Busby Berkeley (1895-1976)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Tommy Udo
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Tommy Udo »

Jeremy Fox a écrit :Ta conclusion est de toute manière que Berkeley est un génie et peu de gens pourront te contredire :wink:
Tout est dit 8)

Bon, sinon, il faudra que je revisionne DAMES car pour moi, c'était le meilleur des Busby Berkeley. Mais c'est vrai que seuls les numéros musicaux me restent en tête pour le juger. Je ne me souviens plus de l'histoire qui les entoure :?
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Cathy
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Cathy »

Dames est avec Prologues le meilleur au niveau des numéros musicaux, mais au niveau de l'intrigue, il est plutôt désuet ! Mais bon les numéros sont sans doute les plus originaux avec le fameux grand portrait de Ruby Keeler !
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Demi-Lune
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Demi-Lune »

Cathy a écrit :Dames est avec Prologues le meilleur au niveau des numéros musicaux, mais au niveau de l'intrigue, il est plutôt désuet ! Mais bon les numéros sont sans doute les plus originaux avec le fameux grand portrait de Ruby Keeler !
Des 4 films que je viens de découvrir sur lesquels Berkeley a travaillé, Dames et Prologue comportent effectivement ses tableaux les plus inspirés. C'est vraiment époustouflant et assez définitif. Pettin' in the Park dans Chercheuses d'or de 1933 est également très bon, très salace. C'est marrant de voir que les producteurs n'avaient eu aucun scrupule à valider ce plan où on reluque bien les danseuses à poil malgré les éclairages tamisés. Le nain ne s'y est pas trompé. :mrgreen: Ceci dit, ayant vu les films apparemment les plus réputés sur lesquels Berkeley a apporté sa contribution virtuose, j'ai bien peur que le dvd best-of de ses chorégraphies aurait largement suffi à ma satisfaction. En effet, je dois avouer que je n'arrive pas à me passionner pour les films en eux-mêmes, leurs histoires, anodines et répétitives, portées par toujours les mêmes acteurs. De mon point de vue, le travail colossal de Berkeley est au service de films qui seraient très oubliables s'ils n'étaient pas transcendés par ses chorégraphies, qui fonctionnent en outre comme des courts-métrages déconnectés de toute dramaturgie. Je sais bien que c'est un peu le principe du "spectacle dans le film" mais quand on prend Tous en scène, dans le même genre, il y a quand même quelque chose qui se noue au travers des tableaux, la relation professionnelle Astaire/Charisse, leur complicité. Berkeley fait ses propres films dans le film et c'est tellement génial que ça plombe à mes yeux, voire même ça écrase, tout l'enrobage diversement désuet d'Enright, LeRoy ou Bacon.
Et, je l'ai dit, quand on a du mal avec Dick Powell, que j'avais beaucoup aimé en Marlowe mais qui ici taquine David Martinon, et Ruby Keeler, aussi agaçante qu'un bébé Cadum, ça aide pas. :oops: :oops:

Ex aequo en termes de décrochage de mâchoire avec les 2 numéros de Dames postés précédemment :
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Jeremy Fox
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Jeremy Fox »

Demi-Lune a écrit : Ceci dit, ayant vu les films apparemment les plus réputés sur lesquels Berkeley a apporté sa contribution virtuose, j'ai bien peur que le dvd best-of de ses chorégraphies aurait largement suffi à ma satisfaction.

Le DVD best of est très complet proposant également des extraits de films n'étant pas sortis en DVD
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Cathy
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Cathy »

Jeremy Fox a écrit :
Mais de là à vouloir gifler la jolie Ruby Keeler :(
Entièrement d'accord, j'ai toujours eu un gros faible pour la frimousse de Ruby Keeler et je ne suis pas non plus insensible au crooner charmant Dick Powell ! Sinon Berkeley est un génie dans le film musical, ses numéros sont grandioses, et j'adore "by a waterfall" qui est sans doute le plus enthousiasmant de ses numéros !
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par feb »

Juste pour rebondir sur les critiques de Demi-Lune (bien content de lire ses avis d'ailleurs :wink: ), je te conseille de regarder Gold Diggers of 1937 si ce n'est pas déjà fait pour deux raisons simples : il n'y a pas Ruby Keeler :mrgreen: et surtout il y a un de mes morceaux préférés avec le passage All's Fair in Love and War (tout le monde s'en fout mais j'avais envie de le dire :mrgreen: ) qui est le mélange entre une mélodie bien sympathique (qui va te rester dans la tête) et un superbe travail de Berkeley :wink: Ca commence pépère mais après c'est que du bonheur...
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Miss Nobody »

Demi-Lune a écrit :Berkeley fait ses propres films dans le film et c'est tellement génial que ça plombe à mes yeux, voire même ça écrase, tout l'enrobage diversement désuet d'Enright, LeRoy ou Bacon.

