Tod Browning (1880-1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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feb
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par feb »

The Eye Of Doom a écrit :Bonsoir feb. Si tu as un titre particulier dispo en DVD à me conseiller je suis preneur
Love en priorité et Flesh and the Devil pour les muets (A Woman of Affairs est malheureusement indisponible en DVD...mais il est à voir aussi car c'est un super muet période "late silents" de la MGM).
Je te recommande aussi Queen Christina pour leur seul parlant.
En résumé, il faut découvrir leur 4 films :mrgreen:
Et je te conseille aussi Fast Workers dispo en Warner Archives qui est un parlant avec Gilbert très sympa...et puis il y a Mae Clarke dedans et Browning derrière la caméra donc c'est à voir.
The Eye Of Doom
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

feb a écrit :
The Eye Of Doom a écrit :Bonsoir feb. Si tu as un titre particulier dispo en DVD à me conseiller je suis preneur
Love en priorité et Flesh and the Devil pour les muets (A Woman of Affairs est malheureusement indisponible en DVD...mais il est à voir aussi car c'est un super muet période "late silents" de la MGM).
Je te recommande aussi Queen Christina pour leur seul parlant.
En résumé, il faut découvrir leur 4 films :mrgreen:
Et je te conseille aussi Fast Workers dispo en Warner Archives qui est un parlant avec Gilbert très sympa...et puis il y a Mae Clarke dedans et Browning derrière la caméra donc c'est à voir.
Merci pour tes conseils.
Je vais essayé de me procurer Love et Flesh and the Devil.
J'avais reculé pour Fast Workers car absence de sous titre :? Je vais franchir le pas.
Par contre, pas de DVD de Devils Dolls à ma connaissance ?
feb
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par feb »

Non mais il me semble qu'il y a une copie qui traine sur YT :wink:

EDIT : je n'ai rien dit, le film est dispo aux US avec STF
http://www.amazon.com/Hollywoods-Legend ... %27s+dolls
Dernière modification par feb le 14 nov. 13, 10:11, modifié 1 fois.
Federico
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Federico »

The Eye Of Doom a écrit :
feb a écrit : Love en priorité et Flesh and the Devil pour les muets (A Woman of Affairs est malheureusement indisponible en DVD...mais il est à voir aussi car c'est un super muet période "late silents" de la MGM).
Je te recommande aussi Queen Christina pour leur seul parlant.
En résumé, il faut découvrir leur 4 films :mrgreen:
Et je te conseille aussi Fast Workers dispo en Warner Archives qui est un parlant avec Gilbert très sympa...et puis il y a Mae Clarke dedans et Browning derrière la caméra donc c'est à voir.
Merci pour tes conseils.
Je vais essayé de me procurer Love et Flesh and the Devil.
J'avais reculé pour Fast Workers car absence de sous titre :? Je vais franchir le pas.
Par contre, pas de DVD de Devils Dolls à ma connaissance ?
Il faut absolument voir aussi Miracles for sale, son ultime film et peut-être le plus dingo. Un sommet du farfelu et du grand guignol. :D
Un échec à sa sortie qui fut hélas fatal à Browning. :cry:
Il est dispo en Warner Archives (en double feature avec Paradise for three d'Edward Buzzell sorti la même année 1938 avec le même duo Robert Young/Florence Rice).
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par feb »

Un peu HS vis à vis du topic mais il y aussi l'excellent HE who gets slapped avec Chaney, Gilbert et une toute jeune Norma Shearer qui est à découvrir :wink:
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

Revu "The black bird"et "West of Zanzibar".

J'aime beaucoup "The black bird". Il s'agit d'un des films les moins baroques du duo, ce qui permet à Lon Chaney de démontrer sa richesse d'acteur. Les scenes avec son ex compagne sont notamment tres belles. A voir sans hésiter, mais sans attendre le "paroxisme" des autres films.

West of Zanzibar est sans conteste avec "The Unknown" le sommet de la collaboration Chaney/Browning (du moins celle que l'on peut voir aujourd'hui).
Chaney est magicien et tres amoureux de son epouse. Hors celle-ci veut le quitter pour partir en Afrique avec Lionel Barrymore. Chaney l'apprend, Les deux hommes se disputent et lors de la bagarre Chaney fait une chute et pert l'usage de ses jambes. Quelques mois plus tard, il découvre son epouse morte dans une église avec a ses coté un bébé (une fille). Il decide de se venger de Barrymore en provoquant la decheance de la fille de ce dernier. Vingt ans plus tard , on retrouve les personnages au confins de l'afrique noire...
Le film est tiré d'une piece "scandaleuse" a succes dont l'intrigue sera un peu edulcorée pour l'adaptation ciné! Dans la pièce, le personnage joué par Chaney fait en sorte que la jeune fille attrape la syphilise... On imagine la lecture du scenario dans les bureaux de la MGM. Les critiques de l'époque se sont lachés sur ce sommet d'abjection et de mauvais gout. Selon David Skal (Dark Carnival, the secret world of Lon Chaney) , le film a précipité la fin de la collaboration et leur dernier film "Where East is East" est sans interet.

Au dela de époustouflante prestation de Chaney, j'ai été frappé à cette nouvelle vision par la restitution de l'univers africain : rituels, physique des corps , evocation du cannibalisme,... Je n'ai pas souvenir d'avoir vu ailleurs dans le cinéma antérieur aux années 50, une vision aussi crue. On se demande où Browning est allé cherché ses acteurs noirs. On est loin du coté folklorique et "fait dans les studios" d'un exotisme de bon gout. Je ne prétend bien sur pas que la vision donnée soit réaliste d'aucune façon. On est dans l'univers d'imaginaire africain du Grand Guignol, de la litterature populaire du debut du 20eme, qui mêle fascination pour la brutalité et la violence de cette terre sans dieu ni civilisation, et dénonciation du colonialisme. On pense bien sur à la nouvelle de Conrad et le final d’Apocalypse Know".
Irracontable, il faut le voir.
Le casting est sans faille. Browning retrouve son complice Barrymore, tres bon comme d'habitude. La jeune Mary Nolan assure avec conviction le role feminin Warner Baxter, idem dans le role du brave type qui a mal tourné.

