Le cinéma japonais

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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k-chan
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Message par k-chan »

Spike a écrit :
bruce randylan a écrit :Un peu plus d'infos sur les événements cinématographiques autour de Japonismes (qui commémore le 160ème anniversaire de la signature du tout premier traité entre la France et le Japon)
Le programme de la 1ère partie (26/09-22/10/2018) de la rétrospective "100 ans de cinéma japonais" à la Cinémathèque française est disponible.
Très belle première partie ! :shock:
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k-chan
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Re: Topic naphtalinippon

Message par k-chan »

k-chan a écrit :
Spike a écrit : Le programme de la 1ère partie (26/09-22/10/2018) de la rétrospective "100 ans de cinéma japonais" à la Cinémathèque française est disponible.
Très belle première partie ! :shock:
Par contre, l'ouvrage "100 ans de cinéma japonais" prévu en 272 pages, ça me parait un peu léger. On verra, mais il sera sûrement mien malgré tout.
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-Kaonashi-
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Message par -Kaonashi- »

k-chan a écrit :
Spike a écrit : Le programme de la 1ère partie (26/09-22/10/2018) de la rétrospective "100 ans de cinéma japonais" à la Cinémathèque française est disponible.
Très belle première partie ! :shock:
Il y a un Tomu Uchida ! :D
Je note, et espère pouvoir y aller.
Il vaut mieux réserver à l'avance non ? J'ai un vague souvenir il y a quelques mois/années d'avoir repéré dans la programmation un film que je voulais absolument voir, il n'y avait plus de place...
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Message par bruce randylan »

Sacré sélection en effet de la cinématheque pour le coup !

La Mcjp a aussi mis en ligne sa programmation avec des gros classiques des familles.
https://www.mcjp.fr/fr/agenda/100-ans-d ... a-japonais

Curieux d'y trouver au milieu les Kawashima. Foncez voir la bête élégante d'ailleurs, brillante satire et tour de force formelle avec un huit clos qui ne reproduit jamais deux fois le même plan.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

-Kaonashi Yupa- a écrit :
k-chan a écrit :
Très belle première partie ! :shock:
Il y a un Tomu Uchida ! :D
Je note, et espère pouvoir y aller.
Il vaut mieux réserver à l'avance non ? J'ai un vague souvenir il y a quelques mois/années d'avoir repéré dans la programmation un film que je voulais absolument voir, il n'y avait plus de place...
Films japonais des années 30 ? Logiquement pas vraiment. Juste un peu avance.

Pour un part, découverte d'un cinéaste que je connaissais pas via un petit fansub
Diary of a old man (Keigo Kimura – 1962)
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Alors qu'il se remet d'une crise cardiaque, un vieil homme, avec beaucoup d'argent de côté, se rend compte qu'il n'a pas perdu sa libido, surtout quand sa belle-fille s'occupe de sa convalescence. Sauf que cette dernière joue de ses charmes pour lui soutirer de l'argent et le tourner en ridicule.

Un certain goût d'inachevé devant cette adaptation d'un roman de Junichiro Tanizaki.
Sur la forme, il n'y a pas grand chose à redire et l'on retrouve la qualité des productions Daiei pour des décors, costumes et une photographie en couleurs soignée ainsi que deux comédiens prestigieux : Ayako Wakao et So Yamamura.
C'est plutôt au niveau de la réalisation que ça peine et Kimura (qui signe le scénario pour le grand écran) ne parvient pas à gommer le sentiment rapidement répétitif de la relation entre les deux personnages principaux. Les premières séquences fonctionnent par ce sentiment de perversité, de manipulation, d'humour grinçant et d'inceste grâce à la froideur d'Ayako Wakao et le pathétisme de So Yamamura. Mais rapidement ça tourne un peu en rond à cause de cette réalisation assez peu variée et conventionnelle d'autant que les acteurs jouent eux aussi toujours de la même manière, ce qui n'arrange pas l'évolution des personnages et augmentent ce sentiment de stagnation du récit. Et les rôles secondaires n'ont pas la place d’exister (le mari, l'amant, le reste de la famille).
Peut-être le film a-t-il été tourné trop tôt dans ce que le Japon pouvait montrer de crudité et nudité ? Et sans doute aurait-il fallut davantage un cinéaste de la trempe d'un Masumura derrière la caméra ?
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Message par Spike »

bruce randylan a écrit :Peut-être le film a-t-il été tourné trop tôt dans ce que le Japon pouvait montrer de crudité et nudité ?
Pour ma part, j'avais au contraire été étonné qu'un film de 1962 conserve autant de passages sulfureux du roman. Quand bien même les scène de la douche et de la fabrication de la stèle funéraire sont dépourvues de nudité intégrale, elles restent fort gratinées du point de vue des mœurs de l'époque.
bruce randylan a écrit :(...) Kimura (qui signe le scénario pour le grand écran) ne parvient pas à gommer le sentiment rapidement répétitif de la relation entre les deux personnages principaux. Les premières séquences fonctionnent par ce sentiment de perversité, de manipulation, d'humour grinçant et d'inceste grâce à la froideur d'Ayako Wakao et le pathétisme de So Yamamura. Mais rapidement ça tourne un peu en rond (...), ce qui n'arrange pas l'évolution des personnages et augmentent ce sentiment de stagnation du récit. Et les rôles secondaires n'ont pas la place d’exister (le mari, l'amant, le reste de la famille).
Personnellement, j'avais été déçu que le film gomme toute la partie "description de la vieillesse" du roman (avec un narrateur "maintenu en vie" uniquement par l'absorption d'un cocktail de médicaments, les visites chez le médecin, etc.), ce qui a d'ailleurs une incidence majeure sur l'interprétation de la fin :
Spoiler (cliquez pour afficher)
avec le film, on a simplement l'impression d'avoir assisté aux lubies/"démon de midi" d'un petit vieux qui s'est monté la tête alors que dans le roman, on perçoit qu'il souffre vraiment de gros problèmes de santé.
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Message par bruce randylan »