J'ai un peu tendance à regretter la même chose que toi dans tous ces backstage musicals ... mais aussi d'autres films musicaux de la même époque. C'est un peu dommage que les numéros ne soient pas mieux intégrés dans l'ensemble, et d'autant plus quand l'histoire -toujours assez anodine, il est vrai- est charmante (et c'est le cas dans Prologue, découvert ce mois-ci également, où tous les personnages sont très attachants).
Avec les shows spectaculaires de Berkeley, ça reste super dur de faire autrement qu'un final en point d'orgue, voire carrément un "film dans le film"... mais dans ce Prologue notamment, une heure de film non-musical suivi de 30 minutes non-stop de spectacle chorégraphié (soit trois numéros de 10 minutes à la suite, sans un souffle entre), j'ai trouvé ça... comment dire... un peu bancal.
Demi-Lune a écrit :Ruby Keeler, aussi agaçante qu'un bébé Cadum... :oops: :oops:
J'adhère totalement à cette sympathique comparaison. :uhuh:
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Pat Wheeler »

Deux jolies découvertes pour bibi durant la semaine avec Footlight Parade et Wonder Bar, tous deux signés Lloyd Bacon mais dans lesquels - on l'aura bien deviné - les meilleurs moments sont à mettre au crédit du grand Busby Berkeley.
Footlight Parade devance quand même le second de quelques coudées, je me demande en fait si je ne le préfère pas à l'incontournable 42e Rue dans la collabo Bacon - Berkeley: outre les extraordinaires numéros musicaux (avec une mention spéciale pour "By a Waterfall" qui est hum, comment dire, exquis), on a un Cagney et une Joan Blondell en pleine forme qui défendent une intrigue assez intéressante.
On ne peut pas vraiment en dire autant de Wonder Bar avec une Dolores Del Rio un peu limite dans son jeu et des personnages masculins plutôt fades (sauf les deux vieux époux qui essaient de se débarrasser de bobonne(s) pour avoir un peu de bon temps :mrgreen: ). Mais il y a suffisamment de Berkeley's touch et de détails pre-Code croustillants (on peut distinctement lire "son of a bitch" sur les lèvres d'un des protagonistes) pour ne pas s'ennuyer.
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Demi-Lune »

Chercheuses d'or de 1935 : scénario toujours aussi inintéressant à mon goût mais encore du très lourd dans la mise en scène des chorégraphies. Avec Berkeley seul responsable à la réal', on aurait pu espérer qu'il trouve un meilleur équilibre entre ses créations et l'histoire, mais en dépit d'une entrée en matière prometteuse il faudra vite déchanter : Chercheuses d'or de 1935 suit exactement la même structure que tous les autres Warner auxquels il a participé, à savoir que les numéros sont tous concentrés à la fin et ne rendent que plus anecdotique tout ce qui a précédé. Mais la capacité de Berkeley à se réinventer et à concevoir des tableaux tous plus spectaculaires les uns que les autres (à chaque film, on se dit qu'il y a un moment où il va sans doute nous décevoir un peu, ce à quoi il se fait un plaisir de nous faire mentir) en fait un véritable génie. Le ballet des pianos vaut la ronde des violons luminescents de Chercheuses d'or de 1933 (Berkeley se permet même un plan tourné à l'envers pour ajouter à l'irréalisme) et que dire du numéro Lullaby of Broadway, véritable film dans le film, leçon de chorégraphie dont on retrouve clairement les échos dans Cotton Club et Indiana Jones et le Temple maudit.
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Demi-Lune »

feb a écrit :Gold Diggers of 1937... le passage All's Fair in Love and War
Ce tableau est un nouveau tour de force de la part de ce fou furieux de Berkeley. Ces effets de spirales hypnotiques en synchronisant les drapeaux, c'est extraordinaire. Par contre Gold Diggers in Paris, il n'y a rien à mettre sous la dent !
Dans le même genre spectaculaire, la séquence finale de Varsity Show (hélas non disponible sur Youtube) se pose également là. Ça ressemble un peu à quelques chorégraphies de I only have eyes for you de Dames ou de All's fair in love and war justement, avec un décor d'escalier géant, filmé grand angle, par lequel arrive une centaine de figurants menés par une majorette n'en finissant pas de faire la roue, figurants qui vont se mettre à faire des figures géométriques. Ça continue avec un orchestre de jazz perché en haut d'un décor, qui jette à un figurant en bas une balle de baseball qu'il renvoie en direction du grand escalier et de la centaine de danseurs amassés, lesquels s'écartent dès que la balle est attrapée et composent chaque fois, en une seconde, une nouvelle figure dessinant les lettres des équipes. Il faut vraiment le voir pour savourer, c'est impressionnant. Ça fait un peu penser aux cérémonies des jeux olympiques.
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Jeremy Fox »

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Match d'amour (Take me ou to the Ball Game) - 1949


Début du 20ème siècle. Dennis Ryan (Frank Sinatra) et Eddie O’Brien (Gene Kelly) partagent leur temps entre des prestations scéniques dans des spectacles de music-halls et, lorsque la saison sportive débute, leur entraînement avec l’équipe de base-ball des Wolves de Sarasota, Floride. Tout pourrait se poursuivre aussi sereinement s’ils n’apprenaient l’arrivée d’un nouveau propriétaire pour leur club sportif, un certain K.C. Higgins, qui s’avère être une sculpturale et ravissante jeune femme (Esther Williams). Elle souhaite faire régner une discipline bien plus ferme dans l’équipe afin que les joueurs restent au meilleur de leur forme ; finies les sorties nocturnes tardives et du coup quasiment plus de possibilité de continuer sa collection de conquêtes féminines pour le bouillonnant Eddie ! En revanche, le timide Dennis tombe immédiatement amoureux de son nouveau ‘patron’. Ca tombe bien : Eddie décide de l’aider dans sa tentative de séduction, pensant que si jamais ça marchait, Dennis aurait de l’influence sur leur nouveau manager qui lâcherait ainsi du lest, leur faisant retrouver un peu plus de liberté. Il est aidé dans ce plan par son coéquipier et ami, Nat Goldberg (Jules Munshin)…

