George Sidney (1916-2002)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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villag
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par villag »

Un petit rappel: ne pas oublier que ce film ( SCARAMOUCHE ), est tiré d'un roman de Raphael Sabatini, auteur bien oublié depuis, mais sans qui, le film d'aventure de la grande periode hollywoodienne ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui ( Capitaine Blood, l'Aigle des mers..........)
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Nestor Almendros
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Nestor Almendros »

posté par Cinéphage le 5 juin 2008

J'ai découvert hier Escale à Hollywood de George Sidney.
J'ai trouvé le film charmant, quoique porté par une intrigue assez faible.
Un petit rôle d'enfant est joué par Dean Stockwell, acteur cher à mon coeur depuis Code Quantum, mais dont la présence enfiévrée dans Stars in my Crown m'avait déja signalé combien, enfant, il était capable d'émouvoir. L'aspect naïf incarné par Sinatra est excessif, et finit par nuire au personnage, trop niais pour être réellement sympathique.

Reste le personnage de G.Kelly, dont les danses et, même lorsqu'il ne danse pas, dont l'élégance du geste, épate, trouble, emporte l'adhésion. Je savais apprécier ce spectacle, et n'ai pas été déçu à ce niveau, loin s'en faut. En revanche, je n'attendais pas des mouvements de caméra d'une telle ampleur. Le film abonde en mouvements de grue élégants, très précis, qui accompagnent souvent avec sensibilité les pas des danseurs, pour mon plus grand plaisir (le mouvement de grue est une de mes figures de style préférée, en matière de mise en scène). Franchement, l'inventivité présente dans ces cadrages rattrape amplement toutes les faiblesses du film par ailleurs (lors d'un concerto de pianos, c'est la caméra qui se charge de danser pour nous, dans une série de mouvements assez inspirés).

Chapeau bas, Monsieur Sidney !

PS : j'ai été fort surpris, par la suite de découvrir la piètre opinion que se font messieurs Tavernier et Coursodon de George Sidney, mais aussi de ce film. Ca me parait bien injuste.

posté par Music Man le 19 juin 2008

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PEPE de George Sidney –USA-COLUMBIA -1960
Avec CANTINFLAS, DAN DAILEY, Shirley JONES
Et Greer GARSON, Edward G ROBINSON, Frank SINATRA, Dean MARTIN, Debbie REYNOLDS, Bing CROSBY
Kim NOVAK, Maurice CHEVALIER, Jack LEMMON, Sammy DAVIS JR, Bobby DARIN, Janet LEIGH et beaucoup d'autres encore


Quel drôle de film que ce Pepe destiné à mettre en valeur un acteur hyper connu au Mexique, à savoir Cantinflas, dont les films depuis plus de 10 ans occupaient les premières places du box office de tous les pays sud-américain. Afin de le lancer aux USA, on a monté une incroyable super production, bourrée de stars venant chanter ou faire un coucou devant la caméra, autour d’un scénario complètement ridicule (un jeune palefrenier mexicain tente de récupérer son cheval adoré qu’a acquis un réalisateur hollywoodien. Il le retrouve à Hollywood et l’aide à monter une superproduction avec une jeune fille [Shirley Jones moins nunuche que dans ses 2 musicals pour Rodgers et Hammerstein]qu’il a repéré dans un café et dont il est amoureux).Hélas, malgré sa personnalité attachante (un gentil benet espiègle, une sorte de Bourvil d'Amérique du Sud), on ne peut pas dire que le gentil comique mexicain crève l'écran, même s'il a une façon toute personnelle de danser, en se déhanchant avec souplesse.
Ca n’a aucun sens : entre les innombrables guest stars, les gags plus ou moins réussis du sympathique Cantinflas, les fécéties du cheval Don Juan (qui nage dans la piscine, dort sur la table de billard et éclipse souvent la prestigieuse distribution) et les numéros musicaux, il est difficile de deviner ce qui va arriver dans les minutes suivantes. (Comme par exemple quand Dan Dailey ivre aperçoit deux lutins titubants [Debbie Reynolds et Cantinflas] sortir d’une bouteille de vin, pour danser sur le célèbre morceau Téquila ou que Jack Lemmon déguisé en femme comme dans certains l’aiment chaud apparaît dans un parking). On se croirait parfois dans Hellzapoppin, le problème étant que les gags font rarement mouche.
Mais si objectivement, Pepe n’est pas un vrai film (et qu’on a pas de mal à comprendre les raisons de son fiasco), j’ai passé un bon moment à regarder ce « gloubi boulga » musical qui comporte de fort bonnes choses un peu perdues dans l’ensemble ; George Sidney est un pro de la comédie musicale et on peut en effet lui faire confiance pour tous la partie spectacle. En outre, tout fana du cinéma hollywoodien de l’âge d’or passera un bon moment à reconnaître les grandes stars qui se succèdent soit dans des rôles totalement inintéressant (je pense à la pauvre Greer Garson, la reine du mélo des années 40, qui vient ici participer à une vente aux enchères pour acquérir un cheval), ou dans des caméos plus sympathiques (l’amusant medley de Bing Crosby qui enchaîne 3 bribes de chansons hyper connues en signant un autographe).
Le meilleur moment du film, un ballet époustouflant (dans la lignée du fabuleux ballet on your toes du film ma vie est une chanson) dansé avec un talent inouï par Matt Mattox et une Shirley Jones étonnante, dans une boite de nuit, sur une chanson très jazzy fort bien interprétée par le grand Bobby Darin. Vraiment brillant !
On est ravi de réentendre Maurice Chevalier fredonner une magnifique composition de Kurt Weill avant de reprendre son célèbre Mimi qu’il danse avec Cantinflas et Dan Dailey. Les 3 artistes y apportent leur touche perso, et c’est un régal.
La charmante Shirley Jones interprète quant à elle la ritournelle principale (un succès en France en 1960 par Jacqueline Boyer), entourée de petits mexicains, avec toute la fraicheur nécessaire et un coté très « Julie Andrews ». : C’est très mignon. On entend aussi la voix poignante de l'immense Judy Garland dans une fort belle ballade, dansée trop brièvement par Dan Dailey et Miss Jones.
En somme, de très bons moments à piocher par ci par là, mais cela vaut la peine.

