Mauro Bolognini (1922-2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Nestor Almendros
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Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Nestor Almendros »

Je profite d'un énième cycle du Cinéma de Minuit consacré à ce réalisateur italien pour ouvrir ce topic et y lister mes tout petits avis. N'hésitez pas à être plus constructifs que mes petites interventions :wink:
Vous pouvez aussi consulter le topic consacré au Bel Antonio (1960) ou jeter un oeil à la Chronique Classik du film.

Avril 2006
MARISA LA CIVETTA de Mauro Bolognini (Cinéma de Minuit)

Encore une comédie sympathique et légère. Si je n'ai pas autant apprecié que LES AMOUREUX c'est surtout à cause de l'effet répétitif et au final un peu long de ces indécisions dont fait preuve l'héroine en passant d'un garçon à l'autre, en les utilisant puis en les oubliant. Un peu ça va mais au bout d'un moment j'avais mon compte. En tout cas la mise en place est très sympathique et il est très amusant de voir comment Bolognini se paye la tête de tous ces hommes en chaleur dont la tête se met à tourner devant si belle créature. C'est comme ça pendant tout le film, et je crois que pas un mâle ne semble désintéressé. Les répliques fusent à grande vitesse et ces moments-là ont beaucoup de charme, avec quelques gags assez cocasses (les petits vieux lorgnant les jeunes filles aux dancing avec leurs jumelles par exemple).

Agréable, en tout cas...
LES AMOUREUX de Mauro Bolognini (Cinéma de Minuit)

C'est un film léger mais plein de charme. Le portrait de ce quartier italien typique est bien croqué, les personnages sont attachants sans jamais être des caricatures. C'est une sorte de film chorale, ou l'on suit un petit groupe d'amis d'enfance vivant toujours dans le même quartier. Les histoires d'amours se croisent, entre déception, pulsions, engueulades (typiquement italiennes).

Vraiment très agréable, ça me motive bien pour voir la suite du cycle...
Mai 2006
BUBU DE MONTPARNASSE de Mauro Bolognini (Cinéma de Minuit)

Joli portrait de prostituée, amoureuse de celui qui va l'entrainer dans ce "business", et qui se rendra compte trop tard qu'elle n'aurait pas dû faire confiance aux hommes (laches, possessifs, matériels...). Je n'ai pas complètement accroché à l'histoire (par rapport aux deux premiers films du cycle) mais ça reste intéressant.
Février 2010
UNE FILLE FORMIDABLE de Mauro Bolognini (1953) - Cinéma de Minuit

Premier film du réalisateur, c'est une comédie tout ce qu'il y a de populaire et sans prétention comme on en faisait beaucoup à l'époque. C'est le genre de film qui concurrence un peu les comédies musicales US par ses propres moyens, c'est à dire en reproduisant presque un schéma de spectacle de music-hall: l'histoire n'est que prétexte pour une succession de numéros (ici souvent chantés, avec Nilla Pizzi). On peut sourire de quelques répliques, souvent drôles (surtout en début de film), mais l'intérêt limité de l'ensemble finit par lasser. Par la similitude du ton et de l'univers dépeint, UNE FILLE FORMIDABLE rappelle en tous cas (et en moins bien) LES LUMIERES DU MUSIC-HALL d'Alberto Lattuada et Federico Fellini réalisé trois ans plus tôt. Considérons le film comme une curiosité: les débuts d'un réalisateur dont le travail deviendra plus consistant (ici, les contraintes commerciales l'empêchaient de s'émanciper) et les apparitions de futures stars (Sophia Loren) ou de comiques déjà célèbres (Alberto Sordi).
LE CHEVALIER DE MAUPIN (1966)

