Yasuzô Masumura (1924-1986)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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The Eye Of Doom
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

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Reçu et vu le bluray Arrow The black car test / The black report.
Je ne regrette pas mon achat !
Je proposerais a ceux qui ne les ont pas vu de commencer par The black report. Celui-ci, bien que remarquablement filmé et interprété, est un « film noir » un cran en deca de The black car test et peut etre une excellente « mise en bouche ».
Tout la force de ces deux films est résumée dans le propos de Masumura lui meme (qui fut critique) et qui est présenté dans le bonus. Ce propos est aussi la clef essentielle des films que j’ai découvert precedement, de La bete aveugle à Passion.
Super interessant.
Vivement la suite !
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Profondo Rosso
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

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Jeux dangereux (1971)

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Une jeune femme qui travaille dur afin de rembourser les dettes de son père décédé, tombe finalement amoureuse d'un homme qui oeuvre pour un proxénète ....

Yasuzo Masumura signe avec Asobi une sorte de remake de son magnifique premier film Les Baisers (1957). Cette première réalisation s'inscrivait dans le courant du taïo-zoku (« adorateur du soleil ») s'attachant à une vision sensuelle et romantique de la jeunesse d'après-guerre où Masumura trahissait l'influence occidentale du néoréalisme "rose" italien, et de certaines approches plus charnelles comme Monika d'Ingmar Bergman (1953). Le film restait cependant sage en regard des œuvres plus sulfureuses à venir du réalisateur et Asobi semble un habile croisement de la candeur de Les Baisers avec les les thématiques plus personnelles qu'il développera par la suite. Dans La Femme de Seisaku (1964), L'Ange Rouge (1966) ou La Bête aveugle (1969), Masumura dépeignait des couples qui se réfugiaient des tourments du monde extérieur dans une pulsion charnelle morbide et frénétique qui illustraient sa vision torturée de l'amour. Le couple d'Asobi par son innocence semble ainsi être échappé de Les Baisers pour être plongé dans la noirceur et l'excès des films suivants de Masumura.

Cela se ressent notamment dans la narration. La construction du récit alterne la rencontre et les moments ensemble le temps d'une journée d'une jeune fille (Keiko Takahashi) et d'un garçon (Masaaki Daimon) avec des flashbacks sur leur passé. L'innocence, la maladresse et la douceur de ces premiers atermoiements amoureux au présent contrastent grandement avec le passif douloureux entrevus dans les flashbacks. Plus le couple se rapproche, gagne en attirance et intimité, plus les visions de ces retours en arrière s'avèrent violents et insoutenables. Ainsi la passion immédiate et fusionnelle à peine rencontrés constitue une fois de plus un refuge à la noirceur d'une existence qu'ils se refusent à retrouver et les voit prolonger indéfiniment cette journée commune. Dans Les Baisers, le couple fuyait un contexte socio-économique difficile et s'il reste de cela dans Asobi (la jeune fille travaillant pour payer les dettes de son père défunt et les soins de sa sœur malade), il se joue également un questionnement plus intime. Le dénuement empêche la fille d'être apprêtée, frivoles et connaître les mêmes premiers émois que ses camarades. Au contraire cette féminité est plutôt vue comme une source de revenu par sa famille qui espère la voir se marier, mais également par tout un pan masculin prédateur qui rêve d'user de cette jeune femme pure et attirante comme hôtesse de bar ou prostituée (le premier menant généralement au second). Dès lors la compagnie du garçon est une manière de connaître naïvement à son tour ces moments, ces sentiments que sa condition lui refuse et elle s'y accroche avec une douceur désarmante à travers l'interprétation de Keiko Takahashi.