Spike a écrit : Personnellement, j'avais été déçu que le film gomme toute la partie "description de la vieillesse" du roman (avec un narrateur "maintenu en vie" uniquement par l'absorption d'un cocktail de médicaments, les visites chez le médecin, etc.), ce qui a d'ailleurs une incidence majeure sur l'interprétation de la fin :
Spoiler (cliquez pour afficher)
avec le film, on a simplement l'impression d'avoir assisté aux lubies/"démon de midi" d'un petit vieux qui s'est monté la tête alors que dans le roman, on perçoit qu'il souffre vraiment de gros problèmes de santé.
N'ayant pas lu le roman, ce que tu évoques va quand même dans ce que j'en disais en introduction, avec ce sentiment d’inabouti et de trop superficiel dans l'approche des personnages.
Pour la nudité, en effet, elle n'est pas nécessaire (et j'imagine mal que Ayako Wakao aurait accepter de toute façon) ; c'est juste que ça commence très fort avec la scène de la douche mais la suite n'arrive jamais à la dépasser ou même l'égaler.
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Message par bruce randylan »

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J'ai direct regardé le premier film pour voir la qualité du blu-ray. Honnêtement, c'est du bon boulot, on voit que la Nikkatsu a filé un matos restauré à Bach Films qui n'ont pas foiré l'encodage : pas de lissage, rien à redire sur la compression. A part quelques plans aux noirs bouchés au début du film (et quelques rares et légères variations de lumières), le confort visuel est bien là. La copie est propre avec très, très peu de points blancs, juste d'occasionnels poils/cheveux en bas de l'image (toujours début du film). Pour des films inédits jusque là, je suis vraiment satisfait... et rassuré :D
A la rigueur, il faudrait comparer avec les titres sortis chez Arrow pour comparer la compression, le débit, l'étalonnage etc...
Je pense prendre du coup Les tueurs en collants noirs rapidement. :)

Pour le premier film The cat gambler (Hiroshi Noguchi - 1965), le visuel est un peu trompeur : rien de pop, ni bis, c'est un film en noir et blanc contemporain de sa réalisation, plutôt sage formellement entre film noir et policier avec une orpheline qui devient une experte en lancer de dés pour infiltrer le monde des yakuza et trouver l'assassin de son père, fabricant de dés pipés.
Intrigue classique mais résultat très sympathique grâce à la présence magnétique de sa comédienne principale Yumiko Nogawa, un univers finalement prenant où certaines scènes de jeux ne manquent pas de tension et une mise en scène solide à défaut d'être virtuose, graphique ou inventive à la Suzuki.
Le noir et blanc a tout de même de l'allure et Hiroshi Noguchi (dont je n'avais vu que Le journal d'un flingueur , totalement anonyme) sait gérer ses intérieurs avec quelques bonnes idées dans l'utilisation des décors comme celui vide du final, avec juste quelques bars verticales au premier plan). Quelques touches de mélancolies, un soupçon d’érotisme soft (la séance de "tatouage", la leçon de jeu de jambes pour faire diversion), des cadrages en scope assez variés...

Si Bach Films veut nous sortir d'autres série B japonaises méconnues de ce genre là, je suis partant :D
Le second opus Woman Gambler (Hiroshi Noguchi - 1965) tourné la même année est une suite directe sans en posséder vraiment le même charme. Pourtant le début intriguait en transformant Yukiko en simple masseuse, ayant tourné le dos au monde du jeux. Mais plutôt que de vraiment approfondir son héroïne, le scénario s'égare dans des sous-intrigues mal greffés, ou sans grand intérêt, comme la demi-soeur ou un improbable sosie de l'amoureux du premier. On retrouve aussi le duo de policiers pour une enquête très peu stimulante, et encore moins crédible. Loin des codes des salles de gambling et des yakuza, Yumiko Nogawa perd aussi fortement en charisme et pouvoir de fascination.
Bref, pendant presque une heure, le film semble avancer à l'oeil comme si l'équipe n'arrivait pas trop savoir comment exploiter l'univers (la mythologie ?) de Cat gambler ou ce qui en faisait la saveur. On est donc largement soulagé quand Yukiko reprend les dés pour une nouvelle histoire de vengeance et que tout le monde derrière, et devant, la caméra semble plus à l'aise. On renoue avec la tension dramatique où les parties entre yakuza deviennent pratiquement des coups d'échecs. Et la toute fin bascule dans le règlement de compte à l'arme blanche qui s'impose plus clairement comme une pierre fondatrice du film d'action féminin japonais. On pense ainsi soudainement à Lady Yakuza dont de nombreux éléments sont présents.
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Message par The Eye Of Doom »

