Jean Negulesco (1900-1993)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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kiemavel
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par kiemavel »

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The Forbidden Street (USA)/Britannia Mews (UK) 1949
Réalisation : Jean Negulesco
Production : William Perlberg (20th Century Fox)
Scénario : Ring Lardner Jr. d'après le roman de Margery Sharp
Image : Georges Périnal
Musique : Malcolm Arnold

Avec :

Dana Andrews (Henry Lambert/Gilbert Lauderdale)
Maureen O'Hara (Adelaide 'Addie' Culver)
Dame Sybil Thorndike (Mrs. Mounsey)
Fay Compton (Mrs. Culver)
A.E. Matthews (Mr. Bly)

Addie Culver, une jeune fille de la bonne société Londonienne a passé toute son enfance dans un hôtel particulier cossu situé juste en face d'une ruelle sordide, la Britannia Mews. Ses parents qui souhaitent parfaire son éducation font appel à un habitant de la ruelle, Henry Lambert, un artiste doué mais pauvre gagnant sa vie en donnant des cours de peinture. Il séduit la jeune femme qui décide de rompre avec sa famille lorsque ses parents refuse cette liaison. Elle épouse Henry et vient habiter la ruelle alors que ses parents partent s'installer à la campagne. Les années passent et le succès ne vient pas pour Henry, toujours occupé à parfaire le chef d'oeuvre qui le ferait remarquer. Au désespoir d'Addie, Il boit de plus en plus, multiplie les liaisons et cesse d'enseigner la peinture...
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Attention : multiples spoilers mais c'est un film dont il est difficile de rendre compte sans livrer certaines informations qui vont troubler les gens désirant partir dans l'inconnu. Il existe deux versions de ce film de Jean Negulesco tourné à Londres : une version américaine (The Forbidden Street) et une version anglaise (Britannia Mews). Les deux sont semble t'il très différentes en raison de leurs montages réalisés par deux professionnels ayant travaillé isolément des deux cotés de l'Atlantique. Ne connaissant pas la version anglaise, je ne rend compte que de la version américaine. Ce film présente la particularité d'avoir été éreinté par son metteur en scène et par ses deux interprètes principaux mais il ne mérite pas selon moi les commentaires très négatifs qu'en aurait fait notamment Jean Negulesco dans son autobiographie (que j'ai lu mais je n'ai pas retrouvé mention du film dans ma relecture rapide du bouquin). Alors certes, c'est un film bancal et très étrange qui tient d'abord du mélodrame gothique…mais même cette partie est épicée d'un humour assez discret mais bien réel qui tire le film vers la satire sociale, puis au centre du film il tourne au film criminel avec la mort violente d'un des principaux protagonistes et l'irruption d'un témoin malveillant qui exercera un chantage sur Addie. Durant cette période transitoire qui est comme un passage vers la dernière partie, c'est le personnage de la maitre chanteuse qui devient le centre d'attraction notamment en raison de l'interprétation spectaculaire de Dame Sybil Thorndike et enfin le film nous réserve une dernière surprise, alors que l'on a d'abord l'impression que l'histoire va se répéter en raison de la personnalité du second compagnon d'Addie qui est la copie conforme -à plus d'un titre- du précédent, le film bascule assez brutalement et devient une comédie de moeurs assez détendue. Cette succession d'atmosphères rend le résultat final assez déconcertant mais pas inintéressant.