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La MGM avait été grandement convaincue par le duo Frank Sinatra/Gene Kelly alors qu’il triomphait dans Escale à Hollywood (Anchors Aweigh) en 1944. En cette toute fin de de décennie, la compagnie cherche à renouveler l’expérience d’autant que Frank Sinatra n’a toujours pas véritablement réussi à percer au cinéma concernant sa carrière solo. L’acteur s’est même souvent amusé à dire que le film qui précéda Match d’amour dans sa carrière, The Kissing Bandit, était le pire qui ait jamais été tourné (à tort d’ailleurs puisque la comédie musicale de Laslo Benedek s’était avéré pour ma part assez amusante). Le studio de Louis B. Mayer pariant sur le renouvellement de l’exploit Anchors Aweigh, ce sont Stanley Donen et Gene Kelly qui sont chargés d’écrire l’histoire de Take me Out to the Ball Game d’après une idée lancée par Arthur Freed qui souhaitait voir réunies ses deux passions dans le même film, à savoir la danse et le base-ball. Les deux compères se basent donc sur l’histoire d’Al Schacht et Nick Altrock qui furent au début du siècle à la fois des joueurs de Base Ball et, durant l'intersaison, des vaudevillistes. Le rôle du manager K.C. Higgins avait d’abord été pensé pour Kathryn Grayson (la charmante soprano, partenaire de Gene Kelly et Frank Sinatra dans Anchors Aweigh) puis pour Judy Garland, avant que la nageuse la plus célèbre nageuse d'Hollywood se le voit confié. Et c’est le talentueux Busby Berkeley qui se chargera de la réalisation pour la dernière fois de sa carrière, terminant ensuite celle-ci en ne s’occupant plus que de chorégraphie jusqu’à l’année 1962 ; ce sera pour le sympathique Billy Rose’s Jumbo (La Plus belle fille du monde) de Charles Walters avec Doris Day.

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Paradoxalement, alors que Busby Berkeley fut un génie en la matière durant les années 30, les numéros musicaux dans Match d’amour seront néanmoins réglés pour beaucoup d'entre eux par Donen et Kelly. C’est d’ailleurs une comédie musicale plus proche de celles que réalisera le duo dès l'année suivante que de celles de Berkeley à la Warner, seul l’étonnant numéro ‘Strictly USA’, avec son imposante figuration et ses amples mouvements de caméra, pouvant rappeler les fameuses séquences ‘Bigger than Life’ qu’il chorégraphia dès les premières années du cinéma parlant. Chorégraphe inventif et tout simplement unique en son genre, Busby Berkeley n’a jamais été un grand cinéaste. Il fut surtout réputé pour avoir réalisé à la Warner les extraordinaires numéros musicaux pour les films d’autres réalisateurs tels Lloyd Bacon (42ème rue - 42nd Street) ou Mervyn LeRoy (Chercheuses d’or 1933 - Gold Diggers of 1933), deux purs joyaux du genre, mais il mettra néanmoins en scène l'intégralité de certains autres plus mineurs mais tout aussi délirants sur la forme tels Dames ou Gold Diggers of 1935. Il changea ensuite de studio pour atterrir à la MGM où il fit tourner trois fois le couple Mickey Rooney / Judy Garland avec les très grands succès que furent Place au rythme (Babes in Arms), En avant la musique (Strike Up the Band) et enfin Débuts à Broadway (Babes on Broadway), avant de réaliser cette petite merveille de sensibilité qu’est For Me and My Gal, premier film avec Gene Kelly. Après Banana Split (The Gang’s all here), il ne réalisera plus que deux ultimes œuvres ; sa dernière qui nous concerne ici, moins virtuose, n’en sera pas moins l’une des comédies musicales les plus amusantes de la célèbre équipe d’Arthur Freed à la MGM, Frank Sinatra, Gene Kelly, Jules Munshin et Esther Williams s’amusant comme des petits fous pour notre plus grand bonheur.

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Take me Out to the Ball Game, dans l’ensemble mal reçu par la critique, fera néanmoins des étincelles au box-office américain au point de s’imposer comme l’un des plus grands succès de l’année 1949 ; c’est grâce à ce triomphe que l’on confiera la réalisation de Un Jour à New York (On the Town) à Stanley Donen et Gene Kelly, film qui éclipsera le précédent (tout du moins dans l’histoire du genre). Il reprendra au passage quatre des comédiens de l'ultime film de Berkeley : le trio masculin ainsi que Betty Garrett. Quant à Esther Williams, ne s’étant pas du tout entendue ni avec Stanley Donen ni encore moins avec Gene Kelly, elle se verra remplacée par non moins que Ann Miller et Vera-Ellen. Match d’amour est une comédie musicale mésestimée, certes mineure et moins réussie que son ‘jumeau conscrit’ On the Town, mais pourtant oh combien agréable, rythmée et amusante. Produit par l'équipe phare des 'Musicals' à la Metro-Goldwin-Mayer, c’est l'exemple type de la comédie musicale sans aucune autre prétention que de divertir et de nous donner la pêche ; elle y réussit à merveille. Pas énormément de recherches esthétiques, pas de messages à faire passer, aucun enjeux dramatiques... uniquement de la musique, de la danse, du dynamisme et de la drôlerie ; sur ce dernier point, il faut savoir que le consultant pour les gags sur ce film était loin de débuter puisqu’il s’agissait du grand… Buster Keaton ! Le génie du burlesque était à priori toujours en grande forme, preuve en est par exemple la tentative de drague de Sinatra auprès d'Esther Williams alors qu’il se trouve sur le balcon et que ses amis, cachés derrière lui, le conseillent dans la ‘marche à suivre’ ; séquence qui s'avère hilarante. Dans le domaine de l’humour, l’on trouve aussi quelques séquences gratinées niveau sous-entendus sexuels, notamment l'une des dernières réunissant Esther Williams et Gene Kelly, la première se portant volontaire pour lui "soulager les nerfs", pour lui faire "lâcher la bride" !!!