Vic Vega a écrit :
Johnny Doe a écrit :Lady Snowblood

Il traînait sur mon HDD depuis des lustres, je pouvais pas me résigner à la virer à cause de sa qualité médiocre, ni à la regardé pour la même raison, mon courage à deux main, la qualité du film a transcendé celle du DivX. J'ai forcément été impressionné de la filiation avec Kill Bill, ça doit être la plus grosse influence de QT, ultra-violence, vengeance froide, musique (flower of carnaaaaaaaaage)... Est-ce une série B ? Si c'est tel qu'on l'appel ça me fait un peu mal, j'ai du respect pour les série B, même beaucoup, mais Lady Snowblood, avec ses émotions vicérales, sa noirceur incroyable et sa réalisation à la fois sèche et sublime, illumine chaque plans, bercés dans le sang et l'horreur, est plus qu'une série B. Le début et la fin faisant, pour moi, figure de climax incroyable. Ajoutez à celà un récit en chapitre destructuré et mené avec brio (légende des personnages, jeunesse et entraînement,...). Plus qu'une simple source d'inspiration ou hommage, Tarantino doit carrément beaucoup au film de Fujita. La narration exemplaire a, par exemple, sûrement aidé énormément QT. Ouahou !
Une perle évidemment. Quant à la filiation directe dont tu parles, si elle se vérifie évidemment d'un point de vue visuel, je serai un peu plus nuancé concernant l'usage de la déconstruction narrative: dans un cas -LS-, elle fait écho par son coté éclaté au chaos et à la perte de repères moraux du Japon de l'ère edo, soutenant de fait la dimension politique évidente du film; dans l'autre, il s'agit plutot pour QT d'utiliser cela pour casser très vite tout suspense sur l'issue du film et faire se concentrer le spectateur sur la pértipétie, bref comme toujours le cinéaste impose sa personnalité dans la manière dont il reprend un élément existant. Les autres éléments dont tu parles ne sont en outre pas spécifiques au film: la violence exagérée et graphique était aussi présente dans d'autres films japonais -Babycart- ou HK -les Chang Cheh- de l'époque et c'est pareil pour les vengeresses froides -Female Convinct Scorpion-.
Acheté un vil prix chez Noz par curiosité, j'ai découvert Lady Snowblood.
Franchement c'est super.
Je ne suis pas familier du genre donc je ne peux dire si le film est important ou pas dans la chronologie et comme j'ai pas vu Kill Bill, je le fout de savoir s'il aurait ou pas ete une référence pour QT.
Je l'ai vu comme un spectateur lambda.
On est tout de suite pris en début de film par la stylisation du dispositif de la prison. Durant tout le film on oscillera entre une distanciation formelle de haute volée(cf le 1er meurtre) et des passages plus réalistes (l'intervention de la "police", la peinture du village des mendiants. Quelquesoit le "style", tout est remarquablement maîtrisé. Quelques touches seventies situent l'œuvre dans le temps mais le film n'a pas vieilli.
Meme la voix off, procédé casse gueule s'il en est, est très bien intégré.
Le cinéaste n'hésite pas à laisser dire à l'image tout ce qu'il peut, aidé par une interprétation forte de Meiko Kaji.
La dernière image
Spoiler (cliquez pour afficher)
Est à ce titre exemplaire : alors que Yuki ne peut qu'avoir succombée à ses blessures après une nuit couchée dans la neige, le cinéaste en un court plan, nous montre un mouvement. On ne sait si c'est juste pour ménager l'hypothèse d'une séquelle ou évoquer la nature surnaturelle de l'héroïne "née d'un demon".
L'ambiguïté de cette dernière image illustre parfaitement la qualité générale de la mise en scène du film.
Pour résumer, j'ai souvent trouvé cela vraiment brillant.
Je vais attendre un peu pour voir le 2.
Et si j'en ai l'opportunité de voir d'autres œuvres de l'auteur que les classikiens auront la gentillesse de me conseiller.

Très belle copie.
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

Avec le premier cycle consacré à Japonismes à la cinémathèque, je devrais pas mal alimenter ce topic (pour changer :D )

Raiden (Shôzô Makino & Sadatsugu Matsuda - 1929)

D'une durée de 18 minutes, il n'est vraiment pas évident que ce "court-métrage" soit conservé dans son intégralité vu les nombreuses ellipses, pas toujours évidentes à suivre (surtout avec les sous-titres électroniques à l'ouest). Mais on comprend rapidement qu'on est devant une comédie où un homme chétif est obligé d'affronter un champion de sumo imbattable. Or la mère de ce dernier lui conseille ne perdre un match de temps en temps pour ne pas lasser son public.

Avec sa narration fragmentée, l'intérêt réside principalement dans la seconde moitié consacrée à la rencontre sportive assez amusante où le fils du réalisateur Masahiro Makino - et déjà réalisateur lui-même - doit se confronter au sumo Raiden (d'après un véritable sumo qui fut une légende du 19ème siècle). L'opposition de gabarit entre les deux, le maigrichon singeant son adversaire ne sachant pas quoi faire sur le ring et leur empoignades peu réglementaire ont de quoi dérider sans trop de soucis, et sans trop d'imagination non plus.
Derrière la caméra, il est assez amusant aussi de relever que Shozo Makino qui fut l'un des pionniers du cinéma japonais signe l'un de ses derniers films (il décédera quelques mois plus tard) et qu'il s'associe avec son autre fils Sadatsugu Matsuda qui faisait ses débuts comme metteur en scène et deviendra l'un des plus conséquents artisans de Toei (sans réussir à atteindre la renommée de son frère.
Vu la vitalité alerte de la réalisation, on peut supposer c'est en tout plus Sadatsugu Matsuda que Shozo Makino qui était le chef d'orchestre sur le plateau.

Outre L'épée assassine aka Le Sabre pourfendeur d'hommes et de chevaux que j'avais déjà vu il y a quelques années, la séance présentait surtout :
Mon épouse et la voisine (Heinosuke Gosho - 1931) qui est le premier film vraiment parlant japonais (Pays natal de Mizoguchi un an plus tôt était hybride)
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Un écrivain s'installe avec sa famille dans une petit village de campagne pour travailler au calme. Alors qu'il ne lui reste plus que quelques jours pour terminer sa nouvelle une pièce, il est sans cesse dérangé par des bruits qui le déconcentrent.