Le garçon a été conduit par cette même misère et contexte familial difficile à être soumis à un trio de yakuza mené par son frère. Pour lui ce sera la vision de la masculinité qui sera un fardeau, ses comparses attendant de lui un même comportement brutal et machiste. Dès lors l'émotion naît de la manière dont les personnages forcent parfois ce que l'on attend d'eux dans cette masculinité comme féminité, la fille se fardant de maquillage ou le garçon adoptant des attitudes viriles ridicules. Cette maladresse est très touchante et voit le couple gagner en assurance quand cette masculinité et féminité s'expriment non plus dans une logique de paraître, d'être "comme les autres" (les environnements tels que la boite de nuit jouent à plein sur cette aspect) mais par un lâché prise sincère permit par la confiance en l'autre. A différents moments du film, on verra le garçon tabassé par trois individus alcoolisés puis plus tard se vanter de s'être battu avec des étudiants et les avoir corrigés dans la rue. Ses aspirations viriles et la réalité ne se confondront que quand ils auront une vraie raison d'être, lorsque la jeune fille sera importunée par des hommes insistants et que cette fois il trouvera le courage et la force de la défendre vigoureusement. De la même façon, la fille se montre très artificielle (la scène au cinéma) dans sa manière d'être jouant plus que vivant ce premier rendez-vous avec un garçon avant de de s'offrir véritablement à lui par la suite. Les flashbacks constituent une forme de chape de plomb, de rappel constant au réel alors que le couple passe ce moment tendre ensemble. Le refus de ce que l'on exige d'eux incarne cette issue de secours pour eux dans un même enjeu dramatique, ne pas être exploitée pour la fille et ne pas être un prédateur pour le garçon que ses acolytes veulent faire devenir leur proxénète. La scène dans la chambre d'hôtel où le garçon invite la fille à regarde leur reflet dans le miroir l'affirme implicitement, l'image qui leur est renvoyée représentent ce qu'ils sont et non plus ce qu'ils veulent paraître.

En déplaçant l'innocence de Les Baisers dans un cadre plus sordide et cruel, Masumura en décuple la portée dramatique par son approche formelle et la profonde empathie que suscitent ses personnages. La mise à nu métaphorique comme concrète s'affirment là magnifiquement, jusqu'à une conclusion sans doute trop explicite dans sa symbolique mais tout simplement magnifique. 5/6
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

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Revu Irezumi hier dans la magnifique copie Arrow.
Par grand chose a changer // a mon avis page 10.
Sauf que ce coup on mesure le travail pictural sur la couleur, les textures, la composition,…
Si le scénario est malheureusement un peu simpliste dans la seconde partie, le film est d’une grande force dans la mise en scene. J’ai beaucoup aimé l’interprétation de A.Wakao, qui donne vie a cette jeune femme de bonne famille en rebellion qui vas se retrouver «maudite ». Cette malediction l’obligeant a assumer « a l’insu de son plein gré » sa part sombre et auto destructrice. Elle tient des discours de justification, pretextant de cette malediction pouf justifie de ses mauvaises actions, alors que tout fait penser que cela est sa vrai nature et que le tatouage est bien pratique in fine. La richesse du film porte sur cette ambiguïté. Les hommes dont elle se venge ne sont pzs tant coupables de l’avoir torturée, violée, vendue, dépravée que de l’avoir contrainte à choisir la mauvaise voie.
Jusqu’au bout, elle garde une part de fidélité à l’homme dont elle s’est jouée et qu’elle a entraîné dans sa chute.
Manipulatrice par facilité au debut, elle se voit devenir cynique et le vit mal.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Commentz comprendre autrement le fait qu’elle s’épuise a porter son souteneur blessé pour le ramener chez lui alors que, quand ce dernier semble mourant, elle veut le tuer.
La mort de son amant de coeur signe sa mort a elle.
Elle l’a bien compris puisque elle donne une fortune pour l’enterrement de celui-ci: l’argent n’a plus d’importance, tout est consommé….
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

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Giants and toys
Trois fabriquants de caramels se livrent un guerre sans merci. World caramel vas choisir une jeune fille pauvre et pas tres fute-fute pour en faire l’égérie de sa nouvelle campagne.

