Cinéphiles de notre temps

Rubrique consacrée aux DVD de films tournés avant 1980.

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BaronLundi
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par BaronLundi »

Je trouve le coffret Cinémas Cinémas formidable. Je n'en ai pas vu la totalité mais rien que le sujet sur Louise Brooks, les interviews de Ventura, de Bulle Ogier et de Capra ont plus que justifié mon achat.

L'image est dégueu mais conforme à mes souvenirs du temps où cela passait à la télévision :uhuh: Et je ne me lasse pas du générique.
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Supfiction »

Je passais par hasard au Virgin Saint Lazare cet après midi. Ce coffret trainait tout seul abandonné sur un présentoir, personne en voulait. J'ai jeté un coup d'oeil sur ce topic depuis un ipad avant de le prendre.. :lol:

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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Supfiction »

Vu le premier dvd, vraiment passionnant, en particulier le début avec le contexte historique (accords Blum-Byrnes...), la suite un peu moins (un peu par lassitude peut-être le dvd durant 2h hors bonus), axée sur les différentes chapelles de critiques et ciné-clubs.
ça fait du bien d'entendre Eddy Mitchell, comme une madeleine de Proust..

--
J'ai découvert au passage ces accords Blum-Byrnes de 1946, assez étonné par cette histoire de semaines réservées (exclusivement, si j'ai bien compris) au cinéma français ("quatre semaines sur treize", pourquoi sur treize et pas sur 52 ?).
Le compromis est d'une part un abandon du quota de films américains et d'autre part une exclusivité accordée aux films français quatre semaines sur treize, ce qui correspond à une diminution de moitié de la diffusion de films français par rapport aux années 1941-1942.

Cet accord n'a été signé que le 28 mai 1946, ce qui est étonnant.. les films américains n'auraient donc pas été distribuées en France avant cette date. Au sortir de la guerre, il ne fallait pas être pressé.. :|

Ces accords ont rapidement été contesté, surtout par les communistes d'ailleurs. De cette contestation est né le système de financement et "l’exception culturelle"..
Wikipedia a écrit :Cette contestation culmine avec une grande manifestation le 4 janvier 1948, rassemblant bien au-delà du milieu syndical les vedettes du moment, comme Jean Marais ou Simone Signoret. La pression est alors telle que le gouvernement français obtient du gouvernement américain pour quatre ans quatre semaines supplémentaires d'exclusivité par an ainsi qu'un contingent d'au maximum 121 films américains par an (révision des accords Blum-Byrnes à Paris le 16 septembre 1948). Surtout, ce mouvement entraîne la création d'une taxe de 10,9 % sur tous les billets (loi d'Aide du 23 septembre 1948), à laquelle étaient farouchement opposés distributeurs et exploitants. Cette taxe alimente un Fonds d'aide à l'industrie cinématographique, mettant en place un système d'aides automatiques calculées sur la base des recettes des films précédents des réalisateurs éligibles21, jetant les bases du système organisé par le CNC. Il est à peu près admis que ce système eut un rôle considérable dans le maintien et le développement du cinéma français d'après-guerre.
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Supfiction »

3ème dvd visionné hier, se terminant sur un regard condescendant sur les cinéphiles blogueurs épistolaires du XXIème siècle..

Eddy Mitchell : "Une cinéphilie de salon se substitue peu à peu à la traditionnelle cinéphilie en salle.."

Noël Simsolo : "Un vrai cinéphile à l'époque était quelqu'un qui avait de la culture générale. Aujourd'hui je ne sais pas ce que veut dire le mot cinéphile. Parce que est-ce que le type qui commande des films sur internet est un cinéphile ou un collectionneur ?
Le cinéma n'est pas un plaisir solitaire mais collectif.
Aujourd'hui, la cinéphilie telle qu'elle existe avec les dvds est un plaisir solitaire - ou épistolaire si vous avez un blog, mais ce n'est plus la parole."

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Serge Bromberg est encore l'un des moins condescendants (avec Tavernier) dans le lot des intervenants : "Le cinéphile est dans un espace nostalgique, de quête permanente (...) Chaque époque a sa cinéphilie et elle correspond aux moyens de diffusion et d'accès aux films. Paradoxalement, plus les films sont disponibles moins la cinéphilie existe puisque quelque-part, elle nait d'un manque, d'une envie inassouvie de voir tel ou tel film à tel ou tel moment."

Une autre phrase de Serge Bromberg (parlant de Pierre Rissient), que je trouve très intéressante : "..Le moi n'est pas du tout étranger à la cinéphilie."