Ce petit film de 56 minutes est une rafraichissante comédie dont le principal défaut est d'être assez mal écrit comme si on avait compilé 3 court-métrages. Le début est ainsi un sketch de 10 minutes où l'écrivain se chamaille avec un peintre travaillant sur la route. On pourrait supprimer cette scène que ça ne changerait absolument rien au film d'autant que le peintre disparait du récit par la suite. Il en va presque de même avec l'épilogue, réussi en tant que tel, mais un peu déconnecté du reste du film par son atmosphère.
Après ce n'est pas non plus fondamentalement grave dans le sens où ces différentes scènes fonctionnent plutôt bien indépendamment, surtout celle où l'écrivain n'arrive pas à trouver l'inspiration face à des bruits de souris qu'il essaie de faire fuir en imitant un chat... ce qui fera miauler un vrai chat :mrgreen:
Ça montre un usage plutôt réfléchi des possibilité sonores puisque la plupart de ses éléments perturbateurs sont hors champ et permettent d'introduire des chansons jazzy sans être trop artificiel. Les situations ne sont pas follement originales mais l'humour fonctionne grâce aux potentiels sympathies de ses comédiens : Atsushi Watanabe qui rechigne à se mettre devant son bureau avant de s'énerver pour un rien et une jeune Kinuyo Tanaka qui s'agace de sa procrastination (et qui savait déjà se montrer plus fragile et émouvante).
S'il n'avait pas eu son statut historique, je ne sais pas si Mon épouse et la voisine aurait vraiment marqué les esprits. En l'état, ça reste une charmante petite comédie avec des chansons entraînantes. Par contre, avec la dernière séquence, on devine un cinéaste avec plus de caractère dont l'humour devient d'un coup plus satirique, mélancolique et lucide sur les mutations en train de s'établir au Japon. Ca donne vraiment envie de mieux connaître la suite de sa carrière d'autant que 4-5 films que j'ai vu de lui ne manquent pas de qualité (à part le Fusil).
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Message par bruce randylan »

L’espion Kakita Akanishi (Mansaku Itami - 1936)
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Un samurai au physique disgracieux est envoyé comme espion dans le clan Daté à Edo pour enquêter sur un complot.

Désormais totalement oublié, Mansaku Itami - le père de Juzo - fut pourtant un grand réformateur du chambara durant les années 20-30, d'abord comme scénariste puis comme réalisateur, cherchant à contourner et détourner les récits chevaleresques, héroïques ou glorifiant la violence.
Malheureusement les 2/3 de sa filmographies sont perdus et il ne reste plus que 5 films et quelques fragments. Et encore même L'espion Kakita Akanishi n'a survécu que par une copie unique légèrement incomplète.
Il y a de quoi s'en attrister à la découverte de ce dernier qui est une étonnante et originale comédie. Le héros est un samurai mal fagoté, mal rasé, malade une bonne partie du récit au point de ne pouvoir mener sa mission et maladroit avec les femmes. Il y a beaucoup de trouvailles de scénario et de montage pour désamorcer tous aspects spectaculaires avec principalement un art succulent de l'ellipse. C'est parfois tellement concis et rapide qu'il est facile de décrocher de l'histoire d'autant qu'elle fait références à des fais historiques bien connus des japonais, moins d'un occidental. Même en décrochant de temps en temps (d'autant que j'étais un peu trop fatigué en attaquant la séance), le plaisir est indéniable face à cet humour atypique : Kakita s'ouvrant lui-même le ventre pour remettre ses intestins en place (scène seulement racontée :mrgreen: ), le serviteur usé de faire les allers-retours d'une maison à l'autre, la déclaration d'amour épistolaire de Kankati envers la plus plus femme du château (dans le but de se faire éconduire et ainsi justifier son départ sans provoquer des suspicions) ou la délicieuse séquence finale digne des meilleurs spécialistes américains où un plan fixe présente une succession de fondu enchainé qui font disparaitre tour à tour des personnages de la pièce pour laisser le héros, seul face à la courtisane, répétant à chaque fois qu'il ne peut rester plus longtemps. C'est drôle, raffiné, plein d'esprit et diablement efficace. Et le film possède plusieurs moments de cette nature.
Plus curieusement, L’espion Kakita Akanishi possède aussi quelques ruptures de tons et de style à l'image de la seule scène d'action, très influencé par le Kabuki, qui semble sortir d'un autre film. Il n'en demeure pas moins qu'elle est brillamment mise en scène et dégage un sentiment assez viscéral.

Ca repasse samedi 20 octobre à 20h15 et ça mérite franchement le coup d'oeil (et ça motive à fond de regarder le second film d'Itami programmé dans ce cycle : Le jeune homme capricieux). J'ai l'impression que l'approche du cinéaste a vraiment eu une descendance sur de nombreux cinéastes, du Sanjuro de Kurosawa à L’épouse du château des Ôtori de Sadatsugu Matsuda. Sans oublier d'ouvrir la voie à Sadao Yamanaka.
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Message par bruce randylan »

Les 47 ronins (Masahiro Makino & Tomiyasu Ikeda - 1938)

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Pour avoir attaqué et blessé un haut fonctionnaire du shogunat qui l'humiliait et le rabaissait, le seigneur Asano est condamné à se faire seppuku tandis que ses propriétés sont confisquées. 47 de ses samouraïs devenus ronin s'indignent de cette injustice et décide de se venger leur défunt maître.