J’ai eu un peu de mal avec ce film de Masumura, peut etre en partie a cause des StAnglais, plus compliqués a suivre pour moi dans une comédie.
Du coup, j’ai trouvé au film un air de maquette a Black Car Test que j’ai préféré.
Les films ont le meme sujet: la guerre à mort entre industriels, l’absence de toute morale dans la société nipponne des annees 50-60, le prix de l’intégrité.

Le film a plein de qualités. C’est le 5ieme du cineaste qui a cette periode en fait 3 ou 4 ans.
On retrouve le sens du cadrage, de la photo et de la mise en scene que l’auteur aiguisera encore dans les annees a venir.
J’ai pensé a Billy Wilder, celui des comedies feroces, mais le film de Masumura n’est pas vraiment une comedie, malgré le rythme et quelques scenes comiques. Assez vite on est dans le chronique d’une folie collective, et autodestructrice, seule reponse à la pression insoutenable de la société japonaise : theme recurent et central chez Masumura (enfin les rares que j’ai vu). Les personnages se debatent pour tirer leur épingle du jeu ou s’implement survivent.
On assiste à la metamorphose de l’ingenue bêtasse en bete de scene (chouette passage dansé).
Le personnage du photographe cynique, avec sa bouille à la Michel Simon est bien campé et assez irresistible.
La fin est tres chouette, avec un plan qui repond à celui de l’intro.
Enfin, il y a finalement un couple sympa, celui que forme le jeune publiciste integre avec une femme commerciale dans la société concurente. Ils savent tres bien qu’une des motivations de leur liaison est de pouvoir s’arracher réciproquement des secrets professionnels au coin de l’oreiller. Mais A la fin, quand tout est joué,
Spoiler (cliquez pour afficher)
La femme viendra soutenir son amant, dans une scene touchante.
In fine, le vrai problème du film est de ne pas complètement avoir choisi son camp, entre franche comédie à la One,two,three de Wilder ou film noir à la Sweet smell of success.

Dans tout les cas, hate de revoir La bete aveugle en bluray Arrow et decouvrir d’autres Masumura!
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Profondo Rosso
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

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Vixen (1969)

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Yasuzo Masumura excelle dans la description des amours fiévreux, maladifs et passionnés dont l'intensité se fait toujours écho et refuge d'un contexte socio-historique dans des œuvres comme L'Ange Rouge (1966), La Femme de Seisaku (1965), La Femme du Docteur Hanaoka (1967) ou encore La Bête aveugle (1969). Cependant ces films avaient une teneur essentiellement dramatique ne laissé pas entrevoir la veine hautement acide et satirique dont Masumura est également capable dans des œuvres comme Géants et jouets (1958) ou La Chatte japonaise (1967). Vixen fait justement écho à ce dernier film avec un postulat voisin voyant un homme mûr tout perdre pour l'amour d'une jeune nymphette capricieuse. Ici ce point de départ sert une incompatibilité générationnelle. Nobuyuki (Eiji Okada) un notable installé occupant le poste de secrétaire du doyen d'université qui est aussi son beau-père. Il voit un jour Michi (Ruriko Asaoka) une extravagante jeune femme accuser son beau-frère de viol et réclamer deux millions de yens en réparation. Devant le dédain de l'accusé et du reste de sa famille face aux faits, Nobuyuki se prend de peine pour Michi et fait en sorte qu'elle soit dédommagée. La reconnaissance de cette dernière se transforme en désir, puis amour jamais plus ardent que tant que Nobuyuki repoussera ses avances. La retenue et mesure de l'homme mûr semble le prémunir contre le démon de midi, mais il finira par céder au charme de Michi.