La copie proposée par est tout a fait correcte.

Un sommet du cinéma muet, chef d'oeuvre indispensable pour tout les amateurs de films "borderline".
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par feb »

The Eye Of Doom a écrit :...Selon David Skal (Dark Carnival, the secret world of Lon Chaney) , le film a précipité la fin de la collaboration et leur dernier film "Where East is East" est sans interet.
Sans intérêt est sans doute un peu fort.
Certes le dernier film du duo n'a pas la noirceur et la moiteur de West of Zanzibar ou de The Unknown mais il n'en reste pas moins un film tout à fait correct de Browning. Le casting, que ce soit du côté masculin (Chaney est nickel, Lloyd Hugues parfait en jeune premier coincé entre ces 2 femmes), comme féminin (Estelle Taylor est vénéneuse et Lupe Velez c'est Lupe Velez, une actrice magnétique, pleine d'énergie et qui bouffe la pellicule) tient la route et la direction de Browning n'appelle pas à la critique. Le film manque sans doute de la puissance de son prédécesseur, souffre peut être d'une histoire un peu trop légère et d'un Deus ex machina qui gâche la fin du film mais je pense quand même qu'il vaut la peine de s'y attarder.

Et pour rester en rapport avec West of Zanzibar, je conseille aussi son remake de 1932, Kongo, avec la délicieuse Lupe Velez, l'aspect Pre-Code plus présent, un excellent Walter Huston et Virginia Bruce qui souffre tout autant que Mary Nolan.

Sinon c'est bien sympa de lire tes avis sur ces films du duo Browning/Chaney :wink:
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

feb a écrit : Sinon c'est bien sympa de lire tes avis sur ces films du duo Browning/Chaney :wink:
Merci :wink:

J ai profité d un séjour en province pour exhumer un lot de vhs enregistrées il y a plus de 20 ans lors de deux cycles Browning et Chaney au cinéma de minuit. Soit dit en passant et curieusement les enregistrements n ont pas trop mal vieillis.

Road to Mandalay (1926)

Chaney joue Singapore Joe qui tient un bouge oú avec deux associés il se livre à toutes sortes de trafics. Il a une fille qui a été élevée sans savoir qui est son père, par un prêtre qui n est autre que le frère de Chaney. Un des deux associés, l’Amiral, en tombe amoureux et change de mœurs . Ils vont se marier mais Chaney l’apprend....
Il ne reste plus qu’une tres mauvaise copie de 35 min du film. Bien que la trame soit complète, Il est difficile de se faire une opinion dans ces conditions car les parties manquantes devaient probablement développer les personnages et leurs relations. Toutefois sur une histoire typique des intrigues des films du duo, Chaney fait une composition saisissante. Avec comme seul maquillage un impressionnant œil aveugle et blanc, le film met en avant sa présence physique, à la fois forte et viril, mais aussi fragile dans les scènes oú il approche anonymement sa fille. Le reste du casting est plus conventionnel avec Owen Moore qui jouait déjà dans Black Bird et Loris Moran une jeune première assez transparente.
Arrivant chronologiquement après The unholly three et Black Bird, le film annonce la montée en puissance des films suivants The Unknown et West of Zanzibar. Le film complet devait être un bon opus.

Where East is East (1929)

Chaney est Tiger Haynes, chasseur de tigre aux confins du Vietnam. Il a une fille ( comme d hab...) qu il élève seul et avec laquelle il a une relation fusionnelle. Celle ci tombe amoureuse d un jeune homme fils du directeur de cirques auquel Chaney vend les tigres qu'il capture.
Après une période de franche hostilité Chaney fini par accepter de bonne grâce cette relation. Ils partent tous les deux pour convoyer les animaux vers Singapore. Sur le bateau voyage aussi une femme mystérieuse, d une grande beauté, qui ne tarde pas à mettre le grappin sur le futur beau fils. C est en fait une vielle connaissance de Chaney...
Suite aux remarques de Feb, j ai revu le film et force est de constater que je l ai trouvé plus intéressant que dans mes souvenirs. A l époque et après la découverte des autres films franchement plus épicés, ce film m avait paru bien fade et loin de l esprit de West of Zanzibar, leur film précédent.
On n'est pas dans le même registre outré et grand guignol et le film déploie une intrigue de mélodrame plus classique mais avec toutefois de connotations incestueuses. Rien a dire sur la mise en scène efficace de Browning ou sur le casting. Chaney est impeccable dans un rôle moins tourmenté qui doit probablement se rapprocher des rôles qu'il jouait sans maquillage dans des films plus conventionnels comme Tell us The Marines ( un de ses plus gros succès, que je n ai pas vu) . Nous avons pour une fois droit à une jeune fille bien moins insipide que d habitude jouée par Lupe Velez dont Feb vante les mérites mieux que moi un peu plus haut.
Estelle Taylor joue quant à elle les garces avec conviction.
Browning est a l aise dans l évocation des ambiances orientales, plutôt réussies pour les scènes dans le bateau.
Le film est donc honorable sans être passionnant. Il évoque certaines œuvres muettes plus anciennes de Browning et reste à voir pour tous amateur.