Pour la troisième fois de sa carrière (après 1929 et 1932), Masahiro Makino transpose à l'écran cette séminale histoire dont on ne compte plus les adaptations, même si peu ont finalement traversé les frontières du Japon, la plus connue étant celle (décevante) de Mizoguchi.
Il semble qu'à la base, cette version 1938 était constitué de deux films distincts, la première signé Makino et la seconde par Tomiyasu Ikeda (auteur de plusieurs Yaji and Kirata avant d'être condensé chacune à 50 minutes pour obtenir un film d'1h40. Seule cette version existe on dirait et dans une qualité très médiocre.
L'ensemble manque un peu d’homogénéité avec une narration à la fois trop rapide et de longues séquences plus dispensables comme le face à face entre les "deux" Kuranosuke dans une auberge. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'on sent les ellipses et que les ronins vengeurs ne sont absolument caractérisés. En gros la première partie de Makino reste la plus cohérente en expliquant comment Asano en vient à agresser Kira puis la décision des ronin de contre-attaquer tandis que la seconde s'applique à montrer comment ceux-ci ont pris leur temps avant de lancer leur raid meurtrier.
Makino fait preuve d'un joli classicisme avec une belle gestion de l'espace pour des décors intérieurs imposants. C'est souvent statique avant que l'explosion de colère ne conduisent à de rapides travellings. Il y a un certain raffinement esthétique (sans atteindre la virtuosité du Mizoguchi), forcément cérémonial et théâtral qui fonctionne très bien dans les moments précédents le seppuku d'Asano.
La seconde moitié d'Ikeda manque un peu d'unité et laisse plus de place à l'émotion (les "deux" Kuranosuke sans que la séquence soit donc satisfaisante) et même de l'humour comme les petites touches avant l'attaque final (les sandales s'accumulant, les aubergistes croyant être face à des voleurs). Par contre sa scène d'attaque est très mise en scène, dynamique, là aussi très théâtrale dans ses chorégraphies qui n'en demeurent pas moins rapides et intense.

Pour une œuvre réduite à plus de 50 %, et malgré l'état de la copie, ça tient encore bien la route. :)


La fille de l'usine de briques / les ouvrières de la brique (Yasuki Chiba - 1940)
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Le quotidien de plusieurs habitants d'un bidonville

Après avoir beaucoup aimé Une image vivante, le très méconnu Yasuki Chiba me ravit une nouvelle fois avec cette étonnante chronique sociale mêlée de film choral d'une sobriété et justesse qui confine à l'évidence.
Il y a, tant dans l'écriture, la direction d'acteurs que dans le sens du cadre, une assurance contenue et modeste qui ne cherche jamais à s'imposer, d'où une déception chez certains qui chercheraient quelque chose de plus "narratif" et consistant. Toujours est-il que la caméra de Chiba saisit très bien la topographie des lieus, jouent des lignes perpendiculaires, des cadres dans le cadre, du mouvement des comédiens dans l'image... avec une maîtrise tout en discrétion.
Entre de vrais extérieurs et des décors en studio, cette petite production indépendante nous présente une douzaine de personnages, dont beaucoup d'enfants, confronté à la misère, la sur-natalité, l'alcoolisme, le chômage, la promiscuité, le travail en usine dès le plus jeune âge (l'école primaire se fait donc en soirée), la prostitution... Tout cela est abordé naturellement, sans jamais surligné ses effets et son propos. Ce n'est pas non un film à thèse, juste un radiographie à un instant donné de la vie de plusieurs individus : une famille prend discrètement le large pour ne pas avoir à affronter les dettes qu'ils doivent aux propriétaires, une jeune fille est mélancolique de voir toutes ses amies quitter l'école pour devoir travailler, un dandy un peu ridicule subit les moqueries de sa famille, une mère qui vient d'accoucher est contrainte de reprendre le travaille après la disparition de son mari qui dépense leur argent en jeux et boissons, un couple d'artistes organise une représentation sur les quais pour espérer gagner un peu d'argent... On trouve même des immigrés coréens qui sont montrés avec chaleur et bienveillance, sujets pourtant très délicat pour la censure.
Les acteurs sont formidables, toujours dans le bon tons, y compris les enfants qui sont d'un naturel saisissant.

En sortant des 63 minutes du film, je me demandais donc comment le gouvernement avait laissé passer un tel film, qui sans être misérabiliste dresse un portrait sévère et réaliste d'une partie de sa population. En réalité, le gouvernement ne l'a tout simplement pas laissé passé et a interdit son exploitation et il ne sortit qu'en 1946 ! :?
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Message par bruce randylan »

Chocolat et soldats (Takeshi Sato - 1940)

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Un père de famille, modeste artisan, reçoit son ordre de mobilisation. Sa famille est bien-sûr inquiète surtout son plus jeune fils avec qui il faisait de la pêche et qui collectionne des papiers d'emballage de chocolat sur lesquels se trouvent des bons de fidélité.

