Les Ensorcelés (Vincente Minnelli - 1952)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alligator
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Message par Alligator »

8,5/10
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Elégance. C'est le mot qui vient à mon esprit à l'évocation du style Vincente Minnelli.
Ici il nous offre un regard ô combien féroce mais non manichéen sur Hollywood. The bad and the beautiful pourrait faire penser au bien et au mal. Mais la morale de cette histoire (morale tout de même discutable) montre que du mal peut naître le bien. Discutable dans le sens ou c'est presque puéril comme morale, et puis du bien peut naître du bien itou et c'est quand même bien. Donc... et alors?
Mais plus encore, le film offre un regard plein d'indulgence sur l'humanité. Elle apparait comme morcelée, plurielle, riche. Vivante en un mot. A la fois bien et mal se disputent la réalité des rapports humains. A ce propos, le dernier plan, fabuleux est on ne peut plus évocateur. Les personnages trahis par Shields, sont dans l'ombre et retournent à la lumière pour l'entendre au téléphone. Leurs regards n'ont plus de haine. Lana Turner a les yeux de l'amour. Mais est-ce le discours concilient de Pidgeon ou une part du mal qui est en eux aussi? C'est sur cette note limite cynique que nous lache Minnelli. Le spectateur est une grande personne. A lui de décider et de réfléchir à sa condition d'humain.
J'ai beaucoup accroché à la structure même du film : 3 personnages, 3 actes. Mon affection pour Dick Powell, mon attirance pour Lana Turner, l'extraordinaire performance de Kirk Douglas font le reste et j'embarque sans problème pour un film important. D'abord pour l'aspect instructif : si l'on veut avoir une idée de la fabrication d'un film à Hollywood, y a guère mieux du point de vue pédagogique. D'autre part, c'est un film plein d'éléments de réflexion philosophique ou morale qui ne laisse pas indifférent. Mais encore la réalisation, élégante ai-je oublié? sobre en grande partie laisse aller parfois quelques mouvements d'effusion lyrique si l'on puit dire qui m'ont bluffé. Comment oublier ce dernier plan? Comment oublier la crise de larme de Lana Turner en conduisant, la colère noire de Douglas quand elle découvre sa trahison? Des petites pépites.
Un très grand film que je regrette de n'avoir pas plus apprécié en raison justement de son ton un poil trop moraliste. Comme toute fable.
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AtCloseRange
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Message par AtCloseRange »

Mon Minnelli préféré. Parfait de bout en bout (même si j'ai des toujours un poil du mal avec Lana Turner).
C'est loin d'être un de mes cinéastes préférés mais là, il a fait un chef d'oeuvre que je regarde toujours avec le même plaisir, pour Douglas, pour son scénario passionnant (et ses références aux années Tourneur-Val Lewton), pour Gloria Grahame (il y a notamment une scène de séduction d'une audace incroyable avec Dick Powell).
Alligator
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Message par Alligator »

AtCloseRange a écrit :pour Gloria Grahame (il y a notamment une scène de séduction d'une audace incroyable avec Dick Powell).
Pour ma part je la découvre. Et je suis tout aussi charmé. Et au risque de passer pour un trouduc psychopathe, je dois avouer qu'elle m'a fait penser dans les scènes où elle découvre Hollywood avec naïveté et fraîcheur à Alyson Hannigan. Vas-y, tu peux te moquer. :D
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Une oeuvre brillante et sincère.
Par contre je préfère largement le titre français que le stupide The bad and the beautiful, qui fut choisi pour mettre en valeur Lana Turner, comme si son histoire était plus importante que les autres.
A part ce petit coup de gueule qui n'engage que moi, le film est vraiment parcouru d'une intensité magistrale, d'une dramaturgie percutante.
Fascination et répulsion pour un univers de création et de trahison.
Kirk Douglas est immense.
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Griff Bonnell
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Message par Griff Bonnell »

Watkinssien a écrit :Une oeuvre brillante et sincère.
Par contre je préfère largement le titre français que le stupide The bad and the beautiful, qui fut choisi pour mettre en valeur Lana Turner, comme si son histoire était plus importante que les autres.
J'ai toujours compris ce titre comme faisant référence uniquement au personnage de Shields. Le mal et le beau sont une seule et même personne, et nos héros ont beau la haïr, ils ne peuvent s'empêcher de se sentir attirés (ensorcelés) par elle.

