Amer (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2009)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Addis-Abeba
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Addis-Abeba »

Non moi je ne vois toujours pas, entre un Coréen dont la jaquette faite penser à un Nu Image bien Z et un Laser Quest mou du genou, un Giallo à la très bonne presse est plus vendeur, après on va pas en parler des jours, on ne sera jamais d'accord, mais qu'un éditeur de surcroit Français n'édite pas ce film Franco-Belge pour sortir ce genre de films, ça me gonfle terriblement.
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tenia
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par tenia »

Addis-Abeba a écrit :Non moi je ne vois toujours pas, entre un Coréen dont la jaquette faite penser à un Nu Image bien Z et un Laser Quest mou du genou, un Giallo à la très bonne presse est plus vendeur, après on va pas en parler des jours, on ne sera jamais d'accord, mais qu'un éditeur de surcroit Français n'édite pas ce film Franco-Belge pour sortir ce genre de films, ça me gonfle terriblement.
On rappellera quand même que la majorité des acheteurs français ne lisent ni Les cahiers, ni Positif, ni Mad.
Maintenant, pour Paintball, je ne saurais trop me prononcer, mais pour The Last Day, c'est du vu : plus d'une fois, j'ai vu du monde repartir avec (y compris au Luxembourg, car c'est un des seuls Wild Side que j'ai vu être vendu au Luxembourg) en disant "wah trop bien, ça doit être comme 2012."
Certes, ça implique beaucoup de choses que je ne cautionne pas :mrgreen: mais, sans être méchant, le film catastrophe blindé de CGI et marketé comme 2 gouttes d'eau comme le dernier Emmerich intéresse probablement plus qu'un Giallo vieux de 30 ans. Surtout en HD, encore une fois, où "il faut que ça claque".

Moi, perso, entre les 2, y aurait pas photo, je prendrais Suspiria (mais je l'ai déjà en DVD).
Mais pour le client lambda peu curieux, déjà, la "bonne presse", il la connait pas et ne l'a jamais lue.

Maintenant, je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'un film franco-belge mieux édité par l'Angleterre que chez nous, c'est quand même sacrément con.
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par 1kult »

Pour rappel, malgré une grande campagne de communication (il n'y a pas eu que les Cahiers, Positif et Mad qui en parlaient) Amer a eu une distribution chaotique (3 copies sur toute la France ! ) et le Blu-ray urait été le moyen de diffuser un peu plus le film...

Enfin il existe, alors réjouissons-nous !
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Silencio »

SPOILERS
Jordan White a écrit :Par ailleurs, j'ai trouvé la deuxième partie embarassante par rapport au regard porté sur les mecs.Des bikers ou des types en mobylettes comme je n'en avais plus vu dans le cinéma depuis des décennies. Enfin plus précisément depuis La Vie de Jésus de Dumont, mais qui lui montrait le côté rural et parfois brutal d'une jeunesse en quête de repères. Là, en filigrane, le fait qu'il s'agisse de la partie du film qui raconte l'éveil à la sexualité, j'ai trouvé anachronique cette description d'adolescents et de jeunes adultes en rut pour une fille, avec maintes plans sur la petite robe d'été et les coups de vents qui la font se soulever. Idem pour le portrait des agents éboueurs qui semblent dissimuler des prédateurs en puissance prêts à exploser sexuellement à la moindre occasion. Bref à mes yeux pas la moindre nuance, il s'agit d'une fiction, ok sans problème, mais ce portrait est vraiment ultra caricatural et m'a fait décrocher du suspens du film (car il est bâti sur le fétichisme du couteau et de la mise à mort).
Pour ce qui est du caractère anachronique des mecs en rut, j'ai envie de te citer Virgin Suicides : "Obviously, you've never been a 13-year-old girl" (me neither, but I guess that you see my point). Ensuite, et c'est une nuance de taille, le film doit être vu par le prisme de la psychose de son personnage, qui altère tout ce qu'il perçoit. Enfin, s'agissant des bikers, on peut y voir une relecture de Scorpio Rising, autre film expérimental et fétichiste.
Le fétichisme de ce film aurait dû (pu ?) me faire bondir de plaisir. Les gros plans, quasi macros ne manquent pas. Il y a les plans savamment composés, mais un élément manque cruellement je trouve : l'érotisme et le désir. Le fétichisme pour moi est inconcevable sans, et le fantasme de la mise à mort est ici seulement esquissé par des gros plans sur des membres ou des organes déchiquetés, pas sur le plaisir érotique, ou alors il ne m'a pas parlé. Mais je sais, il manque du PVC dans ce film...
C'est pourtant difficile de faire plus érotique que le bain de cyprine.
Plus sérieusement, j'ai trouvé également la toute dernière partie interminable jusqu'à la résolution finale (en est-ce vraiment une ?) avec ce générique qui arrive comme un cheveux sur la soupe.
Sérieusement ?! Ce générique n'arrive certainement pas comme un cheveu sur la soupe. Tandis que le cadavre semble se raviver, la coupe franche opère juste avant qu'elle ouvre éventuellement les yeux, ce qui diffracte complètement le sens du film, qui peut dès lors être vu comme une remémoration/un rêve/un fantasme du personnage principal, de son vivant ou pré/post-mortem. C'est le point G du film.
Jordan White
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Jordan White »

