Arūnas Žebriūnas (1931-2013)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Arūnas Žebriūnas (1931-2013)

Message par Rick Blaine »

ED Distribution ressort aujourd'hui La Belle d'Arūnas Žebriūnas, classique du cinéma lituanien. L'errance estivale d'une petite fille, Inga (Inga Mickyte) mise au ban, suite à l'arrivée d'un moqueur, d'une célébration consistant en une ronde faisant l'éloge de sa beauté, sert de révélateur de la société de l'époque dans ce pays Balte. Avec une sensibilité solaire, le film dresse le portrait subtil, avec tact, sans esquiver la cruauté de l'enfance, d'une découverte de soi en passant par un isolement passager. Une belle occasion de découvrir cette ode mélancolique à la saison des premiers désœuvrements, alors que s'amorce le dernier tiers de cet été.
La chronique est signée Jean Gavril Sluika.
bruce randylan
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Re: Arūnas Žebriūnas (1930 -2013)

Message par bruce randylan »

J'avais beaucoup aimé aussi :)
bruce randylan a écrit :Petit détour par la Lituanie :

The beauty (Arūnas Žebriūnas - 1969)

ImageImage

La première séquence est une merveille de grâce : sur une délicieuse ballade jazzy et aérienne, une petite fille de 7-8 ans danse en rond recardant la caméra qui la suit dans une suite de long panoramique circulaire. C'est simple, beau, radieux.
Cette fillette est d'ailleurs au cœur d'une petite bande d'enfants qui la considère comme la plus "belle".

Qu'on ne s'y trompe pourtant pas, ce n'est pas vraiment un film pour enfant et je peux remercier la réalisatrice franco-lituanienne Alantė Kavaitė pour sa présentation et ses explications indispensables. Arūnas Žebriūnas a fait beaucoup d’œuvres utilisant les enfants pour contourner la censure russe qui laissait passer pas mal de dialogues qui auraient été coupés dans la bouche des adultes. The beauty évoque donc souvent, et symboliquement, l'occupation russe.
Ca me serait sans aucun doute totalement passé au dessus de la tête et j'aurais eu beaucoup de mal à justifier l'existence de plusieurs scènes qui paraissent à première vue hors-sujet et dont la tonalité presque inquiétante détonne au milieu des séquences avec les bambins. Car dans l'ensemble nous sommes devant un film assez peu narratif, et même avec la contextualisation historique, on est parfois assez décontenancé par le traitement du film, rempli de ruptures : une course d'enfant s’interrompt face à un chien assis face à un lac et qui attend toujours son maître, mort noyé il y a plusieurs semaines ; un vieil homme évoque la destruction de sa maison qui laisse la place à un terrain vague ; les jeux d'enfants dérapent vers d' étranges interrogatoires ("tu es hippie ou communiste ?") ; on s'attarde sur un carillon (jouant en fait un hymne patriotique) et même la maison où vit la petite fille et sa mère est étouffante avec un mur en brique venant bouchée la vue de la fenêtre et un miroir renvoyant l'image entêtante d'une horloge. Beaucoup de références à temps passé, résolu, inaccessible mais dont les échos dans l'époque actuelle sont étouffés par une menace et un malaise sourds. Avec son passé d'architecte, Arūnas Žebriūnas sait parfaitement mettre en valeur les décors et l'environnement dans un très beau noir et blanc en scope pour leur donner une vraie identité émotionnelle ou psychologique.
Quand on connaît le propos du film, ses différentes métaphores deviennent beaucoup plus claires... ce qui n'empêche pas de regretter de ne pas avoir un déroulement plus conventionnel. Car cet arrière-fond politique demeure souvent abstrait et ce sont bien les moments centrés sur les émotions de la petite héroïne qui touche le plus : son sourire, sa fragilité, son optimisme bientôt mis à mal par un nouveau garçon qui remet en cause sa beauté, critiquant ses tâches de rousseurs (qui étaient à l'époque en Lituanie considérées comme très laides)... Et donc ses doutes jusqu'à une très belle dernière séquence entre elle et sa mère.

Un étonnant petit film (68 minutes) qui déstabilise mais qui passionne en même temps, porté par la présence de sa jeune comédienne magnétique d'autant que sa richesse et son univers donnent envie de s'y replonger. Par chance, ce film culte lituanien a été acheté par ED Distribution et devrait donc trouver une visibilité méritée chez nous.
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Jeremy Fox
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Re: Arūnas Žebriūnas (1931 -2013)

Message par Jeremy Fox »

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