Une bonne curiosité que ce film de propagande typiquement japonais au point d'avoir été étudié par les américains au début de conflit pour comprendre les spécificités culturelles du pays qui privilégiait les chroniques sociales et intimistes aux réalisations belliqueuses traditionnelles.
Ici, en effet la première moitié du récit est consacrée au quotidien de cette famille conventionnelle, presque anonyme. Le père n'a rien d'un gros bras, n'est pas enthousiaste d'aller en découdre avec les ennemis du pays, il n'est pas vraiment courageux etc... En fait la guerre est à peine évoquée durant les 40 premières minutes au point qu'on se demande quels sont les enjeux et ce que raconte le film.
C'est donc une fois que ce père de famille est envoyé sur le front que Chocolats et soldats débute vraiment avec cette famille bientôt séparée et dans l'attente de nouvelles. Le père passe en réalité plus de temps à récolter les papiers de chocolats pour son fils, créant bientôt un mouvement de solidarité chez ses frères d'armes qui les récoltent pour lui... Ce qui émeut beaucoup les employées et le directeur de la société qui fabriquent le chocolat.
On se doute de la suite à suivre (le papa va mourir sur le front, le fils va refuser de toucher aux plaquettes de chocolats gratuites du programme de fidélité, veut s'engager comme dans l'armée pour venger son père et la solidarité va continuer au sein de l’entreprise de confiserie).
Il faut reconnaître que ce genre de parti pris est plutôt réussi et efficace. On s'attache aux personnages, à la simplicité et la chaleur qui se dégagent de l'atmosphère, avant de s'émouvoir du dernier quart d'heure tout en reconnaissant sa dimension nationaliste et propagandiste, souvent bien intégré au récit et cohérente dans l'évolution des personnages (qui sont plus schématiques pour les seconds rôles).
Il est juste un peu dommage que la mise en scène de Takeshi Sato (première découverte du cinéaste pour moi) soit un peu trop effacée et impersonnelle. Il y a bien une certaine sensibilité mais on ne retrouve pas la délicatesse et l'intelligence d'un Naruse auquel on pense un peu (en plus d'Hideko Takamine toute jeune) et qui l'année suivante réalisait un magnifique moyen-métrage de propagande encore plus humain et touchant : un visage inoubliable.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par k-chan »

Rétrospective 100 ans de cinéma japonais, à la Cinémathèque Française :


Nuits de Chine, de Osamu Fushimizu (1940) (支那の夜 [Shina no yoru]

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"A Shanghai, durant la guerre sino-japonaise, un officier de la marine japonaise (Mr Hase) et son camarade prenne la défense d'une jeune femme chinoise (Reikan) agressée dans la rue par un japonais. Ne supportant pas l'idée d'avoir été défendue par d'autres japonais pour lesquels elle ne cache pas sa haine, la jeune femme suit Hase jusqu'à son hôtel, mettant un point d'honneur à effacer "sa dette". Hase décide alors de la recueillir, ne pouvant accepter la haine qu'elle éprouve envers les japonais."

Un mélodrame japonais des années 40, sur fond de guerre, et se situant en Chine, avec un gros casting, ma foi, il n'en faut pas plus pour réveiller mon entousiasme.
Nombreux sont les spectateurs sortis de la salle un peu écoeurés devant ce mélo "interminable", "mal joué", et à la "mise en scène plate". Allons, allons, pourquoi tant de haine ? Soyons honnête, on est effectivement loin du chef-d'oeuvre flamboyant, mais j'ai bien envie de défendre ce film qui selon moi n'est pas dénué d'intérêt, ni même d'un certain charme.

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Le film fut produit par l'Association cinématographique du Mandchoukouo, en japonais Manshu Eiga Kyokai, plus connu sous le nom diminutif de Manei, une société de production japonaise basée en Mandchourie, dirigée par Masahiko Amakasu (qui était officier de l'Armée impériale du Japon), et qui fut active durant l'occupation japonaise de 1937 à 1945, produisant de nombreux films de propagandes. Il apparait donc évident que le film fut tourné sur place, et l'aspect authentique qui s'en dégage est la première chose qui nous frappe. La description de ce Shanghai dévasté par la guerre est saisissante : les ruines, les rues des bas-fonds grouillantes de pauvres gens parfois étranges, un sentiment de danger quasi omniprésent pour ses officiers japonais en terrain hostile... et autres moment plus légers dans les rues commerçantes qui subsistent. Le réalisme saute vraiment au yeux, bien avant Kurosawa, Rossellini, ou autres films "néo-"réalistes de l'après seconde guerre.
Si on est évidemment face à un mélodrame, l'histoire se permets quelques moment de comédies, comme une petite bagarre au ton burlesque entre les camarades japonais de l'hôtel, pour un prétexte des plus absurdes, l'occasion pour notre héros de remonter les bretelles à tous le monde, et montrer à quel point c'est lui le patron. C'est amusant, mais pas hyper poilant non plus. J'aurais toutefois apprécié que le film alterne d'avantage avec ses moments comiques, car au lieu de ça, le réalisateur ponctue d'avantage le film de chansons, de moment de promenade entre le héros et la "petite chinoise", ou autres passages larmoyants, parfois longuets et pas toujours emballants. A petites doses, et mieux amenées, ces scènes auraient pu passer, mais il faut aussi avouer que le film enchaine ces scènes de manières décousues, et sans éviter le ridicules. Pour autant ça reste regardable, et parfois charmant.

Le héros, valeureux japonais bienveillant, honnête et droit est incarné par Kazuo Hasegawa, que l'on connait surtout en occident pour ses rôles dans 2 films très célèbres que sont La porte de l'enfer de Teinosuke Kinugasa, et Les amants crucifiés de Kenji Mizoguchi. Cet acteur au visage rond fut hyper prolifique des années 20 jusqu'aux années 60, puisqu'il a presque 300 films à son actif. Le site JMDB lui attribue 290 rôles, mais si l'on en croit un carton au début du film La vengeance d'un acteur (version 1963), ce film de Kon Ichikawa serait bien son 300ème rôle (aussi un de ses derniers). Bref, autant dire qu'Hasegawa n'en était pas à son coup d'essai avec Nuits de Chine, et qu'il était alors en 1940 une immense star. Je n'ai jamais été très fan, mais il faut reconnaitre qu'il avait plus de charisme dans les années 40 (période trop méconnue chez nous), et que sa carrière impose le respect.