Negulesco parvient d'abord à créer un climat de mystère et d'inquiétude par ce qu'il nous montre du Londres victorien. En dehors d'Addie, le centre du film est bien la Britannia Mews, la ruelle qu'elle peut observer par la fenêtre de sa chambre d'enfant. C'est une vraie cour des miracles à l'anglaise peuplée de personnages sortis de Dickens portant pour certains des sobriquets imagés "the Blazer", "the Sow", mais il représente pour la petite fille que l'on découvre un monde fascinant et animé à l'opposé du monde sclérosé qui est le sien. Dès l'enfance, Addie est en rupture avec son milieu. Si son entourage manifeste de la répulsion envers le taudis, en dépit des consignes des gouvernantes interdisant aux enfants de s'y aventurer, la petite Addie est attirée irrésistiblement par la ruelle. Même si la beauté de cette laideur est évidente pour le spectateur en raison de la qualité du travail des décorateurs et celui encore plus spectaculaire du génial Georges Périnal, le directeur de la photographie, l'attirance éprouvée par la petite fille est un peu mystérieuse mais ce lieu représente pour elle l'exubérance et la vie pour celle qui est entouré d'êtres paralysés par les convenances (sa mère) ou étriqué, faible et dominé par son épouse (son père). C'est d'ailleurs au nom de cette rigueur et en raison des idées arrêtées de sa mère sur ce que doit être l'éducation convenable d'une jeune fille de la bourgeoisie qu'elle fait son malheur. C'est en effet, Henry, le peintre fauché vivant dans la ruelle, engagé pour donner des cours de peinture à Addie et à sa cousine, qui séduit la fille de la maison et provoque la rupture avec sa famille.
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Cette première partie du film n'est pas seulement une critique sociale car derrière l'inquiétude et la gravité perce beaucoup d'ironie dans les portraits des parents mais Addie n'est pas épargnée non plus. Elle est montrée comme superficielle, incapable d'affronter sa mère et du coup, elle s'enfuit avec le premier venu, un artiste bohème et noceur, à l'opposé de son père, un rentier rabougri et quasiment gâteux. Henry met d'ailleurs en garde Addie qu'il ne fera pas un bon mari, rien n'y fera. Mais elle a beau vouloir fuir son milieu avec celui qui représente pour elle l'image de la liberté, un artiste, elle restera presque jusqu'au bout prisonnière de l'éducation qu'elle avait reçu et même dans la Britannia Mews, elle tentera de maintenir un semblant de confort et de tenue à la maison entourée de taudis. Elle restera toujours un peu déplacée dans ce milieu trop éloigné du sien…contrairement à Henry qui avait cru se sortir de la fange avec son art et qui le succès ne venant pas, y replongera de plus belle, se noyant dans l'alcool et finissant par ressembler à certaines épaves du voisinage fréquentant la taverne de l'allée.
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Au bout du conflit, il y aura la fin tragique d'Henry. Au cour d'une dispute, elle le poussera pour se dégager et il fera une chute mortelle dans l'escalier donnant sur la ruelle. A partir de là, Addie va se trouver pièger dans une relation malsaine avec Mrs Mounsey, la "sorcière" de la Britannia Miews qui ayant été témoin de la chute d'Henry, fera du chantage et vivra au dépend de la jeune veuve.
Puis, à partir de l'irruption d'un autre homme, Gilbert Lauderdale, dans la vie d'Addie, le film va progressivement basculer même si au premier abord, on pense qu'elle va à nouveau se lancer dans une aventure amoureuse désastreuse et répéter la relation vécue avec son premier mari. Gilbert apparait, des mois après la mort d'Henry, au bas de l'escalier ou celui ci avait trouvé la mort…et c'est presque un sosie que l'on découvre. En effet, les deux hommes sont en apparence presque en tous points semblables et pas seulement par le caractère. C'est le moment de préciser que les deux principaux personnages masculins, les 2 hommes d'Addie, sont interprétés par Dana Andrews. Pour le rôle d'Henry, il avait été maquillé, un peu vieilli, on l'avait affublé d'une barbe…et on l'avait doublé. Je n'ai pas trouvé trace d'un doubleur mais çà ne peut pas être sa voix. On a donc Dana Andrews mais parlant avec un accent anglais assez surprenant. Ensuite, lorsque Addie trouve un homme ivre au bas de son escalier et découvre qu'il ressemble à son défunt mari, on retrouve le Dana Andrews que l'on connait et on le retrouve...avec sa voix. Gilbert est lui aussi un artiste raté vivant dans la rue et comme Henry, il est ivre du matin au soir mais il commence par débarrasser la jeune femme de l'emprise qu'avait sur elle Mrs. Mounsey et gagne ainsi sa confiance. Par contre, Addie -échaudée par son 1er mariage-acceptera d'héberger Gilbert mais sans qu'une relation amoureuse se noue entre eux, ou plutôt elle restera longtemps platonique.
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Comme je l'ai dit plus haut, alors que l'on a l'impression que l'histoire va se répéter et qu'Addie s'est encore trompé, Negulesco nous réserve une surprise car en dépit des apparences, et malgré des caractères très ressemblants, les deux hommes d'Addie sont en réalité très différents, le second étant une version positive du même homme. A ce titre, le choix de faire interpréter les deux personnages par le même comédien est justifié. Henry était un artiste idéaliste rêvant de perfection et du tableau qui le ferait remarquer, remaniant sans cesse la même oeuvre. Addie était tombé accidentellement sur une boite contenant des marionnettes de très belle facture qu'avaient réalisées Henry pendant ses années de formation à Paris mais s'il en avait été le créateur, il n'avait su qu'en faire. Or, c'est sur ces marionnettes que tombe un jour Gilbert. Il les tire de l'oubli et décide de se former pour un jour monter des spectacles de marionnettes…et il y parvient. Les spectacles montés par Gilbert obtiennent un grand succès et progressivement un public de plus en plus huppé se met à fréquenter la Britannia Mews…qui commence à se transformer...

