L'histoire
François Perrin (Pierre Richard) , photographe désireux de se lancer dans le cinéma, a écrit avec son ami Henri, un scénario baptisé 'Le miroir de l'âme'. Ne trouvant aucun producteur, François confie le scénario au producteur de films pornographiques, Bob Morlock (Jean Pierre Marielle). Ce dernier transforme le film en porno et le baptise 'La vaginale'. Seulement, ce projet devient la source de conflit entre François et son amie Christine (Miou Miou)...
Analyse et critique
En 1972, Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci crée le scandale le temps d’une sulfureuse et controversée scène impliquant une plaquette de beurre, Marlon Brando et Maria Schneider – cette dernière ne se remettra jamais vraiment de l’expérience. En 1974, c’est le Emmanuelle de Just Jaecklin qui fait sensation, lançant pour une courte durée le cinéma érotique dans les salles grand public. Si les sixties furent la décennie de la libération sexuelle, les seventies seront celle de sa surexposition. Pas une grosse production où l’actrice principale ne tombe sans complexe le haut, voire plus, et les scènes érotiques envahissent désormais le cinéma le plus grand public sans inhibition. En France, la première incursion de cette donne dans le cinéma populaire se fera avec l’excellent Sex Shop de Claude Berri, vision du bouleversement quotidien des Français discutant désormais leur lubies érotiques au grand jour. Dans un registre plus auteurisant, le Maîtresse de Barbet Schroeder étalera également les mœurs SM les plus extrêmes sur grand écran.
C’est donc un sujet dans l'ère du temps qu’aborde Georges Lautner, mais la farce scabreuse attendue est remplacée par une comédie diablement drôle et émouvante. Le couple Pierre Richard/Miou-Miou est pour beaucoup dans la réussite du film, porté par un scénario astucieux de Francis Veber réintroduisant un de ses héros gaffeur sous les traits de Richard avec ce François Perrin. Le décalage de ces deux personnages pétris d'amour et d'innocence plongés dans le milieu du porno amène les instants les plus drôles et touchants du film. D'un côté Pierre Richard parfait dans son rôle habituel de doux rêveur lunaire forcé par ambition de revoir ses velléités artistiques et d'avaler les couleuvres de Bob Morlock, puis de l'autre Miou-Miou débordante de charme et de candeur prête à jouer dans le fameux film pour le dissuader de le réaliser. Les moments où Pierre Richard apprend, effaré, les modifications apportées à son script (dont une scène de lecture dans un café où les positions sont expliquées allusivement) ainsi que sa découverte des mœurs décomplexées du porno (dont une scène de projection énorme de drôlerie) sont excellentes à ce titre.
Lautner parvient à susciter l'empathie avec des scènes potentiellement vulgaires comme ce moment bouleversant où Miou-Miou est contrainte les larmes aux yeux d'auditionner en récitant du Molière nue. Le réel attachement ressenti pour les personnages et la tendresse de leur relation crée un vrai ancrage émotionnel au film (notamment une très belle scène finale) qui sur ses bases peut aisément se lâcher sur le reste. Jean-Pierre Marielle livre une prestation extraordinaire en Bob Morlock, forçant le trait sur le côté flambeur et odieux des producteurs de l'époque tout en gardant sa sympathie habituelle et s'octroie les dialogues les plus mémorables du film.
-Dans la dernière production américaine, il y a 1h28 de sexe pour 1h30 de film.
-Et les 2 mn qui reste ?
- Psychologie !
S’il ne néglige pas le côté haut en couleur de cette communauté, Lautner évite pourtant le procès d'intention (avouant même dans les bonus de l'édition dvd qu'il allait voir les classiques de l'époque comme tout le monde) et s’amuse plutôt de l’aspect décalé et bon enfant qu’on y trouve (et rejoint en ce sens le futur Boogie Nights de Paul Thomas Anderson qui décrivait aussi les pionniers de l’industrie porno comme une grande famille). Une des scènes les plus réussies exprime d’ailleurs bien cette idée : Miou-Miou déboule sur le plateau de tournage bien décidé à faire un scandale et découvre un Pierre Richard dans son élément, concentré sur son sujet, enfin réalisateur épanoui et donnant des directives sur son plateau. C’est finalement une manière de débuter comme une autre qu’il n’y a pas matière à juger. Les interdictions au moins de 18 ans des lois Giscard feront à l’avenir tomber le porno dans la ghettoïsation et le sordide loin de la description qu’en fait ici Lautner. Hardcore de Paul Schrader en fin de décennie en montrera bien les dérives, la fête était finie. L’appât du gain suscité par le milieu est d'ailleurs idéalement mis en boite avec le rôle de la bourgeoise (jouée par la mère de Lautner René Saint Cyr souvent présente dans ses films) prête à investir quand elle découvrira les bénéfices potentiels, exigeant un film "bien raide" et "hardcore" (avec tout le décalage que peut créer le fait de voir dame distinguée s’exprimer ainsi) et annonçant les errements futurs.
Le film fut aussi l'occasion d'apprécier (outre Gérard Jugnot qui a un vrai rôle) les membres de la troupe du Splendid (le regretté Michel Blanc encore chevelu et Marie Anne Chazel entre autres) qui triompheront deux ans plus tard avec Les Bronzés et auquel Lautner fut un des premiers a donner une chance, une scène étant même filmée au Splendid. Petite curiosité d’ailleurs, le film a connu un quasi-remake sortira dans les années 2000 avec le film espagnol Torremolinos 73 ayant la même trame et se déroulant à la même période, mais dont l’intrigue joue sur un mode plus dramatique.
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