Shirley Jones chante Pepe.
Hélas, la fabuleux numéro dansé par Matt Mattox et Shrley Jones que Serafin nous avait proposé jadis sur le site n'est plus disponible sur youtube pour des questions de droits;
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Nestor Almendros
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Nestor Almendros »

voici ce que j'avais posté dans le topic Gene Kelly à la fin du mois d'août 2007

ESCALE A HOLLYWOOD de George Sidney (1945)

Belle surprise et gros coup de coeur!
J'ai vu l'an passé UN JOUR A NEW-YORK de Stanley Donen, dont je garde un bon souvenir, et qui possède une filiation certaine avec le film de Sidney. Je crois que j'ai encore plus aimé l'escale à Hollywood...

Niveau comédie musicale, comme avec d'autres genres, je suis assez difficile, j'ai un peu de mal à être convaincu. Beaucoup de comédies musicales me paraissent, ternes, voire niaises. Ici l'histoire est tout ce qu'il y a de plus classique, certains pourront la trouver banale, simplette. Et pourtant... Il y a ce petit quelque chose en plus, des personnages attachants, des intrigues prenantes. Je n'ai pourtant pas été spécialement emballé par la musique ou les numéros chantés et dansés. Je retiendrai surtout le numéro à la Roméo et Juliette hispanique (très réussi) et surtout la fameuse séquence avec Tom (un tout petit peu) et Jerry (surtout). Ce passage montre bien la puissance du cinéma américain, déjà à l'oeuvre dans tout sa splendeur dans les 40's, qui était déjà capable de défier l'imagination et de mettre en images des idées complètement folles.
C'est donc surtout l'ambiance générale, positive, enjouée, qui m'a vraiment séduit. Il me semble que c'est le premier film de George Sidney que je vois, ou en tout cas que je remarque. J'ai beaucoup aimé son travail, son utilisation de la caméra montée sur grue, le soin apporté au cadre, l'inventivité de certains plans. Un effort visible, peut-être pas aussi gracieux que du Donen (mais je ne suis absolument pas spécialiste) mais tout aussi efficace. Il me tarde de découvrir SCARAMOUCHE et LES TROIS MOUSQUETAIRES, pour bientôt j'espère...

Rien à dire niveau casting (ah Gene Kelly, quel charisme!) sauf peut-être Kathryn Grayson qui ne m'inspire vraisemblablement pas les mêmes émotions que les héros du film...

Master honnête mais finalement très décevant au regard de la technique d'aujourd'hui. Il y a toujours ce souci, récurrent au Technicolor, des 3 négatifs couleurs qui sont mal alignés et qui créent une sensation de flou. L'effet se répète assez souvent.

EDIT: j'ai failli oublier de mentionner un petit bémol, un peu dommage (pour moi) mais qui n'entâche heureusement pas le film entier. J'ai simplement eu un peu de mal avec les 10 dernières minutes et l'atmosphère sucrée et un peu trop dégoulinante de bons sentiments. Ce casting improvisé qui devient finalement un essai filmé me parait trop exagéré (mais dans le ton de ce genre de film, malgré tout) et dénote un peu du reste, à cause de son exagération soudaine...
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Profondo Rosso
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Notez les films naphtas - Juillet 2010

Message par Profondo Rosso »

Tu seras un homme mon fils de George Sidney (1956)

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Biopic de Eddie Duchin, pianiste de jazz très populaire dans les années 30 et 40. Le scénario a bien du mal à se sortir des poncifs du genre avec une démarcation bien sentie et visible entre les moments de bonheur, les épreuves, la rédemption, touts bien appuyés et assez mécaniques dans leur déroulement. La première partie est ainsi idyllique avec l'irrésistible ascension de Duchin (Tyrone Power un peu jeune au départ en jeune diplômé aspirant musicien) des petits club new yorkais jusqu'à avoir son propre orchestre, tandis qu'il séduit et épouse sa muse Kim Novak. Puis après la perte de cette dernière c'est la dépression et l'errance au cours de laquelle il délaisse son fils qu'il rend responsable de sa mort, avant de se reprendre et de reconquérir sa progéniture même si la fatalité n'est jamais loin (pour ceux qui connaissent l'histoire de Duchin). La bande son est particulièrement réussie, reproduisant la frénésie des big band des années folles, et Tyrone Power (même si ce n'est sans doute pas lui qu'on entend jouer) a fait de vrai effort pour être crédible et de nombreux plan séquences dévoile que c'est bien ses mains qui s'affole sur le piano. Le côté film de studio formaté (la reconstitution est particulièrement luxueuse) est légèrement atténué par la prestation des acteurs qui font un peu vivre cette mécanique trop bien huilée. Kim Novak malgré un rôle bref marque le film de son empreinte (et rend Victoria Shaw second amour du film très fade), la douceur et l'amour de son personnage impregnant tout le reste de l'intrigue et créant l'empathie au chagrin de Tyrone Power. Ce dernier sorti de ses rôles d'aventurier dévoile une belle fragilité, et la mise en scène de Sidney est un vrai atout dans toutes les tonalités que prend le film. Des cadrages et mouvements de caméras surprenants pour traduire la frénésie des débuts, et surtout une magnifique idée lors de la dernière scène de traduire la mort de Duchin par le fait que son fils se retrouve soudainement seul à jouer tandis qu'un travelling arrière nous dévoile l'absence de Power. Pas inoubliable mais agréable à suivre donc. 3,5/6
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Jeremy Fox
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Jeremy Fox »

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The Harvey Girls (1946) de George Sidney
MGM


Sortie USA : 18 janvier 1946


"Fred Harvey, pour créer sa chaîne de restaurant le long du chemin de fer de Santa Fe, emmena des pionnières. Ces jolies serveuses, les Harvey Girls, firent la conquête de l'Ouest comme Davy Crockett et Kit Carson mais leurs seules armes étaient des steaks et des tasses de café". Pour la petite histoire, les Harvey House furent créés en 1870 dans le but d’accorder aux clients-voyageurs de la bonne nourriture à bon marché et dans un cadre calme et élégant. Les 84 restaurants de la chaîne furent développés dans 7 états tout au long du chemin de fer de Santa Fe.


La comédie musicale étant, après le western, mon second genre de prédilection, je pouvais difficilement passer sous silence le premier véritable mix des deux et donc ne pas évoquer The Harvey Girls. Il s’agit effectivement du premier ‘musical’ cinématographique à prendre pour décor et époque le Far-West du 19ème siècle. C'est le succès à Broadway d'Oklahoma de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein qui lança la mode et George Sidney fut le premier à s'y engouffrer pour Hollywood. Le cinéaste n'ayant jamais réalisé de western à proprement parler et s'avérant pourtant l'un de mes chouchous, les raisons étaient nombreuses pour que j'inclue ce film au sein de mon parcours chronologique. Mais trêve de justification d’autant qu’il y en aura 5 ou 6 autres à venir par la suite! (et puis d’abord je suis chez moi, je fais ce que je veux :mrgreen: !) Dans le domaine de la comédie musicale, George Sidney avait déjà réalisé les années précédentes les jubilatoires Bathing Beauty (Le Bal des Sirènes) avec Esther Williams ainsi que Anchors Aweigh (Escale à Hollywood) avec le duo Gene Kelly et Frank Sinatra ; il y avait peu de chances pour, qu’avec des chansons écrites par le duo Harry Warren et John Mercer, il ne transforme pas l’essai une troisième fois. Et non seulement il réussit l’exploit mais il fait même encore mieux que précédemment.

