Critique de film
Le film
Affiche du film

Quand la marabunta gronde

(The Naked Jungle)

L'histoire

L'histoire du film se déroule en 1901. Joanna (Eleanor Parker), une femme de la Nouvelle-Orléans, arrive sur une plantation de cacao, située sur les bords du Rio Negro au Brésil. Elle doit y rencontrer son nouveau mari, Christopher Leiningen (Charlton Heston), propriétaire de la plantation qu'elle a épousé par procuration. Leiningen la reçoit plutôt froidement et repousse toutes ses tentatives pour devenir plus intime.

Analyse et critique

The Naked Jungle nous offre un des meilleurs films d'aventures des années 50, romanesque et spectaculaire. Le romanesque est à chercher dans le curieux lien entre Joanna (Eleanor Parker), belle citadine de la Nouvelle-Orléans et le riche propriétaire Leiningen (Charlton Heston) régnant en maître sur des terres hostiles aux confins de l'Amérique du Sud. On apprendra ainsi que Leiningen soucieux de léguer à un héritier ce domaine qu'il a élevé à la force du poignet s'est "commandé" une épouse par procuration rigoureusement sélectionnée avec Joanna et que tous deux vont donc se rencontrer pour la première fois. Ce postulat de départ quelque peu machiste se voit confirmé lorsque les époux se découvrent, Leiningen s'avérant un détestable tyran, d'autant plus irrité quand il découvre qu'il n'est pas le premier homme de la belle Joanna. Cette dernière, isolée dans ce cadre hostile face à un homme qui la méprise semble donc être une proie facile. Mais il n'en est rien, le plus faible n'étant pas forcément celui que l'on croit, tout comme l'on n'a pas affaire à la femme vulnérable attendue avec Eleanor Parker.

Dès les premiers instants, le film n'a de cesse de magnifier sa terrassante beauté, et il n'y bien que dans Scaramouche (George Sidney, 1952) que sa flamboyante chevelure rousse étincelle autant de mille feux, par la grâce du technicolor. Le film fonctionne de manière fort audacieuse sur l'apprentissage de l'amour et la tension sexuelle. Heston ayant vécu très jeune en autarcie ne sait comment se comporter avec les femmes et, troublé par la beauté de son épouse (avec une apparition absolument ravageuse d'Eleanor Parker en déshabillé affriolant) ne trouve que l'agressivité pour faire bonne figure. Eleanor Parker a pourtant deviné la sensibilité de cet homme sous ses manières rustres et va l'aider dans son éveil aux sens, et de la connaissance des femmes. L'actrice livre une prestation époustouflante en amoureuse déterminée et Heston (très bon également en mâle alpha aux pieds d'argiles) a beau serrer les poings et vociférer, elle le domine lors de chacune de leurs scènes communes, signifiant le rapport de force inversé en dépit des apparences. Elle parvient à éteindre sa brutalité par son calme (cette agression nocturne où elle lui signifie qu'il n'a pas besoin d'employer la force pour ce qui pourrait lui dû en usant des manières), ou encore cet affolant moment où elle lui chamboule l'esprit en lui faisant passer de la crème sur le corps.

Le salut du couple viendra finalement de la plus grande menace qui pèse sur eux, cette fameuse marabunta. Evoquée du bout des lèvres par différents protagonistes apeurés dans la première partie du film, menace sourde et lointaine signifiée de manière symbolique (la fuite des oiseaux sauvages et le perroquet demeurant muet, les tambours dans la jungle) dont on ne saura rien jusqu'au final impressionnant. La marabunta, c'est donc une nuée de fourmis surgissant tel un fléau divin pour ravager la région, les assauts étant auréolé de superstitions. George Pal à la production, Byron Haskin à la réalisation soit le duo qui offrit l'excellente version de La Guerre des mondes l'année précédente s'y entend pour en mettre plein la vue et après une première partie intimiste laisse éclater les morceaux de bravoures sans discontinuer. Les effets spéciaux sont remarquables pour illustrer l'aspect grouillante et inarrêtable des fourmis, nuées noires qui envahi progressivement le moindre recoin de décors.

Les scènes d'attaques mettent bien mal à l'aise lorsqu'elles s'en prennent aux humains, et malgré une amplification cinégénique nécessaire, leur fonctionnement est plutôt bien vu comme lorsqu’elles ont l'intelligence d'user de feuilles pour traverser un fleuve. Ce n’est que lorsqu’il sera sur le point de tout perdre face à ce danger que Leiningen saura admirer le courage de sa femme et enfin l’aimer sans réserve. Les flammes et la grande marée finale venant balayer les insectes font donc office d'apocalypse et de renouveau pour le couple lors d’une poignante conclusion.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

quand la marabunta gronde
combo Blu-Ray/dvd

 sortie le 23 août 2024
 éditions Sidonis Calysta

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Par Justin Kwedi - le 11 septembre 2024