J'y ai jeté un oeil distrait, profitant de la diffusion de ce film en plein après-midi comme un bonus au cycle de Brion en cours actuellement. Le résultat a eu du mal à me motiver mais j'ai fini par trouver cela plutôt agréable et sympathique. Le film lorgne un peu du côté des ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES par l'environnement historique du scénario (pré-révolution française), par ce personnage féminin qui fuit sa destinée de noble pour parcourir un peu le monde et découvrir la vie, et probablement un peu grâce à la participation commune de Robert Hossein.
Le film est à la fois léger et gentiment piquant: c'est une énième histoire de travestissement (comme avec SYLVIA SCARLETT, CERTAINS L'AIMENT CHAUD ou UNIFORMES ET JUPONS COURTS), sauf que dans ce CHEVALIER DE MAUPIN on s'amuse ouvertement des jeux de la sexualité et des quiproquos à tendance homosexuelle. Evidemment, aucun personnage (sauf un, fortuitement) ne devine la véritable identité de Théodore alors que c'est si visible. Et tous tombent sous son charme sans trop s'expliquer pourquoi. Ainsi les femmes sont attirées vers ce porte drapeau charmant tandis que les hommes (dont le viril capitaine Robert Hossein) réprouvent leur attirance trangressive. On reconnait bien là le tempérament italien qui joue de ces émotions contradictoires et des jugements (et amusements) que portent les spectateurs.
L'histoire est relativement sage, un peu laborieuse également, mais on passe un moment plaisant où l'on note un effort visible de reconstitution.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Nestor Almendros
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Nestor Almendros »

LA VIACCIA (LE MAUVAIS CHEMIN) - 1966

SPOILERS
Enfin quelque chose de plus consistant dans un cycle qui était encore bien léger (ceci dit j'ai loupé le film de la semaine précédente...).

C'est une évocation assez intéressante du monde paysan, de la vie urbaine, des tourments existentiels d'une jeunesse au début du XXe siècle, le tout uni par une vampirisation implacable de l'argent qui souille systématiquement les rapports humains.
C'est l'histoire dAmerigo, un fils de paysan qui finit par ne plus supporter cette vie misérable, ce quotidien précaire qui subsiste autant par aveuglement et soumission que par tradition. Amerigo aime ce pays mais n'est pas attaché à sa terre comme l'est son père par exemple. Il n'est pas spécialement ambitieux, juste motivé par une vie confortable et heureuse. C'est pour cela que quand il tombe amoureux de Bianca, il ne réfléchit pas une seconde à son statut de prostituée et aux conséquences qu'une telle nouvelle apportera dans sa famille (un éventuel déshonneur pour un monde paysan aux valeurs radicales et très solidement maintenues). De même, il ne fera pas le difficile quand il sera embauché en tant que videur dans la maison close: il a un travail, est près de celle qu'il aime et très loin du qu'en dira-t-on.
Un autre aspect intéressant de cette histoire intervient avec l'argent, nerf de la guerre et catalyseur de rancunes, de dominations, d'inégalités dans une société qui pourrait être plus sereine. Car même dans une même sphère sociale, l'argent pervertit les relations et les influences. La famille paysanne est, par deux fois, rivée au chevet d'un mourant et attend sagement l'héritage salvateur. Et par deux fois, on a sous les yeux une démonstration de la faiblesse humaine quand elle est affamée. De même les rapports entre les deux frères "partiarches", Pietro Germi et Paul Frankeur, changent-ils du tout au tout dès lors que ce dernier prend les rennes du domaine familial, devient le patron. Il a beau être de la même famille, il va s'exercer entre eux un courant de rancunes et de pressions qui n'aurait jamais existé sans la venue de cet argent nefaste. On note aussi les démarches attentives et calculées de la maitresse de Frankeur qui n'hésite pas à prendre le magot des mains du mort tout frais et qui, ensuite, continuera à grapiller son dû de patronne aux paysans démunis.
Et il en va de même avec le couple Bianca-Amerigo: lui n'a rien, elle par contre trouve un semblant de liberté dans l'argent qu'elle met de côté par son métier vénal dont l'aspect routinier l'empêche de trop penser à une vie traditionnelle, en couple, qui comporte certains risques (pécunaires, notamment). Avec Amerigo, elle tend à revenir sur ses principes car elle est amoureuse mais ne lâche pas l'affaire. C'est elle qui a l'ambition et l'attente d'un futur au calme.