Tavernier à propos de la cinéphilie : "Il faut continuer. C'est un combat qui ne doit surtout pas s'arrêter à des mots d'ordre prononcés il y a quelques décennies."

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Serge Bromberg

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Yves Boisset

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Pierre Rissient

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Michel Ciment

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André S. Labarthe

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Jean-Pierre Dionnet

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Michael Henry Wilson

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Bernard Martinand
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Supfiction »

A propos de Simsolo, je viens de déterrer un vieil entretien avec dvdclassik de 2005:
http://www.dvdclassik.com/article/entre ... el-simsolo

Idem pour Michael Henry Wilson (entretien plus récent, 2012):
http://www.dvdclassik.com/article/entre ... nry-wilson
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Commissaire Juve »

Supfiction a écrit :Vu le premier dvd, vraiment passionnant, en particulier le début avec le contexte historique (accords Blum-Byrnes...), la suite un peu moins (un peu par lassitude peut-être le dvd durant 2h hors bonus), axée sur les différentes chapelles de critiques et ciné-clubs.
ça fait du bien d'entendre Eddy Mitchell, comme une madeleine de Proust..

--
J'ai découvert au passage ces accords Blum-Byrnes de 1946, assez étonné par cette histoire de semaines réservées (exclusivement, si j'ai bien compris) au cinéma français ("quatre semaines sur treize", pourquoi sur treize et pas sur 52 ?).
Le compromis est d'une part un abandon du quota de films américains et d'autre part une exclusivité accordée aux films français quatre semaines sur treize, ce qui correspond à une diminution de moitié de la diffusion de films français par rapport aux années 1941-1942.

Cet accord n'a été signé que le 28 mai 1946, ce qui est étonnant.. les films américains n'auraient donc pas été distribuées en France avant cette date. Au sortir de la guerre, il ne fallait pas être pressé.. :|
J'évoquais aussi cette période ici... http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 4#p2089066
Commissaire Juve a écrit :Désolé, Jeremy, j'ajoute un petit truc...

Il faut savoir qu'après la guerre, on est allé jusqu'à débattre -- à l'Assemblée Nationale -- du cinéma et de la ratification des accords conclus avec les Américains. Et le livre dont je parle plus haut cite un échange assez savoureux :
Gaston Deferre (gouvernement) -- il est un très grand film que tout le monde attend en France et qui a été tiré d'un roman passionnant très lu dans notre pays : Autant en emporte le vent.

Fernand Grenier (groupe communiste) -- ce film sera la locomotive.

Gaston Deferre (gouvernement) -- Ce sera la locomotive, dites-vous, mon cher collègue. Cette locomotive traînera-t-elle, pour reprendre une de vos expressions, un train de navets ? Je l'ignore.

Jacques Duclos (groupe communiste) -- Les navets, c'est l'affaire du Ministre du Ravitaillement.

Gaston Deferre (gouvernement) -- Le Ministre du Ravitaillement sera là demain, et si on lui parle de trains de navets, il en sera sans doute très heureux !

Source : Journal Officiel 2 août 1946
Image Oui, on riait mieux avant ! :mrgreen:

A propos des films américains, en France, après la Libération... voir aussi : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 0#p2088905
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Federico »

Supfiction a écrit :3ème dvd visionné hier, se terminant sur un regard condescendant sur les cinéphiles blogueurs épistolaires du XXIème siècle..

Eddy Mitchell : "Une cinéphilie de salon se substitue peu à peu à la traditionnelle cinéphilie en salle.."

Noël Simsolo : "Un vrai cinéphile à l'époque était quelqu'un qui avait de la culture générale. Aujourd'hui je ne sais pas ce que veut dire le mot cinéphile. Parce que est-ce que le type qui commande des films sur internet est un cinéphile ou un collectionneur ?
Le cinéma n'est pas un plaisir solitaire mais collectif.
Aujourd'hui, la cinéphilie telle qu'elle existe avec les dvds est un plaisir solitaire - ou épistolaire si vous avez un blog, mais ce n'est plus la parole."

Serge Bromberg est encore l'un des moins condescendants (avec Tavernier) dans le lot des intervenants : "Le cinéphile est dans un espace nostalgique, de quête permanente (...) Chaque époque a sa cinéphilie et elle correspond aux moyens de diffusion et d'accès aux films. Paradoxalement, plus les films sont disponibles moins la cinéphilie existe puisque quelque-part, elle nait d'un manque, d'une envie inassouvie de voir tel ou tel film à tel ou tel moment."

