Yasujiro Ozu (1903-1963)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Deckard
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Rick Deckard »

Oui, on le voit souvent: il est dans une pièce principale ! C’est pas comme si il y avait des dizaines de décors non plus. Et comme ils sont filmés en plan fixe, on a le temps de s’attarder sur des détails. Détail intrigant dont on se demande la fonction, avant que l’un des personnages l’utilise. (Je suis plutôt passionné de hi-fi, de vieilles radio, d’où ma fixation sur cet élément de décor)
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El Dadal
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par El Dadal »

Enfin découvert Gosses de Tokyo avec un immense bonheur, et curieuse petite expérience au passage : j'avais oublié que le film était présenté en supplément sur l'édition BFI de Bonjour, je ne l'avais jamais regardé. J'ai donc naturellement lancé la version présente dans le récent coffret Carlotta, qui elle ne propose aucune piste son. J'y vais un peu à reculons parce que les muets sans accompagnement musical, c'est un euphémisme que de dire qu'il me faut m'accrocher. De ce que l'on peut lire et voir sur les conditions de projection de l'époque (et jusqu'à une époque tardive), les salles n'ont jamais vraiment été baignées dans le silence. Le barnum des premières années laissant place au roadshow et music hall avec musiciens sur scène. Enfin bref, le silence du muet chez soi, ce sont des conditions très modernes et peu aguichantes en un sens. Mais je me lance. Et là, le miracle Ozu opère. Dès les premières secondes, la vivacité de sa mise-en-scène (d'ailleurs, il y a plus de mouvement dans ce film que dans toute sa fin de carrière :uhuh:) alliée au mordant de son sujet et à un humour humaniste à portée universelle, déjà bien installé, font que j'en oublie l'absence de son. Le rythme auquel s'enchaînent les scènes, les péripéties du quotidien, les stratagèmes inventées par tous ces gamins, tout me tient en haleine. Et puis c'est fini. Déjà. 86 minutes qui fusent.
Je me mets dès lors à lire sur le film. Et je m'aperçois ainsi que j'en possède une version avec accompagnement musical sur l'édition BFI donc. Je relance le film. Mais la tonalité indubitablement moderne de cette partition ne colle pas. Les timbres, l'instrumentation, sont en opposition dans mon esprit. Le temps semble s'allonger. Je coupe le son et, miracle, je retrouve un rythme délicat et équilibré.

J'avais déjà comparé nombre d'accompagnements de films muets et à 95% préféré les pistes les plus anciennes et traditionnelles. Mais je n'avais pas comparé à une version 100% muette. Une petite barrière psychologique vient d'être franchie :mrgreen:
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Rick Deckard
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Rick Deckard »

Bon, j’ai vu tous les Ozu en couleur (des blu-ray Carlotta). C’est formellement très beau (quoique peut-être parfois un peu trop catalogue d’ameublement). J’ai beaucoup aimé Herbes flottantes, que j’ai trouvé plus léger que les autres films, presque joyeux malgré les galères. Et cette histoire d’une troupe de théâtre change du milieu social habituel des films d’Ozu. Parce que les discussions interminables de messieurs d’âge mûr cherchant à marier leurs filles ne m’ont guère passionné. (et je ne dirai rien de l’histoire des gamins qui pètent)
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Jack Carter »

Perso, plus je vieillis (tout est relatif, je suis encore jeune), plus j'ai envie de voir, revoir, re-revoir Ozu, c'est un cinema où je me sens bien, zen, en harmonie avec ce qui se passe sur l'ecran. Certains cineastes se degustent comme un bon vin millesimé.
Apres, je comprends qu'on puisse s'y emmerder.
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Alexandre Angel
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Alexandre Angel »

Rick Deckard a écrit : 31 août 21, 14:30 C’est formellement très beau (quoique peut-être parfois un peu trop catalogue d’ameublement).
Comme chez Jacques Tati :idea:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Rick Deckard
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Rick Deckard »

Alexandre Angel a écrit : 31 août 21, 14:54
Rick Deckard a écrit : 31 août 21, 14:30 C’est formellement très beau (quoique peut-être parfois un peu trop catalogue d’ameublement).
Comme chez Jacques Tati :idea:
C’est marrant parce que effectivement Ozu période en couleur me fait penser à Tati ! C’est à peu près la même époque (fin 50’s, début 60’s), il y a un soin similaire à composer les plans, mais aussi (particulièrement sur Herbes flottantes), le même style de ritournelle musicale rythmant le film. Bon chez Ozu on est bien plus bavard que chez Tati :wink:
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Alexandre Angel
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Alexandre Angel »