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1885. Dans le train qui la conduit à Sandrock (Nouveau Mexique) où elle doit épouser un certain H.H. Hartsey (Chill Wills), une naïve jeune fille de l’Ohio, Susan Bradley (Judy Garland), rêve à la vie qui l’attend. Elle n’a jamais vu son futur mari qu’elle ne connaît qu’à travers la correspondance qu’ils ont entretenu suite à une annonce matrimoniale. Dans son wagon, elle fait la connaissance des futures serveuses de la chaine de restaurants Harvey venues fonder une succursale dans cette ville éloignée du Far-West. Arrivé à bon port, ses espoirs romantiques s’évanouissant, Susan décide en consentement mutuel avec son ‘futur-ex époux’ de ne plus se marier. Elle souhaite néanmoins rester dans la cité bouillonnante pour faire partie des Harvey Girls. La concurrence s’avère rude avec le saloon Alhambra situé de l’autre côté de la rue ; en effet, le magistrat corrompu Sam Purvis (Preston Foster), en cheville avec Ned Trent (John Hodiak), le tenancier de l’établissement, a peur que cette ‘concurrence’ leur fasse de l’ombre. Il décide par tous les moyens détournés (incendie, menace…) de chasser les Harvey Girls de la ville. Ned, grand romantique caché, ne va pas lui être d’un grand secours puisqu’il vient de tomber sous le charme d’une d’entre elle, Susan justement. Elle apprend que, tel Cyrano, c’était lui qui écrivait les lettres au nom d’Hartsey. De prime abord très en colère, elle finit par tomber dans ses bras. Em (Angela Lansbury), une chanteuse qui dirige ‘l’escadron’ de filles légères du Saloon et qui a toujours été secrètement amoureuse de Ned, devient très jalouse de cette dernière. Le danger et le risque de ‘crêpage de chignons’ est à son comble…

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Un générique se déroulant avec l’image d’un train rutilant parcourant les immenses plaines de l’Ouest pour finir par longer les montagnes rougeoyantes de la fameuse Monument Valley. Un travelling descendant qui débute dans le ciel pour attraper le visage de Judy Garland debout sur la plate forme arrière d’un train derrière lequel défilent les paysages de l’Ouest américain familiers aux ‘westerners’ endurcis ; sauf que l’actrice chante une superbe ballade au cours de laquelle elle exprime ses espoirs et ses rêves à propos de sa vie future dans cette région éloignée de l’Ohio d’où elle vient mais qu’elle a voulu quitter par esprit d’aventure. La séquence suivante débute au milieu d’une rue avec ses maisons en bois la bordant et traversé par un troupeau de bêtes à corne. Au fond, les montagnes, au premier plan des cavaliers tout de noirs vêtus aux têtes bien connues par les connaisseurs du genre, celles de Jack lambert et Preston Foster. On pénètre ensuite dans un immense saloon enfumé et bariolé où s’affairent joueurs, cow-boys et filles légères ; l’amateur se sent encore en terrain connu avant qu’une spectaculaire séquence musicale annonce l’arrivée du train amenant les Harvey Girls. Nous nous rendons vite compte que nous nous trouvons au début devant un mix parfait de western et de comédie musicale ; mais il serait malhonnête d’affirmer que les amateurs de l’un et de l’autre genre pourront y trouver un égal bonheur sur la longueur. En effet, si le superbe décorum (costumes, décors, extérieurs…) est purement westernien, le ton, le style et les conventions tiennent principalement de la comédie musicale, les romances prennent vite le pas sur le mouvement et l’action. Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de voir comment le ‘Musical s’approprie les codes du western. Mais il faut savoir que plus le film avance, plus l’intrigue fond comme peau de chagrin pour faire place à une suite de numéros musicaux qui devraient faire trouver le temps long à ceux qui souhaitaient voir un vrai western.

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D’ailleurs, c’aurait du en être un avant l’intervention d’Arthur Freed ; originellement conçu comme un drame avec la reformation du couple de Franc Jeu (Honky Tonk), Lana Turner et Clark Gable, il se transforma en comédie musicale après la désaffection de la star masculine maison déjà prise sur un tournage et après que le producteur phare de la section ‘Musical’, surpris et boosté par le succès sur scène d’Oklahoma, opère les changements qui aboutirent à cet Harvey Girls tel qu’on peut le voir aujourd’hui. Suite à tous ces changements, Gene Kelly fut même un moment pressenti pour reformer un duo avec Judy Garland après For me and my Gal. Ces multiples remaniements expliquent certainement le pourquoi de cinq scénaristes aux manettes car sinon, au vu de l’intrigue s’avérant bien banale, les arrières plan historiques et sociaux étant rapidement laissés de côté alors qu’ils semblaient devoir être passionnants, il n’y aurait pas eu de raison qu’ils soient autant pour pondre une histoire sans originalité particulière. "Fred Harvey, c'est un pas vers la civilisation. Vous êtes le symbole de l'ordre à venir" dit à ses filles, la ‘manager’ de l’équipe de futures serveuses. Et en effet, elles auront à lutter contre les prostituées, les hommes d’affaires véreux et les tenanciers de saloons et maisons de jeux ; ces derniers pressentant qu’elles pourraient malheureusement avoir de l’influence bénéfique sur les mœurs des habitants, imaginent déjà leur future faillite. La loi du plus fort qui règne encore (on ne trouve d’ailleurs pas de shérif dans cette ville) semble devoir se terminer, les demoiselles Harvey représentant la civilisation en marche ‘risquant’ de l’enterrer définitivement après avoir apaisé les esprits et les désirs. Le quintet ayant participé à l’écriture aurait approfondi cette donnée, c’aurait probablement apporté un attrait supplémentaire à ce scénario commun mais il reste fort bien écrit au demeurant, témoin une galerie de personnage très attachante et un film qui se suit sans aucun ennui malgré la quasi absence d’action et de forts enjeux dramatiques.

