Tout ce que j'ai vu de Capra jusqu'ici m'a enthousiasmé. J'attendais peut-être trop de ce
Mr Smith. Je me suis retrouvé avec une fable politique sans doute animée par une vraie sincérité dans ses convictions, mais assez peu subtile dans sa démonstration. Ça démarrait plutôt bien, avec Jimmy Stewart parfait dans son rôle de gentil provincial plein de bonne volonté. Son duo avec Jean Arthur est certes convenu, mais l'interprétation est suffisamment pétillante et les répliques cinglantes. Claude Rains est divin.
Capra s'efforce de tracer un portrait global du monde politique et de ce qui le lie à la fois au milieu des affaires et à la presse. Les élans de patriotisme sont émouvants parce qu'ils sont ici judicieusement inscrits dans des symboles forts (drapeau, monuments, personnalités, textes, etc., comme autant d'incarnations d'une Histoire nationale dont il y a tout lieu d'être fier). L'indignation du spectateur est titillée comme il faut quand il faut. Mais tout cela demeure un peu trop superficiel à mon goût.
Et surtout, selon moi, Capra rate complétement son climax qui avait tout pour être un grand moment. Au lieu de se focaliser sur la performance de Smith et de le laisser développer son discours, il ne cesse de sortir du Sénat pour nous montrer les réactions de la population et les manipulations de Taylor le véreux. Il casse ainsi la dynamique réthorique, trahissant un manque de confiance dans la toute puissance du langage, alors que c'est précisément ce qui est au cœur de la scène. Le plaidoyer de Smith n'est plus qu'une suite d'épisodes et le fond de son discours perd toute substance. Comme si seuls comptaient le concept, la forme, l'idée d'une lutte pour la parole, au détriment de la cause elle-même. On le laisse donc s'égosiller tout seul. C'est dommage cette frilosité de la part d'un scénariste aussi doué que Capra, parce que c'était l'occasion justement de mettre enfin sur le même plan les idées et l'âme,
Le film souffre également de son manque de moyens. Cette production Columbia a en effet toutes les apparences d'une modeste série B. On note quelques plans tournés en extérieurs, mettant en valeur les monuments emblématiques de Washington. La reconstitution de la grande salle du Sénat a du engloutir les 3/4 du budget. Pour le reste, Capra échoue un peu à transcender le manque de moyens. Les arrière-plans sont souvent nus, quand ils ne sont pas remplis par des rétroprojections assez moches. La mise en scène est la plupart du temps bien statique, très théâtrale dans son dispositif, ce qui tranche d'autant plus avec les séquences plus inspirées formellement (la bougeotte du chapeau de Smith, la scène du procès et ses jeux de regards). Ce n'est évidemment pas sur ces seuls aspects techniques que j'évalue la réussite du film, mais ce sont pour moi autant d'éléments qui brident mon appréciation finale et m'empêchent de souscrire à 100 %.