Dommage que le scénario, au-delà de ces peintures sociales qui m'ont beaucoup intéressé, ne parvienne pas à donner encore plus de souffle et d'élan à une histoire qui finit, peu à peu, par retomber. Reste une bonne première heure, et la participation de Pietro Germi que j'ai connu l'an passé comme réalisateur (trois de ses films sortent dans quelques jours chez Carlotta) et que je découvre comme acteur (le père paysan).
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par blaisdell »

Je profite de mon retour sur ce forum pour saluer l'initiative de Nestor.
Bolognini me semble un réalisateur sous-estimé, hormis par Brion bien sûr.
On l'a souvent qualifié de sous-Visconti; pourtant je préfère par exemple largement son HERITAGE à L'INNOCENT de Luchino.

Des films comme LE BEL ANTONIO ou LA VIACCIA sont de grands moments du cinéma italien de l'âge d'or.
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par O'Malley »

LA CORRUPTION (1963)
Un sujet fort, metaphysique, absolument passionnant, des acteurs magnifiques et une réalisation précise, inventive, qui joue souvent la carte de l'allégorie, aidée par une photographie en noir et blanc savamment travaillée et une atmopshère italienne so sixties... Et pourtant, comme souvent chez Mauro Bolognini, l'ensemble reste trop froid, distant et ne suscite pas vraiment le degré d'émotion espéré (ou par intermittence). Le film reste très intéressant mais là où le chef d'oeuvre aurait pu éclore, on a juste un (très) bon film...
Quand je pense que la magnifique et talentueuse Rossanna Schiaffino est décédée il y a quelques mois... :(
frédéric
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par frédéric »

J'en profite pour dire quelques mots sur Une fille formidable.


Bon, un cycle qui commence bien, une très jolie petite comédie, drôle et surtout émouvante dans le milieu du spectacle, music hall italien loin de l'image que donne les américains. En plus, les couleurs sont superbes, j'ai été d'ailleurs tout surpris de découvrir que le film était en couleurs. Très jolie petite découverte.
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Nestor Almendros »

LA CORRUPTION (1963)

Moins emballé que notre collègue O'Malley même si le scénario est effectivement intéressant, mais certainement trop subtil pour moi, ce qui n'arrange rien quand on ajoute la distanciation et la froideur du style de Bolognini.
Reste que ce décalage subit par le héros, entre les bonnes paroles de son professeur au début du film et ce qu'il va ressentir par la suite est thématiquement fort pertinent. Lors de la remise de diplôme, on lui suggère que la civilisation est pleine d'amour de l'humain, que ces mouvements participent aux développement de l'Homme et qu'on peut se sentir libre en accomplissant de tels devoirs. On dit aussi que le futur citoyen (et artisan de l'Humanité) se doit d'une responsabilité morale pour ses semblables. C'est probablement dans un tel axe d'éducation que Stefano s'est forgé une vocation spirituelle sur le tard, voulant peut-être rentrer dans les ordres pour cristalliser ses élans.
Mais, sitôt rentré chez lui, auprès de son père, il va se rendre compte que son environnement n'est qu'égoïsme et auto-suffisance. Pire, toute démarche personnelle (productivité au travail, relations avec autrui) est biaisée par des intéressements lucratifs et par une absence d'Amour. La priorité est donnée à la fausse sincérité et aux calculs, dans un monde où règne le "chacun pour soi" et où ne cohabitent que des soumis et des dirigeants. Le père de Stefano incarne la stature dominante, écrasant l'employé (le magasinier accusé à tort), abusant de son pouvoir et de son argent pour séduire des jeunes filles et mettre sous sa cape des écrivains jadis engagés mais désormais "corrompus". Et que dire de cette donzelle (charmante Rossanna Schiaffino) qui semble moins intéressée par la personne de Stefano que par ce qu'il représente: un bon investissement (un bel héritage).
Le film se termine sur un constat amer car, si ce qui précédait ne montrait qu'un microcosme, les plans du dancing élargissent l'angle de vue, montrent une jeunesse robotisée et isolée les uns des autres. Pas de couples en train de danser, seulement des individus se mouvant en rythme, synchronisés, mais au pas implacablement "individuel".
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Message par Eusebio Cafarelli »