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Beaucoup ont écrit que Judy Garland portait le film sur ses épaules ; elle a beau être touchante de par sa sensibilité et son charme, c’est être sacrément injuste envers ses partenaires qui sont loin d’être des potiches. Le casting est en effet franchement réjouissant dans son ensemble. Il est déjà fort agréable de retrouver des trognes qui ont roulé leur bosse dans le genre tel Preston Foster (Les Tuniques écarlates) toujours aussi élégant et racé, les amusants Chil Wills et Marjorie Main ainsi que Jack Lambert qui, avec son inquiétant visage, est parfait dans son rôle de tueur (rôle qu’il tenait déjà la semaine précédente sur les écrans face à Randolph Scott dans Abilene Town). Plus habitué des comédies musicales que du western, la délicieuse Cyd Charisse qui danse déjà divinement (c’est elle qui aurait du jouer la Salomé de Charles Lamont en lieu et place de Yvonne de Carlo), l’élastique Ray Bolger ainsi que la dynamique Virginia O’Brien, une actrice qui a vraiment trop peu tourné et qui avait pourtant une voix originale et oh combien agréable. Il ne faut pas non plus oublier Angela Lansbury, parfaite et splendidement costumée dans la peau de la prostituée jalouse. Les scénaristes ont donné à tous des personnages fort sympathiques dans la peau desquels tous ses acteurs s’en sortent très bien. Sans oublier le pauvre John Hodiak qui s’est vu villenpidé par une majorité le trouvant fade. Pour ma part, je l’ai trouvé très à l’aise dans ce rôle inhabituel de patron de Saloon romantique qui souvent part en cachette pour aller rêver devant une vallée paradisiaque qu’il a découvert derrière une montagne ; il souhaite secrètement y vivre avec la femme de sa vie qu’il n’a pas encore rencontré. La séquence qui le voit dans ce lieu magique auprès de Judy Garland est un moment d’une profonde tendresse et le fou rire qu’ils prennent avant de rentrer en ville est d’un naturel confondant ; leur couple est donc très crédible et fonctionne à merveille. Quant à Judy Garland, car elle est néanmoins la star du film, elle est exquise en même temps que désarmante de naïveté et de gentillesse dans ce rôle d’une femme moderne ayant quitté son Ohio natal qu’elle trouvait trop vieux jeu pour aller vivre une vie plus aventureuse dans le Far West. Tour à tour vulnérable et forte tête, elle est tout simplement craquante. Son visage est magnifié par la caméra de George Sidney et sa voix demeure toujours aussi belle et inimitable. Il faut l'avoir vue deux pistolets à la main aller semer la terreur dans le saloon au milieu de galants cow-boys galants jouant le jeu car plus amusés qu’effrayés…

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Mais c’est aussi grâce à la virtuosité de George Sidney que ce film finalement assez peu connu en France mérite de figurer aux côtés des très belles réussites de la comédie musicale. Moins délurée que pour The Bathing Beauty, la patte du cinéaste n’en est pas pour le moins très vite reconnaissable surtout lors des numéros musicaux : cadrages penchés, montage rapide, étonnants mouvements de caméra aériens, angles de caméras iconoclastes, arrivée des personnages ou de certains objets à flan d’objectifs sans oublier une facilité déconcertante à diriger de nombreux figurants. Lorsqu’il s’agit de filmer des scènes romantiques, Sidney n’hésite pas à filmer de très près nous offrant des portraits en gros plans absolument magnifiques. Deux séquences au moins font montre du génie du 4ème mousquetaire de la comédie musicale, la fameuse chanson de 8 minutes (qui reçu d’ailleurs l’Oscar), ‘On The Atchison, Topeka and the Santa Fe’ au cours de laquelle il nous montre l’aisance avec laquelle il semble diriger des scènes à priori (et même très certainement) très compliquées à gérer ou, tout au contraire, ‘I Shall Love You Through Eternity’ et son plan séquence qui débute avec l’entrée de Cyd Charisse dans le saloon en contre plongée et panoramique latéral ; attirée par Kenny Baker au piano, elle s’installe alors à ses côtés avant d’entamer des pas de danse très sobres, tournoyant autour de l’instrument avec une grâce et une finesse que la caresse de la caméra rend encore plus inoubliables. Autre marque de fabrique du réalisateur, son goût plastique absolument exquis, témoin la chanson de Virginia O’Brien dans l’atelier du maréchal-ferrant, ‘The Wild Wild West’ où le réalisateur joue sur toutes les nuances de brun.

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Il y a bien d’autres chansons au cours du film, toutes plus belles et entêtantes les unes que les autres, que ce soit celle qui ouvre le film, ‘In The Valley Where The Evenin' Sun Goes Down’ chantée par Judy Garland en passant par ‘It’s a Great, Big World’ par le trio Garland/Charisse/O’Brien (Cyd Charisse, piètre chanteuse, ayant été doublée) ; on y trouve certains morceaux au montage survitaminé tel ‘To be a Harvey Girl’ ou une éblouissante démonstration de claquette et de danse dégingandé par l’étonnant Ray Bolger qui ne s’était jamais remis de sa scène acrobatique coupée dans Le Magicien d’Oz (on peut heureusement la voir dans les bonus DVD de ce dernier film) ou encore la scène de valse vers la fin du film qui se termine par un long plan séquence parfaitement maitrisé. Les équipes artistiques de la MGM s'en sont données à cœur joie niveau photo, décors et costumes ; c'est chatoyant à profusion. Le ton est chaleureux, enjoué et même si la plupart des séquences musicales pourront paraître un poil trop étirées, le bonheur demeure constant. Une comédie musicale westernienne pleine de rythme et de charme dans laquelle les Indiens sont vêtus en multicolores, les Cow-boys sont rasés de près, les prostituées sont d’une rare élégance, les Bad Guys sont romantiques, les bagarres homériques se déroulent entre femmes, les rixes à poings nus au milieu d’un gigantesque incendie pour rendre le tout plastiquement plus beau et où tout se termine par des mariages et réconciliations.

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Arthur Freed, qui ne s’était pas trompé beaucoup jusqu’à présent, eut à nouveau du flair car son film empocha le jackpot ; ses recettes furent au moins deux fois plus fortes que son coût initial. Les amateurs de chevauchées et de morts violentes auront évidemment du passer leur chemin mais les autres auront été probablement conquis par cette brillante reconstitution pleine d’humour et de romantisme. Pas très bien considéré par les historiens du cinéma, j’invite néanmoins à lui redonner sa chance ; il le mérite amplement.