Sur la lancée, j ai enchainé avec, par ordre chronologique :

The thirtheen chair (1929)
L intrigue se déroule dans le milieu de la noblesse anglaise coloniale en Inde. Un coureur de jupon est assassiné par une femme que l'on cherche à identifier. Une voyante est mise à contribution pour faire parler le mort. La séance de spiritisme dérape....
Le film à l époque de sa découverte m avait paru bien mineur mais ici l opinion est confirmée : Pas grand chose au tirer. Le film est adapté d une pièce de théâtre et cela se voit, il est assez statique et au suspense poussif.
On retient juste deux points . Il s agit de la première collaboration entre Browning et Lugosi . Ce dernier dans le rôle de l inspecteur cabotine moins que dans Dracula mais d ici à dire que c est un bon acteur...
Le second aspect est relatif au monde des trucages ici employé par la fausse spirite. Le thème est au cœur de l œuvre de Browning et déjà au centre de The Mystic et dans le contexte du cirque dans The show.
. Il sera repris une dernière fois pour être le cœur de Miracles for sale. Browning fait à la fois l éloge et la dénonciation des magiciens. Éloge quand ils se présentent comme truqueurs d entrée, dénonciation dès lors que le truc sert à escroquer. Dans ce film, la posture est intéressante car la spirite commence par expliquer ces tours pour gagner la confiance. On verra plus bas comment le thème est évoqué dans Miracles for Sale.
Le film souffre surtout de l histoire sans intérêt du style whodunit, et m a rappellé La volonté du mort de Muni ( déjà pas fameux).
A moins de vouloir tout avoir vu de Browning, on peut sans passer.

Les poupées du diable (1936)

Le banquier Paul Lavond s évadz du bagne où il a passé 17ans suite à un complot de ses associés. Il n a qu une idée : se venger. Il s évade avec Emil Coulvet un savant fou qui a inventé un procédé pour miniaturiser les êtres vivants, ceci à fin de réduire l ensemble de l humanité et d’ainsi résoudre les problèmes de faim dans le monde. Malheureusement, les êtres dont la taille a ainsi été réduite sont sans volonté et n agissent que commandés par un humain normal. Lavond va exploiter ces "poupées" pour exécuter sa vengeance...
Un grand classique du film fantastique.
On trouve crédités au scénario Von Stroheim !!, Guy Endore ( écrivain populaire assez connu a l époque) dans une adaptation d un roman de Abraham Merritt ( que je n'ai pas lu). L intrique est inspirée ( plagiée de ) celle du faiseur de merveilles, très belle nouvelle de Fritz O Brien que je conseille vivement.
Le film est porté par la composition de Lionel Barrymore, vieux complice de Browning et excellent acteur. Il reprend de façon saisissante le déguisement en vieille dame inoffensive, utilise déjà par Chaney dans The Black Bird.
L intérêt du film vient de la psychologie de Lavond. Il essaye avant tout de retrouver la considération de sa fille qui le hait. Innocent, il devient criminel en se vengeant mais garde curieusement un fond d humanité face au projet délirant et inhumain de Coulvet. Il est le seul à finalement se préoccuper du sort de ses poupées alors que la veuve de Colvert devenu sa complice ne fait que jouer avec.
Je ne sais plus où j'ai lu une analyse du film mettant en avant l opposition entre ces deux projets : projet injustifiable mais profondément humain d un côté, projet humaniste/utopique mais inhumain de l autre.
Excellent trucages et reconstitution gigantesques.
On retrouve la capacité de Browning à réaliser les scènes mélodramatiques , notamment dans la belle scène oú la famille Lavond est réunie : Lavond visite sa mère sous le déguisement de mme Mandelip, il s est fait reconnaître de celle-ci et tout deux vont tenter d’infléchir le jugement de la fille.
Les critiques de l époque cités par D Skal mettent en avant l aspect peu effrayant de l ensemble, en comparaison aux productions de l époque. Un film d horreur pour les enfants, les poupées étant jugées plutot mignonnes. Le film est donc à restituer dans le contexte de la mode des films horrifiques de ce milieu des années 30. Il ne déploie pas les même charmes que la Fiancé de Frankenstein sortie l’année précédente, en raison notamment de l absence d éléments gothiques. L horreur est avant tout d origine scientifique, le procédés de création des poupées est d ailleurs suggéré et non montré: Browning écarte l effet facile de la réduction du corps lui préférant une sorte d allégorie cotonneuse : de moins en moins de coton est nécessaire pour couvrir le corps de la poupée au cours des différentes phases de sa réduction. Il n y a in fine pas de tentative crédible de nous faire croire à la réalité de processus, accentuant le côté artificiel et conte de l histoire.
Le film dans un registre totalement différent de Freaks démontre le savoir faire de Browning dans le cadre d un film de studio et sa capacité à introduire ses obsessions personnelles.

Ce qui nous amène à Miracle for sale (1938)