Rick Deckard a écrit : 31 août 21, 15:11 C’est à peu près la même époque (fin 50’s, début 60’s), il y a un soin similaire à composer les plans, mais aussi (particulièrement sur Herbes flottantes), le même style de ritournelle musicale rythmant le film
Exactement (mais pas que sur Herbes flottantes)
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Arn
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Arn »

J'en parlais récemment dans le topic film du mois, j'ai découvert Ozu par Printemps tardif la semaine dernière. J'ai depuis poursuivis avec deux gros morceaux : Voyage à Tokyo, puis Le Goût du saké.
Et cela va être difficile à départager car chaque visionnage vu un enchantement. J'ai vraiment l'impression de me retrouver peu à peu happé par son ambiance, sa petite musique filmique (ou sa petite musique tout court, très agréablement entêtante dans Le Goût du Saké), la finesse de se personnages, avec à chaque fois ce personnage centrale très touchant incarné par Chishū Ryū.
Ca donne évidemment envie d'y retourner, d'autant qu'il me semble que l'on peut régulièrement retrouver les mêmes acteurs dans des rôles assez proche, jusqu'au prénom.
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Alexandre Angel
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Alexandre Angel »

Arn a écrit : 12 janv. 22, 11:08 J'en parlais récemment dans le topic film du mois, j'ai découvert Ozu par Printemps tardif la semaine dernière. J'ai depuis poursuivis avec deux gros morceaux : Voyage à Tokyo, puis Le Goût du saké.
Et cela va être difficile à départager car chaque visionnage vu un enchantement. J'ai vraiment l'impression de me retrouver peu à peu happé par son ambiance, sa petite musique filmique (ou sa petite musique tout court, très agréablement entêtante dans Le Goût du Saké), la finesse de se personnages, avec à chaque fois ce personnage centrale très touchant incarné par Chishū Ryū.
Ca donne évidemment envie d'y retourner, d'autant qu'il me semble que l'on peut régulièrement retrouver les mêmes acteurs dans des rôles assez proche, jusqu'au prénom.
Ozu, c'est génial, tout simplement.
Tout, absolument tout. Comme tu le dis, c'est l'incarnation de la finesse au cinéma.
Mais je crois bien que, comme me le répète souvent un ami, ses plus beaux films sont ceux qui sont en couleurs (Bonjour! étant le plus "faible" ). J'ai un faible personnel pour Fin d'Automne mais tout est tellement beau.
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Flol »

Alexandre Angel a écrit : 12 janv. 22, 11:52 Mais je crois bien que, comme me le répète souvent un ami, ses plus beaux films sont ceux qui sont en couleurs (Bonjour! étant le plus "faible" ).
Ah ben super, le seul que j'ai vu. :?
Et que j'avais trouvé sympatoche. Sans plus.
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Alexandre Angel
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Alexandre Angel »

Il est plus mineur par l'argument mais totalement au même niveau que les autres quant à la forme.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Arn »

Alexandre Angel a écrit : 12 janv. 22, 11:52
Arn a écrit : 12 janv. 22, 11:08 J'en parlais récemment dans le topic film du mois, j'ai découvert Ozu par Printemps tardif la semaine dernière. J'ai depuis poursuivis avec deux gros morceaux : Voyage à Tokyo, puis Le Goût du saké.
Et cela va être difficile à départager car chaque visionnage vu un enchantement. J'ai vraiment l'impression de me retrouver peu à peu happé par son ambiance, sa petite musique filmique (ou sa petite musique tout court, très agréablement entêtante dans Le Goût du Saké), la finesse de se personnages, avec à chaque fois ce personnage centrale très touchant incarné par Chishū Ryū.
Ca donne évidemment envie d'y retourner, d'autant qu'il me semble que l'on peut régulièrement retrouver les mêmes acteurs dans des rôles assez proche, jusqu'au prénom.
Ozu, c'est génial, tout simplement.
Tout, absolument tout. Comme tu le dis, c'est l'incarnation de la finesse au cinéma.
Mais je crois bien que, comme me le répète souvent un ami, ses plus beaux films sont ceux qui sont en couleurs (Bonjour! étant le plus "faible" ). J'ai un faible personnel pour Fin d'Automne mais tout est tellement beau.
J'attends d'avoir plus recul évidemment mais j'ai adoré les couleurs du Goût du saké. Comme pour les autres éléments de son cinéma, on est sur quelque chose de simple en apparence mais de très raffiné.
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Arn »

