Chu Yuan

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Full Moon Scimitar (1979)
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Ding Peng, un épéiste de renom, est publiquement humilié par un adversaire qui lui a volé sa technique secrète pour le faire passer pour un usurpateur. Alors qu'il tente de se suicider, il fait la rencontre d'un esprit renarde qui a pris forme humaine. Ils tombent amoureux et sa nouvelle compagne lui enseigne une technique redoutable via à une arme inhabituelle.

Chu Yuan fidèle fidèle à lui-même pour un Wu Xia Pian dans la grande lignée de son univers et ses thématiques. Si le film est toujours tiré du romancier Gu Long, c'est Chu Yuan qui l'adapte lui-même. Peut-être est-ce pour cela que l'accent est pour une fois moins mis sur les rebondissements à profusions que sur les personnages. La ligne narrative est ainsi plus claire, presque linéaire pour du Chu Yuan, avec un nombre restreint de personnages. La psychologie est plus travaillée permettant des protagonistes non manichéistes avec en premier lieu un personnage que l'arrivisme et l'ambition rendent méprisable. L'intrigue est ainsi découpé en deux grandes parties : la chute de Ding Peng, sa rencontre avec la "renarde" et sa volonté de vengeance puis ensuite sa perte progressive d'humanité et d'empathie quand le succès et l'arrogance lui montent à la tête.
C'est plutôt équilibré avec quelques bascules vraiment intéressantes dans nos relations aux différents intervenants. Le personnage féminin est émouvant et le méchant de la première partie devient réellement pathétique quand il connait à son tour une humiliation basée sur une manipulation perfide.
On est clairement face à une œuvre personnelle du cinéaste avec sa remise en cause de la loi du talion et une vision amère de la rivalité dans le monde martial. Ainsi, même si les combats passent de temps en temps en retrait, la tension dramatique ne faiblit jamais et délivre même un discours inhabituellement pacifiste comme lors du dialogue avec un maître retiré qui n'a plus touché une arme depuis plusieurs années.
Par contre, je suis très réservé sur les 10 dernières minutes qui enchaînent les twists incohérents, brisants la logique de son univers fantastique qui était pourtant l'une des grandes qualités du film, y compris picturalement. Il y avait ainsi deux séquences géniales successives où deux femmes renardes jouent une succession de tours aux rivaux de Ding Peng : cercueil bondissant, apparitions et disparitions, lumière surnaturelle et ambiance lugubre. Une dizaine de minutes où Chu Yuan se surpasse visuellement et livre une succession de plans et d'éclairages tous plus graphiques les uns que les autres, faisant preuve d'un excellent sens de l'espace. Du grand art une nouvelle fois même si la reste du film ne démérite pas, c'est juste qu'on est en terrain connu pour les connaisseurs (esthétisme studio, décoration florale, brouillard et fumée, filtres sur projecteurs...). Par contre, pour qui ne connait pas le cinéaste, c'est une révélation. J'ai regardé le film avec une amie de 19-20 ans qui connait surtout les kung-fu old school des 70's et elle fut non seulement très agréablement surprise de découvrir des personnages féminins étoffés et combattants mais elle fut aussi ébahie et subjuguée par la réalisation et sa beauté formelle.

Pour ma part, malgré ses nombreuses qualités, j'ai trouvé que Full Moon Scimitar manquait de quelques points pour se hisser au niveau de ses meilleurs titres. Outre, la conclusion un peu bancale, Derek Yee dans le rôle principale n'a pas ainsi le charisme naturel et l'intensité d'un Ti Lung pour composé un héros marquant. Les chorégraphies de Tang Chia manque un peu de variétés et restent souvent répétitives malgré la bonne idée du cimeterre à double lame. Cependant, en voyant les longs échanges tout en mouvements continus avec vêtements virevoltants, je me disais que ce style de combats (typique de la filmographie de Chu Yuan) a sans doute inspiré Ching Siu-tung.
S'il n'est pas dans le peloton de tête, Full Moon Scimitar n'en demeure pas moins un opus largement recommandable et dans la très bonne moyenne du cinéaste.


DVD zone 3 chez Celestial en VOSTA. Il a beau être restauré, on ne peut s'empêcher de penser tout au long du film que la compression et les limites technologiques d'un DVD ne peuvent rendre pleinement hommage à la virtuosité de son auteur. Chu Yuan, l'un des grands oubliés de la HD. :(
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Message par bruce randylan »

Clan of amazones (1978)
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Utilisant la broderie pour commettre ses méfaits, un mystérieux tueur masqué terrorise un clan qui demande à l'épéiste détective Lu Xiaofeng d'enquêter. Les soupçons se portent sur la Secte de la Chaussure Rouge.


