Fassbinder, coffret N°3

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John Constantine
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Message par John Constantine »

Jack Sullivan a écrit :John dit qu'il apprécie sa capacité à faire flèche de tout bois, j'ajoute que je suis fascinée par l'incroyable énergie et la foi inébranlable qu'il mettait dans la concrétisation des oeuvres qu'il portait en lui, parfois sur des années. S'il y a bien une chose qui ressort, du maillage serré que constitue la succession de ses films, et des récits de ses intimes, c'est que Fassbinder était mû par un sentiment d'urgence personnelle terrible, réaliser n'était pas un pique-nique pour lui, il lui fallait absolument mettre ces films au monde et cela n'avait rien de confortable, car il ne laissait rien passer, ni pour lui-même ni pour les autres. Et c'est sans doute l'une des choses les plus respectables chez un artiste.
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Jack Sullivan
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Message par Jack Sullivan »

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Petit coquinou.....
John Constantine
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Message par John Constantine »

Plus sérieusement (?), le côté viscéral de son cinoche relevé par Jack explique que la filmo de RWF est loin d'être nombriliste. Vingt avant les autofictions en orbite autour d'égos littéraires, il injecte beaucoup de lui - à un point que quand tu relèves les éléments biographiques derrière, c'est parfois embarrassant - sans jamais exclure son rapport au monde (ce qu'on reproche par exemple à la littérature française de nos jours : il y a l'auteur et le monde, bah, niet).

Petra von Kant, c'est lui. Eugen dans Le Droit du plus fort, c'est bizarrement plus lui que Franz, la gamine de Roulette Chinoise, c'est lui, Veronika VoSS, c'est FaSSbinder. Et il parvient à faire de ses tendances sadomasos sentimentales, de sa situation des enjeux collectifs : les sentiments comme exploitation inévitable, les rapports difficiles avec sa mère comme malaise des jeunes avec la génération d'Hitler, la marginalité comme révélatrice du fonctionnement d'une société (avec des conclusions dérangeantes comme le statut de l'Artiste dans Le Rôti de Satan ou l'absence de solidarité chez les exclus dans Le Droit du plus fort et L'année des 13 lunes). C'est très fortiche, je trouve, et en même temps, chez lui, c'est naturel. Ca coule de source. :o
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Message par Jack Sullivan »

John Constantine a écrit :Plus sérieusement (?), le côté viscéral de son cinoche relevé par Jack explique que la filmo de RWF est loin d'être nombriliste. Vingt avant les autofictions en orbite autour d'égos littéraires, il injecte beaucoup de lui - à un point que quand tu relèves les éléments biographiques derrière, c'est parfois embarrassant - sans jamais exclure son rapport au monde (ce qu'on reproche par exemple à la littérature française de nos jours : il y a l'auteur et le monde, bah, niet).
(..) C'est très fortiche, je trouve, et en même temps, chez lui, c'est naturel. Ca coule de source. :o
Ca devient gênant tellement je suis d'accord avec ce que tu dis... J'ai ressenti cela de manière aiguë en regardant son sketch pour L'Allemagne en automne, présent dans les suppléments du coffret 2: on le voit à oilpé, il jette son amant, il téléphone à une copine au milieu de la nuit, s'engueule avec sa mère.... et pas une seconde ce n'est indécent, voyeur, ou égo-centré. On voit juste un type qui se sent concerné, même s'il ne sait pas toujours comment réagir aux évènements gravissimes qui secouent son pays. On le voit qui souffre dans sa chair, sans que jamais le "je" n'envahisse l'écran. Et, oui, alors que paradoxalement il est de tous les plans, il est d'une humilité dévastatrice.
John Constantine
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Message par John Constantine »

Jack Sullivan a écrit :... et pas une seconde ce n'est indécent, voyeur, ou égo-centré. [...]On le voit qui souffre dans sa chair, sans que jamais le "je" n'envahisse l'écran. Et, oui, alors que paradoxalement il est de tous les plans, il est d'une humilité dévastatrice.
Il faut quand même une sacré dose d'égo pour oser s'exposer comme cela, et en même temps c'est "tempéré" par 10 tonnes de masochisme qui font que t'en regrettes presque de voir ça : donc il est à oilpé, bedonnant, se tripote sur le canapé, se prépare une ligne de coke.