Merci pour tes commentaires Silencio, très intéressants et soulignant aussi à mon sens le fait qu' Amer croule sous les références sans toutefois parvenir à imposer une griffe originale malheureusement. Il y a un point de vue de réalisateur, c'est sûr (même si je trouve ce générique d'ouverture qui scinde d'office à l'image le nom des deux réalisateurs, comme pour dire qu'il ne s'agit pas d'un film de Cattet et Forzani, mais de Cattet réalisateur et Forzani réalisateur, indépendamment).


Silencio a écrit :SPOILERS

Pour ce qui est du caractère anachronique des mecs en rut, j'ai envie de te citer Virgin Suicides : "Obviously, you've never been a 13-year-old girl" (me neither, but I guess that you see my point). Ensuite, et c'est une nuance de taille, le film doit être vu par le prisme de la psychose de son personnage, qui altère tout ce qu'il perçoit. Enfin, s'agissant des bikers, on peut y voir une relecture de Scorpio Rising, autre film expérimental et fétichiste.
J'ai préféré le côté éthéré et léger malgré le texte et sous-texte dramatique de Virgin Suicides de ce point de vue. Là, j'ai eu l'impression de revoir des clichés hérités du début et milieu des années 90 avec les barbes naissantes ou drues, certaines d'entre elles taillées en bouc quasi millimétré, d'autres mecs figés, avec l'oeil torve. Anna altère sa vision certes, reste néanmoins qu'elle prend conscience qu'elle ne les laisse pas indifférents et qu'elle provoque la montée du désir et de l'envie sexuelle auprès de garçons qui n'ont pas tous son âge (certains ont bien la vingtaine voire plus). Elle se fait d'ailleurs réprimander par sa mère qui lui inflige une claque. Elle a sans doute peur et désire à la fois que le regard se pose sur elle pour attirer l'attention. La séquence du taxi avec le gant en cuir, les cuisses humides qui collent au siège en sky, les regards lancinants puis le long silence marqué du chauffeur avant qu'elle ne sorte. Les auteurs font tout pour faire monter la mayonnaise, mais à mon sens, elle ne prend quasiment pas. Concernant Scorpio Rising, je trouve le film bien réalisé et conçu, plus direct finalement dans son fétichisme, davantage gay aussi là où Amer me paraît au contraire très hétéro.

C'est pourtant difficile de faire plus érotique que le bain de cyprine.
Exposé tel quel non. Je trouve qu'il manque de naturel. C'est tout à fait personnel, mais je n'ai pas trouvé cette séquence très érotique.

Sérieusement ?! Ce générique n'arrive certainement pas comme un cheveu sur la soupe. Tandis que le cadavre semble se raviver, la coupe franche opère juste avant qu'elle ouvre éventuellement les yeux, ce qui diffracte complètement le sens du film, qui peut dès lors être vu comme une remémoration/un rêve/un fantasme du personnage principal, de son vivant ou pré/post-mortem. C'est le point G du film.

Je ne suis pas sûr que ce ne soit qu'éventuellement, pour moi elle les ouvre.
En général le fétichisme du film aurait pu, dû me parler. Mais je trouve que le film s'étire trop en longueurs inutiles. Reste néanmoins un film plastiquement intéressant, mais pour faire un grand film fétichiste il me faut de l'érotisme, du désir, de l'explicite, une forme de vertige et surtout de trouble. Ok en partie pour le premier élément, mais pas vraiment pour les autres, si ce n'est le visuel de la mise à mort.
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Silencio
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Silencio »

