Critique de film
Le film
Affiche du film

Sleeping Car to Trieste

L'histoire

Valya et Zurta, deux voleurs, sont dans un train en partance pour l'Orient. A bord de celui-ci est caché une valise diplomatique contenant des informations d'une haute importance stratégique. Un meurtre a lieu dans le train...

Analyse et critique

Sleeping Car To Trieste est un excellent thriller d'espionnage sous haute influence Hitchcockienne et dont le cadre ferroviaire évoque d'ailleurs forcément le classique Une femme disparaît (1938) ou son "jumeau" signé Carol Reed, Train de nuit pour Munich (1940). Le film est pourtant indirectement précurseur de ces deux œuvres puisqu'il s'agit du remake de Rome Express de Walter Forde (1932) où jouait notamment Conrad Veidt - et scénarisé par Sidney Gilliat, aussi au script du Hitchcock et du Reed en bon spécialiste du suspense ferroviaire. On change néanmoins de cadre politique ici pour plonger en pleine Guerre Froide. Les agents soviétiques Zurta (Albert Lieven) et Valya (Jean Kent) dérobent à Paris dans une ambassade un journal contenant des informations confidentielles.

Afin de ne pas être pris avec l'objet du délit durant la soirée mondaine ayant lieu à l'ambassade, ils transmettent le journal à Poole, un acolyte posté à l'extérieur qui doit le leur remettre le lendemain. Seulement là surprise, Poole (Alan Wheatley) les trahit et s'enfuit avec le journal et nos agents remontent sa piste de justesse en montant dans l'Orient-Express où il voyage de Paris à Trieste. Une longue traque riche en rebondissement va alors s'engager tout au long du trajet, engageant d'autres voyageurs dans son sillage. Parmi eux on trouve un couple adultère, un inspecteur de police français, un ornithologue farfelu, un militaire américain en permission ou encore un écrivain au caractère irascible joué par Finlay Currie. La première partie donne donc dans la longue étude de mœurs, scrutant les caractères de chacun avant que la trame d'espionnage vienne bouleverser les destins individuels. Le cadre de la Guerre Froide est vraiment prétexte tant les ressorts de l'intrigue reposent davantage sur les situations que le sous-texte politique, le film étant d'ailleurs dénué de tout manichéisme. Chacun des personnages se montrera tour à tour sympathique (le couple d'espion impitoyable nouant une attachante relation laissant deviner les motivations plus intimes de Jean Kent qui a perdu son père) ou méprisable, tel le mari adultère si préoccupé de sa réputation qu'il abandonnera sa maîtresse dès qu'il rencontrera une vieille connaissance pouvant le démasquer.

De même on tremblera pour le traitre lorsqu'il finit par recroiser la route de Zurta (Albert Lieven ayant vraiment une mine inquiétante d'assassin sous le sourire enjôleur) et l'écrivain prestigieux s'avérera bien peu fréquentable quand il cherchera à s'approprier à son tour le fameux journal. La topographie du train est excellemment utilisée, que ce soient les rencontres anodines dans les couloirs qui entraîneront leurs conséquences dramatiques plus tard ou les manœuvres classiques qui revêtent soudain une tension extrême (Zurta et Valya guettant à chaque arrêt sur le quai si leur proie cherche à s'échapper). Les quiproquos, revirement et mensonges divers créent une vraie énergie ludique où les faux-semblants règnent et enferment les protagonistes dans des situations inextricables qui relancent constamment le suspense. Le contenu du journal tant désiré a finalement moins d'importance que l'agitation de ceux qui se démènent autour pour mettre la main dessus.

Ce jeu de piste s'interrompt dans la dernière partie où un meurtre fait basculer le ton du côté d'Agatha Christie. Mais là aussi l'identité du meurtrier (pas du tout dissimulée) importe peu, c'est la réaction des personnages leurs semis vérités et dénégations qui guide l'intrigue. Le pur suspense s'estompe mais la fine psychologie du script et les comédiens inspirés rendent le tout palpitant, John Paddy Carstairs (surtout connu pour ses nombreuses adaptations des aventures du Saint et adoubé par Leslie Charteris) n'est certes pas Hitchcock mais confère toute la tension et la nervosité nécessaire à l'ensemble (une bagarre brutale dans un wagon annonçant celle fameuse de Bon Baiser de Russie (1963) entre James Bond et Red Grant) et le final s'inspirant largement de celui de L'Ombre d'un doute (1943). Une belle réussite, haletante, de bout en bout et néanmoins baigné d'humour anglais savoureux porté par quelques seconds rôles farfelus (le pot de colle joué par David Tomlinson, le fils à papa anglais prodiguant des conseils de cuisine à un chef français exaspéré, les jeunes françaises jouant de leur charme pour échapper à la taxe douanière) pour un excellent divertissement.

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La fiche IMDb du film

 sleeping car to tireste
DVD

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Par Justin Kwedi - le 21 juin 2024