L'embarrassant, c'est de se dire comment son amant du sketch Armin Meier a fini et que RWF en a tiré L'année des treize lunes, qui dépasse le drame personnel pour en arriver à une attaque radicale contre la ville de Francfort. Comme disait son ex-copine Kurt Raab, "tu bousilles les gens et tu les fous après sur un piédestal". Et c'est un problème insoluble (on en cause dans Prenez garde à la Sainte Putain) : on vampirise les gens parce qu'on est artiste et est-ce qu'on peut s'en sortir comme cela (hein, m'sieurs-dames Despleschin, Denicourt, Angot et Fillières)? RWF le fait à mort mais a aussi la rigueur d'interroger cette vampirisation, cette tendance sadique de son processus de création (La Sainte Putain, Le Rôti de Satan...). :o
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Message par Jack Sullivan »

John Constantine a écrit :RWF le fait à mort mais a aussi la rigueur d'interroger cette vampirisation, cette tendance sadique de son processus de création
Je crois à son honnêteté foncière, dont par ailleurs tous ses proches le créditent (en tout cas, ils le font dans les entretiens tournés a posteriori), et je suis convaincue de ce que je disais plus haut: il était poussé par un besoin de faire les choses ainsi, était par ailleurs incapable de les vivre autrement pour faire aboutir ses créations... mais dans tous les cas il n'imposait rien aux autres qu'il ne s'imposait d'abord à lui-même. Ca le bouffait bien avant de bouffer les autres, au contraire d'un "vrai" vampire on ne peut pas dire qu'il se régénérait des sacrifices perpétrés.

Et je ne dis pas que le gars n'avait pas un ego plutôt baraqué.... mais jamais il ne semblait s'en servir pour autre chose que pour servir son propos. Il était, avant tout, son premier instrument, et il s'est usé jusqu'à la corde.
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Message par kayman »

Ptain Fassinber faut que je m'y mette, et vite. Une de mes grandes lacunes, les chroniques de John Constantine que je taille en travers pour pas me faire trop spoiler me donne envie. Bon je vais voir les prix.
Seul contre tous.
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Jack Sullivan
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Message par Jack Sullivan »

kayman a écrit :Ptain Fassinber faut que je m'y mette, et vite. Une de mes grandes lacunes, les chroniques de John Constantine que je taille en travers pour pas me faire trop spoiler me donne envie. Bon je vais voir les prix.
Patapoum:

http://www.dvdpascher.net/moteur/dvd_mo ... erby=0&ra=

A mon avis, tu vas pas être déçu, ma poule.
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Message par John Constantine »

Jack Sullivan a écrit :Ca le bouffait bien avant de bouffer les autres, au contraire d'un "vrai" vampire on ne peut pas dire qu'il se régénérait des sacrifices perpétrés.
Oki.

L'autre mystère chez RWF, celui de la victime consentante, ces amis et collaborateurs qu'il a pressés et qui sont demeurés (jusqu'à un certain point) dans son entourage. Comme enjeu collectif, le masochisme en société, l'exploitation consentie, c'est dérangeant pour un cinéaste perçu de gauche mais dont les films proposent très peu de perspective de libération. En même temps, Ingrid Caven disait quelque chose comme "sans RWF, la vie d'un tas de personne n'aurait jamais été aussi intéressante". :o
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Jack Sullivan
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Message par Jack Sullivan »

John Constantine a écrit : L'autre mystère chez RWF, celui de la victime consentante, ces amis et collaborateurs qu'il a pressés et qui sont demeurés (jusqu'à un certain point) dans son entourage. Comme enjeu collectif, le masochisme en société, l'exploitation consentie, c'est dérangeant pour un cinéaste perçu de gauche mais dont les films proposent très peu de perspective de libération. En même temps, Ingrid Caven disait quelque chose comme "sans RWF, la vie d'un tas de personne n'aurait jamais été aussi intéressante". :o
Y'a une malédiction chinoise comme ça: "Puissiez-vous vivre en des temps intéressants". Il faut bien cinq minutes, la première fois qu'on l'entend, pour réaliser que des "temps intéressants" sont avant tout mouvementés et périlleux.