Michael Morgan fait métier de développer et vendre des trucages sophistiques pour les magiciens professionnels et les artistes. Son enseigne est Miracle for sale. Il est aussi connu pour lutter avec acharnement contre les faux magnétiseurs et autres charlatans qui exploitent la crédulité des gens en leur vendant fantôme, vampires, ....
Il se retrouve impliqué dans une histoire de meurtres de magnétiseurs, mellant chambre close et rites sataniques.
Le film est connu pour démarrer sur une scène impressionnante dont je ne dirai rien...
Il s agit avant tout d une sorte de comédie policière sur fond de trucs, masques et manifestations surnaturelles. L'intrique n est pas toujours passionnante mais réserve deux ou trois moments intéressants ( la filature du suspect, la découverte du sous sol chez le Colonel Watrous, ...) Le film repose sur une mise à nu des artifices, mais tous cela n est pas pleinement assumé. En effet Morgan se livre à un numéro de prestidigitation en faisant disparaître à plusieurs reprises la salière que le serveur dépose sur la table. Alors que l'esprit même du film aurait voulu que le tour soit crédible et exécuté « en vrai » c est un effet spécial qui est utilisé par Browning. De même les machineries mises en branle involontairement par le père du héros ne sont pas restituées de façon crédible. Le film exploite les ficelles que le héros dénonce ce qui nuit au propos. Mais la est en fait est le problème : nous avons l'impression d'être devant l'utilisation du prétexte de ces trucs comme ressort dramatique et comique et non comme le véritable sujet enjeu du film( on pense ici bien sûr au Prestige de Nolan, du moins pour sa partie non fantastique) .
Pour moi finalement un agréable film de studio sans gros défauts mais assez mineur, . Il montre toutefois la capacité de Browning a faire un produit à la fois standard et personnel, comme pour les Poupées. Il est surprenant que cette capacité ne lui ait pas permis de faire d autres films, même en tant que cinéaste « standard ». Cette fin de carrière est donc curieuse pour un cinéaste qui n'a pas eu de difficulté à passer au parlant après une carrière muette portée par des succès commerciaux et quelques fois critiques avec Chaney.

Skal fait justement remarquer que le cinéma de Browning est plutot statique avec pas ou peu de mouvementq de caméra. C'est avant tout un cinéaste privilégiant l’ ambiance et les situations, plutot que la dynamique et le mouvement. Cela aurait nuit à sa carrière. Difficile à dire avec le recul.

Ce nouveau parcours de la filmographie de Browning, presque 30 ans après la découverte traumatisante de Freaks et The Unknown au Cinéma de Minuit m 'amène à apprécier le professionnalisme de Browning mais aussi a voir ses limites notamment dans ses films parlants.
Sans surprise les films de Browning valent aussi en grande partie ce que valent ses scénarios et surtout ses acteurs. Si Chaney et Barrymore ont porté les meilleurs œuvres, Browning a probablement souffert d un casting souvent de convention avec notamment l absence de grande actrice. On a dit que le problème des films avec Chaney est que ce dernier n avait pas face à lui d actrice capable de l affronter. Les quelques scènes remarquables portées par des femmes ( The show, Where East is East, Devil dolls, ...) font regretter que Browning n est pas dirigé plus souvent actrices plus convaincantes.
Quant aux scénarios au delà des trois ou quatre chefs d œuvres, ils laissent aussi souvent à désirer, on a l impression le plus souvent par facilité. Il a été noté que dans le cas des films avec Chaney, la première partie qui campe le cadre est souvent réussie alors que la suite s avère ne pas toujours exploiter le potentiel, se résumant à amener le personnage joué par Chaney a sa triste fin. On ne peut pas dire non plus que le scénario de Mark of The Vampire soit bien terrible.
Si je mentionne ces limites ce n est pas pour dévaluer l œuvre de Browning, incontournable, mais pour regretter quelques occasions manquées.

Me reste plus qu'à tenter de voir Fast workers et Iron Man....
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Profondo Rosso »

Les Poupées du diable (1936)

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Victime d'un complot ourdi par ses associés, le banquier Paul Lavond est envoyé au bagne. En prison, il fait la connaissance d'un chimiste génial qui a découvert un procédé permettant de rapetisser les animaux. Les deux hommes parviennent à s'enfuir. Maintenant libre, Lavond entreprend de se venger en appliquant l'invention du chimiste à ses anciens associés, qu'il souhaite réduire à l'état de Lilliputiens.

Avant-dernier film de Tod Browning, Les Poupées du diable constitue un nouveau classique du cinéma fantastique pour le réalisateur. Le film adapte le roman Burn Witch Burn de Abraham Merritt pour une histoire mêlant habilement fantastique et récit de vengeance. C'est précisément le surnaturel qui rend la vengeance réalisable avec le bagnard Paul Lavond (Lionel Barrymore) usant de l'invention du codétenu avec lequel il s'évade pour punir ses anciens associés responsable de sa déchéance. La faculté de Browning à déstabiliser avec des images défiant la logique fonctionne à plein ici, où après la simple étrangeté de la vision de chiens miniaturisés le vrai malaise s'instaure en appliquant le principe à une malheureuse servante. Sous son allure frêle la folie du savant (Henry B. Walthall) et de son épouse et assistante Malita (Rafaela Ottiano) interpelle, le peu de cas fait de leur cobaye rendant le prodige plus dérangeant que poétique.

Tout le film tourne autour de ces sentiments contrastés, Paul Lavond s'avérant tour à tour touchant de détresse face aux conséquences de son long emprisonnement (sa mère vivant dans la misère, sa fille jouée par Maureen O'Sullivan qui lui tient une rancœur tenace) puis impitoyable dans l'exécution de sa vengeance. Une dualité qu'on retrouve aussi dans son travestissement en vieillarde avenante qui lui permet d'amadouer ses interlocuteurs et passer entre les mailles de la police. C'est surtout dans la contradiction entre l'allure innocente et angélique des poupées et les crimes sordides qu'elles sont téléguidées à faire que Tod Browning sert les visions les plus stupéfiantes. Browning fit concevoir des décors gigantesques au le directeur artistique Cedric Gibbons pour un saisissant jeu sur les échelles qui donne aussi à ces séquences une aura étrange, cauchemardesque et finalement dépourvues de tout émerveillement. Cet aspect se dévoile parcimonieusement (la scène où Malita fait danser les deux poupées) par la grâce de stupéfiants effets spéciaux (hormis les ombres les incrustations son vraiment parfaite pour l'époque), mais c'est la dimension menaçante et inquiétante qui domine notamment par un crime nocturne brutal.