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Le film de Bolognini s'ouvre sur un plan extraordinairement beau et pictural (on pense aux impressionnistes, et d'autres scènes font penser aux peintres de la fin du XIXe) d'une femme attendant, dans la brume, la sortie de prison de son époux (scène qu'on retrouve à la fin du film). Elle porte dans ses bras leur enfant, Metello, dont le film nous raconte l'éducation sentimentale (Lucia Bosé, Ottavia Piccolo et Tina Aumont) et politique (de l'anarchisme paternel à la prison, au socialisme et à la grève victorieuse des maçons en 1902) à Florence (belle reconstitution de l'ambiance de l'époque, avec les moyens disponibles).
Esthétiquement le film est magnifique (voir ci-dessus), même si on sent un peu un manque de moyens, particulièrement dans les scènes de foules. L'interprétation est excellente, les personnages sont complexes (Metello a des idées politiques dont il ne démord pas, mais sentimentalement il est beaucoup plus fluctuant), l'aspect politique très clairement exposé. Parfois on s'ennuie un peu, mais globalement ce mélange du sentimental et du politique est très réussi.
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par frédéric »

La Vena D'oro

Film très émouvant avec une très belle interprétation de Richard Basehart, Märta Toren et Terence Hill (!) dans un de ses tout premiers rôle certainement. Film très réussi.
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par O'Malley »

frédéric a écrit :La Vena D'oro

Film très émouvant avec une très belle interprétation de Richard Basehart, Märta Toren et Terence Hill (!) dans un de ses tout premiers rôle certainement. Film très réussi.
J'ai par contre éprouvé un désintérêt relatif pour ce Bolognini de jeunesse à part de découvrir Terence Hill (ou plutôt, à l'époque, Mario Girotti), à l'âge de 16 ans, très poupin et qui hérite d'un rôle un peu "tête à claques" et aussi de voir une bonne partie de la thématique Bolognini déjà posée (relations familiales complexes voire malsaines où l'inceste n'est jamais loin, corruption par la sexualité) ... J'ai, cependant, trouvé le tout un peu trop "sucré" et assez convenu.
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par paul_mtl »

Est ce que vous pouvez indiquer le titre original italien quand vous le connaissez car je ne connais pas toujours la correspondance du titre de la VF ?
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Message par frédéric »

Rattrapage rapide :

La Viaccia-Le mauvais chemin-La corruption

Je mets ces deux films un peu dans le même panier, car le scénario n'est pas inintéressant, c'est bien joué mais surtout le premier c'est vraiment trop austère pour moi, bref pas tellement mon truc.

Metello

Alors là beaucoup aimé, un très beau film de Bolognini, dommage qu'il n'ait pas eu les moyens nécessaires pour faire pleinement ce qu'il voulait parce que le résultat est vraiment très réussit.


Le chevalier de Maupin

Assez différent des films de cape et d'épée réalisé par Hunnebelle à la même époque, mais loin d'être désagréable. Le film vaut surtout par le charme indéniable de Catherine Spaak.


La Venitienne

Agréable et sympathique, bonne reconstitution, Jason Connery a bien de la chance :oops: .
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Abronsius »

La viaccia (1961) Mauro Bolognini

Une famille italienne à la fin du XIXème siècle, à Florence. Le paternel meurt et c'est le fils, Ferdinando, petit bourgeois commerçant, qui devient le propriétaire. Le frère, Stéfano (Pietro Germi), doit attendre que ce dernier décède pour hériter du terrain familial, appelé "La viaccia". Vouant sa vie à la terre qu'il cultive il a peur que cette dernière lui échappe, il fait mine d'envoyer son fils Amerigo (Jean-Paul Belmondo) auprès de l'oncle afin de l'amadouer et d'avoir la certitude d'être bien vu, ce dernier étant fragile du coeur et devant mourir prochainement. C'est sans compter avec la femme qui vit avec lui et qui fait tout pour qu'il se marie enfin avec elle, elle deviendrait ainsi l'héritière et donnerait un avenir au fils, non reconnu, qu'elle a eu avec le marchand de vins. Amerigo arrive à Florence et tombe amoureux de Bianca, une prostituée (Claudia Cardinale).
Dans un magnifique noir et blanc, Bolognini montre avec une cruauté sans détour une famille se déchirait ridiculement pour des biens. Voir la façon dont Stéfano donne son fils à son frère, veut laisser sa belle-fille à son service ou encore s'abaisse à flatter Beppa, devenue l'héritière. L'autorité dont il fait preuve avec son fils cache une humiliation absolue issus du désir de garder la terre qu'il travaille. Amerigo veut s'émanciper de cette destinée paternelle et l'amour qu'il porte à Bianca est ce qu'il vit comme la manifestation de son identité. Elle en joue et semble osciller entre un réel désir et la possibilité qu'il devienne héritier. L'argent, encore une fois, vient pervertir, troubler les relations entre les êtres. Le personnage, joué par Belmondo, est déplacé de son milieu originel et n'arrive pas vraiment à trouver sa place. La parenthèse politique qui semble se tenir maladroitement entre les anarchistes et lui révèle son incapacité à "jouer un rôle", à avoir une position bien définie. J'aime à croire que les belles séquences où Amerigo erre dans Florence, alors que le jour peine à se lever du brouillard qui l'emprisonne, ne sont que la métaphore de son incapacité à se réaliser, à devenir un homme. Rejeté de tous, il finit par mourir à l'écart, comme un héros romantique, marginal et esseulé.
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Profondo Rosso »