Terminé ma retrospective Ozu avec les 20 films du coffrets ainsi que Herbes Flottantes et Dernier Caprice sortis à l'unité.
Découverte absolument passionnante où j'ai pris un grand plaisir à naviguer entre ses films des années 50 et ceux des années 30 puis 40.
Plaisir quasiment sans cesse renforcé par le fait de retrouver des figures des précédents films, les décors, la même petite ritournelle musicale. J'ai d'ailleurs terminé par Herbes Flottantes qui sort un peu de tout cela puisque tourné à la Daiei (et déjà Dernier caprice, de la Toho, sortait un peu des habitudes).
Globalement un peu moins emballé par les derniers que j'ai vu, est ce qu'il y a eu lassitude ou simple hasard, difficile à dire. Je pense plutôt que j'avais visé des très gros au début, et finalement j'en ai certains qui sont venus un peu bousculé le classement relativement tard.

Un petit top :

1. Crépuscule à Tokyo (1957)
2. Fleurs d'équinoxe (1958)
3. Le goût du saké (1962)
4. Voyage à Tokyo (1953)
5. Printemps précoce (1956)
6. Printemps tardif (1949)

7. Herbes flottantes (1959)
8. Bonjour (1959)
9. Une auberge à Tokyo (1935)
10. Le fils unique (1936)

11. Gosses de Tokyo (1932)
12. Le goût du riz au thé vert (1952)
13. Récit d'un propriétaire (1947)
14. Il était un père (1942)
15. Fin d'automne (1960)
16. Été précoce (1951)
17. Dernier caprice (1961)
18. La femme de Tokyo (1933)

19. Histoire d'herbes flottantes (1934)
20. Où sont les rêves de jeunesse? (1932)
21. Le choeur de Tokyo (1931)
22. J'ai été diplômé, mais... (1929)

A noter pour le dernier que c'est le visionnage des 12 minutes de ce qu'il reste du film.

Sinon j'ai globalement tout aimé, les notes allant de 9 pour les 6 premiers, à 6 pour les 4 derniers.
Crépuscule à Tokyo est quand même assez haut en tête et un gros prétendant au 10/10 lors d'un second visionnage. Et il se démarque quand même pas mal du reste pas son ambiance et son ton noir, désespéré (assez loin en cela de celui que je place juste derrière). Certains y voient l'influence de Nuages Flottants de Naruse, qui a beaucoup marqué Ozu, et ça me parait assez pertinent, rien que dans le portrait et les trajectoires des deux femmes.

Je met en spoiler tous mes petits commentaires issus des films du mois, dans l'ordre de mes visionnages :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Printemps tardif (Banshun, Yasujirô Ozu) 9/10
Découverte d'Ozu et immédiatement sous le charme de ce film qui nous raconte finalement l'évolution de la famille traditionnelle japonaise à travers cette histoire de père qui veut marier sa fille, alors que celle ci refuse pour ne pas le laisser seul. A la fois simple et raffiné, il y a une grande sensibilité qui se dégage aussi bien de la mise en scène que des acteurs, me faisant passer de la joie à la tristesse pour finir avec un profond sentiment de mélancolie.J'ai vraiment été très touché. Au final c'est proche de ce que j'imaginais de tout un pan du cinéma d'Ozu, mais en y étant plus sensible que ce à quoi je m'attendais. Donc hâte d'en découvrir d'autres.

Voyage à Tokyo (Tôkyô monogatari, Yasujirô Ozu - 1953) 9/10
Ozu prends cette histoire de parents âgés qui viennent à Tokyo rendre visite à leurs enfants pour poursuivre son analyse critique de la famille, de ces jeunes gens installés qui délaisse leurs parents au profit de leurs travails. On retrouve le personnage plein de candeur et de bienveillance de Setsuko Hara. Comme pour Printemps tardif j'aurais du mal à décrire tout ce qui fait la force du film, c'est une sorte de grand raffinement en faisant dans la sobriété, et une grande finesse dans l'écriture, le tout superbement interprété.