La résolution jouera également sur plusieurs gammes d'émotions, le chaos pour les vrais monstres guidés par la seule expérience, l'apaisement pour les plus innocents et une belle fin ouverte où l'on peut aisément imaginer un Paul Lavond apaisé se retirer définitivement. 5/6
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par bruce randylan »

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La fille adoptive (The deciding kiss -1918)
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Une association parvient à placer une orpheline qui vivait avec ses grands-parents dans chez des jeunes bourgeois. Mais au lieu de la petite fille qu'ils pensaient recueillir, ils voient arriver une adolescente.

"Si Mary Pickford y arrive, pourquoi je ne pourrais pas le faire ?"
Voilà ce qu'a du se dire Edith Roberts en optant pour ce rôle. Sauf que malgré ses 19 ans, Edith en parait 25, ce qui pose problème quand elle est censée jouer une fille de 13-14 ans (du moins, on le suppose car son âge n'est jamais évoquée dans le film), d'où un sérieux coup dans l'aile à la crédibilité du film auquel on ne croit jamais, qu'il s'agisse de l’interprétation et des personnages. Il y a vraiment de grosses lacunes dans la caractérisation, ratée, de l'héroïne, au point où ça devient gênant quand on se penche sur les autres caractères.
Curieusement en revanche, le scénario recoupe pourtant certaines thématiques du cinéaste avec une "freaks" (ici prisonnière entre l'enfance et l'âge adulte, jamais prise au sérieux), torturée par un amour à sens unique.
Ca tient peut-être plus à un hasard qu'à la volonté de Browning d'injecter de sa personnalité dans ce véhicule dédiée à Edith Roberts si on se fie à la réalisation totalement effacée et anodine, quoique joliment photographiée.
Sa courte durée ne joue pas non plus à sa faveur avec un dénouement trop accéléré qui aurait mérité plus de description et de psychologie. Il y avait pourtant matière à rendre le personnage touchant dans sa nécessité de devoir mûrir émotionnellement pour faire face à l'aveuglement de l'homme qu'elle aime.


La morsure (The show - 1927)
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Un acteur d'une troupe de saltimbanques, véritable Don Juan égoïste et cynique, courtise la fille d'un riche fermier. Une de ses partenaires de planches, et ancienne maîtresse, voit d'un mauvais œil ce rapprochement d'autant que son nouveau prétendant est un criminel sans scrupule qui vient de faire abattre le fermier en question.

La, pas de doute, on est bien chez Tod Browning avec sa présentation d'un cirque rempli de freaks, ou plutôt de faux freaks, dans une introduction malicieuse qui annonce un peu l'ambiance de Miracles for sale (en moins roublard) en dévoilant quelques coulisses de numéros truqués : femme sirène, femme araignée et surtout un numéro inspirée de de Salomé où John Gilbert est sensé se faire trancher la tête devant le public. Mais Tod Browning s'amuse aussi de la cohérence et la vraisemblance en n'expliquant jamais le concept de la tête sur le plateau.
Quand on connaît Browning, on devine très rapidement où va nous conduire le climax : une reprise de ce numéro qui risque de se produire sans trucages dans un grand moment de sadisme où le méchant n'est autre que Lionel Barrymore
Ca sera bien sur le cas, du moins celui de la première partie.
Pendant 40 minutes, The show est une excellente production, avec des personnages ambiguës et troubles, sans véritable héros noble et pure, pour une ambiance de plus en plus tendue et dangereuse.
La seconde représentation de Salomé offre un savoureux suspens à la Hitchcock bien exécuté. Alors qu'on s'attend à se diriger vers un dénouement rapide, voilà qu'on bifurque dans une seconde partie qui semble tout droit sorti d'un film totalement différent avec cette histoire d'aveugle qui demande à se faire lire les lettres de son fils, marin toujours en déplacement à l'autre bout du monde.
Le film devient statique, perd son ironie pour un virage mélodramatique très lourd sur la rédemption et le pardon. Je me suis vraiment demandé pendant 15-20 minutes qu'est-ce que je faisait et ce que Browning cherchait à raconter et comment il allait retomber sur ses pieds... Assez maladroitement avec un nouveau climax hitchcockien, mais davantage grotesque avec un iguane venimeux (?) et bondissant (!?)... Et toujours pas mal de pathos dégoulinant avec cette rédemption via le fils de substitution.
Il va sans dire que je préférais l’atmosphère de la première partie. Dommage aussi pour les comédiens qui font de leur mieux pour rester à la hauteur de leur personnages mais qui semblent se débattre un peu dans le vide par moment.

La production aurait-elle imposée un dénouement différent pour rendre les personnages plus positifs ?


Where east is east (1929)
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En Indochine, Un chasseur de tigre qui a élevé seule sa fille voit d'un mauvais œil qu'elle soit courtisée par un occidental. Mais après que ce dernier l'ai sauvée d'un fauve échappée de sa cage, il lui accorde de bon cœur sa main. Lors d'un voyage en bateau qu'ils font tous les deux, son futur gendre fait la rencontre d'une femme fatale.

