La Horde Sauvage (Sam Peckinpah - 1969)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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JamesCicero
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Message par JamesCicero »

O'Malley a écrit :Par contre, pour répondre au message de Cicero, je ne pense pas que Peckinpah ait la violence en horreur (du moins individuellle) puisuqe l'une des multiples idées qui ressort du très controversé Chiens de paille (mais finalement de tous ses films )est que celle-ci est nécessaire pour l'individu de s'affirmer afin de lutter contre un environnement hostile. Par contre, dans Croix de fer, il montre son dégoût de la violence collective c'ead la guerre.

Pour revenir au contenu politique des films de Peckinpah, si ses films jusquà Guet Apens sont avant tout nihiliste (et surtout La horde sauvage ou son point de vue est celui de la bande de Holden), il me semble tout de même qu'il penche vers le gauchisme à partir de Pat Garrett et Billy le Kid (tendance libertaire) et Le convoi (tendance social).
Ce n'est pas tant que Sam ait la violence en horreur qu'il refuse de la voir telle qu'elle EST et donc qu'il la mythifie comme s'il voulait s'en débarrasser au plus vite par tous les moyens.

Ne plus voir la violence (ce qui est le lot de tous au demeurant et surtout de notre époque soit dit entre nous) ou alors la métamorphoser le plus vite possible, l'escamoter en une espèce de ballet où tout est déconstruit, déréglé, ou ce qu'il faut voir n'est en fait plus visible, comme définitivement nié. Pourquoi ne pas avoir tout filmé au ralenti dans ses films, pourquoi cet artifice grotesque pour les seules scènes de violence brute, alors que la violence est partout et surtout pas seulement spectaculaire. Pour moi le ralenti peckinpahien me fait penser aux intertitres des films du muet. Ils n'ajoutent strictement rien à l'action. C'est le cas de le dire ils la ralentissent.

Il y a en somme du mage et du magicien dans le cinéma illusionniste de Sam Peckinpah qui ne peut pas en faire pour moi comme Welles, Hitchcock ou Ford l'un des grands et vrais démystificateurs de la violence et donc du mal. Imaginez une seconde la fameuse scène de la douche dans Psycho filmée avec le ralenti peckinpahien. On ne verrait à proprement parler plus RIEN de ce qu'il faut voir, de ce que le gros plan sur l'oeil de Janet Leigh à la fin de la séquence nous demande justement de voir les yeux grands ouverts.[/b]
Lord Henry
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Message par Lord Henry »

Une oeuvre entièrement tournée au ralenti? C'est déjà chose faite!

On appelle cela "un épisode de Derrick".
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Verdi
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Message par Verdi »

JamesCicero a écrit :Ce n'est pas tant que Sam ait la violence en horreur qu'il refuse de la voir telle qu'elle EST et donc qu'il la mythifie comme s'il voulait s'en débarrasser au plus vite par tous les moyens.

Ne plus voir la violence (ce qui est le lot de tous au demeurant et surtout de notre époque soit dit entre nous) ou alors la métamorphoser le plus vite possible, l'escamoter en une espèce de ballet où tout est déconstruit, déréglé, ou ce qu'il faut voir n'est en fait plus visible, comme définitivement nié. Pourquoi ne pas avoir tout filmé au ralenti dans ses films, pourquoi cet artifice grotesque pour les seules scènes de violence brute, alors que la violence est partout et surtout pas seulement spectaculaire. Pour moi le ralenti peckinpahien me fait penser aux intertitres des films du muet. Ils n'ajoutent strictement rien à l'action. C'est le cas de le dire ils la ralentissent.
Voici deux citations de Peckinpah :

« Nous n’avons pas de deus ex machina qui nous sauve : nous sommes comme Œdipe qui doit se crever les yeux. Nous sommes pareils, il faut choisir entre se crever les yeux ou les ouvrir. J’essaye de montrer les choses en respectant une distance esthétique. Le public pénètre l’écran : il participe à l’action. La mort n’est pas jolie. Je ne veux pas faire fuir le public avec de la violence gratuite. Je veux un public qui s’identifie avec la violence, qu’il la sente, qu’il la reconnaisse, qu’il sache ce qu’elle est, son odeur … »