Maintenant, après vérification, il semblerait que tu ais raison.
Minnelli: "Avec Lana Turner en tête d'affiche, le titre du film nous sembla peu approprié ("Tribute to a bad man"). La production choisit un titre plus suggestif: "The Bad & The Beautiful"."

Je préfère ce que je m'étais imaginé, alors je vais faire abstraction de la vérité historique.
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Griff Bonnell a écrit :
Watkinssien a écrit :Une oeuvre brillante et sincère.
Par contre je préfère largement le titre français que le stupide The bad and the beautiful, qui fut choisi pour mettre en valeur Lana Turner, comme si son histoire était plus importante que les autres.
J'ai toujours compris ce titre comme faisant référence uniquement au personnage de Shields. Le mal et le beau sont une seule et même personne, et nos héros ont beau la haïr, ils ne peuvent s'empêcher de se sentir attirés (ensorcelés) par elle.

Maintenant, après vérification, il semblerait que tu ais raison.
Minnelli: "Avec Lana Turner en tête d'affiche, le titre du film nous sembla peu approprié ("Tribute to a bad man"). La production choisit un titre plus suggestif: "The Bad & The Beautiful"."

Je préfère ce que je m'étais imaginé, alors je vais faire abstraction de la vérité historique.
Quand la légende est plus belle que la réalité, il vaut mieux imprimer la légende.
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Jordan White
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Message par Jordan White »

Les Ensorcelés : Le beau noir et blanc ne m'aura pas permis d'accrocher à cette histoire et au film dans sa globalité, malgré quelques scènes fortes, telles celles où le proche de Jonathan en qui il avait placé sa confiance réalise que celui-ci le trahit en le remplaçant à la mise en scène par Von Ullstein ou quand Georgia prend conscience qu'elle est seule à la table des convives ce qui l'empêche d'apprécier sa renommée soudaine. Fin de la désillusion.
Le portrait de Georgia m'a paru très caricatural à partir d'un personnage caricatural à la base de l'alcoolique cantonnée aux seconds rôles qui se retrouve star du jour au lendemain par l'appui d'un Shields cynique et véhément, qui ira la tromper dans les bras d'une starlette.
Ca aurait pu être transfiguré par une actrice à la hauteur, mais je ne trouve pas que Lana Turner en soit une grande ici, en tout cas dans ce rôle. J'ai moins de réserve quant à Kirk Douglas, qui quand il se lâche est capable de faire apparaître la dualité de son rôle : habité tout en étant en retrait, même si c'est un homme de premier plan quand il s'agit d'imposer ses choix.

Le scénario et les histoires rapportées par le biais des flashbacks m'ont très peu touché voire pas du tout. Je trouve aussi la réalisation de Minnelli bonne mais pas miraculeuse, un peu statique à mon goût. Ce n'est pas une question de réalisme, mais de points de vue de personnages. Du coup aucune identification possible avec quiconque. Quand il s'agit du film dans le film, il fait preuve d'une virtuosité non feinte (les plans en travelling rapprochés sont formidablement exécutés), mais je le trouve sage la plupart du temps. Sauf quand il use du gros plan pour montrer les conflits intérieurs ou extérieurs lorsque Shields veut imposer son avis en homme véreux qu'il est.

Autant je trouve que la caméra se faufile partout là où pourtant certains la trouvent statique dans Brigadoon, qui reste une comédie musicale enchantée, autant là, pour signer ce film noir, portrait d'un Hollywood qui broie les chimères et fait vite réaliser à ses prétendants que la chute est aussi rapide que l'ascension à la condition qu'on est la gueule de l'emploi, je trouve que ça ne décolle pas, y compris dans le registre de l'émotion. Je trouve le film étonnament froid, et la rage contenue de Kirk Douglas n'y change rien. Lana Turner ne m'a pas séduit outre mesure non plus.

Bref, sans m'attendre à un pur chef-d'oeuvre, au film ultime sur la question des coulisses hollywoodiens où l'on s'amuserait à deviner quels véritables producteurs, acteurs et réalisateurs sont mis en scène, Les Ensorcelés aurait pu provoquer un truc, mais il y a si peu à mes yeux au final. Hormis les dernières minutes, quand Shields passe à la réalisationen disant ensuite en séance de projection qu'il annule tout. On sent l'aspérité d'un personnage loin d'être lisse, mais qui ne me passionne pas non plus outre mesure.