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Annie Reine du Cirque (Annie Get your Gun, 1950) de George Sidney
MGM



Avec Betty Hutton, Howard Keel, Louis Calhern, J. Carrol Naish, Edward Arnold, Keenan Wynn...
Scénario : Sidney Sheldon d'après un livret de Herbert & Dorothy Fields
Musique : Irving Berlin
Photographie : Charles Rosher (Technicolor)
Une production Arthur Freed (MGM)
Couleur - 107 mn - 1950


Sortie USA : 17 mai 1950


Quelques années avant la naissance du western au cinéma qui contribuera à développer le mythe d’un Far West romancé, agité, coloré et aventureux, c’est surtout grâce au spectacle de Buffalo Bill que les européens (et même les Américains d’ailleurs) auront pu découvrir les grands mythes de cet Ouest indompté ainsi que les clichés qu’ils véhiculaient dès lors ; des millions de spectateurs purent alors assister les yeux éberlués à des reconstitutions spectaculaires de chasse au bison, d’attaques de diligence par des indiens farouches et bariolés, à l’arrivée in extremis de la cavalerie au son du clairon, à des acrobaties à cheval, à du rodéo et autres séances de tir à la carabine par des virtuoses dont la fameuse Annie Oakley, héroïne du film de George Sidney après avoir déjà empruntée les traits de Barbara Stanwick dans le médiocre La Gloire du Cirque (Annie Oakley) de George Stevens en 1935. De 1883 pour sa première représentation à Omaha (Nebraska) avec pour nom ‘The Wild West Rocky Mountain and Prairie Exhibition’ jusqu’en 1912 (le Show s’étant entre temps fait renommer ‘The Buffalo Bill's Wild West Show’), le spectacle de William Cody destiné à recréer l’atmosphère de l’Ouest sauvage américain connait un important succès partout où il passe mais il n’arrive pourtant pas à entrer dans ses frais. Après une tournée européenne qui lui assure la notoriété, il rentre aux USA sans un sou et décide de s’associer avec son concurrent le plus direct, Pawnee Bill, le célèbre chef Sioux Sitting Bull finançant cette nouvelle association. C’est un peu cette histoire que nous raconte la comédie musicale de George Sidney en même temps que l’évocation de la vie de 'la fille la plus rapide de l'Ouest' et la romance imaginaire la liant avec un autre tireur d’élite, Frank Butler.

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Champion de tir que la modestie ne risque pas d’étouffer, Frank Butler (Howard Keel) est la grande attraction du Show de Buffalo Bill. A Cincinatti où le spectacle s’arrête, on lui trouve un adversaire en la personne d’Annie Oakley (Betty Hutton), une femme rustre, impétueuse et sans éducation. Annie qui n’est jamais sortie de sa campagne tombe en pamoison devant ce bellâtre de Frank qui n’y fait pas attention préférant se vanter devant elle de ses nombreuses conquêtes féminines, achevant de lui fendre le cœur en lui décrivant sa femme idéale. Quoiqu’il en soit, un concours de tir est organisé entre eux deux ; Annie en sort vainqueur et devient l’assistante de l’homme dont elle est tombée folle amoureuse. Buffalo Bill (Louis Calhern) tente, à l’insu de Frank, de faire d’Annie la nouvelle vedette de son spectacle, soutenu par Sitting Bull (J. Carrol Naish) qui ne cesse de tarir d’éloge sur cette femme qu’il décide de prendre sous sa protection. Ne supportant pas qu’on lui vole la tête d’affiche, ce matamore de Frank quitte la troupe pour se rendre chez sa principale concurrente, celle de Pawnee Bill (Edward Arnold). Buffalo Bill part en tournée de l’autre côté de l’Atlantique où Annie est fêtée par toutes les têtes couronnées européennes. Mais Frank lui manque grandement…

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Quatre ans après The Harvey Girls, déboule donc sur les écrans de cinéma américain le deuxième ‘musical westernien’, en provenance de Broadway cette fois (plus de 1000 représentations par Ethel Merman dans le rôle titre) mais à nouveau réalisé par George Sidney. Si Annie Reine du Cirque est dans nos contrées assez peu connu, il n’en est pas de même de l’autre côté de l’Atlantique où il bénéficie d’une grande notoriété. Ce fut non seulement l’un des plus gros succès de l’année 1950, l’un des ‘musicals’ qui rapporta même le plus à la MGM, mais aussi, le fait qu’il soit ensuite quasiment devenu invisible durant pas moins de trois décennies lui a fait acquérir un statut de film culte. Ce qu’on sait moins, c’est que ce fut également l’un des tournages les plus laborieux de l’histoire de la comédie musicale. Ce devait être au départ un nouveau véhicule pour Judy Garland qui aurait retrouvé à cette occasion 'The Wizard of Oz', à savoir Frank Morgan, le tout sous la direction du génial Busby Berkeley. Mais Howard Keel, suite à une chute de cheval, est blessé et Frank Morgan meurt inopinément durant le tournage. Quant à Judy Garland, fatigué physiquement, psychologiquement et nerveusement, elle ne supporte pas le traitement sans ménagement que lui fait subir le dictatorial metteur en scène. On le prie de faire ses bagages et il est immédiatement remplacé par Charles Walters qui avait toujours rêvé de réaliser ce film d’autant plus que le scénariste est le même que celui qui lui avait écrit son premier succès, le superbe Parade de Printemps (Easter Parade). Malgré qu’elle ait préenregistrée toutes les chansons écrites par Irving Berlin, au vu son déplorable état de santé, Judy Garland est à son tour suspendu. C’est en lisant la presse que Charles Walters apprend qu’il est lui aussi remplacé par George Sidney dont le père est vice-président du studio du lion.

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Ce n’est pas pour autant que le tournage peut reprendre de suite car la nouvelle actrice choisie en remplacement doit encore terminer un film qu’elle a en cours à la Paramount avec qui elle est sous contrat. Il s’agit de Betty Hutton qui s’impose face à Betty Garrett ou Doris Day (cette dernière ne sera pas en reste puisqu’elle tiendra un rôle de cabotine à peu près similaire trois ans plus tard, toujours aux côtés d’Howard Keel dans Calamity Jane de David Butler). Louis Calhern reprend le rôle de Buffalo Bill et George Sidney doit donc refilmer toutes les séquences déjà tournées qui voyaient ce personnage en scène. Ces innombrables changements, imprévus et retards font augmenter dangereusement le cout de production mais l’immense succès public le rentabilisera largement, la MGM tenant là l’un de ses plus gros hits de la décennie. Qu’en est-il du résultat ? De la part de George Sidney, le film s’avère assez décevant, l’un de ses plus faibles plastiquement et techniquement parlant au point d’avoir laissé passer des faux raccords assez ahurissants. Ce qui ne veut pas dire grand-chose pour ceux comme moi qui le considèrent comme faisant partie des plus grands réalisateurs hollywoodiens avec des sommets inégalés tels Kiss me Kate ou Scaramouche ! Ce n’en est donc pas moins une comédie musicale westernienne euphorisante et fichtrement agréable pour ceux qui accepteront un sacré coup de mou dans la seconde partie du film lors de la séquence qui s’éternise un peu trop du retour de la troupe aux USA par bateau, et pour ceux qui ne craignent ni les décors en cartons pâte, ni le cabotinage éhonté, ni la vulgarité assumée ni le kitsch le plus délirant.

