La Vie de Jésus (Bruno Dumont - 1997)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Rockatansky
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Message par Rockatansky »

Difficile pour moi de juger ce film vu que j'ai éteint la tv au bout de 20 mns trés énervé
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Vic Vega a écrit :Je croise les doigts en espérant que ce n'est pas à cause de sa médiocrité que son 29 Palms aurait été retoqué par les sélectionneurs cannois.
Non à mon avis c'est pour sa violence extrême parait-il.
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Bob le silencieux a écrit :Par-contre, je ne trouve pas que ce soit misérabiliste de la part de Dumont. Tu peux expliquer Roy, ce que tu entends par misérabiliste?
Par misérabiliste, j'entends propension à se complaire dans un univers peuplé de personnages miséreux jusqu'à la caricature. Il n'y a absolument rien à sauver chez les personnages de Bruno Dumont, ils sont tous condamnés à une vie de merde (physique comme psychologique). Leur aspect physique (morphologie et vêtements), leur façon de s'exprimer (ils ont presque tous des problèmes de langage), leurs manières, leur bêtise incommensurable, leur désintérêt de tout, leur absence de perspectives, leur regard vide, etc...
Le paradoxe veut que Dumont filme tout cela avec un vrai sens du cadre, de la profondeur de champ et du montage. Cela l'éloigne en effet des représentations traditionnelles françaises de ce type de sujet et fait sans doute toute l'originalité de son cinéma. Mais je ne peux m'empêcher de ressentir un profond dégoût pour ce genre de personnage et leur milieu (alors qu'il s'en défend, sûrement avec sincérité). Il est assez symptomatique que la seule personne intelligente et apte à s'exprimer correctement soit l'Arabe, futur victime de ces pouilleux ignares et débiles (je n'ai pas l'impression d'exagérer, j'ai du mal à être convaincu de la tendresse de Dumont pour ces gens-là et je m'en excuse).
Avec L'humanité, on sent plus d'empathie de la part de Dumont pour ses personnages, et c'est sans doute ce qui me fait mieux apprécier ce film (et encore...), d'autant que sa mise en scène semble encore plus maîtrisée.
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Martin Quatermass
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Message par Martin Quatermass »

J'ai été complétement hypnotisé par le film lors de sa diffusion. j'ai beaucoup aimé mais il m'est difficile d'en parler. je l'ai plus "ressenti" que "compris". Je rejoins Jeremy et Bob dans leur sentiments.
Leopold Saroyan
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Message par Leopold Saroyan »

Ce film m'a profondément agacé. Je reconnais aussi que Dumont est un très bon formaliste dont les talents de mise en scène ne sont pas à prouver. Cependant, le "fond" pose problème. Tout d'abord, le thème du rejet "racial" est probablement l'un des sujets les plus complexes à traiter sans tomber dans la caricature et l'hypocrisie; défaut auquel n'échappe malheureusement pas ce film.
Comme le dit très justement Roy, le parallèle des plus grotesques entre les mauvais et irrécupérables français et le gentil Arabe qui n'a rien fait de mal est très lourd. Et je pense encore une fois que le film de Dumont est des plus didactique.
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NUTELLA

Message par NUTELLA »

Leopold Saroyan a écrit : . Et je pense encore une fois que le film de Dumont est des plus didactique.

tu veux dire quoi,qu'il est des plus instructif :shock: je ne vois pas en quoi :? comme je l'ai dit plus haut je le trouve moi aussi très caricatural.
Invité

Message par Invité »

Leopold Saroyan a écrit :Comme le dit très justement Roy, le parallèle des plus grotesques entre les mauvais et irrécupérables français et le gentil Arabe qui n'a rien fait de mal est très lourd. Et je pense encore une fois que le film de Dumont est des plus didactique.
Dumont n'a pas voulu faire un film sur le thème du racisme mais sur l'ennui. Ces comme si on disait encore aujourd'hui que LaHaine était un film sur le cités. Non, c'est un film sur une bande de jeunes dont la vie va basuler en 24h. Là, Dumont nous montre comment Freddie va sombrer dans la violence aveuglé par ses principes et son enfermement intellectuel. Le gentil arabe est un prétexte. Quand un jeune se fait tuer par un flic pendant une malheureuse intervention, personne ne comprends comment un sale pourri de flic a pu tuer ce jeune garçon si gentil que tout le monde apprécie. Non, on ne comprend pas. Mais on ne comprendra jamais non plus ce qui s'est passé dans la tête de Freddie quand son copain lui dit qu'il a vu sa petite amie fricoter avec l'arabe. Oui, l'arabe, l'intru dont je parlais. Pourquoi c'est un cliché? Les gens du Nord ne sont pas plus raciste que les autres mais si vous allez dans des villages un peu retranché (les mêmes qui ont voté LePen au premier tour en masse), vous vous rendrez compte que l'étranger en lui même est craint, on s'en méfie. C'est humain, pas forcément glorieux mais c'est un fait. Il ne faut pas en avoir peur. Dumont montre bien comment cet ennui lié à un sentiment de fort rebellion peuvent entraîner Freddie dans une sorte de folie. Freddie est violent, il n'y a qu'à voir comment il fait l'amour à sa copine... Il vit de la même façon. Il finira par s'écrouler.
Leopold Saroyan
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Message par Leopold Saroyan »