Une autre phrase de Serge Bromberg (parlant de Pierre Rissient), que je trouve très intéressante : "..Le moi n'est pas du tout étranger à la cinéphilie."

Tavernier à propos de la cinéphilie : "Il faut continuer. C'est un combat qui ne doit surtout pas s'arrêter à des mots d'ordre prononcés il y a quelques décennies."
L'évolution des supports, de la disponibilité, de l'accès aux films a changé la donne mais pas la cinéphilie... et la parole existe toujours, de vive voix ou via des forums comme celui-ci. Je crois aussi que même en groupe, cela reste pour une bonne part un plaisir solitaire, même partagé. Et pour les plus addicts, la notion d'excitation par le manque continue puisqu'il restera toujours des milliers de découvertes potentielles (sans parler des director's cut ressuscités, des copies restaurées et des films considérés perdus miraculeusement retrouvés).
Je ne regrette pas le temps où il m'arrivait de supplier le possesseur d'un magnétoscope de m'enregistrer tel ou tel film pour finir par le voir dans des conditions parfois ubuesques (comme cet ami enseignant qui avait les clés de son école et m'avait ouvert la salle vidéo un soir pour que je puisse enfin voir un film avec Gene Tierney :roll: )... ou de devoir découvrir un film étranger dans une copie non-sous-titrée et qui avait bien roulé ses bobines.
Quant à la question de l'acculturation des conso-mateurs de films... Les différents topics de DVDclassik prouvent que les cinéphiles actuels ont des centres d'intérêt variés et plutôt une saine curiosité... tout comme ceux avec qui j'ai pas mal traîné au siècle dernier et qui étaient tout aussi friands de littérature, de musique, de danse, d'opéra, de sciences humaines etc. (et ils provenaient de tous les milieux).
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Supfiction »

Je ne sais pas.. franchement des fois j'ai l'impression que le fait d'avoir comme toi enfant fait enregistrer des films par des voisins ou regardé les films chez les autres parce que je n'avais pas de magnétoscope à la maison m'a marqué à vie et est à l'origine de mon besoin de posséder les films. Par la suite j'ai fait des kilomètre à vélo pour aller jusqu'aux vidéoclubs louer et copier des films..
Quand je vois que les gosses de maintenant ont tout à portée de click, je me dit que leur approche des films ne peut qu'être différent..

Quand Bromberg dit que la cinéphilie nait du manque, s'il dit vrai, alors on est en droit de se poser des questions pour son avenir.

En ce qui concerne la culture, j'ai l'impression que cette génération avait une connaissance plus approfondie de la littérature (au moins les classiques). C'est logique car aujourd'hui on est submergé par le trop plein en terme de divertissement (télévision, BD, cinéma avec beaucoup plus de sorties, vidéo, jeux-vidéos, internet, etc), surtout comparé à cette époque où la lecture était l'un des seuls divertissements, avec la radio et .. le cinéma.

Autre chose, il me semble que cette génération était beaucoup plus marquée directement ou indirectement par la politique (seconde guerre mondiale et guerre froide oblige). Comme l'a relaté Le commissaire, les communistes détestaient les westerns et les films de guerre américains. Donc aimer les westerns était déjà un acte politique en soi par exemple. Les débats entre cinéphiles étaient très animés par ces questions politique, ou par des chapelles de pro ceci ou pro cela.
Dernière modification par Supfiction le 6 août 13, 22:28, modifié 1 fois.
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Commissaire Juve »

Supfiction a écrit :...

Quand Bromberg dit que la cinéphilie nait du manque, s'il dit vrai, alors on est en droit de se poser des questions pour son avenir..
Meuh non... il y a tant à voir, tant à découvrir... il y a aussi tant de films actuellement "invisibles"... le "manque" a donc de beaux jours devant lui.

Sinon, "cinéphile", étymologiquement parlant, je vois très bien ce que c'est. Mais dans la vraie vie... mystère. Suis-je un cinéphile ? Je n'en sais strictement rien. Je sais simplement que je ne suis pas l'oncle du Schpountz :
Irénée -- ... D'abord, l'oncle, sais-tu ce que c'est que le cinéma ?
L'oncle -- Oui. C'est une salle sans lumière, où je m'ennuie énormément.
Iréné -- Tu as tort.
L'oncle -- J'ai tort de m'ennuyer ? Mais dis donc, je ne le fais pas exprès, parce que moi, de m'ennuyer, ça m'ennuie...
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Supfiction »

parce que moi, de m'ennuyer, ça m'ennuie...
:lol: :D J'entends Charpin (et son accent) rien qu'en lisant cette réplique géniale. C'est digne de figurer en bas de signature..