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Les amateurs du genre aimant à se faire lister les numéros pour se les remémorer ou pour savoir ce qu'ils vont bien pouvoir trouver comme motifs à réjouissance dans le courant du film, en voici le menu. Le film débute par la chanson titre, l'une des seules non composée par Roger Edens mais qui date du début du 20ème siècle, époque à laquelle se déroule l’intrigue du film. Elle est interprétée par Kelly et Sinatra alors qu’on les découvre sur une scène de music-hall, vêtus d’un costume blanc à rayures rouges et nous gratifiant d’une belle démonstration de claquettes. S’ensuivent, les très amusantes ‘Yes, Indeed’ narrant les conquêtes amoureuses affabulées de nos deux vaudevillistes/sportifs ainsi que, en trio avec Jules Munshin, l’acrobatique ‘O'Brien to Ryan to Goldberg’ ; puis, l'énergie dépensée jusqu'à présent ayant besoin d'être réfrénée, voici une très belle ballade, ‘The Right Girl for me’, divinement interprétée par Frank Sinatra à Esther Williams. Une deuxième romance toute aussi réussie lui avait été réservée, cette fois pour déclamer son amour à Betty Garrett, 'Boys and Girls Like You And Me' ; séquence magnifique, filmée quasiment en un seul travelling, malheureusement pas intégrée au film mais que l’on peut découvrir dans les bonus du DVD.

Arrive ensuite la meilleure séquence du film (ayant parait-il nécessitée deux mois de tournage), celle au cours de laquelle l’énergique Betty Garrett harcèle le pauvre Frank Sinatra obligé de la fuir à travers les tribunes du stade, la très amusante ‘It's Fate Baby, It's Fate’, avant que n’ait lieu une très longue scène de plus d'un quart d'heure, celle se déroulant durant la fête nocturne donnée par le personnage interprété par Edward Arnold. Un morceau de bravoure constitué par la patriotique ‘Strictly U.S.A.’, son imposante figuration et ses sublimes mouvements de caméra, puis d’un solo de Gene Kelly à la danse et aux claquettes d’une époustouflante maestria acrobatique, ‘The Hat My Dear Old Father Wore upon St. Patrick's Day’, au cours duquel il est admirable d'apparente décontraction malgré la difficulté de ce qu'il accomplit. Puis enfin, après une partie un peu moins captivante, celle du tournoi de base-ball parfois quelque peu laborieuse, lors du final, Gene Kelly, Frank Sinatra, Betty Garrett et Esther Williams, rendent un bel hommage au travers une reprise de ‘Strictly USA’ à d’autres de leurs célèbres ‘collègues’ de la comédie musicale en convoquant Fred Astaire, Judy Garland, Bing Crosby et Kathryn Grayson.

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Pour pouvoir pleinement apprécier le film, il faut savoir que Busby Berkeley a lâché la bride à ses acteurs qui cabotinent à outrance, Gene Kelly en tête dans la peau du sempiternel et exubérant coureur de jupons. A ses côtés, Sinatra interprète une nouvelle fois le timide maladroit et naïf, Jules Munshin, le bon copain, Betty Garrett, la croqueuse d'hommes et Esther Williams la femme sculpturale à fort caractère. Les chansons de Betty Comden, Adolph Green et Roger Edens sont toutes entrainantes, amusantes et facilement mémorisables et le tout passe à une vitesse phénoménale d'autant plus que Berkeley s'amuse avec son montage extrêmement dynamique, utilisant beaucoup dans le dernier tiers les superpositions d’images en mouvements qui donnent à ces séquences un bel élan de vitalité. On en ressort lessivé mais on en redemande ! Une comédie musicale loin d'être parfaite, parfois même assez quelconque dans sa mise en scène hors séquences musicales, mais cependant pêchue, joviale et colorée !
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par bruce randylan »

Whoopee (Thornton Freeland - 1930)

Fiancée malgré elle à un shérif violent et jaloux, une femme craint pour la vie de l'homme qu'elle aime. Elle décide de prendre la fuite avec l'aide d'un ami hypocondriaque. Le shérif croit à une fugue sentimentale et entreprend de les retrouver !

Film bénéficiant d'un statut un peu culte au USA pour être le premier long-métrage parlant avec le comique Eddie Cantor, Whoopee est aussi connu pour être le premier film sur lequel travailla Busby Berkeley (qui fut recommandé par Cantor). Il est assez incroyable de voir que pour un premier essai, tout est déjà là ou presque : les vues en plongées qui forment des figures (florales) kaléidoscopiques, le jeu sur les ligne et personnes les uns derrières les autres, les angles de prises de vues qui sortent de la scène etc... Manque seulement les amples mouvements de caméra, sans doute absents par un maigre budget, des décors exigus et un tournage en technicolor bichrome.
Sur la petite demi-douzaine de numéro musicaux, deux portent clairement son style et font preuve d'une assurance éclatante même si on le sent à l'étroit. En revanche, le final est assez décevant, c'est une sorte de défilé en costumes, sans inspirations, platement mise en scène et jamais stimulant.