SPOILERS TOUJOURS
Jordan White a écrit :Merci pour tes commentaires Silencio, très intéressants et soulignant aussi à mon sens le fait qu' Amer croule sous les références sans toutefois parvenir à imposer une griffe originale malheureusement.
Certes, le film venant après Hitchcock, Bava, Argento, De Palma et Tarantino, il faut le lire, pour ne citer qu'eux, au sixième degré, mais ce degré constitue une acmé.
Il y a un point de vue de réalisateur, c'est sûr (même si je trouve ce générique d'ouverture qui scinde d'office à l'image le nom des deux réalisateurs, comme pour dire qu'il ne s'agit pas d'un film de Cattet et Forzani, mais de Cattet réalisateur et Forzani réalisateur, indépendamment).
Tu le trouves comment au juste ? A priori il est cohérent.
J'ai préféré le côté éthéré et léger malgré le texte et sous-texte dramatique de Virgin Suicides de ce point de vue.
Je ne me risquerais pas à comparer les films, je sous-entendais simplement que soutenir le regard libidineux des hommes, c'est le quotidien des femmes. Il suffit de marcher dans la rue ou de prendre le métro pour y participer/s'en rendre compte.
Là, j'ai eu l'impression de revoir des clichés hérités du début et milieu des années 90 avec les barbes naissantes ou drues, certaines d'entre elles taillées en bouc quasi millimétré, d'autres mecs figés, avec l'oeil torve.
Ces précisions me dépassent, mais ce que je peux en dire, c'est que le film joue volontairement avec les clichés. Pour prendre un exemple dans la même séquence : celui de la Lolita.
Anna altère sa vision certes, reste néanmoins qu'elle prend conscience qu'elle ne les laisse pas indifférents et qu'elle provoque la montée du désir et de l'envie sexuelle auprès de garçons qui n'ont pas tous son âge (certains ont bien la vingtaine voire plus). Elle se fait d'ailleurs réprimander par sa mère qui lui inflige une claque. Elle a sans doute peur et désire à la fois que le regard se pose sur elle pour attirer l'attention.
Tout est ambigu. La prise de conscience est évidente, puisque le film traite de l'éveil à la sexualité, mais la provocation dont tu parles est relative, car elle est aussi désirable malgré elle, ce qui rend d'ailleurs cette gifle équivoque (n'est-elle pas aussi l'expression de la frustration de sa mère ?).
La séquence du taxi avec le gant en cuir, les cuisses humides qui collent au siège en sky, les regards lancinants puis le long silence marqué du chauffeur avant qu'elle ne sorte. Les auteurs font tout pour faire monter la mayonnaise, mais à mon sens, elle ne prend quasiment pas.
Personnellement j'adore le gros plan en contre-plongée quand elle passe la tête par la fenêtre. Comme tout le film, il est à la fois hypersensible dans ses effets, et simple dans son exécution.
Concernant Scorpio Rising, je trouve le film bien réalisé et conçu, plus direct finalement dans son fétichisme, davantage gay aussi là où Amer me paraît au contraire très hétéro.
Kenneth Anger est gay tandis que Cattet & Forzani forment un couple à la ville, Scorpio Rising s'intéresse à une caste (ce qui le rend en partie documentaire), Amer à un sous-genre (ce qui le rend strictement fictionnel). Je le vois plutôt comme une relecture féministe du giallo, ce que Death Proof était au slasher.
Exposé tel quel non. Je trouve qu'il manque de naturel. C'est tout à fait personnel, mais je n'ai pas trouvé cette séquence très érotique.
Il manque de naturel ? Et pour cause, ça ne l'est pas. L'eau y devient une métaphore. Les signes se confondent. Je trouve le jusqu'au-boutisme fulgurant.
Je ne suis pas sûr que ce ne soit qu'éventuellement, pour moi elle les ouvre.
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Elle les ouvre à peine pendant quelques images et les yeux restent mi-clos avant la coupe, pour instiller le doute, source du trouble. C'est parfait.
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Jordan White »

SPOILERS PARTOUT


Et bien ça en fait des quotes Silencio.
Mais j'aime bien.
Silencio a écrit :SPOILERS TOUJOURS


Certes, le film venant après Hitchcock, Bava, Argento, De Palma et Tarantino, il faut le lire, pour ne citer qu'eux, au sixième degré, mais ce degré constitue une acmé.
Je l'ai attendue cette acmé. Mais elle n'est pas venue pour moi.

Tu le trouves comment au juste ? A priori il est cohérent.
Je le trouve cohérent au regard du film, de sa progression, de sa résolution finale.
Mais il ne m'a pas emballé, voire même laissé de côté assez souvent. J'ai encore le sentiment que le film est très (trop) théorique. Et que ce qu'il gagne en théorie, il le perd en instinct et en émotions pour moi.

Je ne me risquerais pas à comparer les films, je sous-entendais simplement que soutenir le regard libidineux des hommes, c'est le quotidien des femmes. Il suffit de marcher dans la rue ou de prendre le métro pour y participer/s'en rendre compte.

Il y est question d'un rapport de fascination entre les garçons et les filles, celui de Virgin Suicides me semble infiniment plus sensible, quand celui d'Amer me paraît juste se résumer à des gros plans cliniques de rut masculin. Le passage de la Lolita a des qualités plastiques, mais ce sont les personnages masculins que je trouve globalement tous ratés dans le film.

Ces précisions me dépassent, mais ce que je peux en dire, c'est que le film joue volontairement avec les clichés. Pour prendre un exemple dans la même séquence : celui de la Lolita.