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Yoshiko Yamaguchi, alias Li Xianglan

Face à lui, une actrice pas beaucoup plus connue chez nous, mais qui fut une méga-star de son époque en Asie : la superbe Li Xianglan, aka Ri Kôran, aka Yoshiko Yamaguchi, aka Shirley Yamaguchi, aka Yoshiko Otaka... Pourquoi autant de noms ? La vie de cette actrice a tout d'un grand roman. Elle a d'ailleurs fait l'objet une mini-série TV.
Comme Toshiro Mifune, cette actrice d'origine japonaise est née en Chine en 1920, sous le nom de Yoshiko Yamaguchi. Son père (japonais bien sûr) était employé d'une compagnie de chemin de fer en Mandchourie. A 13 ans, Yoshiko Yamaguchi est adopté par un ami de son père, un général de l'armée chinoise, et elle est ainsi renommée Li Xianglan. C'est probablement par ce biais qu'elle est découverte quelques années plus tard, en 1938, par Masahiko Amakasu, le dirigeant de la Manei, et qu'elle est introduite dans le milieu. Elle deviendra de manière fulgurante une immense star de la chanson et du cinéma, connue en Chine sous son nom Li Xianglan, et au Japon sous le nom Ri Kôran (équivalent de Li Xianglan en japonais). A cette époque, elle est officiellement et aux yeux de tous une chinoise, et jouera ainsi dans un peu plus d'une vingtaine de films, jusqu'en 1944. A la fin de la 2nde guerre mondiale et la défaite du Japon, Masahiko Amakasu se suicide, la Manei est dissoute (devenant ensuite une société de production chinoise) , et Li Xianglan qui avait toujours cachée sa véritable origine japonaise est capturée par les autorités militaires chinoise. Elle est condamnée à mort pour trahison, étant donné sa carrière d'actrice à la Manei. Elle échappe finalement de justesse à sa condamnation lorsque ses origines japonaises sont révélées par un ami proche. Elle est expulsée de Chine et n'y reviendra plus pendant 20 ans. Sa carrière ne s'arrête pas pour autant, et elle réapparait à l'écran au Japon en 1948, ré-adoptant son véritable nom : Yoshiko Yamaguchi. C'est sur cette seconde partie de sa carrière que l'on trouve le premier film de Yoshiko Yamaguchi vraiment connu chez nous, qui est toutefois l'un des moins connus de son auteur, à savoir le très beau Scandale, d'Akira Kurosawa. Elle deviendra par la suite l'une des rares actrices de son pays à avoir des rôles dans des films américains, sous le nom de Shirley Yamaguchi : Japanese War Bride de King Vidor et House of Bamboo de Samuel Fuller notamment. Elle met fin à sa carrière d'actrice en 1958, année où elle adopte définitivement son nouveau nom d'épouse, Yoshiko Otaka. Elle a par la suite beaucoup témoigné sur les atrocités commises par l'armée japonaise durant l'occupation en Mandchourie, et eu enfin une carrière politique de 1974 à 1992, en tant que membre du Parti libéral-démocrate. Yoshiko Yamaguchi est décédée le 7 septembre 2014.

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Toshiro Mifune et Yoshiko Yamaguchi, dans Scandale, d'Akira Kurosawa - et La maison de Bambou, de Samuel Fuller

Le succès de "Ri Koran" à l'époque de la Manei fut tel que cela donna naissance à un genre cinématographique, le "mélodrame continental", qui furent bien-sûr des films de propagandes. Nuits de Chine est un film emblématique de cette époque, et un succès immense pour l'actrice, d'après les dire de Tadao Sato.
Pour toutes ces raisons, le film s'avère intéressant, mais aussi douteux par son discours. Tadao Sato explique que Nuits de chine est conforme à la vision qu'ont les japonais de l'époque vis-à-vis du peuple chinois. Car même si le film amorce une auto-critique bienvenue sur le comportement des japonais face au chinois : Reikan est agressée par un japonais, et celui-ci se fait remettre à sa place par un compatriote ; le revers arrive très rapidement : on ne sait en fait pas vraiment qui à tort ou raison, l'homme accusant la jeune femme d'un vol que celle-ci nie en bloc ; et surtout, Reikan est clairement raciste, crachant sa haine à son bienfaiteur. C'est ensuite notre héros qui décide de remettre les idées en place à cette belle petite chinoise, de montrer que les japonais sont bons. Le film justifie donc ainsi l'occupation japonaise, montrant les chinois comme un peuple à remettre sur le droit chemin. Reikan à ses raisons : ses parents ont été tués par des japonais. Mais c'est sans compter une autre protagoniste japonaise, bienveillante, très éprise de Mr Hase, qui a elle aussi perdu des proches face au chinois. Pour autant, elle n'éprouve aucune haine envers les chinois, et n'éprouvera d'ailleurs jamais de jalousie ou de haine envers Reikan lorsque cette dernière et Hase se rapprocherons. Elle est très bonne, puisqu'elle est japonaise, tandis que les autres chinois sont décrits comme étranges, inquiétant, sans parler des "méchants" du films aux allures de triades vraiment flippants auxquels ils ne vaut mieux pas se frotter. Bref, un mélo propagandiste où la chinoise fini par reprendre le droit chemin, et épouser notre héros japonais. L'histoire avance souvent par épisodes décousus si bien que l'on pense souvent assister à la fin du film. Et il est vrai que ça s'allonge maladroitement, avec des rebondissement parfois délirants, le final étant particulièrement dingue. Par ailleurs on ne peut pas dire que la direction d'acteur soit vraiment soignée. Pour autant, malgré ses longueurs, le film se suit avec intérêt (selon moi), et certaines scènes sont parfois même réussies. L'un des points culminants du films dans le repères des trafiquants d'armes est un moment de tensions assez efficace. Difficile de trouver à dire sur le réalisateur, Osamu Fushimizu. Bizarrement, le nom ne m'est pas inconnu, mais difficile de trouver beaucoup d'informations. S'il ne montre pas qu'il fut un maître oublié avec ce film, on ne peut pas dire qu'il fut complètement manchot non plus, car même si certains passages sont plats, d'autres sont assez réussis, et certains plans très beaux. Sur la fin du film ; attention à ce que je vais dire, je ne voudrais faire bondir personne ; j'ai même pensé à Kenji Mizoguchi (L'intendant Sansho et La dame de Musashino), et Heinosuke Gosho (D'où l'on voit les quatre cheminées), lorsque Reikan veut se donner la mort en avançant dans les eaux. Moment superbe (qui a fait rire mon voisin), si bien que j'aurais aimé que le film se finisse ainsi. C'était sans compter le dernier rebondissement délirant... mais je n'en dirais pas plus.