La satire tient au fait que ce n'est pas (du moins uniquement) la beauté de Michi qui fera basculer notre héros, mais le dégoût de son environnement. Nobuyuki fait partie de cette génération de quarantenaire japonais qui n'ont vécu que dans l'oubli d'eux-mêmes et le sacrifice. Le sacrifice pour assurer l'éducation de sa sœur alors qu'ils se trouvent orphelins après la guerre, pour accompagner la direction de son beau-père au sein de l'université, pour satisfaire son épouse en cédant aux injonctions familiales. Michi arrive dans sa vie à un moment charnière où sa sœur prochainement mariée n'a plus besoin de lui, où son beau-père s'avère vil fonctionnaire corrompu réprimant les réclamations de ses étudiants, et sa femme une femme froide et sans empathie (la révoltante scène où elle remet en question le viol de Michi). Tout ce sur quoi Nobuyuki a installé sa position s'avère vain et, pour la première fois de sa vie il va décider d'agir pour lui en s'abandonnant aux bras de Michi.

Le drame correspondra du tempérament de Michi, incarnation inversée et exacerbée de la résilience de Nobuyuki. Michi veut tout, tout de suite, argent et surtout le moindre homme attisant son désir. Ruriko Asaoka livre une prestation enfiévrée comme seul Masumura sait en tirer d'une jeune actrice. Elle a le côté femme-enfant délurée de l'héroïne de Géants et jouets associée à la nature séductrice, manipulatrice et capricieuse de celle de La Chatte japonaise. Cependant Michi semble portée par une nature profonde plus psychotique qui la rapproche des héroïnes des œuvres plus dramatiques du réalisateur. La peur de la solitude, le besoin presque maladif d'être l'obsession d'un nouvel homme en fait une figure tour à tour comique, aguicheuse et pathétique à travers le jeu de Ruriko Asaoka finalement si outré qu'il en éteint toute séduction - malgré la beauté indéniable et largement mise en valeur de l'actrice. Masumura en fait une problématique sociétale où la nouvelle génération est désormais incapable de ce pas de côté, même si c'est la dimension psychologique qui domine notamment dans une conclusion plus dramatique. La narration répète ainsi à la fois les situations de séductions de Michi, mais aussi les réactions brutales des hommes tombés dans ses filets. Les vrais sentiments se laissaient entrevoir sur la toute fin dans La Chatte japonaise au propos voisin, ici ce sera une fuite en avant sans retour avec notamment une scène faisant écho au Un si doux visage d'Otto Preminger (autre grand film sur la folie féminine). Une variation très intéressante de Masumura donc ! 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par Profondo Rosso »

Jeune fille sous le ciel bleu (1957)

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Une jeune fille, élevée à la campagne à la différence de ses trois frères et sœurs, s'apprête à rejoindre sa famille à Tokyo quand elle apprend une nouvelle qui va bouleverser sa vie.

Deuxième film de Yasuzo Masumura, Jeune fille sous ciel bleu est déjà une œuvre intermédiaire dans la carrière du réalisateur. L'inaugural Les Baisers (1957) avait constitué une démonstration de l'influence européenne de Masumura et notamment le courant du néoréalisme rose italien, tout en s'inscrivant dans le courant japonais du taïo-zoku (« saison du soleil »). Ce terme désigne une série de films japonais des années 50 se penchant sur les préoccupations adolescentes entre mélancolie et hédonisme en faisant le pendant nippon d'œuvres occidentales comme Monika d'Ingmar Bergman (1953) ou Les Adolescentes d'Alberto Lattuada (1960). Jeune fille sous ciel bleu est dans cette veine et peut être considéré comme le pendant lumineux (l'usage de la couleur accentuant cet aspect) de Les Baisers dont il partage le thème d'avoir des enfants marqués par les erreurs passées de leurs parents. La jeune Yuko (Ayako Wakao) apprend de sa grand-mère mourante les raisons pour lesquels elle a été élevée à la campagne, loin de sa famille et de ses frères et sœurs. Elle est une enfant illégitime, fruit des amours de son père et de sa secrétaire. Désormais installée chez cette famille à Tokyo elle va se confronter à la rancœur de sa belle-mère ainsi qu'à l'hostilité et la jalousie de ses demi-frères et sœurs.