Quant au film, c'est plutôt une bonne surprise malgré les 20 premières minutes qui semblent mettre une éternité à se mettre en place. On a l'impression qu'on ne quittera jamais le décor de cette grande villa mexicaine dont on a vite fait le tour. L'humour est assez terne, comme les acteurs et l'intrigue. Et puis quand le duo se cache dans une autre hacienda (très similaire de la première :mrgreen: ), on commence à vraiment s'amuser. Eddie Cantor (que je connais vraiment mal) se lâche et donne quelques moments savoureux d'humour absurde, pas si loin du non-sens des Marx Brother, annonçant même pas moment Woody Allen (clairement une source d'influence pour Tout le monde dit i love you qui reprend deux chansons présentes ici : "Makin’ Whoopee" and "My Baby Just Cares for Me").

Il y au milieu du film 15-20 minutes totalement délirantes entre slapstick, jeux de mots improbables (half breed et halfbreath), sous-lecture homosexuelle (un duel sur l'état de santé qui finit en ébat au sol ; Cantor très surpris de voir son meilleur ami torse nu :o ) et des moments totalement surréalistes comme la préparation d'un petit déjeuner et une séquence fabuleuse de triple interrogatoire à la logique imbattable autour d'assiettes en équilibre !
Le dénouement est moins surprenant et moins fou comme si le fait de devoir vraiment développer l'histoire annihiler toute inspiration comique (cela dit le discours sur les indiens est assez bienveillant).

Après il faut savoir que la copie 35 mm projetée à la cinémathèque était incomplète, il manque 15 minutes. Cette copie photochimique (provenant de Prague) serait la dernière à être encore existante. On dirait que les copies qui circulent (dont le DVD warner archive ?) ont été colorisés à partir d'éléments noir et blanc. :(
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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Profondo Rosso »

Ah je n'avais pas vu le topic up avec les découvertes récentes que je remets ici

42e Rue (de Lloyd Bacon 1933)

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Julian Marsh (Warner Baxter), célèbre producteur de Broadway, lance un nouveau spectacle malgré sa santé fragile. La production est financée par un vieil homme fortuné, amoureux de Dorothy Brock (Bebe Daniels), la vedette de la comédie musicale....

42nd Street marque la première collaboration du chorégraphe Busby Berkeley à la Warner, et dont le succès conjugué à celui de Gold Diggers of 1933 la même année l'imposera à Hollywood. Le film est aussi son premier avec le réalisateur Lloyd Bacon, remplaçant au pied levé Mervyn LeRoy et qui deviendra un complice sur de nombreuses production à venir. Le film (adapté d'un roman de Bradford Ropes) définit l'archétype des comédies musicales dépeignant la confection d'un spectacle. 42nd Street se démarque cependant toujours de ses héritiers par son profond ancrage dans le contexte de la Grande Dépression. Contrairement à l'euphorie de Prologue, Bacon/Berkeley suivant et à la trame voisine, le spectacle n'est jamais une fête dans 42nd Street. Ayant voué son existence et laissé sa santé à Broadway, le metteur en scène Julian Marsh (Warner Baxter) joue son va-tout avec un nouveau spectacle. Le prestige de ses triomphes passé doit enfin se conjuguer à un succès financier alors que l'on devine qu'il a tout perdu dans le krach boursier. Chacun à leur échelle, cette tension et peur concerne l'ensemble des personnages participant au show. La vedette Dorothy Brock (Bebe Daniels) aura ainsi sacrifiée son seul amour Pat Denning (George Brent) au succès, faisant d'elle le jouet du mécène libidineux Abner Dillon (Guy Kibbee). Cette idée se prolonge à la troupe de danseuses pour lesquels le spectacle représente plus un gagne-pain possible qu'une réelle aspiration artistique. Lloyd Bacon dépeint cela dans un mélange de mélodrame et de vraie trivialité, la séquence d'audition alternant caractérisation truculente des danseuses (Ginger Rogers en tête et castée par Mervyn LeRoy avec lequel elle sortait et qui la dirigera dans Gold Diggers of 1933) et la peur pour la petite chose fragile et innocente qu'est la nouvelle venue Peggy Sawyer (Ruby Keeler).

L'espace de ce monde du spectacle n'est que douleurs, efforts et anxiété entre des danseuses à bout de force et Julian Marsh se désagrégeant tout autant par l'exigence qu'il leur impose. Cela reste pourtant un lieu d'oubli de soi quand l'extérieur n'a que déception à offrir, entre romance triviale/sordide et le vrai déchirement sentimental tel cette séquence ou Pat Denning et Dorothy Brock se séparent presque comme on rompt un contrat par la seule cause de leur trajectoire professionnelle divergente. Leurs émotion trahit pourtant la supposée froideur du procédé et bouleverse par son inéluctabilité. Le seul rayon de soleil, la seule amenant une aura de conte de fée à l'ensemble est Peggy, magnifiquement interprétée par Ruby Keeler. De son engage à son apprentissage ainsi que du final en vedette, tout son parcours relève du miracle transcendant le contexte social difficile. Elle est le moteur faisant dépasser aux autres protagonistes leurs intérêt (le couple Pat/Dorothy) ou leur anxiété (Julian Marsh enfin attachant dans le rush final). Au contraire de Prologue faisant montre d'une grandiloquence et d'une sophistication qui nous emmènera dans une véritable réalité alternative, les séquences musicales de 42nd restent solidement ancrées au réel. Les passages sur scène alternent avec les coulisses en ébullition (quand le réel s'estompera totalement dans Prologue), les cadrages et la mise en scène laissant d'ailleurs toujours laisser deviner justement que l'on se trouve sur une scène. Les thématiques des séquences (le mariage et son issue plus ou moins heureuse, la promiscuité des couchettes de train en route pour la lune miel, un meurtre dans une ruelle) prolonge ainsi les angoisses et problématiques des spectateurs tout en insérant le grain de folie de Berkeley (le mouvement de caméra arpentant la ruelle dans la séquence de meurtre, les chorégraphies géométrique) même si la vraie folie et démesure interviendra avec Prologue. Le final avec l'auteur seul face aux réactions de son public et désormais dépossédé de sa création achève de conclure le film loin du happy-end et de la magie associée à Broadway, toujours un pied dans la cruelle réalité. 5/6

Prologue de Lloy Bacon et Busby Berkeley (1933)

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À l'avènement du cinéma parlant, Chester Kent, producteur et metteur en scène de spectacles musicaux, se retrouve sans travail. Il décide alors de monter des prologues destinés à passer en première partie des films. Mais une espionne introduite parmi les chorus girls lui vole systématiquement ses idées pour les revendre à une firme concurrente.