« Dans une situation critique, une situation de vie ou de mort, ou même en faisant l’amour, le temps semble aller au ralenti, la caméra aussi. Je n’ai pas inventé cela : je l’ai repris des grands maîtres du cinéma. J’ai essayé de réunir dans mon travail de montage le ralenti, le temps réel et les vitesses inférieures : c’est l’effet du film qui m’intéresse, pas la technique mais son impact sur le public. »

Peckinpah in Assayas, Etoiles et Toiles, TF1, 14 octobre 1985.
"L'art et les systèmes sont contradictoires, et ceux qui adhèrent à des idées préconçues se trompent, car ils sacrifient leur imagination et leur talent." Giuseppe Verdi
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Message par George Bailey »

Mon Peckinpah préféré et un de mes films préféres tout court.
Je l'avais découvert au ciné lors d'un ressortie et ce fut la claque.
Un film très noir, nihiliste et très pessimiste dont la seule valeur positive est l'amitié.
A voir et à revoir.
Mes chéris
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JamesCicero
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Message par JamesCicero »

Verdi a écrit :[Voici deux citations de Peckinpah :

« Nous n’avons pas de deus ex machina qui nous sauve : nous sommes comme Œdipe qui doit se crever les yeux. Nous sommes pareils, il faut choisir entre se crever les yeux ou les ouvrir. J’essaye de montrer les choses en respectant une distance esthétique. Le public pénètre l’écran : il participe à l’action. La mort n’est pas jolie. Je ne veux pas faire fuir le public avec de la violence gratuite. Je veux un public qui s’identifie avec la violence, qu’il la sente, qu’il la reconnaisse, qu’il sache ce qu’elle est, son odeur … »

« Dans une situation critique, une situation de vie ou de mort, ou même en faisant l’amour, le temps semble aller au ralenti, la caméra aussi. Je n’ai pas inventé cela : je l’ai repris des grands maîtres du cinéma. J’ai essayé de réunir dans mon travail de montage le ralenti, le temps réel et les vitesses inférieures : c’est l’effet du film qui m’intéresse, pas la technique mais son impact sur le public. »

Peckinpah in Assayas, Etoiles et Toiles, TF1, 14 octobre 1985.
Je serais curieux de savoir quels sont les grands maîtres du cinéma qui ont pu inspirer à Sam Peckinpah son fameux procédé de vouloir filmer la violence au ralenti que je trouve personnellement anti-réaliste.

Mais qu'importe ses références, l'essentiel dans ces deux citations, c'est bien qu'en définitive il choisisse, quoi qu'il en dise, de montrer la violence "remontée" dans sa salle de montage avec une distance "esthétique" qui n'est en somme que son parti-pris de cinéaste. Il n'y a d'ailleurs au cinéma, comme dans n'importe quel art, pas de vision purement objective de quoi que ce soit, de la vie comme de la violence. Pour reprendre le mot de Flaubert sur Madame Bovary, La Horde c'est Sam Peckinpah, et non pas la vraie vie, la vraie violence ou le vrai CINEMA.

C'est donc une thèse très personnelle sur la violence et la mort qu'il nous assène dans ses films et notamment dans La Horde. Sa fameuse "distance esthétique" n'existe que pour nous masquer son option noire sur ce qu'est pour LUI la mort, la violence et donc la vie. C'est aussi une certaine fascination assez morbide envers l'incompréhensibilité même du mal qui à mon sens fait choisir à Sam son ralenti si peu REALISTE, si kitsch pour moi, et dont tout un cinéma contemporain aussi désarmé devant la violence et le mal retiendra les leçons grandiloquentes et grotesques. Sam Peckinpah filme au ralenti ses scènes d'action qui impliquent une mort violente comme s'il voulait en somme en suspendre le cours, voire l'arrêter et quelque part la nier cette mort et cette violence. Ce n'est donc pas à mon sens une vision suffisamment "objective" de la violence que nous donne à voir Sam mais bien son propre désarroi sur elle, ce qui n'est évidement pas tout à fait la même chose.

