'abandonnant totalement à la folie et à la violence lorsqu'il est menacé, mais étonnamment touchant lorsqu'on daigne le prendre par le bon bout (le tête à tête avec Deneuve, les entrevues avec sa fillette). Une sorte de monstre aux pieds d'argile, aussi effrayant que vulnérable.



Cette opposition entre tradition et modernité s'exprime aussi, bien sûr, visuellement. Montand construit son personnage dans l'élégance et le raffinement du gentleman farmer quand Depardieu, le regard fou, les cheveux en bataille et la démarche pataude ne dégage que l'anarchie. Le haras et son majestueux cadre naturel symbolise ainsi cette tranquillité bourgeoise de Durieux, à l'inverse de l'environnement urbain grisâtre et des barres de cité banlieusardes qui font là leurs premières apparitions dans le cinéma français (et les personnages de paumés qui vont avec, comme Richard Anconina). Ce qui rejoint finalement les deux personnages, et qui les perdra, c'est le recours à la violence et à la vendetta comme solution. C'est en traquant Mickey et en réveillant sa fébrilité que Durieux va rendre celui-ci d'autant plus menaçant pour lui, entraînant au terrible drame final. Il le comprendra bien trop tard mais, pourtant, Corneau désamorce ainsi brillamment la confrontation finale attendue. Ce combat des générations aura bien lieu grâce au duo jumeau des personnages principaux. Gérard Lanvin, en flic impulsif, conduit également droit à la catastrophe les destinées de chacun, n'écoutant pas les paroles du vieux sage Michel Galabru dont les méthodes plus discrètes et pragmatiques montreront l'efficacité. Une relation amoureuse brisée conduit ainsi à un possible lien filial où nos deux héros se rejoindront pour un avenir meilleur, dans une surprenante conclusion.



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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 23 décembre 2024