NUTELLA a écrit :
Leopold Saroyan a écrit : . Et je pense encore une fois que le film de Dumont est des plus didactique.

tu veux dire quoi,qu'il est des plus instructif :shock: je ne vois pas en quoi :? comme je l'ai dit plus haut je le trouve moi aussi très caricatural.
Dumont, je pense, souhaite transmettre au spectateur une vision du racisme et nous montrer en quoi l'acte de Freddie est stupide.
Bob, ton point de vue est proche de ceux des défenseurs du film. Le film parlerait moins de racisme que d'ennui. Cela se défend mais j'ai du mal à déceler la moindre finesse lorsque dumont dresse le portrait d'une communauté ou d'une culture.
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Beule
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Message par Beule »

Si j'ai bien compris leurs points de vues, je pense rejoindre Roy et Léopold dans leurs jugements.
Je ne ressens aucune empathie dans le point de vue posé par Dumont sur ce microcosme prolétérien. Bien au contraire, le sens du cadrage et du montage forment un prisme accablant pour l'ignorance crasse et l'abjection totale manifestées par Freddy et ses proches (même la mère est mal lotie). Tout juste Dumont leur concède t-il un embryon d'humanité dans une séquence, celle de la visite au pote atteint du sida.
Et je ne vois dans la scène de pénétration pastorale que la volonté sans rémission du cinéaste de réduire le personnage à ses instincts les plus primaires -il ne lui fera jamais la grâce de l'en gratifier de plus nobles- et donc d'opter pour l'approche la plus crue, celle de la pornographie.
Et effectivement c'est là que le bat blesse: ce rigorisme quasi-documentaire adopté dans la description de cette quelconque province et le schématisme didactique forment en bout de course un bien mauvais ménage.
Quant à la thèse du film sur l'ennui, j'avoue que je ne veux pas y croire un seul instant.
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Jihl
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Re: La vie de Jésus : LA scène du scandale ?

Message par Jihl »

Premier Dumont en ce qui me concerne ,et tant qu'à faire, j'ai attaqué par son premier, découvert dans un master très moyen de C+ cinéma.
Bon j'avoue être assez surpris par certains commentaires de ce topic. Moi je n'y vois pas du tout un film misérabiliste, mais au contraire de la compassion pour des gens ordinaires, du peuple, sans pour autant tomber dans le sentimentalisme.
C'est effectivement un film sur l'ennui (magnifiquement montré) et ses conséquences, sur les mécanismes de formation de la violence et de la haine, sur la désintégration des garde-fous (famille, travail, voisinage). Il y a des personnages très positifs comme les femmes, le personnage du jeune Arabe, le gardien du cimetière ; même Freddy fait preuve aussi d'attention aux autres dans ses rapports avec sa bande, sa mère ou avec Marie.
Bref le film est passionnant, le scope est remarquablement utilisé (on retrouvera par exemple les même travelling de routes de campagne dans "La vie moderne de Depardon"), les acteurs, en particulier les deux acteurs principaux sont remarquables. Vraiment un des meilleurs premiers films que j'ai vu et plus simplement un très grand film du niveau disons... des Dardenne. 8.5/10 et nouvelle entrée dans mon top 100.
Dernière modification par Jihl le 8 janv. 10, 22:40, modifié 2 fois.
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Jeremy Fox
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Re: La vie de Jésus (Bruno Dumont)

Message par Jeremy Fox »

Je reposte ici mon avis

Freddy, la vingtaine est au chômage dans le Nord de la France, à Bailleul plus précisément. Sa mère tient le bistrot du coin et il s'ennuie ; il passe donc son temps à regarder la télé, à faire l'amour à Marie, à faire des virées pétaradantes en mobylette avec ses potes dans la campagne environnante, à participer à l'harmonie municipale en tant que tambour. Le désœuvrement, la chaleur plombante de l'été et le racisme ambiant vont l'amener à commettre un acte meurtrier sur la personne d'un 'arabe' qu’il trouvait tourner un peu trop autour de sa copine...

Premier film remarquable d’un cinéaste qui a confirmé depuis de la plus belle des manières. Dès lors on y trouvait son style très particulier fait de plans très recherchés en cinémascope (certains sur la campagne normande notamment lors des virées en mobylette ou lors de la séquence de la remontée mécanique sont tout simplement sublimes), d’absence de musique et de dramatisation, de longues séquences au cours desquelles il ne se passe pas grand chose autre que des gestes ou des regards qui en disent plus long que bien des paroles, de scènes d’amour crues et bestiales (voire même non simulées)…