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Car George Sidney est un des rares à pouvoir se permettre de se vautrer dans cette 'fange' sans que ça lui en soit reproché grâce surtout à l’efficacité et la virtuosité de sa mise en scène, à la mise en place de plans osés et étonnants (encore ces figurants passant d’un coup devant la caméra donnant un aspect foisonnant à quelques séquences, les vues du concours du tir filmées en face voyant les pigeons d’argile éclater à l’avant de l’écran…) qui font passer la pilule. Nous en avions eu la preuve dans ce petit chef-d’œuvre démentiellement baroque qu’était Le bal des Sirènes (Bathing Beauty) ; le cinéaste réitère le temps d’au moins un numéro que tous les amateurs de bon goût devront fuir au plus vite, le très amusant ‘I’m Indian too’. Il suffit, pour ceux qui ont le DVD, de comparer cette séquence à la même tournée précédemment par Berkeley ou Walters avec Judy Garland pour s’en convaincre ; la version Garland semble plate et d’une extrême sagesse à côté de la version explosive filmée par George Sidney ! Sinon, preuve que le cinéaste s’est quand même moins amusé que précédemment, le premier numéro ‘Colonel Buffalo Bill’, pendant du célèbre ‘On The Atchison, Topeka and the Santa Fe’ au début de Harvey Girls, se révèle nettement moins enthousiasmant au niveau de la pure mise en scène, les mouvement de caméra étant moins fluides et aériens même si la gestion de l’espace par George Sidney est toujours aussi appréciable. Dans l’ensemble, quand même donc beaucoup moins d’innovations stylistiques ou d’idées de mise en scène puisque la plupart des chansons sont filmées frontalement sans quasiment de recherche dans le découpage ou le montage ; peut-être aussi pour garder intact l’esprit du spectacle d’origine qui se jouait sur scène face aux spectateurs ?! En tout cas, les chorégraphies mises en place par Robert Alton sont loin d’être inoubliables.

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En revanche les chansons le sont presque toutes, la quasi intégralité composée par Irving Berlin qui signait ici une de ses partitions les plus réussies. Il faut dire aussi qu’Howard Keel est probablement l’un des plus grands chanteurs hollywoodiens (si ce n’est me concernant le meilleur à condition d’adhérer à sa puissante voix de baryton) et que Betty Hutton s’avère ici elle aussi une chanteuse de premier ordre. Le premier, du haut de ses 1.90, allait être propulsé au sommet du vedettariat dès cette comédie musicale ; il n’en était pourtant qu’à son deuxième essai en tant que comédien au cinéma ; avec son sourire enjôleur et son élégance coutumière, il interprète seul la plus belle mélodie du film, ‘My defenses are down’ et en duo avec Betty Hutton un véritable morceau d’anthologie, l’un des plus drôles jamais vus dans un film musical, ‘Anything you can do I can do better’. Sa partenaire bénéficie de plusieurs chansons soit amusantes (‘Doin'what comes natur'lly’) soit émouvantes (‘They say it's wonderful‘), déployant autant de talent dans les deux styles ; dommage que la chanson qui nous aurait rendu son personnage encore plus attachant, ‘Let’s go West again’, ait été coupée au montage (les veinards que nous sommes peuvent néanmoins la retrouver sur le DVD). Il est aussi un numéro qui propose la chanson la plus célèbre à propos des mérites du monde du spectacle (avec le ‘That’s Entertainement’ dans Tous en Scène – The Band Wagon de Vincente Minnelli), la fameuse ‘There's no business like show business’ qui reçut d’ailleurs un Oscar pour l’occasion. Ces merveilleuses mélodies sur des paroles souvent pleines d’humour nous feront souvent oublier le comique appuyé de l’ensemble (qui pourra facilement en rebuter plus d’un) et la faible teneur du scénario qui ne brille ni par sa finesse ni par son intelligence.

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Ce n’est cependant pas ce que nous nous attendions obligatoirement à trouver devant un tel spectacle (qui n’est pas comparable avec ce que nous propose Vincente Minnelli par exemple), ce qui fait que nous nous contentons de ce dernier sans chercher plus loin d’autant que les comédiens nous offrent de savoureuses compositions. Howard Keel, promu vedette du jour au lendemain, dans la peau de ce poseur fanfaron et arrogant est franchement très à son aise ; sa partenaire n’est pas en reste dans ce qui restera son rôle le plus célèbre avec celui qu’elle tiendra deux ans plus tard dans Sous le plus grand Chapiteau du Monde (The Greatest Show on Earth) de Cecil B. DeMille. Dans un registre qui ne fait pas dans la dentelle, elle cabotine avec un enthousiasme non feint pour notre plus grand plaisir car rien ne saurait résister à son abattage et à sa bouillonnante personnalité. Seul Doris Day aurait pu faire aussi bien (ah bon, vous vous y attendiez à celle là ?) ; elle ne se gênera pas pour nous le prouver trois ans plus tard en tenant le rôle d’une Calamity Jane tout aussi survoltée. Si l'ensemble est peu passionnant dans son intrigue, le film est néanmoins tout à fait regardable grâce aux superbes chansons d'Irving Berlin, au talent habituel des techniciens de l'équipe d'Arthur Freed (pétaradant technicolor jusqu’à ce coucher de soleil d’une géniale fausseté) et à la mise en scène toujours aussi efficace (même si moins inspirée qu'habituellement) du grand George Sidney. Beaucoup d’énergie à défaut d’autre chose mais quelle énergie de la part notamment de son interprète principale !
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par someone1600 »

Excellent film en effet, j'avais été particulierement impressionné par la bagarre de saloon, qui surprise, voit s'affronter des femmes... :lol:
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Jeremy Fox
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Jeremy Fox »

Aujourd'hui sur le site, la chronique du DVD Harvey Girls zone 1 (ou plutôt 1, 2, 3 & 4)
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Cathy
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Cathy »