C'est un avis totalement subjectif bien sûr, mais vraiment pas accroché alors que Brigadoon, dans un registre certes très différent m'a bouleversé.
5/10
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Barry Egan
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Re: Les ensorcelés (Vincente Minnelli, 1952)

Message par Barry Egan »

Je crois bien avoir revu ce film pour la deuxième fois hier soir. Le plan de la femme de l'écrivain dans les décombres de l'avion et le tout dernier avec les trois artistes réunis autour du téléphone m'ont semblé vaguement familiers. La première fois c'était certainement il y a 17 ou 18 ans quand je bénéficiais des excellents conseils d'un ami qui connaissait tous les films de la médiathèque municipale.

Cet hypothétique second visionnage m'a en tout cas convaincu qu'il s'agit d'un grand classique dont le propos dépasse celui du cinéma pour atteindre celui de la psychologie générale des artistes. Un réalisateur a besoin de quoi pour prendre confiance en lui ? De voir son talent reconnu en étant trahi. Une actrice ? D'amour. Un écrivain ? D'être privé de l'amour, rendu à l'impuissance. C'est brillamment montré, surtout dans le cadre d'une oeuvre qui dure moins de deux heures. La fin est je trouve assez ambiguë. Ils écoutent le projet du Diable, certes. Signeront-ils un nouveau pacte avec lui ? Et là où on se rend compte que c'est possible, c'est parce que la séquence montre l'actrice se saisir en premier de l'appareil, le réalisateur venant ensuite, et enfin l'écrivain. Si c'était l'écrivain qui se jetait sur le téléphone, ce ne serait pas "crédible".

Formellement, y a pas à dire, c'est magnifique, et c'est totalement adéquat. La scène où Georgia entend Gaucho et sa partenaire parler de la relation qu'elle entretient avec Jonathan parvient sans le moindre mot à faire comprendre que Georgia n'est pas totalement dupe de la vraie raison pour laquelle elle s'est engagée dans cet "amour" à la fois réel et faux, car il est d'abord une condition de sa réussite en tant qu'actrice.

La partie de l'écrivain a été pour moi la plus intéressante car elle montre un homme se mettre réellement au travail après un deuil, allant au final jusqu'à marchandiser l'image qu'il avait de sa compagne pour former un nouveau livre. Il y a une forme de sacrilège dans le geste qui n'est pas interrogée frontalement. Une instrumentalisation de l'être aimé décédé qui le ramène à une pure image, condition psychologique de la survie de l'endeuillé, certes, mais lorsqu'elle se matérialise dans une oeuvre vendue au public, contre le don de laquelle on exige rétribution, n'y a-t-il pas une sorte de profanation de l'expérience ? En cela, l'auteur n'est pas différent du Jonathan qui l'a exploité. Et au final, cela crédibilise d'autant plus le tout dernier plan. Oui, y a du génie dans ce film.
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Supfiction
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Re: Les Ensorcelés (Vincente Minnelli - 1952)

Message par Supfiction »

tindersticks a écrit : 7 sept. 23, 15:56
Les ensorcelés
Supfiction a écrit : 7 sept. 23, 15:48

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Je découvre grâce à tindersticks l’existence d’un BR espagnol avec sous-titres. Quelqu’un l’a testé ?
Rien d’annoncé pour la France ?
Dernière modification par Supfiction le 7 sept. 23, 19:53, modifié 1 fois.
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Re: Les Ensorcelés (Vincente Minnelli - 1952)

Message par tindersticks »

Je l'ai et je viens de jeter un coup d'oeil, je ne suis pas un spécialiste, mais je trouve l'image magnifique.
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Re: Les Ensorcelés (Vincente Minnelli - 1952)

Message par Rick Blaine »

Resen c'est très souvent suspect du point de vue des droits. Voire toujours. En l'occurrence ici le doute n'est pas permis...
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Re: Les Ensorcelés (Vincente Minnelli - 1952)

Message par Supfiction »

tindersticks a écrit : 7 sept. 23, 19:08 Je l'ai et je viens de jeter un coup d'oeil, je ne suis pas un spécialiste, mais je trouve l'image magnifique.
Top, merci.
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