Le film est porté par la prestation attachante d'Ayako Wakao encore innocente face à la caméra de Masumura avant les collaborations plus troubles et sensuelles à venir dans Passion (1964), Tatouage (1966), L'Ange Rouge (1966) ou La Femme de Seisaku (1965). Sa conviction et la vulnérabilité qu'elle dégage éveille une empathie de chaque instant, tout en ayant une personnalité affirmée lui permettant de faire face dans une résignation taiseuse à tous les obstacles sur son chemin. Néanmoins le film ne parvient pas tout à fait, faute d'une vraie noirceur ou d'une romance plus convaincante, à égaler l'émotion et la portée mélodramatique de Les Baisers. L'intérêt réside donc à observer encore timides ici, les éléments qui feront la réussite des films à venir de Masumura. La découverte de l'urbanité tokyoïte par de la provinciale Yuko nous fait découvrir la tentaculaire ville de néons, sa population grouillante et sa vie nocturne à travers des instantanés de toute beauté. L'agitation du quartier de Ginza, les lumières tamisées d'un bar à hôtesse, l'énergie d'un salon de danse, tout cela est capturé avec une élégance rare par la caméra de Masumura et une superbe photo stylisée de Michio Takahashi. Cette modernité accompagne aussi les loisirs occidentalisés des frères et sœur de Yuko, féru de jazz qu'ils jouent en groupe ou adepte des après-midis de ping-pong (ce divertissement-là recouvrant une facette plus traditionnelle puisque prétexte à chercher un mari parmi les joueurs issus de bonnes familles). Toute cette touche hédoniste et contemporaine gagnera en regard critique et sordide dans Géants et jouets (1958) ou Black Test Car (1962) annoncés ici par le cadre des corporations où évolue le père, le métier de dessinateur publicitaire de l'ancien instituteur. Le cadre familial et plus précisément conjugal nourrit de non-dits et de rancœurs annonce les cadres étouffants et les couples dysfonctionnels de Passion, La Femme de Seisaku ou La Femme du Docteur Hanaoka (1967).

Masumura à l'image de la candeur de son héroïne ne fait cependant qu'effleurer le potentiel plus inquiétant de ces différents éléments. On est ici dans un registre de bienveillance exprimé par ce leitmotiv de toujours chercher du regard le bleu du ciel, quelques soient les maux et situations rencontrées. Observer ce ciel bleu ou le faire apparaître intérieurement en fermant les yeux, telle est la leçon de vie pour Yuko qui au bout du chemin retrouvera ses racines et rencontrera l'amour. On trouvera sans doute cela un peu lisse par rapport à Les Baisers et les réussites à venir mais Jeune fille sous le ciel bleu est une œuvre de transition prometteuse et attachante. 4/6
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par Profondo Rosso »

A Wife Confess (1961)

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En excursion à la montagne, une jeune femme se retrouve attachée entre son mari et son amant. Menacés de mourir tous les trois, elle doit choisir entre les deux.

Yasuzo Masumura est le cinéaste des amours passionnés, sacrificiels et tourmentés souvent incarnés par l'intensité de ses héroïnes, notamment quand elles sont incarnées par la grande Ayako Wakao. Plus Masumura explorera ce thème, plus celui-ci endossera une dimension intense allant d'une veine et contexte réaliste (vers l'abstraction la plus totale dans un film comme La Bête aveugle (1969). A Wife Confess est moins immédiatement frontal pour explorer le sujet, les contextes sociaux-historiques marqués des films à venir autorisant ces sentiments exacerbés (l'arrière-plan belliqueux de La Femme de Seisaku (1965), L'Ange Rouge (1966), la dimension surnaturelle de Tatouage (1966)) n'ayant pas cours dans l'environnement étouffant du récit. L'histoire tisse un mystère sur à la fois les conditions de la mort de l'époux (Eitarô Ozawa) en montagne, sacrifié ou assassiné par sa femme Ayako (Ayako Wakao) lors d'une ascension périlleuse, et de ses relations avec le jeune Osamu (Hiroshi Kawaguchi) présent aussi lors du drame. Le procès et les différents témoignages brossent ainsi le portrait d'une épouse malheureuse et délaissée, mariée par nécessité plutôt que par amour.