Bubu de Montparnasse (1970)

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Au début du XXe siècle, la couturière Berta quitte son domicile familial pour vivre avec Bubu, un ouvrier boulanger dont elle est éperdument amoureuse. Lorsque ce dernier quitte son travail, le couple se retrouve sans le sou. Bubu demande à Berta de se prostituer, ce que la jeune femme accepte par amour. Parmi ses clients, elle fait la rencontre de Piero, un étudiant dont la sensibilité la séduit.

Adaptant un roman de Charles Louis Philippe, Bolognini nous dépeint là le destin tragique d'une jeune fille sacrifiant tout à l'homme qu'elle aime. Manipulée et contrainte à la prostitution, Berta s'enfonce dans un quotidien sordide faîtes de passe répétées avec des inconnus de tout âges (et de la menace de la syphilis) et dont la seule illumination est les retrouvailles avec cet homme qui ne la mérite pas. Un beau portrait de femme où Bolognini s'inscrit dans la tradition des grands personnages féminins sacrificiels de la littérature du 19e, tous régit par la tyrannie et la lâcheté des hommes. Tyrannie avec un Bubu joué par un Antonia Falsi abject et dont la beauté triste aveugle l'héroïne et lâcheté avec l'étudiant faible de caractère incarné par Massimo Ranieri, indécis et incapable de sortir la femme qu'il aime de la fange. Le fond sordide accompagne une forme d'une beauté irréelle, entre la photo diaphane de Ennio Guarnieri et les costumes magnifique de Piero Tosi dans un Paris fantasmé (le seul vrai lien avec le cadre du roman la monnaie qu'il reste le franc) où par la grâce du montage Turin, Milan et Rome ne forme plus qu'un seul et même espace. Souvent comparé à Visconti pour son goût partagé pour les films en costumes, Bolognini se distingue pourtant des enluminures plus pointilleuses du réalisateur du "Guépard". Les moyens moindres et les milieux dépeints contraignent Bolognini à une sobriété et une astuce de tout les instants (une grande scène de marché cadré uniquement sur la petite parcelle reconstitué comme à l'époque et qui donne l'illusion d'un décor immense alors qu'en arrière plan tout est resté contemporain sans qu'on le distingue) et rend d'autant plus saisissantes les somptueuses composition, de plans, véritable tableaux en mouvements inspirés des impressionnistes comme Renoir ou Lautrec. En cherchant plus à capter l'atmosphère que le détail, Bolognini offre une vision différente mais tout aussi convaincante que les reconstitution les plus luxueuse de Visconti. La mélancolie qui se dégage de toutes ses images nous oriente ainsi vers la chape de plomb inéluctable qui pèse sur l'héroïne en dépit que quelques touches d'espoirs. La conclusion plonge dans un abîme de désespoir où l'héroïne est à nouveau le jouet des hommes qui, brutaux ou sensible ne peuvent lui apporter ce qu'elle désire, une vie. Ottavia Piccolo, tour à tour candide, innocente, puis presque rongée par la folie lorsque les évènements s'archarnent sur elle offre une prestation magnifique. 5/6

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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Cathy »

Les captures sont magnifiques, on dirait des tableaux de Caillebotte ou Manet, Renoir et son moulin de la Galette, voire Courbet aussi. Visiblement les impressionnistes on sacrément influencé le travail de Bolognini sur ce film !
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Profondo Rosso
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Re: Mauro Bolognini (1922-2001)