Et je trouve que contrairement à ce qu'il affirme et à la différence de cinéastes qui n'ont pas eu besoin de filmer au ralenti (Hitchcock, Welles, Ford, Hawks, Walsh, Stevens, Mann) il décide LUI de FERMER les yeux comme justement Oedipe, le MYTHIQUE personnage de la tragédie grecque, et nous enjoint par là même occasion de les fermer aussi. Ces grands maîtres du cinéma ci-dessus (et d'autres) ont eu des postulations différentes sur la vie, la violence et la mort, et me semblent avoir mieux que Sam approché du grand secret qui le faisait fuir. Ils ne sont pas si nombreux que cela les artistes à s'être véritablement coltinés avec Les choses cachées depuis la fondation du monde, pour reprendre un titre d'un essai d'un des grands penseurs de notre temps.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

JamesCicero a écrit :
Je serais curieux de savoir quels sont les grands maîtres du cinéma qui ont pu inspirer à Sam Peckinpah son fameux procédé de vouloir filmer la violence au ralenti
Sans en être 100% certain, je ne vois pas de précédent à Peckinpah concernant les ralentis pour les scènes de violence.

PS : le cinéma n'a pas pour vocation première d'être réaliste. Je ne comprend toujours pas tes assertions là dessus surtout que 'maître Hitchcock' est un des cinéastes les moins réalistes qui soit.
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Message par Max Schreck »

Jeremy Fox a écrit :
JamesCicero a écrit :
Je serais curieux de savoir quels sont les grands maîtres du cinéma qui ont pu inspirer à Sam Peckinpah son fameux procédé de vouloir filmer la violence au ralenti
Sans en être 100% certain, je ne vois pas de précédent à Peckinpah concernant les ralentis pour les scènes de violence.
Je ne suis pas du tout sûr de ça, mais n'en trouve-t-on pas dans le Bonnie & Clyde de Penn, film qui deux ans plus tôt imposait aussi une nouvelle représentation de la violence ?
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Max Schreck a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Sans en être 100% certain, je ne vois pas de précédent à Peckinpah concernant les ralentis pour les scènes de violence.
Je ne suis pas du tout sûr de ça, mais n'en trouve-t-on pas dans le Bonnie & Clyde de Penn, film qui deux ans plus tôt imposait aussi une nouvelle représentation de la violence ?
Je ne me souviens plus. En tout cas, s'il n'a pas été le premier, il n'en est pas loin et il a été le premier à généraliser ce procédé dans ses films.
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Message par Max Schreck »

Jeremy Fox a écrit :Je ne me souviens plus. En tout cas, s'il n'a pas été le premier, il n'en est pas loin et il a été le premier à généraliser ce procédé dans ses films.
Tout à fait. Je regrette même d'être incapable d'imaginer quelle a pu être la réaction des spectateurs lors de sa sortie, qui n'avaient jamais vu un truc pareil.
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Message par Lord Henry »

On trouve notamment une scène de passage à tabac filmée au ralenti dans Warning Shot, petit polar produit en 1966 par la Paramount.

Pour le reste, le ralenti chez Peckinpah a une fonction primordiale, celle de mettre le spectateur face à ses responsabilités quant à sa relation avec la représentation de la violence.
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JamesCicero
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Message par JamesCicero »

Jeremy Fox a écrit :
Sans en être 100% certain, je ne vois pas de précédent à Peckinpah concernant les ralentis pour les scènes de violence.