Footlight Parade marque, avec 42e rue sorti quelques mois plus tôt l'avènement de la collaboration entre Lloyd Bacon et Busby Berkeley et la révélation du génie de ce dernier. Berkeley s'était vu accorder une grande liberté de manœuvre sur 42e rue, laissant libre cours à ses extravagances qui contrebalançaient une intrigue assez sombre sur l'envers du décor de ce monde du spectacle. Prologue constitue donc en quelque sorte le pendant lumineux de cette réussite initiale, la légèreté et la bonne humeur prédominent cette fois dans un récit jumeau dépeignant le chemin semé d'embûches de la création d'un spectacle musical. L'histoire dépeint un contexte oublié où au début des années 30 le cinéma gardait encore un lien avec ténu avec le monde du spectacle et du music-hall. L'avènement du parlant met à mal la production de spectacles musicaux, mettant le producteur Chester Kent (James Cagney) sur la touche pour un temps. Faute de pouvoir créer un spectacle à part entière, il va devenir un complément de son rival cinématographique en façonnant des prologues aux thématiques liées au film à venir (idée avancée au début du film mais on se demander quel film pour suivre les extraordinaires shows qui précèdent), à un rythme industriel l'obligeant constamment à se réinventer et se produire dans toutes les salles de cinéma du pays.

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Toute la première partie du film dépeint donc le long et laborieux processus créatif pour façonner de nouveaux prologues, la vie quotidienne de la troupe et les difficultés multiples inhérentes à ce monde du spectacle exalté mais impitoyable. Ces passages que l'on doit à Lloyd Bacon sont loin de constituer un remplissage sans intérêt comblant le vide avant les morceaux de bravoures de Busby Berkeley. Ils sont au contraire cruciaux pour que les numéros musicaux ne soient pas juste un ébahissement visuel mais réellement impliquant de par l'intérêt et l'attachement aux personnages qui a précédé. Lloyd Bacon sur un rythme trépidant rend caractérise ainsi en quelques vignettes une multitude de protagonistes, tous incarnés et inoubliables tout en fonctionnant sur des archétypes (le chorégraphe dépassés et pleurnichard, le jeune premier bellâtre incarné par Dick Powell, les producteurs fourbes et roublard). Cette légèreté de ton et ce rythme endiablé n'estompe cependant pas (même si le ton est moins mélodramatique et sombre que 42e rue) les pans les plus sombres de ce monde du spectacle avec un "espionnage industriel" entre compagnies rivales, croqueuse de diamants (l'ex-femme de Kent joué par Renee Whitney, la prétendante perfide incarnée par Clair Dodd), profiteur placé là pour leur lien familiaux (le censeur Hugh Herbert) où les gigolos castés pour leurs "amitiés" avec l'épouse rombière (Ruth Donnelly) du producteur.

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Au centre de toute cette agitation, l'artiste habité et désintéressé qu'interprète avec un brio étourdissant James Cagney. Surtout connu pour ces rôles de gangsters à la Warner, l'acteur fit des pieds et des mains auprès du studio pour figurer au sein du film en faisant valoir sa formation initiale de chanteur et de danseur. Véritable boule d'énergie emportant tout sur son passage, il symbolise merveilleusement l'artiste aveugle au monde extérieur, y compris l'amour de sa fidèle secrétaire (magnifique Joan Blondell) auquel il préfère forcément le clinquant trompeur de harpies intéressées. Lloyd Bacon nous mène si bien que l'on en oublie l'absence de séquence musicale pendant près d'une heure (si ce n'est le court numéro Cats). Ce n'est que quand la troupe joue son va-tout avec trois numéros préparés dans l'urgence que les prologues enfin teintés d'enjeux peuvent se déployer durant les dernières quarante minutes frénétiques.

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Busby Berkeley réalise (ou du moins est crédité) l'ensemble des numéros musicaux montrant chacun une facette de sa virtuosité. Le vaudeville tourbillonnant guide le Honeymoon Hotel truffés de couple illégitimes, tout en cache, en entrée et sortie et mouvements de caméra virevoltant dans l'architecture modulable de cet hôtel. Ce n'est pourtant rien comparé à l'extraordinaire By a Waterfall, véritable symphonie des eaux où des nymphes dénudées nous charme tout en par leur formes généreuses devenant brusquement abstraites lorsqu’elles façonnent d'éblouissante figures géométriques. L'atmosphère dionysiaque est servie par les costumes extravagants, la métronomie des figures imposée par les chorégraphies de Berkeley se reposant sur le brio de ses chorus girls ou de tous les artifices que l'outil cinématographique peut lui offrir : jeu sur la perspective de l'impressionnant décor, transparences, fondus enchaînés et accélérations. C'est un émerveillement que l'on imagine mal être égalé par le dernier numéro Shanghai Lil mais en plaçant toujours la dramaturgie en amont, le film fait mouche une fois de plus.