Le choix du titre n'est pas un hasard et la référence à Clans of intrigue est assumé en remplaçant Ti Lung par Tony Liu qui reprend les caractéristiques du personnage. Malheureusement Tony Liu est loin de déployer le même charisme. L'autre soucis (même sans comparaison avec les films où Ti Lung est la vedette) est un scénario incompréhensible au bout de quelques minutes. Les recettes sont les mêmes que d'habitude mais en écrivant seul cette adaptation de Gu Long, Chu Yuan oublie de clarifier son univers. Les rebondissements et le nombre de personnages prennent le pas sur la cohérence et on ne sait bientôt plus quelles sont les motivations de chacun.
Niveau formel, Chu Yuan, sans doute conscient de tourner en rond (ou avec des contraintes budgétaires) délaissent l'esthétisme poétique et onirique pour se limiter aux décors "réalistes". Heureusement, il n'a rien perdu de son sens du cadre, sa gestion de l'espace et du scope.
Si elle ne flatte plus autant la rétine, sa mise en scène n'en demeure moins inspirée et dynamique avec un rythme trépidant qui laisse peu de place à la respiration et au temps mort avec péripéties, faux semblants, bateau en flammes (séquence vraiment sympa) et combats à foison. Toujours signés par Tang Chia, ils restent dans la norme de ceux vus chez Chu Yuan. Ce n'est pas forcément techniques ou virtuoses mais le sens du mouvement y fonctionne très bien comme le combats avec les différents membres de la secte de la chaussure rouge qui ne manque pas d'allure.



Au final, ça s'adresse avant tout au fans du cinéaste qui auraient fait le tour de sa filmographie et chercherait un petit bonus à se mettre sous la dent. D'un autre côté, ceux qui sont allergiques à son style visuel pourrait être intéresser aussi.

Il y encore peu, on trouvait toujours le DVD zone 3 celestial sur yesasia :wink:
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Message par hellrick »

bruce randylan a écrit : DVD zone 3 chez Celestial en VOSTA. Il a beau être restauré, on ne peut s'empêcher de penser tout au long du film que la compression et les limites technologiques d'un DVD ne peuvent rendre pleinement hommage à la virtuosité de son auteur. Chu Yuan, l'un des grands oubliés de la HD. :(
Il y a le très fun Web of Death et Emperor and his brother (pas vu) sur Amazon allemagne en blu ray. :wink:
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Web of death, j'ai l'américain déja. Pour Emperor and his brother (que j'aime beaucoup), c'est donc en VOSTA ?
Un upgrade sera pas de refus, j'ai un vieux bootleg pirate letterbox acheté au Chinatown de San Francisco :mrgreen:
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Re: Chu Yuan

Message par hellrick »

bruce randylan a écrit :Web of death, j'ai l'américain déja. Pour Emperor and his brother (que j'aime beaucoup), c'est donc en VOSTA ?
Oui.
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Heaven Sword and dragon sabre Part I & Part II (1978)

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Différents clans et épéistes se discutent deux armes légendaires aux pouvoirs surnaturels... Au bout de 10 minutes, c'est déjà le gros bordel

Un diptyque adapté de l'incontournable romancier Jin Yong, spécialiste du Wu Xia, qui devient l'une des œuvres les plus denses du cinéaste. C'est dire... Il fallait bien avoir au moins 3h15 pour faire tenir cette histoire retorse de clans, de sectes, de trahisons, complots, compétition d'arts-martiaux, vengeance, romance, techniques magiques, grottes perdues et pagodes en flammes...
Ca file à 100 à l'heure et on a du mal à retrouver son souffle. Il y a autant de combats que de péripéties ou twists qui s'enchaînent sans temps mort. C'est à la fois limpide (progression linéaire, un enjeu par scène, narration d'un concision surréaliste) et labyrinthique à cause justement de cette accumulation de rebondissements où chaque nouvelles scènes introduit au moins un nouveau personnage, qui est généralement un adversaire et/ou futur(e) allié(e). A ce niveau de profusion, mieux vaut quand même avoir déjà vu pas mal de Chu Yuan car cette richesse fait bien-sûr partie de son charme. Par contre un néophyte risque de baisser les bras rapidement. Rien que l'introduction de 3 minutes possède plus d'informations qu'une saison entière de Game of Thrones. :mrgreen:
L'amateur de Chu Yuan risque cependant d'être un peu déçu par la forme. Non pas que le cinéaste bâcle ou la néglige mais j'ai eu l'impression qu'il a du tourné ces deux films sur le même délai qu'une production normale (encore 5 films mise en boîte en cette année 1978 !). Et peut-être même un budget identique. Ainsi, on a beau retrouver toutes les composantes de son cinéma, la sauce ne prend qu'à moitié, comme s'il n'avait pas mis tout son soin habituel. Les décors sont souvent ré-utilisés et manquent de poésie, les compositions de plans sont assez répétitives (bien que toujours somptueusement cadrées et esthétisantes) et certains costumes donnent l'impression d'avoir été faits dans la précipitation sans validation.
Les chorégraphies de Tang Chia sont du même acabit, entre affrontements sans valeur ajoutée, déjà maintes fois vues chez le cinéaste, et plusieurs moments brillants, aux passes d'armes virevoltantes et intenses. On trouve de la sorte dans chaque films 4-5 combats d'un très bon niveau, avec une préférence pour le second opus.
Les acteurs s'y donnent à fond, tout en voyant bien qu'ils sont régulièrement doublés, surtout les comédiennes qui se déplacent avec beaucoup plus de souplesse et d'agilité dans les plans larges ou de dos. C'est aussi un des avantages des très nombreux masques et déguisements derrière lesquels se cachent les intrigants.
Cette pré-dominance féminine rappelle aussi qu'on est chez Chu Yuan puisqu'au final, ce sont encore elles qui mènent le jeu, face à un héros (Derek Yee) un peu perdu devant un trio redoutable.
On sent à ce titre que le cinéaste croit en son histoire et parvient mine de rien à étoffer ses personnages et la dramaturgie malgré sa cadence infernale.