Le goût du saké (Sanma no aji, Yasujirô Ozu - 1962) 9/10
Ici, un peu à l'inverse de Printemps tardif, c'est plutôt le père (toujours incarné par Chishû Ryû) qui est réticent à marier sa fille. Le film en couleur est somptueux, et ajoute des touches d'humour par rapport aux deux précédents que j'ai vu, sans rien retirer aux questionnements de moeurs et sociaux. Il est aussi traversé par une touchante nostalgie, notamment lors des réunions avec les amis du père. Mon Ozu favori jusque là.

Le fils unique (Hitori musuko, Yasujirô Ozu - 1936) 8/10
Un petit moins emballé que par les 3 Ozu précédemment vu mais quand même un très joli film avec le sacrifice d'une mère pour que son fils "devienne quelqu'un". L'aspect social est ici plus développé, avec le contexte de la Grande Dépression des années 30. J'ai lâché ma petite larmichette devant la fierté de la mère.

Bonjour (Ohayô, Yasujirô Ozu - 1959) 8/10
Toujours dans l'étude de moeurs, mais avec un ton ouvertement à la comédie cette fois ci. Et si les rapports familiaux restent important Ozu s'intéresse ici beaucoup aux relations de voisinage et aux commérages. Les couleurs sont magnifiques, tout en douceur, comme le reste de son cinéma, ce qui ne l'empêche pas d'être parfois un peu acide, comme aigre-doux. Et le talent de directeur d'acteur d'Ozu saute ici aux yeux avec ces enfants géniaux (surtout le plus jeune).

Crépuscule à Tokyo (Tôkyô boshoku, Yasujirô Ozu - 1957) 9/10
Je continue d'aller de surprise en surprise avec Ozu. Et des bonnes. Je pensais qu'il serait difficile de faire plus beau après ma découverte de deux de se films en couleurs, mais c'était avant ce Crépuscule à Tokyo et son sublime noir et blanc et jeu sur les ombres et contrastes. C'est aussi le plus sombre, le plus désabusé de ceux que j'ai vu (même si Le Fils Unique est assez dur, il n'a pas la même ampleur tragique). Ici la mélancolie n'est jamais très loin du pessimisme, même si on s'écarte un peu de celui dans le final par une forme d'acceptation du destin, de vivre avec, au mieux, car il n'y a guère le choix.

Où sont les rêves de jeunesse ? (Seishun no yume ima izuko, Yasujirô Ozu - 1932) 6/10
On ici est assez loin de ses portraits de famille des années 50, le ton est la comédie, surtout dans la première partie où on suit une bande d'amis étudiants. Les choses vont se compliquer lorsque l'un d'eux, d'origine plus aisée, devient patron et embauche ses anciens camarades. Ça se suit bien, le dosage entre humour et critique sociale est bien dosé, mais légèrement gâché par le final un peu trop naïf. Et les films muets sans accompagnement musical c'est quand même assez aride (je m'en suis rajouté un).

Le choeur de Tokyo (Tôkyô no kôrasu, Yasujirô Ozu - 1932) 6/10
On est ici dans la veine de Où sont les rêves de jeunesse ?, même si l'humour est davantage en retrait. C'est cette fois ci le récit d'un homme marié qui se retrouve au chômage après s'être insurgé contre le licenciement d'un collègue. S'il y a quelques scènes qui sortent du lot et que l'ensemble se regarde bien, ça ne m'a pas non plus passionné et le final me laisse ici un peu dubitatif.

J'ai été diplômé, mais... (Daigaku wa detakeredo, Yasujirô Ozu - 1929) 6/10
Il ne reste que 12 minutes des 1h10 d'origine. Elles laissent entrevoir une comédie sociale nous présentant un jeune diplômé de l'université qui ne se voit proposer que des postes sous qualifiés. Il reste la fin, qui confirme qu'à l'époque Ozu appréciait les happy end qui tombe un peu du ciel.