Comme le précédent, les belles promesses du départ ne sont pas respectées... Et que la déception est ici encore plus grande. Il y a tout d'abord une formidable reproduction de l'Indochine, particulièrement réaliste avec des décors très réussis et des figurants asiatiques. Les plans larges sont très marquants avec très peu de transparences ou de doublures (c'est bien Lon Chaney qui monte un éléphant au milieu d'une large rue piétonne longeant une rivière).
L’interprétation est vive et fraîche avec un Lon Chaney impérial et très humain face à une espiègle Lupe Velez, très drôle en femme jalouse qui joue des sales tours à celles qui pourraient faire du charme à son amoureux.
Et puis patatra, quand apparait Estelle Taylor, on vire dans la caricature, l’insupportable cabotinage pour un personnage et une actrice exécrables et horripilantes. Je ne vois pas d'autres mots à son maquillage agaçant, sa coiffure "arachnide" et sa façon grotesque de racoler. Le pire, c'est que les motivations de son personnage ne sont jamais expliquées. C'est une garce égoïste parce que c'est comme ça et puis c'est tout. Elle a décidé de pourrir la vie de sa fille par caprice, point barre.
Il m'en faut moins pour décrocher, malgré les tentatives de Browning et de ses comédiens masculins pour créer une certaine intensité dramatique (Lloyd Hughes, au bord de basculer dans la folie).
Le final largement prévisible, et forcément sadique, est ratée, recyclant en plus celui du Club des trois .

Il reste tout de même dans les points positifs, un regards respectueux sur l'orient, pas condescendant ni colonialiste.
Et je l'ai déjà dit mais Lon Chaney est sensationnel dans un rôle très humain et touchant. Il savait en quelques secondes exprimer une profonde mélancolie, une âme à vif et des sentiments contradictoires avec un rare talent.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

bruce randylan a écrit : La morsure (The show - 1927)
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Un acteur d'une troupe de saltimbanques, véritable Don Juan égoïste et cynique, courtise la fille d'un riche fermier. Une de ses partenaires de planches, et ancienne maîtresse, voit d'un mauvais œil ce rapprochement d'autant que son nouveau prétendant est un criminel sans scrupule qui vient de faire abattre le fermier en question.

La, pas de doute, on est bien chez Tod Browning avec sa présentation d'un cirque rempli de freaks, ou plutôt de faux freaks, dans une introduction malicieuse qui annonce un peu l'ambiance de Miracles for sale (en moins roublard) en dévoilant quelques coulisses de numéros truqués : femme sirène, femme araignée et surtout un numéro inspirée de de Salomé où John Gilbert est sensé se faire trancher la tête devant le public. Mais Tod Browning s'amuse aussi de la cohérence et la vraisemblance en n'expliquant jamais le concept de la tête sur le plateau.
Quand on connaît Browning, on devine très rapidement où va nous conduire le climax : une reprise de ce numéro qui risque de se produire sans trucages dans un grand moment de sadisme où le méchant n'est autre que Lionel Barrymore
Ca sera bien sur le cas, du moins celui de la première partie.
Pendant 40 minutes, The show est une excellente production, avec des personnages ambiguës et troubles, sans véritable héros noble et pure, pour une ambiance de plus en plus tendue et dangereuse.
La seconde représentation de Salomé offre un savoureux suspens à la Hitchcock bien exécuté. Alors qu'on s'attend à se diriger vers un dénouement rapide, voilà qu'on bifurque dans une seconde partie qui semble tout droit sorti d'un film totalement différent avec cette histoire d'aveugle qui demande à se faire lire les lettres de son fils, marin toujours en déplacement à l'autre bout du monde.
Le film devient statique, perd son ironie pour un virage mélodramatique très lourd sur la rédemption et le pardon. Je me suis vraiment demandé pendant 15-20 minutes qu'est-ce que je faisait et ce que Browning cherchait à raconter et comment il allait retomber sur ses pieds... Assez maladroitement avec un nouveau climax hitchcockien, mais davantage grotesque avec un iguane venimeux (?) et bondissant (!?)... Et toujours pas mal de pathos dégoulinant avec cette rédemption via le fils de substitution.
Il va sans dire que je préférais l’atmosphère de la première partie. Dommage aussi pour les comédiens qui font de leur mieux pour rester à la hauteur de leur personnages mais qui semblent se débattre un peu dans le vide par moment.

La production aurait-elle imposée un dénouement différent pour rendre les personnages plus positifs ?
Quand j'ai découvert le film, j'ai eu un intérêt exactement inverse: une première partie sympathique mais convenue(pour Browning), c'est la seconde partie qui m'a marque, notamment pour la mise en scène et l'interprétation.
The Eye Of Doom a écrit :.

The Show (La morsure) 1927
....

On retrouve ici tous l'univers de Browning :
  • le cirque, ses mises en scènes et ses trucs (ici la décapitation de Jean Baptiste à la demande de Salomé représentée sur scene pour l"effroi des spectateurs)
    le mix d'intrigue criminelle et mélodramatique
    le macabre et la mort violente
Si le film déroule d'abord une intrigue bien menée mais plutot prévisible (dont se rappelleront les auteurs des EC comics), c'est franchement dans sa dernière partie ouvertement mélodramatique que Browning donne le meilleur. L'irruption du vieux militaire aveugle attendant son fils parti à la guerre est incroyable de densité. L'intrigue melo est invraisemblable comme il se doit dans tout les grands mélo muets mais ce coté outrancier est porté par la mise en scene habile de Browning (passage de la porte ouverte, dévoilement graduel de la situation des protagonistes). Browning se montre ici l’égal d'un Borzage.
J'ai trouvé Gilbert, qui je decouvrais ici, parfait. S'il n'a pas l'incroyable plasticité de visage de Chaney, il est tout à fait convainquant dans le parcours interne le menant à la rédemption. Cela ma donné envie de voir d'autres de ces films, avec Garbo par exemple. Quant à Barrymore, qui sera le complice régulier de Browning, il a un role plus monolithique, assumé avec vigueur.