La reine Vierge, Young Bess (1953)

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Evocation de la relation amoureuse entre la toute jeune Elisabeth future reine d'Angleterre et sir Thomas Seymour


George Sidney qui réalisa l'année précédente Scaramouche retrouve son acteur vedette Stewart Granger pour cette évocation de la vie de la jeune Elisabeth d'Angleterre. Alors que sa soeur Marie meurt, deux serviteurs évoquent un épisode amoureux de la jeune Elisabeth qui dans les faits réels avaient quatorze ans, mais une telle aventure même si tout est édulcoré, et tourné en grande histoire d'amour pure ne pouvait avoir une interprète de l'âge réel d'Elisabeth ! Ici Thomas Seymour est présenté comme le héros sympathique qui épouse Catherine Parr, dernière épouse d'Henri VIII par amour, alors que dans l'histoire ce n'était que l'ambition dévorante de l'homme qui présidait à toutes ses décisions. Il est tout de même à noter que l'on semble évoquer une nuit d'amour entre Elisabeth et Thomas Seymour, avec tous les clichés raccourcis de l'époque.

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Le film est donc une reconstitution assez intéressante de la vie de la future reine d'Angleterre avec ce long flashback, on apprécie le travail de décorateurs, de costumiers, on admire les couleurs, et on passe sur les incohérences ou les approximations comme cet Edouard VI qui paraît en pleine forme alors que c'était un jeune garçon chétif dont on connaissait la fragilité, même si celle-ci est évoquée. Le film repose aussi sur l'apparition de Charles Laughton qui reprend son rôle d'Henry VIII avec sa truculence et un certain humour comme ses caresses sur les cous de ses épouses décapitées dont naturellement Ann Boleyn, mère d'Elisabeth. Il y aussi tous ces aller et retours pour Hartley demeure d'Elisabeth qui passe son temps à perdre et retrouver sa légitimité d'héritière.

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Deborah Kerr campe une lumineuse mais fragile Catherine Parr, dernière épouse du roi et dont le rôle est assez effacé. Sa mort survient sans que l'on sache pourquoi, évidemment cela aurait été choquant un homme adultère, qui perdait sa femme suite à ses couches ! Le film repose sur Jean Simmons superbement filmée qui est l'épouse de Stewart Granger à la vie et est âgé de 23 ans, elle fait une très belle prestation en jeune femme rebelle, forte qui deviendra la fameuse Elisabeth 1ère.

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George Sidney réalise ici une très belle fresque historique basée sur un épisode méconnu mais qui permettait de réunir le couple Simmons/Granger devant les écrans

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Dernière modification par Cathy le 25 sept. 11, 23:09, modifié 2 fois.
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Flavia
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Flavia »

Très bonne critique et très belles photos Cathy, elle est adorable Deborah Kerr :)
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Cathy
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Cathy »

Un seul amour, Jeanne Eagels (1957)

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Evocation de Jeanne Eagels qui fut vedette de Broadway et mourut jeune de l'abus d'alcool, médicament et sans doute drogue.


George Sidney est réputé pour ses films musicaux, pour ses films de cape et d'épée comme le fameux Scaramouche et surtout pour de grands numéros en technicolor. Ici pour cette évocation de la carrière de Jeanne Eagels, il choisit le noir et blanc, mais l'image est particulièrement travaillée, de superbes gros plans de l'héroïne, des contre-jours, des contre-plongées magnifiques, notamment lors de la dernière scène qui voit la lente descente en enfer de l'actrice ou cette scène où l'actrice va se baigner, ivre de bonheur. Il y a aussi tout un travail sur les clairs-obscurs, ou la pénombre.
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Si le film évoque officiellement le nom de l'actrice, il semble quand même éloigné de la véritable vie de l'actrice, et se concentrer sur l'histoire d'amour entre un forain qui réussit et l'actrice qui petit à petit sombre dans la déchéance ! Il ne faut pas chercher dans ce film, un véritable biopic, mais une évocation très romancée qui plaît tellement à Hollywood, à savoir l'ascension d'une petite provinciale dans le monde sans concession du cinéma, du théâtre, mais contrairement à une étoile est née, ici c'est le portrait sans concession d'une actrice prête à tout pour réussir quitte à mentir, trahir. La rencontre finale d'ailleurs entre une jeune fille qui veut devenir actrice et Jeanne Eagels rappelle celle d'Eve.

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Alors naturellement on voit la fameuse Sadie Thompson qui fit les beaux jours de l'actrice. une évocation d'un film muet. On parle aussi de la fameuse association des artistes qui peut empêcher un acteur d'exercer sa profession s'il la déshonore. Il y a aussi la dimension mélodramatique qui marque le destin de Jeanne Eagels avec cette actrice alcoolique oubliée dont elle vole le scenario et qui se suicide. C'est d'ailleurs avec cette rencontre et celle d'un footballeur qui est aussi alcoolique qu'elle va tomber dans la déchéance et qui est sans doute une des plus scènes du film, avec cette confrontation entre l'actrice arriviste en devenir et l'actrice déchue, qui a sombré dans l'alcoolisme et qui annonce le destin de Jeanne. Il y a aussi cette scène où le médecin injecte on ne sait quoi à la jeune femme qui petit à petit semble renaître avant de sombrer totalement sur scène.

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Le film repose aussi sur la prestation de Kim Novak superbement filmée par le réalisateur et qui est particulièrement belle dans le départ du film, très jeune fille. Sans doute en fait-elle un peu trop dans les grandes scènes d'alcoolisme avec sa voix particulièrement grave, mais elle est touchante dans le début du film en jeune actrice arriviste. A ses côtés Jeff Chandler est plein de charme et fort touchant dans son évocation d'un "Ziegfeld" sans le nom. Il ne faut pas oublier Agnes Moorehead, comme d'habitude parfaite, ici en professeur de théâtre. Un seul amour est un film magnifique plastiquement parlant et montre que George Sidney pouvait toucher à tous les genres avec le même bonheur !
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Profondo Rosso »

Show Boat (1951)

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1890. Le Show Boat est un bateau qui sillonne les eaux du Mississipi avec à son bord une troupe de danseurs et musiciens donnant des spectacles de ville en ville. Andy Hawks règne sur ce petit monde et sa fille Magnolia apprend les ficelles du métier avec son amie Julie Laverne, une vedette du show. Un nouvel artiste est engagé au Show Boat, Gaylord Ravenal. Un jour, des autorités locales apprennent que Julie a du sang noir dans les veines et est mariée à un blanc. Ils contraignent Andy Hawks à la renvoyer du spectacle au grand désarroi de Magnolia. Celle-ci fait désormais partie de la troupe, elle tombe amoureuse de Gaylord et l’épouse.