L'épouse apparaît comme symboliquement et littéralement piégée dans les codes patriarcaux de cette société japonaise. Ayako se voit reprocher d'avoir tranché la corde et choisit de survivre plutôt que de périr en montagne avec son mari, ce qui semblait son devoir aux yeux de tous. L'hypocrisie de cette attente est d'ailleurs dénoncée dans la plaidoirie lorsqu'il sera affirmé que le choix d'Ayako aurait été légitime (et non soupçonnable d'homicide) si l'homme à l'autre bout de la corde n'avait pas été son mari. On navigue ainsi entre la pulsion de mort kamikaze chère à l'ancien Japon belliqueux pas totalement disparu, mais aussi un machisme interdisant à la femme d'exister sans un homme. C'est le drame de l'existence d'Ayako dont le refus de divorcer de son mari le lie à lui malgré les souffrances qu'il lui inflige. C'est aussi une forme de conditionnement pour ces femmes puis notre héroïne n'aspire si elle échappe à la prison qu'à goûter à la passion dans les bras d'Osamu. D'un autre côté on peut y voir une idéalisation féminine chez Masumura où la vie ne vaut pas la peine d'être vécue sans amour. La narration tout en va-et-vient temporel dresse donc une vraie ambiguïté morale et sentimentale qui finit par être transcendée par la prestation magnifique d'Ayako Wakao. Coupable ou pas, le drame est une possible délivrance pour elle afin d'accéder à la liberté qu'elle désire, à l'homme qu'elle aime. Masumura la filme toujours comme écrasée dans les scènes de procès à travers les plongées inquisitrices, ou comme exclue, extérieure à sa propre existence dans les scènes du quotidien dans des compositions de plan la figeant en arrière-plan ou détachée en avant-plan. Jamais maîtresse de son destin elle attend silencieuse que les hommes, dans la cour du tribunal comme dans sa vie, décident pour elle.

Ayako Wakao est tout simplement incroyable et la finalité du crime n'a finalement pas d'importance, le courage de cette femme surmontant les regards marquants durablement. A l'opposé, la lâcheté des hommes sera la seule terrible récompense pour elle dans une conclusion d'une puissance rare. Les personnages enfiévrés et amoureux de Masumura se heurtent ici à la froideur du réel (le contexte judiciaire annonçant The Black Report (1963)) quand les films suivants autoriseront davantage d'en briser les barrières. 5/6
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par The Eye Of Doom »

Red Angel
Une infirmière arrive dans un hopital militaire durant la guerre SinoJaponaise en 1939. Elle vas vite être envoyé au front.