Effectivement, moi non plus je ne sais pas bien si je suis cinéphile ou non. J'ai tendance à me considérer comme apprenti-cinéphile à force de fréquenter ce forum, sans savoir exactement ce que ça veut dire. En fait le mot a une double signification, dont l'une est historique et lié aux générations 1940-1968 surtout.
Je sais que je ne suis pas un spectateur lambda mais quelqu'un dont le cinéma est au centre de sa vie et non un divertissement de temps en temps. C'est tout ce que je sais mais ça je l'sais.
il y a tant à voir, tant à découvrir... il y a aussi tant de films actuellement "invisibles"... le "manque" a donc de beaux jours devant lui.
Oui mais avant d'en arriver à ressentir un manque vis à vis de tel ou tel film, il faut faire un sacré bout de chemin dans la culture cinématographique, tant il y a de films à disposition. Le manque aujourd'hui est plus un manque de temps qu'un manque dans l'offre disponible, à mon sens.
Je ne dit pas que le plaisir du cinéma disparaît mais que le rapport au cinéma a forcément changé selon les générations de cinéphiles, entre celle des ciné-clubs, celle des vidéoclubs, et celle d'internet et du Home cinéma HD..
Dernière modification par Supfiction le 6 août 13, 23:10, modifié 3 fois.
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Federico »

Supfiction a écrit :Je ne sais pas.. franchement des fois j'ai l'impression que le fait d'avoir comme toi enfant fait enregistrer des films par des voisins ou regardé les films chez les autres parce que je n'avais pas de magnétoscope à la maison m'a marqué à vie et est à l'origine de mon besoin de posséder les films. Par la suite j'ai fait des kilomètre à vélo pour aller jusqu'aux vidéoclubs louer et copier des films..
Quand je vois que les gosses de maintenant ont tout à portée de click, je me dit que leur approche des films ne peut qu'être différent...
Oui mais comme l'était déjà celle des jeunes nés à la cinéphilie il y a 30 ans par rapport aux générations qui n'avaient que peu connu les ciné-clubs (hormis dans les plus grandes villes) et pas les films à la télé.
En ce qui concerne la culture, j'ai l'impression que cette génération avait une connaissance plus approfondie de la littérature (au moins les classiques). C'est logique car aujourd'hui on est submergé par le trop plein en terme de divertissement (télévision, BD, cinéma avec beaucoup plus de sorties, vidéo, jeux-vidéos, internet, etc).
Un trop-plein qui cache beaucoup de redondances, de copiés-collés et de formatages dans tous les secteurs des loisirs dits culturels et la multiplication des chaînes de télé (j'exclus les chaînes cinéma payantes) n'a pas d'autant multiplié l'offre qualitative de films, sans parler des re-diffusions de classiques populaires jusqu'à plus-soif. :roll:
Autre chose, il me semble que cette génération était beaucoup plus marquée directement ou indirectement par la politique (seconde guerre mondiale et guerre froide oblige). Comme l'a relaté Le commissaire, les communistes détestaient les westerns et les films de guerre américains. Donc aimer les westerns était déjà un acte politique en soi par exemple. Les débats entre cinéphiles étaient très animés par ces questions politiques, ou par des chapelles de pro ceci ou pro cela.
Ça, je te l'accorde. Les débats et avis en étaient gravement parasités et je trouvais ça gonflant. Je ne regrette pas d'être plus d'une fois passé pour un gros ringard parce que je n'entrais pas dans le jeu. :roll:
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Federico »

Supfiction a écrit :Le manque aujourd'hui est plus un manque de temps qu'un manque dans l'offre disponible, à mon sens.
Voilà.
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par cinephage »

Je ne suis pas très inquiet de cette soi-disant disparition de la cinéphilie liée à une disponibilité immédiate des oeuvres. J'aurais même plutôt tendance à penser l'inverse. C'est moins une question de manque, à mon sens, voire même de temps, que de curiosité : un film évoqué par un critique, un extrait, voire une photo, donnent envie de découvrir un film, nourrissent l'imaginaire cinéphile, animent la dynamique du club de ciné... D'autres marchent devant une salle de répertoire sans jamais avoir pris le temps d'y découvrir un film.