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Bref, ma défense est finalement un peu faible, Nuits de Chine est effectivement loin d'être un chef-d'oeuvre, mais c'est un film conçu dans un contexte très particulier qui contient de très belles choses. Je ne peux en tout cas pas dire que je n'aime pas. A voir, selon moi.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

k-chan a écrit :Rétrospective 100 ans de cinéma japonais, à la Cinémathèque Française :


Nuits de Chine, de Osamu Fushimizu (1940) (支那の夜 [Shina no yoru]

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Moi aussi, j'ai plutôt envie de me positionner dans le rang des "défenseurs" du film, surtout pour sa dimension historique. C'est une vraie curiosité assez déstabilisante qui souffle le froid et le chaud.

Les trente premières minutes m'ont même positivement surpris avec un tournage à Shanghai même (avec quelques stock shots cependant) et surtout une certaine repentance des Japonais envers la Chine, tout en restant un peu flou dans les raisons du ressentiment virulent de Reikan envers les japonais. Celle-ci s'exprime d'ailleurs en mandarin (avec sous-titres japonais sur le côté de l'image), y compris jusque dans une des dernières séquences. Le héros est plutôt de bonne volonté et cherche à comprendre ce qui provoque cette haine tout en recommandant à ses compatriotes de ne pas malmener la population locale, autant par respect que pour ne pas donner une mauvaise image de leur pays. De plus, la première sortie de Reikan dans son ancien quartier montre désormais une ville entièrement rasée et détruite avec de nombreuses victimes civiles. Il y a quelques plans saisissants filmés au milieu des décombres qui renvoie en effet au néo-réalisme avec quelques années d'avance. Une séquence ultérieure montre même deux brefs plans stupéfiant saisi sur le vif où un jeune vagabond en haillon rempli un seau d'eau et un réverbère criblée d’impacts de balles qui laisse deviner la violence des batailles. Et de manières générale, les japonais vivant dans la même pension que Kazuo Hasegawa font preuve de bienveillance et de compréhension envers Reikan/Yoshiko Yamaguchi
Mais rapidement les maladresses commencent à s'accumuler et le film montre rapidement ses limites dans une séquence surréaliste où une japonaise également amoureuse de Kazuo Hasegawa explique à Reikan que la haine réciproque ne sert à rien. Car si Reikan a perdu sa famille dans la guerre, le grand-père de la japonaise a été tué par des chinois... Comme si la Chine avait sa responsabilité dans l'invasion de son pays par le Japon ! :?
Et juste après, Reikan tombe véritablement amoureuse de Hasegawa après que celui-ci lui ai donné une gifle. Yoshiko Yamaguchi qui grandi en Chine et avait tourné plusieurs films surplace sous le nom de Li Xianglan avait mis en garde l'équipe du film que ce geste ne passerait absolument pas pour les Chinois, sans réussir à les persuader de changer la scène. Il va sans dire que ceux-ci prirent la séquence comme une trahison. Il semble même que la condamnation à mort de l'actrice à la fin de la guerre par le gouvernement chinois fut grandement motivée par ce film et cette séquence de gifle en particulier.

A partir de là, Nuits de Chine perd grandement ses ambitions de "réconciliation" entre les deux pays et part littéralement dans tous les sens : mélodrame, film noir (où les résistants chinois sont montrés comme des gangsters :mrgreen: ), chansons sirupeuses, images de cartes postales exotique, séquences d'actions guerrières et grand final lyrique.
Pour autant, et même si la seconde moitié est bien trop longue, le film n'est pas déplaisant pour autant. Il faut reconnaître que Osamu Fushimizu connait son métier, ou plutôt ses métiers tant le film change de registre séquences après séquences. Toujours est-il qu'il est plutôt à l'aise dans les moments documentaires, dans l'atmosphère oppressante (Hasegawa au milieu de la foule chinoise des quartiers populaires), l'action (la fusillade dans le night club ; la séquence d'assaut sur le fleuve) et les passages romantiques avec de très jolis extérieurs lors de l'escapade amoureuse sur les bords d'une rivière avec pagode en arrière plan. Sans parler de la bonne tenue de la photographie.
Il est tout a fait conscient de ce qu'il fait et de ce que le film a pour finalité. Y compris dans la fin où les retrouvailles sont filmées d'abord en plan large puis en contre-champ pour bien montrer le rapprochement entre les deux pays. Est-ce donc par méconnaissance de la culturelle chinoise ou par pure naïveté que Nuits de Chine a à ce point sous-estimer la réaction et le rejet du public local ? Les japonais avait pourtant enregistré deux fins différentes il semble et ce fut celle chinoise qui fut diffuser à la Cinémathèque. Dans la japonaise :
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Yoshiko Yamaguchi se suicide bel et bien
Il serait intéressant de découvrir les 2 autres films de cette "continental trilogy" formée par le duo Yoshiko Yamaguchi/Li Xianglan et Kazuo Hasegawa : Song of the White Orchid et Wow in the desert tous deux réalisé par Kunio Watanabe. Le premier existe toujours en tout cas.
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