Fleurs d'équinoxe (Higanbana, Yasujirô Ozu - 1958) 9/10
Encore un chef d'oeuvre. Le sujet central est ici les mariages arrangés, que l’aînée de la famille refuse désirant choisir elle même son mari. Dis comme cela ça n'a pas l'air d'être grand chose, mais la magie d'Ozu et de ses acteurs a encore opéré sur moi. Un peu comme dans Le goût du saké, il se permet même pas mal de touches d'humour. Ainsi le film parvient à être léger tout en restant tout à fait sérieux, profond et bercé par une certaine mélancolie. Malgré tout ce qui peut séparer une famille française des années 2020 d'une famille japonaise des années 50, et le côté très terre à terre des enjeux du film, Ozu parvient à rendre universel et intemporel son film qui nous parle par de nombreux aspects.

Gosses de Tokyo - Et pourtant nous sommes né (Otona no miru ehon - Umarete wa mita keredo, Yasujirô Ozu - 1932) 7/10
Un des Ozu pré-1949 les plus célèbres, où on suit deux frères en prise avec leurs nouveaux camarades de classes, et avec leur père lorsqu'ils s'aperçoivent que celui-ci est hiérarchiquement inférieur à celui d'un de leur camarade. Le film, très social, est amusant et Ozu impressionne une nouvelle fois par sa direction d'acteurs enfant. De cette période des années 30 j'ai souvent plus de réserve avec les dénouements et celui ci n'échappe pas à la règle.

Une femme de Tokyo (Tôkyô no onna, Yasujirô Ozu - 1933) 7/10
Un autre film social d'Ozu, mais pas d'humour ici on est en plein drame, voir mélodrame, avec une jeune femme secrétaire le jour, et prostitué la nuit pour financer les études de son frère qui ignore tout de cette situation. Le film, tourné en 8 jours, a ses limites et on est loin de la qualité de ses oeuvres plus tardives mais j'ai été assez touché par cette oeuvre désespérée.

Histoires d'herbes flottantes (Ukikusa monogatari, Yasujirô Ozu - 1934) 6/10
S'il y a un certain goût doux-mer dans le cinéma d'Ozu à partir de 1949, ici l'amertume prend largement le dessus, avec cette histoire de troupe de théâtre itinérante, de complot par jalousie, de fils non reconnu. Ca n'empêche pas quelques belles scènes, mais le ton est globalement assez dur. J'ai moins accroché qu'à d'autres, je trouve qu'on voit un peu les limites du muet, auquel Ozu est longtemps resté attaché, sur ce film assez verbeux. Curieux de voir le remake.

Une auberge à Tokyo (Tôkyô no yado, Yasujirô Ozu - 1935) 8/10
Probablement le plus noir de cette époque avec ce père au chômage qui peine à nourrir ses deux enfants. Et lorsque la situation semble un peu s'améliorer, par l'entraide, ça ne va pas durer. Si certains de ses films présente un "happy ending" un peu naïf à mes yeux, ici aucune candeur, on est dans la veine drame et réalisme social du début à la fin, un peu à l'image de Une femme de Tokyo et de Le Fils Unique (qui lui contre balance quand même le désespoir par la fierté d'une mère). Ce qui en fait mes favoris de cette période du cinéaste.

Printemps précoce (Sôshun, Yasujirô Ozu - 1956) 9/10
Encore une claque. Comme à chaque fois je me dis sur le premier tiers que c'est super mais peut être pas au niveau des autres de l'époque. Et comme à chaque fois je me fais cueillir par la montée en puissance émotionnelle de la suite. Sa manière d'écrire les rapports humains me fait fondre systématiquement. Ici le sujet centrale est celui de l'adultère, mais plus largement celui du couple, notamment lorsqu'il doit traverser une épreuve difficile comme la perte d'un enfant. C'est sublime. Et s'y ajoute aussi une critique assez directe ici de la condition précaire des "salarymen" des grosses entreprises. Et puis comme à chaque fois c'est visuellement à tomber.

Il était un père (Chichi ariki, Yasujirô Ozu - 19426) 7/10
Le récit d'un père qui, par sacrifice pour que son fils ai accès à un bon niveau d'étude, s'éloigne de lui pendant une dizaine d'année. Histoire très personnelle puisque c'est ce qu'à en bonne parti vécu Ozu avec son propre père. Son style évolue pas mal et ressemble de plus en plus à ce qu'il sera dans les années 50, assez épuré, maintenant une distance avec ses personnages. Assez passionnant de pouvoir suivre cette évolution (merci Carlotta!).

