La Comédie italienne

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jean-Pierre Festina
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Re: La Comédie italienne

Message par Jean-Pierre Festina »

ed a écrit : 27 févr. 21, 19:39
Jean-Pierre Festina a écrit : 27 févr. 21, 10:34

Tu parles de la scène finale par exemple, avec le personnage de Gassman en chimère monstrueuse de l'imagination de Tognazzi ?
Bien au-delà de ça. Le film n'est habité que de personnages qui posent un filtre sur la réalité, qui la déforment par leur regard orienté (le fameux "strabisme idéologique" du juge), à tel point qu'on ne sait jamais dans le film ce qui est vrai ou pas. Au début du film, les parents de la victime disent un truc du genre "l'imagination, c'est mieux que la réalité", toute la suite ne vient qu'illustrer cette assertion. J'en suis à un point où je suis prêt à défendre la théorie que la quasi intégralité du film n'est composée que d'images mentales, de fantasmes (dont le personnage de Santenocito, trop gasmanien pour être vrai)- j'ai un texte en réserve qui développe cette idée. Vu ainsi, le film est vertigineux, il est surtout très risien, dans la mesure où la question du "regard" est la problématique centrale de son cinéma des années 70 (Parfum de femme évidemment, mais aussi Âmes perdues, Le sexe fou, Telefoni Bianchi et tant d'autres).
Bien au-delà de ça, vraiment ? Le vertige que tu prêtes à cette vision du film s'installe déjà devant la portée d'une telle entreprise. Si tu étires cette "question du regard" et ces "images mentales" au-delà de leur référent (c'est-à-dire : le thème de la vanité, ce que j'appelais un peu plus haut la comédie que l'on se joue à soi-même et aux autres... avec tout le succès que l'on peut en espérer !) et dont je persiste à voir l'apothéose dans les cinq dernières minutes du film, à vue de nez ton étude assume le risque de détailler le film en motifs géométriques, réassemblés ensuite en une sorte de palais de glace par le jeu d'une critique structuraliste. En l'état j'y vois deux avantages, et deux limites :

- C'est une démarche qui a donné de fabuleuses oeuvres comme le livre sur David Lynch par Michel Chion : au lieu de proposer des interprétations et en affectant de relever au petit bonheur des éléments réguliers dans l'oeuvre du cinéaste, le livre crée un entrelacs de thèmes et de motifs fragmentaires en apparence mais dont la complexité ajoute au plaisir de l'oeuvre et lui donne une sorte de cohérence seconde. On n'est pas loin du travail du musicien de film qui ne jouerait pas une partition "redondante" mais au contraire choisirait d'insister sur un aspect particulier du film, voire d'en inventer un en contrepoint. Mais Lynch lui-même n'est pas avare de ces jeux de piste et de spéculation de l'imagination, au lieu que l'optique moraliste de Risi resserre impitoyablement l'objet de son étude sur la misère nos petites personnes.
A ce propos, l'idée des images mentales est terriblement séduisante, et je me suis surpris à reconsidérer le film à partir de cet élément, non sans bénéfice : j'y reviendrai sans aucun doute. Mais que cela soit le fait de certains personnages (celui de Tognazzi surtout, me trompe-je ?) et pas d'autres me semble réducteur : pourrais-tu me citer un film où Gassman n'est pas trop gassmanien pour être vrai ? Lui aussi imagine, comme on l'entend dans un passage en voix-off. Les regards réciproques du juge et de l'industriel se fabriquent leur propre fantasme de l'autre : l'un voit un petit juge miteux assis en face de lui, l'autre voit se dresser un industriel décadent, et chacun avilit mentalement l'autre à loisir. Pour moi c'est la comédie de nos prétentions et de nos frustrations qui se joue ici.

- Ceci posé, dans le cas précis de Au nom du peuple italien et de sa perfection formelle qui est évidente (c'est juste que le film m'ennuie - pour l'instant !), l'idée s'impose qu'une grande oeuvre recèle toujours une petite part un peu abstraite, et il n'y a guère d'instant où nous ne réclamons semi-consciemment une forme à un film, en particulier dans le désordre apparent d'une comédie. Rien ne nous oblige à prendre Risi au pied de la lettre lorsqu'il se prétend humble artisan du film populaire (un jour, je parlerai - sérieusement - de la rigueur quasi-bressonnienne de Claude Zidi ! ) Mais c'est malmener la volonté d'un artiste que de donner une exégèse qui ne soit pas "dans le ton" de son oeuvre. Dans ton cas, c'est un peu différent : nul doute que tu auras le tact et l'intelligence nécessaires à cette entreprise mais je redoute toujours le moment où la sourde cruauté du critique surdoué révèle les coutures de l'oeuvre. Pour ma part, superficiel je suis, superficiel je reste :mrgreen:
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Joshua Baskin
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Re: La Comédie italienne

Message par Joshua Baskin »

Je suis photogénique (Dino Risi)

