Nestor Almendros a écrit :L'AMOUR IMPOSSIBLE (OLD ACQUAINTANCE) de Vincent Sherman (1943)
Suite du coffret métal Warner avec ce mélo des familles plutôt irritant à la longue.
Tiens, pas complètement d'accord sur ce coup-là...
Mais je reconnais que mes attentes n'étaient pas très hautes, et que j'ai été très agréablement surpris. Ainsi, concernant l'interprétation, seule Dolores Moran (Deirdre adulte) m'a réellement dérangé. Les autres ont certes un ton passablement distant, détaché, mais ça me semble parfaitement coller avec l'esprit de ce film, qui embrasse la vie de personnages sur une très longue période : le récit ne s'apesantit jamais sur ses personnages, il souligne juste quelques moments-clé.
Concernant le scénario, on a indéniablement affaire à ce qu'on appelait un "film de femme", un ensemble d'oeuvres qui sont, pour résumer, les ancêtres de feuilletons télévisés actuels, comme
les Feux de l'amour. C'est donc ainsi que je les considère (d'ailleurs, ce genre, parmi les plus fertiles dans les années 30, a pour ainsi dire disparu avec l'apparition de la télévision), sans entretenir d'attente démesurée sur la forme ou le fond. Ce n'est donc, je crois, pas exactement ce que j'appelle un mélodrame, genre de film plus ambitieux, plus tragique, plus ample (même si les deux genres de films entretiennent des liens étroits).
On a donc un film assez feuilletonnesque dans sa structure, d'ailleurs plutôt long, avec des tranches de vies, des révélations qui bouleversent les rapports des uns avec les autres, des enfants qui grandissent, des jalousies professionnelles...
Dans ce cadre,
Old acquaintance me parait plutôt agréable à suivre, ses personnages sont attachants, même celui de Myriam Hopkins, qui, malgré son comportement désagréable, reste nécessaire à Bette Davis. Je crois que cette relation subie/choisie entre deux femmes malgré tout inséparables est l'intérêt majeur du film : il décrit un type de relation bien plus complexe que l'amitié classique.
Et j'ai trouvé qu'il était intéressant que Bette Davis maintienne sa relation avec cette femme, pour diverses raisons (l'enfance partagée, bien sur, mais aussi des gouts communs, pour l'écriture, ou pour les hommes, voire l'affection pour une enfant qu'elles élèvent pratiquement toutes les deux). C'est d'ailleurs le coté sainte sacrificielle du personnage de Bette Davis qui m'a dérangé, plus que celui de son amie si peu agréable : elle aurait gagné à développer quelques défauts elle aussi. Mais pour moi, c'est cette relation (toxique ?) qui est au coeur du film, qui lui donne son titre, et n'est pas si mal exploitée.
L'enjeu, selon moi, est donc moins de les comparer (même si on le fait au cours du film, les deux femmes passant leur temps à s'évaluer l'une l'autre), que de décrire leur relation.
Après, c'est vrai que les personnages secondaires manquent parfois d'épaisseur, que la mise en scène est assez discrète (mais, comme pour Mr.Skeffington, je trouve cet effacement profitable au film), que ça manque parfois d'émotion. Mais je ne me suis pas ennuyé une seconde, et me suis pris au jeu de ce récit au fil du temps (prohibition, guerre...), porté par une Bette Davis vraiment rayonnante.
Pour moi, donc,
L'amour impossible est une réussite du genre, même si le film n'en dépasse probablement jamais les limites.