Critique de film
Le film
Affiche du film

Pistolets pour un massacre

(Una pistola per cento bare)

L'histoire

Témoin de Jéhovah, Jim Slade refuse de porter les armes. Conscrit par l’armée sudiste, il est condamné à deux ans de travaux forcés. Gracié à la fin de la guerre, il rentre chez lui pour découvrir ses parents assassinés par quatre bandits. Il se résigne alors à se servir d’une arme, pour se mettre sur la piste des meurtriers.

Analyse et critique

Cinéaste indissociable du film de genre de l’âge d’or du cinéma italien, Umberto Lenzi s’est distingué notamment dans le polar et le giallo, marquant particulièrement cette période par son sens du rythme et sa capacité à mettre en scène la violence. Etonnamment, Lenzi ne se sera pourtant peu confronté au western, genre majeur de la période, et il n’en réalisa qu’un seul, Pistolets pour un massacre, aussi connu sous le titre La Malle de San Antonio, produit en 1968. En plein apogée du genre, Pistolets pour un massacre ne se distingue pas par son argument de départ, une intrigue de vengeance classique qui débute avec une scène souvent vue, celle du héros découvrant sa famille massacrée, et qui va prendre les armes pour punir les coupables. Heureusement, cette intrigue est développée de manière plutôt efficace, avec un scénario qui sait maintenir un suspens efficace, et ménager quelques rebondissements et retournements de situation inattendus.


Lenzi et ses scénaristes expédient d’ailleurs rapidement les scènes attendues d’un tel récit. Après moins d’un quart d’heure l’introduction est terminée, et 3 des 4 meurtriers des parents de Slade ont été éliminés. Alors que le héros a appris l’identité du quatrième assassin de ses parents, un certain Corbett, le film s’installe alors dans une petite ville, menacée par la bande de Corbett qui attend l’arrivée de 200000$ qui doivent venir renflouer les caisses de la banque locale. Slade, qui s’illustre dès son arrivée par son habileté aux armes, y rencontre une population apeurée ainsi qu’un étrange pasteur, Douglas, lui aussi particulièrement efficace un pistolet à la main. Pistolets pour un massacre devient alors un de ces récits mettant en scène la lutte d’une ville contre des bandits menaçants, trame qui relève par habitude plus du western américain que de son homologue italien. Mais évidemment, Lenzi donne une coloration transalpine à cette situation, par son savoir faire et son traitement personnel de la violence, sèche et brutale, qui vient ponctuer le récit par quelques scènes particulièrement marquantes. Lui et ses scénaristes y introduisent également quelques thématiques propres au cinéma italien, et une dimension qui frôle le fantastique de manière inattendue.


Si l’on pourrait être dans un récit américain, il n’est bien sûr dans Pistolets pour un massacre aucunement question de conquête de la frontier ni de conquête de l’Ouest. C’est évidemment la question économique qui prédomine, et celle de la présence ou non des fameux 200000$ attendus par la banque. Tout tend dans le film, avant même le sujet de la vengeance, vers la quête de l’argent. Comme le miroir d’une Italie où tout le monde n’a pas profité du boom économique, la petite ville qui sert de décor au récit ne vit que pour cet argent. Presque morte avant l’arrivée du trésor, elle se déchaîne lorsqu’il est là, dans une folie incarnée par les aliénés qui l’envahissent subitement. Cette collection de personnages, enfermée en prison à l’arrivée de Slade à la suite de la fermeture de l’asile locale, est traitée par Lenzi de manière semblable à ce que Romero fait presque simultanément de ses zombies dans La Nuit des mort vivants. Ici, ils incarnent une forme de mal que répand sur l’humanité la présence de l’argent et qui va frapper toute la ville, semant la mort et la terreur. Chacun désire s’enrichir, mais c’est la folie et le mal incontrôlable qui en sera la conséquence. Cet élément, particulièrement singulier, qui porte le récit à la lisière du fantastique, est une des grandes forces de Pistolets pour un massacre. Elle en fait l’originalité, et en concentre une grande partie du propos.


Plus attendue, c’est le sens du rythme et de l’action de Lenzi qui fait l’autre qualité majeure du film. Admirateur des grands cinéastes américains des années 30, et tout particulièrement de Walsh, Lenzi a toujours su donner une dynamique particulièrement intense à ses films et c’est encore le cas ici, avec un film qui se distingue par un rythme soutenu, sans temps faible. Il est notable de voir le monde de Lenzi occupé, une fois n’est pas coutume, par un personnage qui rejette, fondamentalement, la violence, et qui n’en jouit jamais. Slade est un être pur, ce que reflète la blondeur et la pâleur à l’écran de Peter Lee Lawrence, excellent dans le rôle et très éloignés des habituels visages burinés du genre. Il impose une distance inhabituelle par rapport à la violence tout en en étant la source. Malgré sa pureté, c’est bien lui qui, d’une certaine manière, crée la violence. Il est au cœur de tous les meurtres que nous voyons à l’écran, le massacre de sa famille n’étant pas filmé. Ainsi, c’est le fait que Jim Slade, personnage opposé par essence à la violence, prenne les armes qui déclenche tout. Et c’est sa disparition au fond de l’écran à la fin du film qui annonce le retour au calme. Il y a ainsi dans Pistolets pour un massacre une forme de prise de recul assez rare dans le cinéma de Lenzi, la violence n’est plus un spectacle mais le résultat d’une corruption, celle des armes, et de l’argent.


Pour sa seule incursion dans le western, Lenzi réussit son coup. Sans révolutionner le genre, il y applique parfaitement son savoir faire et sait exploiter les idées de son scénario comme ses acteurs, en orchestrant notamment une confrontation marquante entre Peter Lee Lawrence et l’excellent John Ireland. Pistolets pour un massacre fait incontestablement parti de ces films qui feront le bonheur des amateurs de westerns transalpins.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Pistolets pour un massacre
Blu-Ray

sortie le 5 novembre 2024
éditions Elephant Films

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Par Philippe Paul - le 2 janvier 2025