A noter que ce roman est l'un des plus populaire de l'écrivain puisqu'il fut adapter plusieurs fois en séries (genre 1984 ; 1993 ; 2003 ; 2009 et 2019), bande-dessinées et sert aussi de base à d'autres films comme l'excellent Evil Cult de Wong Jing (et Sammo Hung). C'est là où je regrette que les classiques de littérature chevaleresque de cape et d'épée de Gu Long et Jin Yong soient si peu traduits en français. :cry:



Les deux films sont sortis à l'unité chez Celestial en 16/9 dans des copies restaurées de qualité, encore que la saturation des couleurs est un peu moins rutilantes que sur les quelques photos d'exploitation qu'on trouve en bonus. C'est épuisé hein...
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Re: Chu Yuan

Message par Shin Cyberlapinou »

bruce randylan a écrit :C'est épuisé hein...
Sadique.
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Return of sentimental swordsman (1980)
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Je n'avais pas gardé beaucoup de souvenirs du premier opus (dont j'attendais pas mal vu sa réputation) et j'ai plutôt pris du plaisir devant ce deuxième (épisode sur 3) qui reprend quelques personnages avant de repartir sur une intrigue toute fraîche et indépendante on ne peut plus classique avec le top 10 des meilleurs artistes martiaux (littéralement !) pris entre duels, élans fraternels, complots et manipulations. Ca pourrait être n'importe quel Chu Yuan finalement et l'affiliation au« sentimental swordsman » est un brin légère.
Ca ne l'empêche pas d'être relativement personnel avec toujours un discours amer et désillusionné sur la malédiction d'être trop connu et une critique mélancolique de la vengeance. Les amitiés ont aussi l'air plus sincère que dans d'autres films du genre même si au final le scénario est une nouvelle fois à la limite du compréhensible et de la cohérence. En revanche, les rôles féminins sont ici sacrifiés et ne brillent pas par leur profondeur.
Peu importe, on ne s'ennuie jamais avec rarement plus de 5 minutes entre deux combats qui sont d'un bon niveau, dans la stricte lignée des collaborations Tang Chia/Chu Yuan. Ce n'est pas très renouvelé mais les chorégraphies sont toujours élégantes et parfois techniques (le duel autour du verre de vin ; le final de presque 10 minutes) même si par moment Ti Lung fait preuve d'un manque flagrant de souplesse ou de fluidité.
Plus curieusement, et moins réussis, Chu Yuan s'essaie à des combats au ralentis qui n'apportent pas grand chose. Sinon, c'est comme d'hab du travail d'orfèvre picturalement. Pas le plus fantasmagorique ou onirique (et heureusement éloigné de certains délires disco) mais toujours un scope bien utilisé pour des compositions sophistiquées et des décors variés dont certains ne manquent pas de cachet (la terrasse d'une villa en ruine).



Le DVD Celestial Zone 3 (VOSTA) m'a paru un peu terne dans sa colorimétrie et les photos d'exploitations en bonus ont en effet une saturation et des contrastes plus appuyées. Je vous rassure, c'est quand même beaucoup mieux que la bande-annonce au dessus. Epuisé de toute façon.
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

bruce randylan a écrit :Return of sentimental swordsman (1980)
Et donc le troisième et dernier épisode :
Perils of the sentimental swordsman (1982)

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Après une tentative d'assassinat avortée, l'épéiste Chu Liu Hsiang doit se réfugier dans une village en montage, réputé inaccessible, où vivent de nombreux criminels. Son arrivée coïncide à l’apparition de fantômes.

