Amarcord a écrit :Il faudrait que je revoie ce film que j'avais beaucoup aimé, mais, du souvenir que j'en ai gardé, il me semble qu'il faut surtout l'envisager comme très métaphorique (peut-être plus que tout autre film de Dumont, dont le cinéma fonctionne beaucoup -- voire essentiellement -- sur ce concept : Dumont est prof de philo à l'origine, on ne se refait pas...).Supfiction a écrit :Je viens seulement de le voir. Après avoir fait mon entrée dans l'"univers" Dumont avec P'tit Quinquin, je me suis retrouvé en terrain familier. Pourtant j'avoue ne pas avoir tout compris..
Quelqu'un saurait-il m'expliquer pourquoi la fille est internée puis semble savoir tout ce qui s'est passé à la guerre (quelle guerre d'ailleurs, une guère fictive, non) ?
On connaît l'intérêt de Dumont pour le mystique (ça parcourt tout son cinéma, jusqu'à culminer dans des films comme Hadewijch et Hors Satan). L'héroïne de Flandres s'appelle Barbe. Elle "sait" des choses = elle semble omnisciente. On peut donc éventuellement penser à Sainte Barbe, qui est (source : Wikipédia) "la patronne, le modèle et la protectrice des architectes, des géologues, des pompiers, des mineurs (et par extension actuellement, des ingénieurs des Mines), des artilleurs, des sapeurs, des canonniers, des artificiers, des ingénieurs de combat, des métallurgistes, des démineurs et autres corporations liées au feu, les pétroliers militaires, les foreurs et les personnels de l'industrie des turbines à gaz, les carillonneurs, les égoutiers. Sainte Barbe est aussi la patronne de l'École polytechnique. Dans les Forces armées canadiennes, sainte Barbe, sous le nom de Santa Barbara, est la patronne du génie militaire et de l'artillerie"... En toute logique (?), chez Dumont, (Sainte) Barbe sait ce qui s'est passé à la guerre.
De plus, l'autre nom de Sainte Barbe est "Barbe la grande martyre". L'hagiographie nous apprend qu'elle fut séquestrée par son père, furieux qu'elle ose préférer le Christ au mari qu'il lui destinait. Dans le film de Dumont, cette séquestration se traduit par l'internement en hôpital psychiatrique.
Enfin, quant à savoir de quelle guerre il s'agit avec précision, il me semble, là aussi, qu'il faut plutôt se garder de situer avec trop de précision une guerre qui est (à nouveau) plus métaphorique qu'autre chose : ce qui intéresse Dumont, c'est plus l'idée de la guerre (ou plus exactement, l'horreur de la guerre) que la guerre elle-même. Ceci dit, dans mon souvenir, la guerre, telle qu'elle est montrée dans le film, tout en restant indéfinie, renvoie tout de même à des guerres "récentes" et somme toute assez localisables (Irak ? Afghanistan ?).
Merci Amarcord pour tes explications ! Je ne pensais pas que le film était "pointu" à ce point. Maintenant, on est pas obligé non plus de tout comprendre dans ce genre de cinéma une fois qu'on est averti (comme dans P'tit quinquin).
Oui je suis d'accord, si par l'époque on pense logiquement à l’Irak ou l'Afghanistan, cela ressemble davantage à l'idée que l'on peut se faire d'une guerre de décolonisation comme la guerre d'Algérie.Strum a écrit :La guerre, à mon sens, c'est d'abord la guerre d'Algérie. Dumont parait faire référence à certains crimes de l'armée française commis là-bas. Barbe-qui-sait, semble être à la fois Sainte-Barbe et un personnage de Bernanos, dont Dumont s'est inspiré pour plusieurs films. Il faut lire l'extraordinaire Sous le Soleil de Satan.