Tu soulèves un point intéressant... et là je me demande, encore une fois, jusqu'à quel point on peut se fier au regard de ceux qui ont fait partie de son cercle, tant d'années après. Mais on dirait bien que Fassbinder exerçait une attraction qui n'était pas, de prime abord, nécessairement néfaste. Lui-même parle de cela dans le contexte de ses expériences de théâtre en communauté: "Nous étions censés vivre ensemble et ces gens voulaient un chef". D'autres parlent de l'intensité de la concentration qui régnait sur ses plateaux, due en partie à l'impératif de faire le moins de prises possible, et l'on sent d'une manière générale à quel point leur mobilisation était totale...

Je pense (bien que ce soit invérifiable) que Fassbinder possédait un charisme impressionnant, en tout cas dans son travail, et qu'il drainait l'énergie des autres (comme il le faisait de la sienne propre), sans s'imposer de limite en la matière. D'une certaine manière, dans l'atmosphère franchement expiatoire de l'Allemagne post-Seconde Guerre, il a dû rencontrer des gens qui ne demandaient pas mieux que de se laisser modeler, et que l'exemple de Fassbinder se consumant à la tâche a dû pousser à leur paroxysme.
John Constantine
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Message par John Constantine »

Jack Sullivan a écrit :et là je me demande, encore une fois, jusqu'à quel point on peut se fier au regard de ceux qui ont fait partie de son cercle, tant d'années après.
Ca dépend, je crois, de leur niveau d'implication avec RWF : Kurt Raab n'a pas été tendre parce qu'il s'est fait jeter de la bande. Irm Hermann - même après des trucs difficiles subis avec lui, personnellement et professionnellement - fait la candide. Schygulla voulait dès le départ avoir des rapports pro distanciés.
Mais on dirait bien que Fassbinder exerçait une attraction qui n'était pas, de prime abord, nécessairement néfaste. Lui-même parle de cela dans le contexte de ses expériences de théâtre en communauté: "Nous étions censés vivre ensemble et ces gens voulaient un chef".
Oui. Les rapports sains établis sur la base d'un fonctionnement en autogestion de la troupe étaient dès le part faussés. Pour créer en groupe, il faudrait nécessairement donc un meneur qui porte la croix des responsabilités.
D'une certaine manière, dans l'atmosphère franchement expiatoire de l'Allemagne post-Seconde Guerre, il a dû rencontrer des gens qui ne demandaient pas mieux que de se laisser modeler, et que l'exemple de Fassbinder se consumant à la tâche a dû pousser à leur paroxysme.
Peut-être : un idéal révolutionnaire, une utopie où tous, au lieu de se lever et gueuler, lancer des briques, se laissent faire, presser comme des citrons pour la beauté de l'art et du geste. C'est quand même bizarre la liberté. :o
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Très interéssante votre discussion, même pour les non initiés. :wink:
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Sinon petit aparté :
Jack Sullivan a écrit :Pour rebondir sur l'aveu (penaud) de Roy
Fait gaffe, je peux vite rattraper mon retard, tel un Fast Binder... :twisted:
Vous pouvez poursuivre.
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Jack Sullivan
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Message par Jack Sullivan »

John Constantine a écrit : Peut-être : un idéal révolutionnaire, une utopie où tous, au lieu de se lever et gueuler, lancer des briques, se laissent faire, presser comme des citrons pour la beauté de l'art et du geste. C'est quand même bizarre la liberté. :o
La ... comment tu dis, "liberté"? Fassbinder a profité de ce désir secret qu'ont la plupart des gens (en tout cas ceux qui, au contraire de lui, n'ont pas une "vision"): se laisser mener plus loin que ce dont ils auraient été capables par leur propre moyen. Il leur mettait dans les mains ses intentions à lui, leur indiquait où se trouvait le billot, leur montrait la hache du bourreau... et hop, roule ma poule! Et je ne crois pas que c'est la seule "beauté de l'art" qui était donnée en perspective à ses "victimes", plutôt celle d'un sens donné à leur vie, ce qu'on retient lorsque le Phénix est immolé ce n'est pas la mort du piaf, mais l'effet pyrotechnique à grand spectacle.
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Message par John Constantine »

Jack Sullivan a écrit :Ce qu'on retient lorsque le Phénix est immolé ce n'est pas la mort du piaf, mais l'effet pyrotechnique à grand spectacle.
C'est bô. :D :cry:
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Sinon petit aparté :
Jack Sullivan a écrit :Pour rebondir sur l'aveu (penaud) de Roy
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Surveille tes arrières, tout de même... oui oui, je parle bien du PJM, pourquoi?
:fiou: au fait, liste dans 5 minutes maximum....
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