Aujourd'hui, cette curiosité est facilement assouvissable, un film nous intrigue, on peut le voir. Mais j'ai franchement l'impression que la cinéphilie, de ce fait, a plutôt explosé que diminué. D'une activité de club, pratiquée par de petits groupes restreints (avec certains clubs régnant sur les autres, de par leur prestige ou leur position proche de la capitale et des plumes référentes), on a basculé vers quelque chose de beaucoup plus démocratique, qui touche un ensemble plus large, plus vaste, sans doute sur un mode moins exclusif et intensif (encore que ça dépende, il reste quelques acharnés qui enquillent les film ad nauseam), mais, à mon sens, pas moins riche. Les cinéphiles d'aujourd'hui se retrouvent moins sur un espace géographique (la cinémathèque, le ciné-club de trucmuche...) que sur un espace virtuel lié à leurs gouts et expériences spécifiques. Des amateurs de films anciens privilégieront un forum comme dvdclassik, d'autre qui préfèrent les genre, devildead, ou tel autre les westerns... Le discours est plus opaque, les consensus sont moins nets, pourtant ils émergent souvent.

En termes quantitatifs, je ne pense pas qu'il y aie moins de cinéphiles, tout au plus sont-ils plus éparpillés et se réunissent-ils moins souvent... En termes qualitatifs, je ne crois pas que leur cinéphilie soit moins intense que celle de la génération qui les précède. Mais il est certain que le collectif ne se décline plus sur le même mode (tendance qui accompagne l'évolution de la société dans son ensemble), que la frustration qui piquait les cinéphiles d'antan n'est plus la même que celle d'aujourd'hui, que les débats sont sans doute moins ardents. Cela dit, homme de mon temps, je pense que j'aurais fui une cinéphilie des chapelles et des partis, que je n'aurais jamais adhéré à un ciné-club, et que le mythe du film sublime mais introuvable m'aurait vite lassé du fait de son invérifiabilité. Je vois dans ce tableau le schéma d'un temps révolu, qui, certes, avait son charme, mais avait aussi ses limites, et n'est plus souhaitable aujourd'hui. Un peu comme un agriculteur qui respecte la vie des anciens, mais sait quand utiliser son tracteur et ses engrais...

En tout cas, je pense que la cinéphilie, si l'on veut en réactualiser la notion, est un terme qui peut qualifier aujourd'hui la consommation permanente et éclairée de films que pratiquent la plupart des membres de ce forum, quand bien même cette découverte se décline-t-elle sur un mode individualiste contemporain, et que l'échange et le débat restent un important facteur de cette cinéphilie (que ce soit sur ce forum ou ailleurs, on voit bien combien est forte l'envie de communiquer sur le cinéma, sur les films).
Bref, j'appelle cinéphilie la démarche consistant à aimer le cinéma, et à poursuivre la découverte de cet art, de son histoire et de ses grandes oeuvres. C'est en soi un projet inépuisable, qui ne peut animer que des passionnés et des amateurs, même si chaque période aura sa façon de procéder à cette entreprise, solitaire ou collective, en salle ou sur un téléphone, en discussions de comptoir ou monologues de blogs.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Frances »

Comme le dit si justement cinéphage les temps changent et les habitudes aussi mais la définition du cinéphile : celui ou celle qui aime le cinéma est toujours applicable au pied de la lettre. "Consommation permanente et éclairée de films" tout est dit.
Reste que ma pratique du cinéma est moins solitaire aujourd'hui qu'elle ne le fut dans ma folle jeunesse. J'allais toujours seule au ciné car mes goûts rebutaient généralement mes ami(e)s. Ce qui au fond n'était pas pour me déplaire. J'aimais choisir ma salle, mes horaires, ma place et gribouiller déjà, à la sortie du films quelques remarques et quelques lignes d'analyse.

Puis l'arrivée du magnétoscope et surtout des vidéo clubs a changé la donne, ou l'a enrichie plutôt. Quand on avait la chance de connaitre une adresse tenue par un passionné c'était une caverne d'Ali baba. Et chose non négligeable, la cassette vidéo a été le premier support à permettre la vision répétée du film dans sa totalité ou de certains extraits. A l'époque j'en possédais peu mais je regardais mes cassettes en boucle jusqu'à connaitre les films par cœur. Pour moi c'est là que se situe véritablement la première révolution (à modérer quand même) : nous avions acquis la possibilité de disposer d'une copie à notre gré.