Message par Profondo Rosso »

Liberté mon amour ! (1973)

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Au début des années 70 dans une Italie politiquement secouée une certaine nostalgie et attirance pour le fascisme s'élevait au sein de la jeunesse pour cette rigueur sentiment d'une nation forte qu'elle n'avait pas connue. Quelques cinéastes s'appliquèrent à rappeller à ces jeunes inconscients la dure réalité que furent ces années là comme Vittorio De Sica dans son beau "Le Jardin des Finzi Contini". On peut aussi penser à "Nous nous sommes tant aimés" de Scola ou au "1900" de Bertolucci avec le film de Bolognini qui fonction sur le même mélange de comédie intimiste douce amère et de grande fresque historique.

Sur une période allant du début des années 30 à l'apogée du fascisme puis la Seconde Guerre Mondiale et la libération, une tranche de l'histoire de l'Italie vue à travers le regard de la bien nommée Libera Amore Anarchia (Claudia Cardinale) fille d'anarchiste et mère de deux enfants. Femme sanguine totalement indisposée par le régime fasciste, elle n'hésite jamais à afficher sa protestation sous toutes les formes possibles : comme arborer une robe rouge écarlate en opposition au tunique noire fasciste ou encore invectiver ouvertement la moindre injustice dont elle est témoin. Ces vélleités ne sont pas sans effet sur sa vie de famille, Libera risquant l'exil plusieurs fois (comme son père) et étant contrainte à une vie itinérante car régulièrement exclue des villes où elle séjourne. Cette aspect est au départ montré de manière génialement comique avec le pauvre Bruno Cirino entrant dans des rages noires face à cette épouse ne pouvant rester à sa place et obligeant la famille à constamment tout reprendre à zéro. Les empoignades mari/femmes dévoilent aussi une des plus belle relation de couple du cinéma italien où l'amour est le plus fort, Cirino malgré son agacement soutenant toujours Claudia Cardinale et reconnaissant dans la dernière partie qu'elle avait sans doute raison. L'engagement de Libera atteindra le point de non retour lorsqu'elle aidera un exilé évadé à quitter le pays et la seconde partie du film en pleine guerre de basculer dans une veine plus sombre et mélancolique.

L'équilibre familial s'en trouve définitivement bouleversé tandis que le chaos se déchaîne, Bolognini distillant des images historiques d'archives en transparence lors des transition du quotidien des héros. La reconstitution est une nouvelle fois somptueuse (et comme pour Bubu totalement immersive l'apparat ne fait jamais dériver de l'attention du récit), Bolognini ayant pu tourner sur les lieux des évènements, utilisant notamment toutes les bâtisses de l'architecture fasciste bien présents, rendant encore plus pesante l'oppression du régime de Mussolini (dénonciation, calomnies, surveillances). Le scénario ose les grandes envolées romanesque pour son héroïne, jusqu'à l'excès même je ne suis pas convaincu de la nécessité de nous la montrer en maquisarde dynamitant les ponts. Même si c'est dans la logique de l'évolution de son personnage, la figure du fils aurait pu être une sorte de réalisation des enseignements de Libera (et de son père magnifique Adolfo Celli) plutôt que de faire d'elle une une résistante active. Claudia Cardinale (toujours magnifique servie par Bolognini) est néanmoins incandescente, vibrante et émouvant en Libera pour ce qui est sans doute un de ses très grands rôles. Les interprètes masculins ne sont pas en reste, Adolfo Celli et Bruno Cirino émouvant en mari dépassé, mais aussi Bekim Fehmiu en démocrate lettré amoureux de Libera

Un autre des grands thèmes du film et faisant le lien avec le présent de sa réalisation, c'est la manière dont L'Italie a raté le coche d'une vraie purge de ses institutions en réinstallant des fasciste ayant retourner leur veste à temps dans les hautes sphères. Le leitmotiv est répété plusieurs fois durant le film, la chute du fascisme ce n'est pas la fin mais le début de la révolution... Une révolution qui n'aura finalement jamais lieu pour aboutir à une conclusion terrible et au contexte contemporain agité ayant cours lors de la mise en oeuvre du film. 5/6
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