PS : le cinéma n'a pas pour vocation première d'être réaliste. Je ne comprend toujours pas tes assertions là dessus surtout que 'maître Hitchcock' est un des cinéastes les moins réalistes qui soit.
Monsieur Fox, si vous avez en tête la scène d'anthologie de la mort de Gromek, le policier de la Stasie dans l'excellent Torn Curtain d'Alfred Hitchcock, et si vous pouvez seulement la comparer avec la tuerie finale de La Horde, la différence de style, et donc bien entendu de mise en scène, ne devrait pas vous avoir échapper.

Lequel des deux vous paraît le plus REALISTE dans la façon de rendre une mort violente ? Hitchcock ne filme surtout pas au ralenti, mais à vitesse si je puis dire "normale". Tout est montré tel quel de ce qu'il y a à voir dans ladite scène. Il y a une scène pourtant dans un film d'Hitchcock qui pourrait faire accroire au premier abord qu'elle a été filmée en une espèce de ralenti mais qui, là encore, montre toute la différence d'intentions du cinéaste : c'est la mort du détective Arbogast dans Psycho. Je trouve au contraire dans l'art de Peckinpah une façon d'escamoter par un esthétisme volontairement "oedipien" pour reprendre ses propres termes ce qu'il veut pourtant nous montrer. Et puis si Oedipe se crève effectivement les yeux dans la tragédie de Sophocle, c'est finalement Sophocle qui le "filme" justement se crevant les yeux. Le tragédien ne demande pas, lui, au spectateur que nous sommes tous, d'en faire autant. Ralenti ou pas, avec les yeux crevés plus personne malheureusement ne VOIT plus rien. :wink:
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Message par JamesCicero »

Lord Henry a écrit :On trouve notamment une scène de passage à tabac filmée au ralenti dans Warning Shot, petit polar produit en 1966 par la Paramount.

Pour le reste, le ralenti chez Peckinpah a une fonction primordiale, celle de mettre le spectateur face à ses responsabilités quant à sa relation avec la représentation de la violence.
C'est là où je ne suis pas d'accord my Lord. Chez Hitchcock comme chez Welles ou Ford, voire Lang par exemple, le spectateur est libre d'apprécier toutes les donnes que le cinéaste lui procure pour apprécier si oui ou non il restitue une violence "intelligible" et quasi "objective". Chez Peckinpah, par contre, et notamment dans La Horde cette liberté n'est pas totale. Le cinéaste fait, si je puis dire, écran avec ce qu'il tente de nous révéler. Chez Sam ma "responsabilité" est comme aliénée. Il me manque une carte en main. Le jeu est faussé et c'est cette carte en main qui me manque que je retrouve dans le fameux ralenti qui m'a toujours paru ô combien superficiel.
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

1. L'objectivité n'existe pas dans la représentation au cinéma puisqu'il s'agit avant tout d'un point de vue. Que ce soit chez Hitchcock, Peckinpah ou tartempion.
2. Le réalisme au cinéma n'a de sens que celui que veut lui donner le réalisateur
3. La responsabilité du spectateur ne pèse rien face à la responsabilité du cinéaste qui est celle qui compte avant tout.
4. :lol:
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JamesCicero
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Message par JamesCicero »

Roy Neary a écrit :1. L'objectivité n'existe pas dans la représentation au cinéma puisqu'il s'agit avant tout d'un point de vue. Que ce soit chez Hitchcock, Peckinpah ou tartempion.
2. Le réalisme au cinéma n'a de sens que celui que veut lui donner le réalisateur
3. La responsabilité du spectateur ne pèse rien face à la responsabilité du cinéaste qui est celle qui compte avant tout.
4. :lol:
C'est drôle comme chacun voit ce qu'il veut bien voir dans un film. Je ne suis pas d'accord avec vos prémisses évidemment. Je n'ai jamais cru MOI à une liberté totale et pour tout dire SURREALISTE de l'artiste dans son oeuvre, ni non plus à une passivité somnambulique. Il faut croire que la vérité est entre les deux. Hitchcock est Hitchcock ET autre chose, comme Peckinpah est Peckinpah ET autre chose. C'est justement cet autre chose dont il est si difficile de rendre compte. :wink:
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