Pas decu du voyage. Encore une fois un grand Masumura.
Le film est comme un echo au duo formé par « Histoire d’une prostitué » de Suzuki située dans le meme cadre et « La femme de Seisaku» de Masumura racontant le point de l’epouse restée au foyer.
La peinture que livre Masumura de la guerre est particulièrement terrible: les soldats ne sont que des objets, chair a canon, qui n’ont que deux destins : soit mourir au front (ce qui peut leur arriver de mieux), soit être blessé, etre alors amputé, et mourir a petit feu sans espoir de retour au pays (où la vision de soldats mutilés pourrait faire croire que le Japon est en difficulté).
La guerre est stupide : comment penser envahir une pays aussi grand ?
De là, la « logique » absurde et inhumaine se met en place.
L’heroine vas decouvrir et subit cette logique dans sa chair mais à sa facon y trouveras, malgré et a cause de cet enfer, un moyen de tracer sa voix.
Comment survivre dans la folie de la société japonaise? C’est le grand sujet de Masumura, qu’il parle d’Edo, du japon industriel d’apres guerre, du confort bourgeois des annees 60 ou ici de la guerre?
Le film est d’un noir charbonneux qui submerge tout: le sang noir est partout et recouvre Sakura, l’infirmière dont le prenom est celui du moment des cerisiers en fleur.
Interprétation remarquable d’Ayako Wakao, bloc de determination et résistance mais aussi femme sensuelle quand elle decide de se donner aux soldats mutilés ou au chirurgien morphinomane.
Je tue le suspense de suite: ca se termine mal. :lol:

Je laisse notre ami Profondo Rosso faire une critique plus complete…

Vivement les prochains Masumura chez Arrow ou ailleurs !
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par Profondo Rosso »

The Eye Of Doom a écrit : 7 mars 22, 21:36 Je laisse notre ami Profondo Rosso faire une critique plus complete…
Mais elle est très bien la tienne, après si tu veux me lire dessus j'avais écrit ça lors de la découverte sur mon blog :wink: https://chroniqueducinephilestakhanovis ... umura.html

Sinon L'Ange rouge ressort en salle avec Tatouage le 3 aout ditribué par The Jokers, ça va être un régal de revoir ça sur grand écran !
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par gnome »

J'aimerais bien un BR français pour remplacer mon DVD...
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par Arn »

Si Jokers/La Rabbia le sort en salle, ça sortira aussi en bluray quelques mois plus tard.
En tout cas ça m'a fait renoncé à l'achat du Arrow, je vais attendre la sortie salle ou bluray français pour le découvrir.
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par gnome »

Il avait été mois film du mois incontesté en mai 2007.
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par locktal »

Arn a écrit : 8 mars 22, 08:36 Si Jokers/La Rabbia le sort en salle, ça sortira aussi en bluray quelques mois plus tard.
En tout cas ça m'a fait renoncé à l'achat du Arrow, je vais attendre la sortie salle ou bluray français pour le découvrir.
Je rappelle la lineup de The jokers à ce sujet.

Tout d'abord, La rabbia devient The Jokers classics.

Dans sa lettre de news, la lineup de La rabbia / The Jokers classics est la suivante pour 2022 :
Dans les salles en 2022, restaurés en 4K (donc sans doute en blu-ray par la suite) :

- Lettre d'une inconnue de Max Ophüls
- Trilogie Infernal affairs d'Andrew Lau et Alan Mak
- Ring d'Hideo Nakata
- Dark water d'Hideo Nakata
- Audition de Takashi Miike
- La vengeance est à moi de Shohei Imamura
- As tears go by de Wong Kar-wai
- Nos années sauvages de Wong Kar-wai
- Tatouage de Yasuzo Masumura
- L'ange rouge de Yasuzo Masumura
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par gnome »

locktal a écrit : 8 mars 22, 09:09 - Tatouage de Yasuzo Masumura
- L'ange rouge de Yasuzo Masumura
Parfait pour moi ! Ils ajouteraient La femme de Seisaku, je serais aux anges...
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Re: Yasuzô Masumura (1924-1986)

Message par The Eye Of Doom »

Moi aussi, et d’autres titres non parus outre manche.
J’ai acheté tt les Arrow pour soutenir cet initiative de publication dans de belles editions des Masumura, malgré la difficulté des sstitres anglais.
In fine, j’ai juste eu des soucis pour suivre qu’avec Giant and toys. Neo comedie oblige, les dialogues sont plus vifs et aiguisés: j’ai clairement raté des trucs…
Sinon, pas besoin d’un niveau extraordinaire en anglais pour suivre.
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