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La tension est à son comble dans cet ultime prologue où rien n'est résolu, et c'est l'occasion pour James Cagney d'enfin entrer en scène (avec un cadrage habile qui qui retarde la réalité de sa présence dans le numéro). On ressent la pure audace du Pré-Code (et d'ailleurs dans tout le reste du film avec son festival de danseuse en petite tenue et autres robes transparentes) avec cette atmosphère de maison close orientale, ses prostituées métissée et ses bars à opium, la trame jouant habilement sur le propre destin d'éternel dupé par les femmes du personnage de Cagney. Le passé d'instructeur militaire de Berkeley ressurgit le temps d'une parade militaire finale conclue par une idée géniale introduisant l'animation à l'ensemble. La réussite sur scène se conjugue au bonheur des héros (annoncé en amont avec le révélateur de la féminité de la scène pour Ruby Keeler), l'enjeu amoureux se nouant dans un judicieux fondu au noir ou plutôt un tombé de rideau parfait. La banane de la première à la dernière seconde ! 5,5/6

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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Profondo Rosso »

Dames de Ray Enright et Busby Berkeley (1934)

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Un milliardaire puritain et son cousin tentent de compromettre une toute nouvelle production de Broadway mise en scène par un de leurs parents éloignés.

En trois triomphes artistiques et commerciaux signés en durant la seule année 1933 (42e rue et Prologue de Lloyd Bacon, Gold Diggers of 1933 de Mervyn LeRoy), Busby Berkeley était devenu une figure incontournable de la Warner avec ses numéros musicaux extravagant. Cette importance se manifesterait également au générique des films puisque de simple chorégraphe sur Gold Diggers of 1933 et 42e rue il serait désormais crédité comme coréalisateur et seul créateur des séquences musicales. Cette mainmise progressive permet du coup de saluer le talent de Lloyd Bacon et Mervyn Leroy puisque dans leurs films le final sur un grande séquence musicale constituait le point d'orgue mais pas la seule raison d'être d'un récit qui aura su nous tenir en haleine par son énergie et euphorie (Prologue), sa force drame (42e rue) et une tonalité constamment inscrite dans le contexte d'alors de la Grande Dépression (42e rue). Avec Dames (1934), la formule est désormais bien installée tout comme les acteurs récurrents (on retrouve le couple Dick Powell/Ruby Keeler, Joan Blondell ou encore Hugh Herbert et Guy Kibbee caution comique des films précédents) et le réalisateur semble avoir une marge plus réduite, Ray Enright étant le troisième choix après notamment la défection de Archie Mayo initialement envisagé.

Le scénario de Robert Lord et Delmer Daves tente une approche différente, le cœur du récit ne reposant plus sur la seule confection du spectacle et ce dernier ne constituant plus ce refuge face à la crise économique qui n'est plus évoquée (seul le personnage Joan Blondell reste rattaché légèrement à ce contexte sinon les héros sont des nantis). L'angle choisit reste néanmoins pertinent en dépeignant le monde du spectacle comme un havre de liberté s'opposant à une société puritaine et adepte de la censure, d'autant que le Code Hays désormais bien mis en pratique amène un lissage de l'érotisme et de la provocation des films précédents. Hal Wallis fit notamment éliminer du script avant tournage un numéro qui montrait une bagarre entre un chat et une souris conclut par une Joan Blondell entonnant la douce invitation "come up and see my pussy sometime" qui aurait eu du mal à passer. Dans le film le puritain et excentrique milliardaire Ezra Ounce (Hugh Herbert) soumettra ainsi ses héritiers à une morale irréprochable qui n'implique évidemment pas de participer à des spectacles de Broadway. Jimmy' Higgens (Dick Powell) et Barbara Hemingway (Ruby Keeler) n'en ont cure et feront passer quelques suées à leur entourage lorgnant sur l'héritage, le père (Guy Kibbee) subissant même le chantage de la provocante Mabel Anderson (Joan Blondell irrésistible comme d'habitude) pour financer le spectacle.

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L'approche était donc intéressante mais reste à l'état d'ébauche et fait plutôt figure de prétexte en attendant le final musical. La comédie un peu balourde arrache certes quelques sourires, le couple Dick Powell/Ruby Keeler est toujours aussi charmant mais on sent la formule et tout cela fait tout de même office de remplissage avec les numéros musicaux. Heureusement là tout est pardonné tant Busby Berkeley semble au sommet de son inventivité et extravagance. The Girl at the Ironing Board voit une Joan Blondell modeste lingère s'épanouir au milieu des pyjamas et autres sous-vêtement masculins, osant une promiscuité audacieuse (un pyjama ayant semble-il la main baladeuse) et des images complètement folles. Ce n'est pourtant rien à côté de I Only Have Eyes for You, déclaration d'amour et ode délirant à Ruby Keeler. On opère d'abord par le vide avec un contexte réaliste (ruelle, métro, publicité) se vidant pour laisser place à un Dick Powell énamouré d'une ravissante Ruby Keeler. On procède ensuite par l'envahissement, l'espace mental de l'amoureux fou se remplissant de l'image de Ruby Keeler sous toutes les formes possibles : masques gigantesques, illusion d'optique et jeu sur la perspective nous faisant croire qu'elle se démultiplie à l'écran à travers toutes les danseuses vêtues comme elle et bien sûr omniprésence de l'intéressée quasiment de tous les plans et renforçant la prouesse vertigineuse. La déclaration s'étend à la femme et à ses charmes dans son ensemble avec Dames, ultime numéro coquin en diable et où la caméra de Berkeley se fait plus virevoltante que jamais, multipliant les effets pour mieux s'abandonner à son gouts pour les formes géométriques. La résolution est expédiée avec la même désinvolture que ce qui a précédé mais en dépit du récit lâche l'émerveillement pour les séquences musicales aura quand même réussi à nous emporter. 4,5/6