Et c'est seulement après coup que l'on s'aperçoit qu'avec ses marionnettes, Negulesco et ses scénaristes avaient filé une métaphore tout du long, l'air de rien…On repense après la projection à ces grands bourgeois, marionnettes guidés par les convenances et les lois de leur milieu. On se souvient de la fenêtre de la chambre d'Addie qui offrait un cadre par lequel elle pouvait observer l'agitation attirante de la ruelle. On repense surtout aux petites filles alignés comme des poupées, cadrées immobiles dans la porte de pierre de la ruelle, entourées de gouvernantes à l'air sévère qui attendaient Addie au retour de son excursion dans la Britannia Mews alors qu'elle était enfant. On se souvient des marionnettes soigneusement façonnés par Henry et de son incapacité à se faire comprendre et accepter par les être humains qui l'entouraient, y compris par sa femme. Il est vrai qu'elle est bien rigide, bien malgré elle, Addie, et elle même était par moment montrée comme une poupée trop bien pomponnée dans une maison elle même trop bien tenue dans un environnement plutôt sordide (...et l'élégance de Maureen O'Hara tout du long est effectivement incongrue dans un tel contexte). Bref, je fais long mais je m'aperçois que je ne sais pas parler de ce film mais promis juré il est aussi décousu que ce texte mais pas aussi nul… :mrgreen: que ce que Jean Negulesco a pu en dire. Ses mauvais films -et surtout les plus emmerdants- serait selon moi plutôt à rechercher parmi les plus connus. Je suis en tout cas d'accord avec Bertrand Tavernier qui trouvait que la plupart des grandes réussites du metteur en scène sont ramassées sur quelques années, du milieu des années 40 au milieu de la décennie suivante avec des pics qui seraient pour moi : Humoresque (1946), Deep Valley (1947), Johnny Belinda (1948), La femme aux cigarettes (1949) et Captives à Bornéo (1950) + quelques titres subsidiaires datant de la même période dont les deux films évoqués avant celui ci. Un mot sur le comédien principal. Je partage aussi l'avis de la biographe américaine de Dana Andrews, c'est sans doute le rôle le plus étrange qu'aura eu à jouer ce grand acteur (pour moi il l'est en tout cas) et il s'en tire très bien que ce soit en épave british ou en artiste pragmatique, s'appropriant et faisant fructifier le talent d'un autre qui était son double négatif ce qui lui permettra de remonter la pente et de lâcher progressivement la bouteille. Une performance réussie aussi par Dana Andrews dans la vraie vie !
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La très voyante et impressionnante interprète de " The Sow " ( (la truie) : Dame Sybil Thorndike
mais son 1/4 d'heure de gloire crée une rupture de ton supplémentaire peut-être en trop
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Frances
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Frances »

Père Jules a écrit :Légère déception à la vision de Road House. Je m'attendais à quelque chose de plus fouillé. Là, les choses (en l'occurrence les rapports entre les personnages) ne sont abordées que superficiellement et il ne reste sur la pellicule qu'un ensemble un peu bavard. Il n'empêche que c'est toujours un plaisir de voir Widmark, Wilde et Lupino (sans oublier la regrettée Celeste Holm) se déchirer à l'écran même si le film m'est apparu longuet (toujours cette impression dommageable d'être face à une oeuvre qui verse trop dans le psychologisme pataud). En 1h15/1h20 il aurait gagné à être bouclé (on aurait pu ainsi se passer des tours de chants pas terribles de Lupino, de cette scène de bagarre un peu ridicule et de cette abracadabrantesque histoire de procès) et en serait sorti nettement meilleur me semble-t-il. Restent dix dernières minutes remarquables, photographiées avec génie (on a presque l'impression d'être dans Les chasses du comte Zarroff !).