C'est un peu l'épisode de trop ; en tout cas celui qui n'apporte rien à la franchise. Sans doute car son titre anglais le rattache à cette série alors qu'il complète le dyptique Complot des Clans et de l’Ile de la Bête. Tout tout, les cas, ça sent le prétexte commercial car on ne retrouve pas l'ambiance "sérial" savoureuse des deux films précédents.
Techniquement, le scénario n'est pas le plus compliqué ou alambiqué, mais c'est bordélique à cause d'un scénario sans la moindre construction. On ne sait pas pourquoi Chu Liu Hsiang doit tuer cette personne au début (et comment il se fait berner si facilement), les seconds rôles arrivent n'importe comment, il n'y a pas d'unité de ton, l'humour ne fonctionne pas... Au bout d'un moment, on n'a toujours pas compris l'intérêt d'une intrigue qui semble oublier ce que la précédente racontait. Le film finit par retomber sur ses pieds dans le dernier tiers mais c'est trop tard et j'avais un peu cesser de chercher le coeur du sujet pour me contenter de la simple forme.
Pas de surprise, c'est du Chu Yuan pur jus avec les qualités qui vont avec ; et les défauts quand le cinéaste est en pilotage automatique comme ici.
Pour une fois Tang Chia n'est pas de la partie et les combats n'ont pas son charme et ses idées réjouissantes mais il faut toutefois reconnaître 2-3 excellents combats, peut-être plus techniques que d'habitude. ils sont signés Yuen Wah et Yuen Bun et on devine que l’émergence de la Kung-fu comedy les ont poussé à complexifier les chorégraphies. Ti Lung s'y montre très agile et livre l'une de ses meilleurs prestations martiales.

Plutôt un opus dispensables (quelque soit la série à laquelle on le raccroche) et qui s'adresse surtout au complétiste acharné. Et même ceux-là risquent de regarder leur montre à quelques reprises.

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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Sorrow of the gentry (1974)

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Un homme revient dans l'ancienne demeure familiale, désormais en ruine. Il cherche à se rappeler ce qui a provoquer la chute de sa famille, une dizaine d'années plus tôt, durant les années 1920

Après le succès de Intimate confession of a chinese courtisane et house of 72 tenants et avant sa série de Wu xia pian tirés de romans de Gu Long, Chu Yuan a tourné ce mélodrame qui comporte tout de même son inimitable style visuel : travail sur les couleurs, objets aux premiers plans prédominants (fleurs, mobiliers) filmé en longue focale, éclairage artificiel, atmosphère à la lisière du rêve, rapides travellings latéraux, brusque accélération du montage avec flash-backs subliminaux, rythme infernal dans les informations qui se télescopent... Il parvient ainsi presque à faire de la vaste demeure un personnage à part entière. D'ailleurs, heureusement qu'il y a Chu Yuan derrière la caméra puisque le scénario est franchement brouillon et pas toujours limpide avec sa douzaine de personnages qui n'ont pas eut le temps d'être présentés. On est immédiatement perdu dans les histories d’adultères et de rivalité entre les belles-filles du patriarche de la famille qui cherchent à assurer leur rang au moyen de procédés de plus en plus perfides : chantage, humiliation, incendie et même assassinats. Le scénario se veut une violente charge contre le patriarcat typiquement confucéen, et de ses conséquences sur les femmes, pour un résultat toutefois frustrant ne sachant donner une direction claire au projet. Curieusement en effet, le film ne choisit pas entre le mélodrame premier degré avec nostalgie, amour contrarié et impossible, grosse farce bien grasse (laxatif versé dans un plat) et pure cruauté où un nourrisson est jeté dans un puits.
L'impression prédominante est de voir un film avancer par bloc, sans aucune unité ou cohérence, même si la deuxième moitié fait davantage preuve de progression dramatique. On peut se demander aussi si ce n'est pas Chu Yuan qui a phagocyté l'intrigue, trop occupé à soigner la forme. Connaissant sa carrière, j'ai tout de envie de croire qu'il a tenté de sauver les meubles en cherchant à dynamiser les codes du genre, parfois maladroitement. Il basculer ainsi de temps en temps dans le cinéma de genre pour étoffer certains enjeux comme des atmosphères de film noir ou de thriller le temps de quelques séquences. Ce qui manque sans doute au film est de ne pas avoir bénéficié de suffisamment assez de temps de tournage tant plusieurs rebondissements sont précipités, y compris le dénouement, totalement bâclé.

A voir donc pour une sorte d’exercice de style d'un cinéaste qui devait encore chercher sa place au sein de la Shaw Brothers.



Le dvd célestial zone 3 en VOSTA 16/9 avec une très belle image
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