Récit d'un propriétaire (Nagaya shinshiroku, Yasujirô Ozu - 1947) 7/10
Un jeune garçon perdu se retrouve receuillis pas des habitants d'une village pas forcément ravi d'avoir à s'en occuper. C'est un joli film, le gamin est adorable, et la relation qu'il va nouer avec Tané est touchante. C'est aussi un portrait assez dur de l'après guerre et de la misère qui y règne, amenant une grande part d'égoïsme. Et au milieu de cela, les enfants portent en quelque sorte l'espoir du retour à plus d'humanité.

Été précoce (Bakushû, Yasujirô Ozu - 1951) 7/10
Clairement pas mon favori sur la thématique du mariage. Le film est bien sûr beau, mais je l'ai trouvé un peu plus répétitif dans l'écriture avec l'insistance de la famille de Noriko à vouloir la marier, et elle qui se défile gentiment. Et autour de ça je trouve qu'on a aussi moins de choses, moins d'enjeux secondaires pour sublimer l'ensemble.

Le goût du riz au thé vert (Ochazuke no aji, Yasujirô Ozu - 1952) 7/10
Ici on est davantage sur le thème de la crise conjugale. Moins emballé que par Printemps précoces qui abordé aussi cela sous un autre angle, ça n'en est pas moins beau film où j'ai pris plaisir à suivre l'évolution des personnages très bien écrit.

Dernier caprice (Kohayagawa-ke no aki, Yasujirô Ozu - 1961) 7/10
Avant dernier Ozu et un des rares tournés en dehors de la Shōchiku, à la Toho. Un film sympathique, toujours autour du mariage, avec un accent humoristique assez marqué. L'ensemble est bien fait et plaisant, mais ne m'a pas touché comme pas mal d'autres de ses films.

Fin d'automne (Akibiyori, Yasujirô Ozu - 1960) 7/10
L'histoire d'une veuve qui aimerait bien voir sa fille se marier. Et de trois amis du défunt qui vont essayer de marier et la mère et la fille. Le film est sympathique et reprend la plupart des codes de ses films de la décennie qui s'achève. Le malentendu créé par les trois hommes relève un peu le tout, mais sinon par rapport à d'autres j'ai trouvé que ça ronronnait gentiment.

Herbes flottantes (Ukikusa, Yasujirô Ozu - 1960) 8/10
Assez content de terminer ma retrospective Ozu par ce film. Je connaissais déjà l'histoire puisque c'est un remake de son film de 1934, mais avec l'ajout du son et de la couleur. Et quelles couleurs ! C'est probablement celui que j'ai trouvé le plus beau de ses films en couleurs, ce qui n'est pas rien car aussi bien que ceux de la Shochiku que Dernier caprice à la Toho sont très beaux. Peut être que c'est le fait que celui ci soit beaucoup tourné en extérieur, dans des décors qui changent. Et aussi l'apport du Kabuki, de ses costumes, puisqu'on y suit un acteur itinérant et sa troupe qui s'arrête dans un petit village. On change ainsi également de milieu social et d'enjeu, même si celui ci reste toujours accès sur la famille, pas de mariage ici. Un ton qui est bien plus dur que la moyenne, plus violent dans les affrontements entre personnages. Le changement de chef op se fait lui aussi assez nettement remarqué, pas uniquement dans les couleurs, mais dans le positionnement de la caméra de Kazuo Miyagawa, bien plus haut que celle proche du tatami de Yūharu Atsuta, le chef op habituel de Ozu à la Shochiku. Toutes ces petites particularités en plus des qualités intrinsèques du film font que j'ai passé un excellent moment devant et qu'il va je pense bien me rester en tête.
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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Alexandre Angel »

Je ne vais pas tarder à suivre ton exemple. Cycle imminent (entrecroisé avec Mizoguchi).
Je précise qu'il y en a que je n'ai toujours pas vus.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)

Message par Arn »

Alexandre Angel a écrit : 14 févr. 22, 11:11 Je ne vais pas tarder à suivre ton exemple. Cycle imminent (entrecroisé avec Mizoguchi).
:D
Ah ben moi j'ai débuté Naruse (qui devrait aller plus vite puisque j'en ai pas 22 à voir, le coffret de 5 chez Carlotta et 2/3 à côté je pense) et Mizoguchi viendra après avec le coffret 8 films chez capricci + Oharu chez criterion.
Et du Kinuyo Tanaka au milieu si j'arrive à aller les voir en salle (ça débute mercredi).
Bref un début d'année très japonais, très enthousiasmant.
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