Pas franchement son plus célèbre et pourtant une nouvelle fois, une excellente comédie.
Un cinéphile vieux garçon décide de partir à la conquête de Cinecitta mais ira de déconvenue en déconvenue.
Il y a quelque chose qui me frappe dans la comédie italienne et peut-être encore plus chez Dino Risi, c'est de voir à quel point ces films sont divertissants. On ne s'ennuie absolument jamais. Ce film ne fait pas exception. Entre des dialogues très drôles, des situations qui se renouvellent constamment (On pense d'ailleurs souvent à la carrière d'une femme de chambre en voyant le film), il n'y a pas un bout de gras. Rajoutez à ça des caméos de Barbara Bouchet, Vittorio Gassmann, Mario Monicelli et Ugo Tognazzi et vous avez un cocktail parfait de comédie italienne avant son déclin inéluctable (le film date de 1980).

DVD LCJ absolument dégueu, image tristoune un peu floue, pas de 16/9 et (très bonne) VF uniquement. Malgré cela, allez-y.
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Supfiction
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Re: La Comédie italienne

Message par Supfiction »

C’est Edwige Fenech qui est photogénique.
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Joshua Baskin
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Re: La Comédie italienne

Message par Joshua Baskin »

Supfiction a écrit : 9 mars 21, 15:47 C’est Edwige Fenech qui est photogénique.
Effectivement.
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Jean-Pierre Festina
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Re: La Comédie italienne

Message par Jean-Pierre Festina »

L'acteur principal n'est quand même pas bien bon, de mémoire.
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Re: La Comédie italienne

Message par Joshua Baskin »

Jean-Pierre Festina a écrit : 9 mars 21, 18:43 L'acteur principal n'est quand même pas bien bon, de mémoire.
Il semblerait qu'il soit l'équivalent de Carlos en Italie. Son jeu est balourd et pas très fin (en tout cas en VF) mais je trouve que ça sied justement très bien au personnage.
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Re: La Comédie italienne

Message par Jean-Pierre Festina »

Joshua Baskin a écrit : 9 mars 21, 19:30
Jean-Pierre Festina a écrit : 9 mars 21, 18:43 L'acteur principal n'est quand même pas bien bon, de mémoire.
Il semblerait qu'il soit l'équivalent de Carlos en Italie. Son jeu est balourd et pas très fin (en tout cas en VF) mais je trouve que ça sied justement très bien au personnage.
Pas faux, mais ça change un peu (beaucoup) de ces acteurs avec un charisme complètement furieux des deux décennies précédentes...
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Arn
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Re: La Comédie italienne

Message par Arn »

Pendant les 10/15 premières minutes de Mafioso j'ai eu un peu peur d'être déçu vu tout le bien que j'en avais lu. J'ai du mal à bien voir comment se positionne le film, j'ai même l'impression que Sordi lui même ne sait pas trop comment se positionner.
Ce n'est qu'au fil du film, lorsque le sentiment de malaise devient de plus en plus présent et clair que je réalise qu'il est finalement là dès le début, à partir du moment où le patron de Sordi lui donne un paquet à remettre au Don de son village en Sicile. Et ce qui m'apparaissait alors comme un défaut est finalement une grande réussite. On aurait facilement pu avoir un film découpé en deux parties et qui bascule de l'humour au drame. Ou avoir simplement la comédie qui passe lentement au drame. Mais ici l'aspect malsain, angoissant, fait le lien entre les deux du début à la fin et Sordi l'incarne à merveille, tout comme la mise en scène de Alberto Lattuada dans un style parfois quasi expressionniste mais qui sert à dépendre une Sicile arriéré qui sonne très juste, aussi invraisemblable que soient ses personnages.
J'ai aussi beaucoup aimé l'inéluctabilité du film, qui entraine Sordi d'évènement en évènement sans qu'il ai d'emprise dessus, et qui dit là, subtilement, tout le poids de la mafia, ce qu'elle est vraiment dans la vie quotidienne des gens, loin d'un simple film de gangsters.
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Re: La Comédie italienne

Message par Arn »

Encore dispo sur OCS jusqu'à demain soir j'ai vu hier Un héros de notre temps de Mario Monicelli, avec Alberto Sordi qui porte magistralement le film, qui est un peu inégal en raison de sa structure qui ressemble à une succession de sketches. Malgré cela il se dégage un vrai propos de ce récit qui met en scène plus ou moins toutes les peurs et lâchetés d'une partie de l'italie au milieu du siècle dernier, jusqu'à l'absurde et à une conclusion qui par dans l'autre extrême. Le rythme est assez effréné, faut arriver à ne pas décrocher, mais je me suis bien amusé :)
Dernière modification par Arn le 21 déc. 21, 10:26, modifié 1 fois.
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Re: La Comédie italienne

Message par Arn »

Un peu moins emballé par La belle de Rome de Comencini, également avec Sordi et sorti lui aussi en 1955.
C'est une comédie de moeurs sympathique, épinglant notamment l'hypocrisie masculine, mais je l'ai trouvé un peu long et répétitif dans son schéma narratif.
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