Le Dvd ne fut qu'une continuité avec l’option multi-langue, sous-titre et bonus qui valent, parfois, le détour. Entretenant le même besoin compulsif de posséder les films que l'on aiment, de nourrir notre soif de découverte.

Enfin l'existence des forums en général et de celui-ci en particulier est aussi une petite révolution puisqu'ils offrent un espace d'échange rare à des amoureux du cinéma venant de tous les horizons imaginables.
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Re: Cinéphiles de notre temps

Message par Abdul Alhazred »

Tout à fait d’accord avec cinephage. Ca me gonfle ces vieux cinéphiles qui prônent le c’était mieux avant, du temps un petit groupe de privilégiés pouvaient profiter des rares projections parisiennes de vieux films, dans des conditions souvent abominables.

« Ah, je me souviens, quand on voyait une copie 16mm incomplète, complètement dégueulasse, montée dans le mauvais ordre et sans musique d’un film de Buster Keaton. Ça c’était de la cinéphilie monsieur, à l’inverse de ces jeunes qui peuvent le voir en édition restaurée en Blu-Ray dans des conditions optimales avec un accompagnement musical de qualité, bénéficier d’informations pertinentes sur le film plutôt que des on-dit, et voir ensuite s’ils le souhaitent tous les courts et longs métrages de l’acteur pour mieux comprendre l’œuvre dans son ensemble.
De mon temps, on devait se fier à quelques grognards parfois mythomanes, qui déliraient sur des films invisibles. On écrivait des livres sans faire de recherches approfondies et parfois sans même avoir vus les films mentionnés : personne ne pouvait nous contredire puisque personne ne pouvait voir les films dont on parlait. On se retrouvait en petit comité dans quelques lieux, toujours le même clan avec ses idées arrêtées, et on se pâmait devant des titres déjà cultes avant d’avoir été vus ».

J’exagère évidemment, mais je n’envie franchement pas les cinéphiles des générations précédentes : nous avons la chance de voir aujourd’hui de nombreux films dans de bonnes conditions, d’avoir la capacité de voir les films discutés dans les ouvrages, de pouvoir visionner des intégrales de réalisateurs ou d’acteurs, en bénéficiant d’informations de qualité sur différents supports.
Tout n’est pas parfait, loin de là, une énorme quantité de titres restent inaccessibles et des mythes continuent d’être véhiculés dans de nombreux bouquins et documentaires (cf. le bouquin d’Ann Harding sur Capellani, où elle détruit de nombreux mythes sur le réalisateur, véhiculés par des gens qui n’avaient jamais fait de recherches pointues sur le sujet mais se contentaient de ressasser les mêmes ragots depuis des décennies), mais c’est franchement mieux qu’avant, et surtout ouvert au plus grand nombre.

Je ne suis pas parisien d’origine et, dans ma banlieue de ville de province où j’ai grandi, c’était la misère pour aller au cinéma. J’ai construit ma cinéphilie par la télévision, puis par la VHS et le DVD. Si j’avais dû attendre de voir les films au cinéma, je n’aurais pu voir quasiment aucun classique avant d’avoir 25 ans.

Et même aujourd’hui, je ne suis toujours pas convaincu de la supériorité de la salle. Est-ce que je suis plus cinéphile quand je vais tout seul à la Cinémathèque voir un Fritz Lang des débuts franchement mauvais, dans une copie affreuse et sans accompagnement musical, ou quand je fais découvrir à des amis un superbe Blu-Ray du Voleur de Bagdad avec accompagnement musical de Carl Davis sur rétroprojecteur ?

Si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire, un cinéphile est un amateur et un connaisseur de cinéma. Pour moi, la plupart des gens qui traînent sur DVDClassik sont des cinéphiles. Chacun a ses domaines de prédilection, certains sont plus savants que d’autres, mais je ne fais pas de distinction entre bon et mauvais cinéphile. Nous sommes tous animés par une passion commune pour le cinéma, nous aimons approfondir nos connaissances sur le sujet, en parler et le faire partager et c'est cela qui nous rend cinéphile.

Les connaissances et la passion d’Ann Harding en cinéma muet, de Bruce Randylan en cinéma asiatique ou de Music Man en comédie musicale, pour parler de quelques classikiens que j’ai rencontrés, sont franchement impressionnantes. Malgré leur relativement jeune âge, ils pourraient en apprendre beaucoup aux vieux critiques nostalgiques de leur jeunesse.
Dernière modification par Abdul Alhazred le 7 août 13, 20:19, modifié 1 fois.
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