Mais j'ai bon espoir avec Negulesco ne serait-ce que pour Le masque de Dimitrios qui est régulièrement salué comme un très bon film.
Je viens de le voir et je suis assez d'accord avec Père Jules. Soit j'ai passé un bon moment mais les ficelles du scénario sont un peu épaisses ce qui est à mes yeux le principal handicap du film. Widmark en fait un peu trop dans le rôle du cinglé de service, gamin immature, mauvais joueur et revanchard/manipulateur. C'est plutôt du côté des rôles féminins qu'il faut s'arrêter : Ida Lupino formidable chanteuse à la voix brisée comme le fut sa vie et Celeste Holm que je découvre ici dans un rôle touchant au possible emprunt de droiture et de loyauté malgré sa solitude et ses frustrations.
En conclusion même si ce n'est pas un monument du 7ème art ce serait dommage de bouder notre plaisir à la vision de La femme aux cigarettes.
"Il faut vouloir saisir plus qu'on ne peut étreindre." Robert Browning.
" - De mon temps, on pouvait cracher où on voulait. On n'avait pas encore inventé les microbes." Goupi
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Jeremy Fox
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

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Johnny Belinda (1948)

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Sur sa propriété agricole, Black McDonald, le père de la jeune Belinda traite sa fille sourde-muette avec rudesse comme une domestique simple d'esprit. Le docteur Richardson a toutefois remarqué l'intelligence de la jeune fille qu'il tente d'éveiller en dépit de l'hostilité de la tante Angie. Violée par Locky McCormick, un vil séducteur, Belinda a un enfant nommé Johnny Belinda par la famille McDonald, qui supporte mal ce déshonneur, sauf Angie qui s'humanise en constatant le courage de sa nièce.

Jean Negulesco signe un superbe mélo avec ce Johnny Belinda le voyant adapter la pièce éponyme de Elmer Blaney Harris jouée à Broadway en 1940. La noirceur du film et certaines situations mettant à mal les limites du Code Hays semblent conservées de la pièce, cela étant sans doute dû à sa base réelle. Elmer Blaney Harris s'inspira pour celle-ci du destin tragique de Lydia Dingwell, sourde muette morte dans la misère dans sa région de l’Île-du-Prince-Édouard. La pièce et le film donc reprennent ce cadre insulaire, notamment lors de la scène d'ouverture où Negulesco fait découvrir ce somptueux environnement et la vie exaltante que l'on y mène. En parallèle la voix-off contredit la majesté des images en soulignant l'isolation et le poids de la communauté de ces lieux. Dès lors en partant avec un handicap comme la jeune sourde-muette Belinda (Jane Wyman) on sera forcément mis au ban de cette société. Aimée avec une certaine rudesse par son père (Charles Bickford) et sa tante (Agnes Moorehead) qui la pensent simple d'esprit, elle suscite d'autant plus de mépris au reste de la communauté. Le docteur Richardson (Lew Ayres) saura ainsi déceler sa sensibilité et son intelligence puis décider de contribuer à son éveil en lui enseignant le langage des signes.

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Jean Negulesco adapte sa mise en scène à cet éveil émotionnel et intellectuel, le monde se faisant plus vaste au fil de l'apprentissage de Belinda. On part ainsi de l'intime à travers les champs contre champs entre Richardson et Belinda, les premiers mots n'évoquant que l'environnement de la ferme. Belinda part ainsi à la recherche de sa féminité lorsqu'elle s'interroge devant une enseigne de dessous avec Richardson bien gêné. La nature peut également prendre toute sa majesté et Belinda de la dominer de son savoir dans cette somptueuse image où assise sur une branche d'arbre elle apprend ses leçons tandis que l'immensité du paysage se déploie en arrière-plan. Negulesco procèdera de ce même point de vue empathique envers son héroïne pour mettre en scène son malheur.