The Show est donc un grand film de Browning à decouvrir dans une copie tout à fait correcte.
D'autres avis ?
bruce randylan
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par bruce randylan »

The Eye Of Doom a écrit :
bruce randylan a écrit : La morsure (The show - 1927)
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Quand j'ai découvert le film, j'ai eu un intérêt exactement inverse: une première partie sympathique mais convenue(pour Browning), c'est la seconde partie qui m'a marque, notamment pour la mise en scène et l'interprétation.
John Glibert est toujours très bon dans ce dernier acte et on sent une déchirante lutte intérieure face au comportement à adopter devant ce vieux aveugle. Mais ce dernier est en revanche trop dans l'excès. Il y a une clairement un problème de structure. Ce personnage aurait été présenté, même très brièvement dans la première partie, ça aurait donné une cohérence. La, on te sort un personnage d'un chapeau magique et il faudrait y croire. C'est d'autant plus incompréhensible quand on apprend ses liens de parenté avec le personnage féminin.

Par contre, pour la réalisation, je la trouve basique. La gestion du temps, par exemple, est inexistante. A un moment, on apprend que ça fait plusieurs mois que Gilbert vit caché mais ça ne se ressent jamais.


Je continue du coup :

Le club des trois (The Unholy three - 1925)
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Trois membres d'un cirque (un ventriloque, un nain et un culturiste) s'associent pour mener plusieurs cambriolages grâce à d'habiles déguisements. Mais les 3 membres ne sont pas d'accord sur les méthodes à employer.

Si j'avais de gros doutes sur The show, je suis plus convaincu par ce titre qui partage quelques similitudes dans l'évolution du rôle principal, notamment cette idée de rédemption. Contrairement au personnage de John Gilbert, celui de Lon Chaney est plus cohérent, plus intègre dans son écriture. Il partage avec lui un cynisme et une certaine immoralité mais il possède des lignes rouges et une sensibilité qui permettent de faire comprendre son revirement lors du dernier acte.
Et les protagonistes aux cœurs de son dilemmes sont présents dès le début et leurs rapports sont décrits régulièrement.

Après, le film est loin d'être parfait pour autant. Derrière le concept génial et jubilatoire, l'histoire n'exploite pas pleinement ce potentiel grinçant et presque anarchiste. Il y a bien des moments ironiques franchement réjouissant (la visite chez le client, les bijoux cachés dans le jouet que manipule un policier ou le mot écrit durant le procès) et des personnages haut en couleurs à commencer par Lon Chaney évidement évidement qui a notamment pour partenaire un Harry Earles teigneux au possible mais ça a du mal à passer la seconde, à dynamiser le récit, à sortir de certaines facilités et clichés.
Et j'ai trouvé la réalisation de Tod Browning assez plan-plan avec surtout une très mauvaise gestion de l'espace. Ca se déroule pourtant dans une poignée de décors, pourtant on ne sait rarement où se situent les pièces par rapports aux autres ; ce qui est plutôt gênant quand on doit créer un suspens autour de l'arrivée d'indésirables. Même choses durant le procès où l'absence de plan large affaiblit la continuité.
Et ce n'était peut-être pas la meilleure idée de faire reposer quelques scènes clés autour d'un ventriloque dans une œuvre muette :mrgreen: (même si la solution des perroquets parlant est assez drôle). La séquence du tribunal perd ainsi beaucoup de ses effets.

Ca reste tout de même largement recommandable pour son concept et son interprétation remarquable et plusieurs séquences réjouissantes. Je me demande ce que vaut du coup le remake parlant de 1930.
Ca aurait sympa que la cinémathèque le programme. Mais elle n'a pas vraiment été à la hauteur et la rétrospective du Musée d'Orsay était plus complète avec ainsi Man under cover, Outside the law, the thirteen chair, les fragments de The exquisite thief, The mystic (qui vient d'être déprogrammé) et une copie incomplète de The road to mandalay (qui semble pourtant faire parti des collections de la CF).
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

bruce randylan a écrit : Je me demande ce que vaut du coup le remake parlant de 1930.
Je l'ai acheté en DVD pour 3€ en Espagne mais l'ai pas encore regardé. Je vais le ressortir du fond de l'étagère où il prend la poussière depuis 2ans...
bruce randylan a écrit : The mystic (qui vient d'être déprogrammé) .
Bad Luck Decouvert à Orsay justement, j'aurais bien aimé le revoir bien que je ne garde pas le souvenir d'un grand film
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par bruce randylan »

The Eye Of Doom a écrit :
bruce randylan a écrit : The mystic (qui vient d'être déprogrammé) .
Bad Luck Decouvert à Orsay justement, j'aurais bien aimé le revoir bien que je ne garde pas le souvenir d'un grand film
Je devrais pouvoir récupérer un vieil enregistrement du cinéma de minuit :)


La vierge d’Istanbul / The virgin of Stamboul (1920)
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Une jeune mendiante, farouchement indépendante, brave l'interdit pour une femme de rentrer dans une mosquée. C'est à ce moment qu'elle aperçoit un Sheik assassiner un homme blanc, l'amant de la favorite de son harem.

Une des premier films que Tod Browning tourne avec (pour ?) Priscilla Dean et ce fut le premier vrai succès pour Browning, lui ouvrant de plus gros budgets et plus de liberté. Mais avant ça, il fallait donc mettre en boîte cette comédie d'aventures orientaliste qui ne brille pas par sa crédibilité et le soin accordé à sa reconstitution, bourrés d'invraisemblances et d'anachronismes : désert aux portes d'Istanbul, décors récupérés à d'autres productions et à peine déguisés pour les "arabiser", costumes à la limite du folklore tzigane, quasiment aucun acteurs ni même figurants typés...
Heureusement, le film ne se prend pas trop au sérieux grâce à la pétillante Priscilla Dean qui est très moderne et clouerait le bec à pas mal de super-héroïnes contemporaines qui voudraient croire qu'elles sont les premières action-girls. Il ne faut pas la contrarier dame Dean et durant le dernier acte, c'est elle uniquement qui mène le jeu en s'évadant seule de prison, en franchissant une palissade pour rentrer à l'intérieur d'un fort assiégé ou en se battant avec violence contre plusieurs adversaires masculins, n'hésitant à décrocher plusieurs sales coups même une fois que ces derniers sont au sol !
Cette dernière partie reste tout de même le prétexte qui peut donner envie d'accorder une chance à ce modeste film à l’interprétation faible (les acteurs semblent n'avoir qu'une expression qu'ils déclinent à répétition, Wallace Beery le premier), à la vision pour le moins raciste du monde musulman et un scénario en roue libre aux personnages inconsistants.
Tod Browning fait le job, proprement (photo et cadrage honnête), sans dépasser des lignes.