La Vie de Jésus possède déjà en gestation les mêmes caractéristiques et qualités que ses films suivants. C’est un film sans concession possédant une force assez étonnante grâce à une tension prégnante et grandissante qui se fait jour au fur et à mesure de l’avancée du film. Mais attention, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il se dégage une forte 'humanité' des films de Bruno Dumont, déjà en place avant le film qui mettra en exergue dans son titre cette caractéristique loin d’être anodine. Les personnages qu’ils filment avec une patience et une précision d’entomologiste, il ne les juge pas ; ce sont d’ailleurs loin d’être des monstres (certaines scènes les montrent sur un jour assez émouvant notamment après la mort du frère sidaïque d’un des garçons de la bande). Leur quotidien est monotone, ils habitent dans une ville morte et n’ont pas de travail ; c’est la situation qui va les pousser à aller trop loin car pris individuellement, ils ne feraient certainement pas de mal à une mouche. Le couple formé par Freddy et Marie est d’ailleurs plutôt ‘fleur bleue’ ; il faut dire aussi que Bruno Dumont n’a pas son pareil pour nous proposer à chaque fois un personnage féminin lumineux, attachant et fortement humain qui hisse ses films vers des sommets d’émotion alors que l’on était loin de penser en trouver autant.

Marjorie Cotreel est déjà au moins tout aussi formidable et inoubliable que Séverine Caneele dans l’humanité, que Yekaterina Golubeva dans 29 Palms ou qu’Adélaïde Leroux dans Flandres. Le plan qui voit Marie et Kader enlacés vers la fin du film est d’une stupéfiante beauté à l’instar de celui qui clôt Flandres. Film radical mais jamais ennuyeux au contraire car possédant un pouvoir quasi hypnotique (sur certains dont je fais partie) grâce à sa rythmique très particulière, le cinéaste nous plaçant à intervalles réguliers des scènes ‘redondantes’ mais superbement filmées comme les sorties en mobylettes. Direction d’acteurs impeccable, photographie splendide, mise en scène au cordeau… Un premier essai magistral !
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Père Jules
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Re: La Vie de Jésus (Bruno Dumont, 1997)

Message par Père Jules »

Mon second Dumont après Flandres.
Je dois dire que je me retrouve un peu dans l'avis de Roy Neary qui pointe du doigt le misérabilisme de ce film. Plus encore que dans Flandres (qui trouvait certains accents politiques), on est confronté sans détours au poids de l'absence du père, du chômage, de la misère sociale et intellectuelle, d'une campagne profondément inhospitalière. Tout cela finit par être assourdissant de caricature. Ce n'est vraisemblablement pas ce que j'avais envie de voir mais je dois reconnaitre l'évident talent de Dumont pour le cadrage, c'est réellement impressionnant.
Enfin, ça m'a tout de même permis de mesurer dans quel environnement a grandi Major Tom. :mrgreen:
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tenia
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Re: La Vie de Jésus (Bruno Dumont - 1997)

Message par tenia »

De mémoire, j'avais encore plutôt bien supporté La vie de Jésus, mais Flandres m'avait tellement énervé que le film fait partie de la pauvre poignée de DVDs que j'ai revendu parce que la place que ça prend dans mes étagères me parait gâchée. Et dieu sait que j'ai un paquet de films dont une seule vision suffit largement.

Pour autant, j'ai effectivement le même souvenir que Roy : des personnages de gros galériens profonds, visiblement tous affublés de tares physiques ou émotionnels, qui clairement n'iront jamais plus loin que la démonstration de Dumont. Pouilleux ignares et débiles, c'est probablement raccourci, mais ça correspond bien au souvenir que j'ai : l'impression d'avoir atterri dans la collection des plus gros cas sociaux de la pire banlieue de près de chez moi.

C'est probablement trouvable dans certains bleds. C'est très certainement humain, véridique, tout ça tout ça. Mais tout cumulé, ça fait beaucoup.

Alors par contre, c'est clair que visuellement, c'est ultra chiadé. Mais je ne sais pas si ça aide ou si ça pénalise le film.
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Père Jules
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Re: La Vie de Jésus (Bruno Dumont - 1997)

Message par Père Jules »

tenia a écrit :Pdes personnages de gros galériens profonds, visiblement tous affublés de tares physiques ou émotionnels, qui clairement n'iront jamais plus loin que la démonstration de Dumont. Pouilleux ignares et débiles, c'est probablement raccourci, mais ça correspond bien au souvenir que j'ai : l'impression d'avoir atterri dans la collection des plus gros cas sociaux de la pire banlieue de près de chez moi.
C'est à mon sens le problème du film de Dumont. Je sais que le shérif ne sera pas d'accord mais La vie de Jésus me parait vraiment être l'application brillante de la bannière anti-ch'tis déployée au Parc des Princes il y a quelques années.
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tenia
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Re: La Vie de Jésus (Bruno Dumont - 1997)

Message par tenia »

C'est un peu ça. Le problème étant que je ne saurai dire dans quelle sens Dumont utilise cela, c'est à dire, est-ce que c'est censé être utilisé avec empathie "les pauvres, ils sont pas gâtés", ou au contraire pour enfoncer le clou dans le sens "ils n'iront jamais plus loin ces cons" ?
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