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L'ombre et l'oubli s'abattent ainsi lors d'une traumatisante scène de viol qu'elle va chercher à occulter de son esprit, les éléments se déchainent parallèlement à son cœur tourmenté lorsque le violeur révèle son visage (Stephen McNally détestable) les éclairages feutrés se conjugue à sa peine lors de la mort de son père dans une des plus belles scènes du film. La communauté peut prendre des visages tour à tour anonyme (le village se réunissant pour décider de lui enlever son enfant) ou plus concret entre médisance et malveillance là aussi guidé par la mise en scène inspirée de Negulesco. Le film prend ainsi un tour sensible et sobre pour nous attacher à Belinda et peut se faire incroyablement baroque (le cadre naturel mais aussi les décors oppressants de William Wallace) pour déchaîner des passions qui la dépasse. Jane Wyman est extraordinaire et fait passer une infinie gamme d'émotion à travers ce rôle muet, récoltant un Oscar mérité (Charles Bickford très touchant en père découvrant l'âme qui abrite son enfant sera nominé aussi) et le film sera un des grand succès de l'année. La pièce fit l'objet de deux remake télévisés en 1967 et 1982, le premier suscitant une certaine curiosité puisque c'est Mia Farrow qui y reprend le rôle de Belinda. 5/6

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Profondo Rosso
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Profondo Rosso »

Le Masque de Dimitrios (1944)

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Dimitrios est un criminel retrouvé assassiné sur une plage d’Istanbul. Un écrivain de romans policiers en villégiature se prend de passion pour ce mystère et tente de rassembler des éléments d’enquête à travers toute une partie de l’Europe. Il ne cesse de rencontrer des personnes peu recommandables qui ont croisé le chemin de Dimitrios, souvent pour leur malheur. L’écrivain est bientôt rejoint dans son périple par un certain Mr. Peters qui semblait bien connaître le défunt. Mais les raisons de ce dernier sont obscures...

Le Masque de Dimitrios est le second film hollywoodien de Jean Negulesco et ce film noir tortueux s’inscrit dans un registre différent de sa filmographie à venir, où on l’associe plutôt au mélodrame (le superbe Johnny Belinda (1948), La Mousson (1955)) ou les comédies enlevées que sont Comment épouser un millionnaire (1953) et Papa longues jambes (1955). Comme tout bon réalisateur hollywoodien de l’âge d’or, Negulesco donna dans tous les genres et surtout aurait pu voir son nom associé de façon plus marquée au polar. Lorsque la Warner le sollicite pour choisir un roman à adapter en vue d’un film noir, Negulesco se porte sur Le Faucon Maltais de Dashiell Hammett. Choix approuvé par le studio avec pour seul inconvénient de privilégier John Huston à la réalisation. Ce dernier bon prince aiguille Negulesco sur un autre roman noir à fort potentiel, Le Masque de Dimitrios d’Éric Ambler paru en 1939.

La structure en flashback n’est d’ailleurs pas sans rappeler Le Faucon Maltais, mais les enjeux tardent un peu plus à se concrétiser dans le film de Negulesco tout en ayant cette même aura de mystère. La fascination et la candeur de l’écrivain Leyden (Peter Lorre) n’a d’égale que l’infamie de Dimitrios (Zachary Scott) dont il remonte la longue piste des méfaits à travers l’Europe, entre victimes et anciens acolytes trahis. Une aura maléfique et quasi mythologique de ce génie du mal se dessine donc par sa seule évocation et quelques répliques marquantes. I've known many men, but I've been afraid of only one, Dimitrios. Negulesco oscille ainsi entre les tons et les genres au fil des retours en arrière et de l’ascension criminelle de Dimitrios : film de gangsters brutal à Istanbul, espionnage international à Belgrade, drame sentimental manipulateur à Smyrne. Visuelle l’ensemble dénote donc du film noir classique, la quasi comédie des scènes au présent (le jeu affecté de Peter Lorre, certaines rencontres pittoresques) se conjuguant à la profonde noirceur des flashbacks avec un Dimitrios constituant le fil rouge sinistre du récit. Negulesco trouve toujours la petite idée narrative et/ou esthétique qui marque chaque étape de l’enquête. La fatalité tragique du film noir semble s’abattre sur l’acolyte innocent de Dimitrios, condamné à mort pour le crime d’un autre et qui est écrasé par la sentence par le travelling avant sur son visage, le tribunal éclairé comme dans un cauchemar par Arthur Edeson. La douleur de l’amour bafoué se ressentira ensuite quand on comparera les traits séduisants de Faye Emerson en flashback et prématurément marqués et vieilli au présent après la rencontre fatidique avec Dimitrios. L’épisode à Belgrade donne lui dans le raffinement et le luxe en forme de piège implacable pour le malheureux Karol Bulic (Steven Geray).