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Re: Busby Berkeley (1895-1976)

Message par Profondo Rosso »

Gold Diggers of 1933 de Mervyn LeRoy

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Trois amies, Polly, Carol et Trixie, rêvent depuis longtemps de participer à une revue de music-hall. Elles ont d'ailleurs déjà signé un contrat exclusif pour un nouveau show. De son côté, le producteur, Barney Hopkins, cherche à monter un nouveau spectacle. Mais le nerf de la guerre, c'est-à-dire l'argent, lui fait cruellement défaut. Par chance, Brad Roberts, un jeune et fortuné compositeur, qui plus est épris de Polly, décide, par amour, d'investir 15 000 dollars dans le show. Les répétitions commencent. Innocente, Polly s'étonne de l'attitude de Brad. Elle en vient même à penser qu'elle a affaire à un voleur...

Après des débuts cinématographiques dans les "musicals" de Eddie Cantor où il commença à expérimenter les techniques et l'esthétique qui allait le rendre célèbre, Busby Berkeley est engagé à la Warner où en trois classiques sortis coup sur coup (42e rue, Gold Diggers of 1933 et Prologue) il devient un incontournable et une véritable marque déposée d'Hollywood. Les trois films sont très proche par leur postulat (la conception d'un spectacle musical) leur contexte et casting qui finit par constituer une familiarité avec le spectateur (le couple Dick Powell/Ruby Keeler) mais parviennent pourtant à se démarquer dans le ton. 42e Rue est le plus sombre et s'attarde notamment sur la solitude et la souffrance du créateur Prologue à l'inverse sur l'ivresse et l'euphorie de ce monde du spectacle. Gold Diggers of 1933 sorti entre les deux films précités (signé Lloyd Bacon) et réalisé par Mervyn LeRoy prolonge la veine sociale de 42e rue sans se départir d'une légèreté qui s'épanouira dans Prologue. Les numéros musicaux ne sont ni l'aboutissement ultime de l'intrigue, ni des apartés indépendants mais constitue un habile entre-deux. Le scénario habile inscrit le contexte de Grande Dépression en contrepoint constant entre les numéros musicaux et l'intrigue classique. Le début du film fait ainsi rattraper le monde du spectacle par la crise économique avec la saisie des accessoires d'une revue à venir. Un évènement qui met dans le pétrin le trio de danseuses Polly (Ruby Keeler), Carol (Joan Blondell) et Trixie (Aline MacMahon) dont on rit jaune du dénuement dans l'appartement qu'elles partagent. Heureusement le nouveau spectacle monté par Barney Hopkins (Ned Sparks) et le talent du compositeur en herbe Brad Roberts (Dick Powell) vont les sortir de là.

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Nous aurons ainsi découvert le contexte de crise par le monde réel alors que le premier numéro musical (si l'on excepte l'introduction We're in the Money de Ginger Rogers) célèbre un hédonisme et une imagerie plutôt associés aux Année Folles avec Pettin' in the Park avec ces jeux amoureux coquins, sa langueur et son érotisme élégant et très Pré-Code (les portes jarretelles bien saillants lorsque les danseuses dévalent les escaliers le déshabillage en jeu d'ombres). La légèreté du numéro offre ainsi un contrepoint à la difficulté matérielle ressentie dans la réalité en dépit de l'approche amusée. La suite du film inversera quelque peu cette construction, la Grande Dépression s'invitant sur scène tandis que le ton se fait plus léger dans le monde réel. On s'amuse ainsi du charivari amoureux jouant sur la lutte des classes, l'auteur Brad Roberts étant un riche héritier dont la famille n'accepte pas la carrière et le mariage avec Polly. Son frère (Warren William) vient l'en dissuader mais s'éprend à son tour de Carol. Les quiproquos emportent l'adhésion et le romantisme charme sous les gags tordants (l'achat de chapeau), le snobisme des nantis et les sentiments intéressés des "chercheuses d'or" (Trixie hilarante de cynisme) étant renvoyés dos à dos.

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Après un marivaudage débouchant sur une romance inattendue (Joan Blondell toujours aussi pétillante au côté de l'emprunté Warren William) surmontant les clivages avec le sourire la crise se rappelle à notre souvenir avec un fabuleux numéro Remember My Forgotten Man décrivant la déchéance de ces soldats anonymes et livrés à eux-mêmes à leurs retour dans ce pays sinistrés qu'ils étaient parti défendre. La séquence s'inspire de la réelle marche des vétérans organisée à Washington en 1932 et Berkeley déploie une imagerie expressionniste puissante, à la force dramatique poignante donnant une portée plus grande encore au film. Ce n'est pas le numéro le plus virtuose du film (The Shadow Waltz et ses violons en néons qui a précédé est là pour ça) mais le plus intense et touchant par la profondeur qu'il amène au récit, puissamment chanté par une Joan Blondell habitée. Le numéro impressionna tant Jack Warner et Darryl F. Zanuck qu’ils décidèrent de le déplacer à la fin du film (initialement destinée à Pettin' in the Park). Le sourire et les larmes dans un très habile dosage où la force narrative de Mervyn LeRoy est aussi importante que l'imagination débordante de Busby Berkeley. 5/6
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