Under two flags (1922)
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Fuyant un passé qu'il garde mystérieux, un homme rejoint l'Algérie et s'engage dans la légion étrangère française. Cigarette, une métis fort en caractère et égérie du régiment, tente de se rapprocher de cet homme qui reste mutique et discret tandis qu'une guerre est sur le point d'éclater avec différentes tribus arabes.

Toujours une "orientalerie" avec Priscilla Dean sauf que cette fois on devine un budget plus confortable, ce qui se sent immédiatement par des décors et une recréation de l'Algérie plus crédible et moins carton-pâte que dans la Vierge d'Istanbul. Il y a aussi des acteurs plus concernés et subtiles ainsi que moins de clichés colonialistes, sans doute car plus centré sur les soldats.
Dean reprend un personnage féminin en avance sur son temps, positive, fraîche et courageuse qui participe régulièrement à l'action et s'impose comme le moteur de la narration bien que son partenaire masculin soit plus présent à l'écran.
Le scénario, sans être palpitant, est mieux structuré pour des personnages davantage consistants, sans tourner totalement le dos à tous les clichés habituels (le méchant, l'ancien majordome). Si Browning, qui co-écrit tout de même le scénario, ne livre pas encore un film personnel, introduit quelques touches de sadisme qui annonce ses films à venir. Il s’acquitte principalement d'une mise en scène professionnelle, pas toujours dynamique mais efficace quand il faut l'être. Ainsi il accouche d'un suspens final prenant, qui doit beaucoup à Griffith avec sa course contre de la montre désespérée pour un montage de plus en plus nerveux.
Par contre, on perd un peu le charme naïf du Vierge d'Istanbul.

Sinon pour ceux que ça intéresse, dans la Salle des collections de la Cinémathèque on peut visionner la VHS de Road to Mandalay (1926), à condition d'être courageux : C'est une VHS archaïque et surtout tirée du seul élément toujours existant, une copie 9.5mm d'une qualité exécrable, très sombre à l'image zoomée et qui condense le film en 35-40 minutes. Et cerise sur le gâteau : les télécommandes des télé sont perdues, donc ça se déguste en 1.33 étiré en 16/9 :mrgreen:
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Difficile de juger de la qualité du film si ce n'est son scénario (et encore) et son interprétation.
Avec un œil de verre blanc, Lon Chaney a l'air fabuleux une fois de plus pour une personnage cruel, provocateur, quasiment incestueux tout en étant fragile et délicat dans la seconde moitié. Évidement, il est question de rachat et de rédemption spirituelle puisque le frère de Chaney est, un peu artificiellement, un prêtre. Cela dit les séquences entre eux n'ont pas l'air de manquer de force. Elles en ont davantage que celles avec les autres acteurs qui font un peu fade à côté, quoique la séquence introductive avec la confrontation dans un bar sordide avec le couteau planté dans la table fonctionne très bien.
Mais les brutaux raccourcis de cette version "Pathé Baby" annihile toute évolution satisfaisante des personnages et on ne comprend pas comment Lon Chaney bascule si rapidement, sans parler du petit twist qui tombe à plat ou du fiancé de la jeune fille à la sous-intrigue sacrifiée.
Toutefois, vu le manque de subtilité des grands lignes du récit, par évident que l'on tenait le sommet de la collaboration entre Browning et Chaney.
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

bruce randylan a écrit :
The Eye Of Doom a écrit :

Bad Luck Decouvert à Orsay justement, j'aurais bien aimé le revoir bien que je ne garde pas le souvenir d'un grand film
Je devrais pouvoir récupérer un vieil enregistrement du cinéma de minuit :)
Merci mais j'ai pas le matos sur Paris pour lire ca.
Sinon j'ai aussi une demi douzaine de VHS en province avec les cycles Browning du cinema de minuit, mais pas Mystic.... cf mes commentaires un peu au dessus.
bruce randylan a écrit : Toutefois, vu le manque de subtilité des grands lignes du récit, par évident que l'on tenait le sommet de la collaboration entre Browning et Chaney.
The Eye Of Doom a écrit : .....
IToutefois sur une histoire typique des intrigues des films du duo, Chaney fait une composition saisissante. Avec comme seul maquillage un impressionnant œil aveugle et blanc, le film met en avant sa présence physique, à la fois forte et viril, mais aussi fragile dans les scènes oú il approche anonymement sa fille.
...
Arrivant chronologiquement après The unholly three et Black Bird, le film annonce la montée en puissance des films suivants The Unknown et West of Zanzibar. Le film complet devait être un bon opus.

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Dans le cas des films avec Chaney, la première partie qui campe le cadre est souvent réussie alors que la suite s avère pas toujours capable d'exploiter le potentiel, se résumant à amener le personnage joué par Chaney a sa triste fin.
Dommage qu'il ne reste rien d'autre du film et pas de documents dispo pour ce faire une meilleure idée.
Enfin qu'en on sait qu'une seule copie de l'Inconnue existe, on se réjouie de ce que l'on a.
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