La sophistication de ce cadre européen participe à l’atmosphère inhabituelle de l’ensemble et ramène Jean Negulesco et Peter Lorre à leur jeunesse et origines respectivement roumaines et autrichiennes. Zachary Scott est remarquable, passant de la petite frappe féroce au dandy élégant et manipulateur, toujours guidé par ce regard froid et impitoyable qui le rend glaçant de bout en bout. L’énigme s’épaissit dans la dernière partie avec le personnage de Sydney Greenstreet (qui lance le duo régulier qu’il formera avec Peter Lorre durant huit films) et sa bonhomie inquiétante, poursuivant Dimitrios de sa rancœur tenace jusqu’à un final haletant mais moins inventif que ce qui a précédé. Une belle réussite qui en appellera une autre avec la même équipe dans Les Conspirateurs, autre suspense rondement mené. 4,5/6
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Jeremy Fox
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Jeremy Fox »

La Mousson chroniqué par Justin Kwedi, récemment édité en Bluray chez ESC
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Maitreshifu »

je viens de voir " le masque de Dimitrios". j'ai beaucoup aimé.
le film fait très "usual suspect" tellement Dimitrios a une vibe " keyzer soze" : criminel intrépide et international dont on a presque aucune photo. De plus la vie de celui ci nous est raconté par Flashback...ce qui donne au films plusieurs genres : casse à smyrne, drame sentimentale à Istamboul, espionnage tout en manipulation cynique en grèce et le final à Paris dans le métro est plutot pas mal.j'aurai aimé un petit twist supplémentaire quand même :wink:
Sydney Greenstreet est tres effrayant avec sa violence froide.....
C'est dommage par contre d'avoir aussi peu de plan en exterieur car le film est malgré tout assez dépaysant.
bref,pas un grand film mais très agréable à visionner
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Addis-Abeba
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Addis-Abeba »

Pas spécialement convaincu par son Humoresque:

On nous ressert la fille de la haute société qui tombe amoureuse d'un homme qui n'est pas de sa caste, un peu la trame du film I Take This Woman que je viens de voir, et encore beaucoup plus que pour le couple Lombard-Cooper qui pouvait être crédible, on a vraiment du mal à croire à une relation amoureuse entre la sophistiquée et ténébreuse Joan Crawford et le rustre et mal dégrossi John Garfield.
Si celui-ci ne s'en sort pas mal dans le rôle de ce virtuose du violon,s'en surprise c'est bien Crawford qui crève l'écran, jeu subtil et varié, elle n'a pas besoin de se forcer pour captiver.
Negulesco peut être un réalisateur efficace, et il y a rien à lui reprocher sur ce film, c'est juste que le sujet ne m'a pas intéressé.
Anecdote intéressante sur les trucages:
"John Garfield donne vraiment l’impression de jouer. L’illusion est parfaite. L’astuce a été de faire un grand trou dans son costume au niveau du coude par lequel un vrai violoniste passait son bras. Il y avait un violoniste de chaque côté, un pour le bras droit et un pour le bras gauche"
A l'écran c'est une manipulation effectivement indétectable si on ne le sait pas.
Oscar Levant qui est un vrai musicien apporte une touche d'humour (et de cynisme) bienvenue.
Jullien Robert
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Re: Jean Negulesco (1900-1993)

Message par Jullien Robert »

Vous oubliez , the best of everything 1959 avec hope lange, joan crawford, 1958 un certain sourire de françoise sagan,1953 vicky ( scandal at scourie,
et deep valley avec Ida Lupino. Amitiés Robert.
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