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Showboat est la seconde adaptation d’une des plus fameuses comédies musicale du duo Jerome Kern /Oscar Hammerstein qui connut une première version signée James Whale en 1936. En ce début des années 50, le genre connaît depuis quelques années déjà un nouvel âge d’or et il paraissait logique de délivrer une nouvelle version calibrée aux nouveaux canons Hollywoodien. La mémorable réinterprétation des standards de Jerome Kern et Oscar Hammerstein, l’imagerie grandiose à coup de technicolor flamboyant et de décors spectaculaire ainsi que le choix du virevoltant George Sidney à la caméra font de l’ensemble une belle réussite et un grand classique du genre.

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L’histoire nous plonge parmi une troupe d’artiste itinérant sillonnant le Sud des Etats-Unis via le Mississipi sur leur bateau, le bien nommé Show Boat. Dès la spectaculaire ouverture, le pouvoir de ce monde de fête et de lumière s’avère au-delà des maux et des clivages qui rongent la région. La rumeur annonce l’arrivée du Show Boat tandis qu’il apparait progressivement dans toute sa splendeur et c’est enfants, adultes, bourgeois et travailleurs des champs de coton qui accourent dans un même mouvement et le regard émerveillé pour s’offrir un moment d’évasion. Pour les artistes c’est également un refuge aux tentations et épreuves de l’extérieur qui fera office de paradis perdu pour ceux qui seront amenés à le quitter.

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La vedette Julie Laverne (Ava Gardner) va ainsi sombrer dans une lente déchéance morale et physique lorsque la découverte de ses origines métisses (audacieuse thématique raciale malheureusement peu approfondie) la contraigne à quitter le Show Boat. Pour la douce et innocente Magnolia (Kathryn Grayson) l’idylle avec Gaylord Ravenal (Howard Keel) vire au cauchemar lorsque ce dernier, joueur invétéré, est soumis à la tentation du jeu et de la malchance qui accompagne ce vice. Les destins des deux amies se croisent donc dans ce même malheur d’être abandonnées par leurs hommes et éloignée du cocon du Show Boat. La tonalité des chansons varie d’ailleurs dans ce sens, le Can't Help Lovin' Dat Man entonné tour à tour par Ava Gardner et Kathryn Grayson se faisait amoureusement exalté en début de film puis les malheurs survenus prenant des airs lugubres, désabusés et mélancolique.

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L’interprétation est également pour beaucoup dans l’attrait exercé par Show Boat. Kathryn Grayson poursuit son ascension ici avec une prestation touchante faisant passer la pilule des bons sentiments exacerbés et le couple qu’elle forme avec Howard Keel (excellent également entre jovialité et facette plus sombre) sera reconstitué dans un tout aussi réussi Kiss me, Kate deux ans plus tard toujours sous la direction de George Sidney. Ici l’alchimie étincèle le temps d’un Make Believe romantique à souhait où les deux ne simulent leur amour que pour mieux se l’avouer. La chanson aura également sa bouleversante reprise lors de la conclusion quand Howard Keel « jouera » à être le père de sa fille Kim. C’est vraiment leur prestation qui fait passer l’aspect relativement convenu de la progression dramatique de leur personnage.

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Ava Gardner quant à elle et malgré un temps de présence à l’écran plutôt réduit (elle disparaît même au bout de 20 minutes) est merveilleuse de fragilité, que ce soit quand elle chante (doublée dans le film par volonté de la MGM alors qu’elle offre une belle interprétation sur la bande originale) passionnément l’addiction à « son » homme ou plus tard quand ravagée par les excès elle perd de sa superbe dans un écho prémonitoire aux futurs dérapages de l’actrice. Ironiquement avec un tel sujet, Ava Gardner avait remplacé l’actrice noire Lena Horne car les histoires d’amours interraciales étaient interdites à l’écran soit un des thèmes centraux du film. On saluera également Joe E. Brown et Agnes Moorehead en seconds rôles attachant. L’expressivité du premier n’est que bienveillance tandis que la seconde cache une vraie tendresse sous ses airs de sévérité.

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Les numéros musicaux, pas si nombreux finalement sont tous des prouesses où George Sidney trouve toujours le ton juste. La virtuosité accompagne donc les virevoltantes chorégraphies du couple Champion notamment un éblouissant second numéro où Sidney déploie un extraordinaire plan séquence où le couple apparaît/disparaît alternativement du champ sans coupure apparente.

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Ce qu’on retiendra surtout c’est le lyrisme des deux puissantes interprétations d’Old man river par le chanteur ténor noir William Warfield (qui fait honneur à Paul Robeson qui l'interprétait dans le film de 1936) . Celui-ci délivre toute la tristesse voulue à au deux moments clés où intervient la chanson : la première lors du départ cruel d’Ava Gardner où elle fait figure d’apaisement douloureux au malheur et la seconde élevant le sentiment de quiétude fragile de la conclusion transcendé à l’écran par les images de Sidney et un ultime regard embué d’Ava Gardner… La joie, la peine, l’espoir et le courage, tout le film est contenu dans cette chanson.5/6

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Jeremy Fox
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Jeremy Fox »

Je sens que je vais me le repasser un de ces soirs 8)
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Profondo Rosso »

Jeremy Fox a écrit :Je sens que je vais me le repasser un de ces soirs 8)
D'ailleurs la copie sans être top n'est pas si catastrophique tu m'avais fait peur :mrgreen: Ca pourrait être bien mieux vu la splendeur du film mais ça passe hormis quelques moment où elle parait un peu fatiguée c'est vrai..
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Jeremy Fox
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par Jeremy Fox »

Profondo Rosso a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Je sens que je vais me le repasser un de ces soirs 8)
D'ailleurs la copie sans être top n'est pas si catastrophique tu m'avais fait peur :mrgreen: Ca pourrait être bien mieux vu la splendeur du film mais ça passe hormis quelques moment où elle parait un peu fatiguée c'est vrai..
Tant mieux que le DVD ne t'ait pas gâché le film ; il en avait été de même pour moi d'ailleurs.

La copie est correcte ; c'est la compression qui fait parfois mal aux yeux (durant 'Ol'Man River' par exemple)
someone1600
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Re: George Sidney (1916-2002)

Message par someone1600 »

Mon enregistrement TCM est bien pire.. et pourtant il me semble que c'etait tout de meme regardable. :?
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