Disons que j'ai eu l'impression de revoir des mecs du lycée au milieu des années 90, lorsque la sève montait et qu'ils pensaient que les filles devaient absolument le savoir en jouant les durs. Pour sûr le film joue avec des clichés, mais sans doute m'attendais-je à un portrait de garçon plus contemporain. Là j'ai vu un fossé entre l'esthétique 70's du film et ces mecs à l'allure 90's (mais c'est aussi une perception personnelle, tout le monde ne les voit sans doute pas avec les mêmes yeux que les miens).

Tout est ambigu. La prise de conscience est évidente, puisque le film traite de l'éveil à la sexualité, mais la provocation dont tu parles est relative, car elle est aussi désirable malgré elle, ce qui rend d'ailleurs cette gifle équivoque (n'est-elle pas aussi l'expression de la frustration de sa mère ?).

Sans doute.

Personnellement j'adore le gros plan en contre-plongée quand elle passe la tête par la fenêtre. Comme tout le film, il est à la fois hypersensible dans ses effets, et simple dans son exécution.
Il me semble que rien n'est vraiment très simple dans ce film, si ce n'est quelques clichés énoncés plus haut, mais certainement pas le cadrage, au point qu'il en devient parfois voyant dans ses effets (les zooms entre autres).


Sur la fin du film, il faudrait que je revois le générique, mais ça me paraît trop abrupte comme conclusion surtout après les longs plans qui ont suivi. Mais je suppose que c'est un choix.

Merci en tout cas pour cet échange.
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Silencio »

Jordan White a écrit :Il me semble que rien n'est vraiment très simple dans ce film, si ce n'est quelques clichés énoncés plus haut, mais certainement pas le cadrage, au point qu'il en devient parfois voyant dans ses effets (les zooms entre autres).
Ce que j'entends par simplicité, c'est que le film a beau être un hommage au giallo, il est essentiellement constitué de gros plans fixes et la caméra n'est jamais "Prima Donna", mais ça n'a pas empêché Cattet & Forzani de les composer au cordeau (ils les ont tous repérés ou story-boardés), ce qui n'est pas un mince exploit compte tenu de leur quantité. Ce qui a surtout dû être coton, c'est la bande-son, puisque tout a été créé en post-prod'.
Quant au débat, il est certain que le film est théorique, et que sa construction pure peut laisser indifférent. Je discutais simplement les arguments.
Jordan White
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Jordan White »

Silencio a écrit :Ce que j'entends par simplicité, c'est que le film a beau être un hommage au giallo, il est essentiellement constitué de gros plans fixes et la caméra n'est jamais "Prima Donna", mais ça n'a pas empêché Cattet & Forzani de les composer au cordeau (ils les ont tous repérés ou story-boardés), ce qui n'est pas un mince exploit compte tenu de leur quantité. Ce qui a surtout dû être coton, c'est la bande-son, puisque tout a été créé en post-prod'.
Je dirais que la caméra m'a semblée au contraire être la "Prima Donna", d'où ma perception personnelle, différente de la tienne pour le coup de réalisateurs qui finissent par se regarder filmer et vont rechercher des plans qui auraient pu être composés et cadrés plus "simplement". Tu cites le plan en contre-plongée sur la vitre qui s'ouvre, pour moi il s'agit d'un plan très construit et aussi très cérébral. A l'inverse quand le film se veut séminal il use du gros plan suggestif : les cuisses humides sur la banquette arrière, les mèches de cheveux dans la bouche, les plans serrés sur la culotte en coton et la robe soulevée par la brise, le peigne glissé le long de la gorge, la main frottant le sexe féminin lors de la séquence finale.

Ils auraient tout aussi bien pu cadrer en gros plan, de face, l'héroïne qui sort sa tête à l'extérieur pour prendre l'air, mais visuellement ça aurait moins donner l'impression d'un vertige. Je ne suis pas surpris que le film ait été entièrement story-boardé, car justement il respire le souci voire la maniaquerie dans sa composition de plans. Hormis deux ou trois plans fixes que je trouve épurés, tout le reste m'a semblé très construit, géométrique, et du coup froid.
Par ailleurs concernant le son, certains d'entre eux m'ont paru exagérement gonflés, tel le bruit des chaussures sur les pierres. Au point que j'en suis venu à me demander si la piste son n'avait pas inversé les sorties avant et arrière avec un fort écho.

Quant au débat, il est certain que le film est théorique, et que sa construction pure peut laisser indifférent. Je discutais simplement les arguments.

Idem.
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Silencio »

Pas de caméra "Prima Donna" ça veut dire qu'il n'y a par exemple aucun plan-séquence à la grue. C'est un tournage à l'économie, pas de plans mais de moyens.
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Super Soul »

Yop !

Pour ceusses qu'ils ne l'auraient pas vu, ou qui voudraient le revoir : projection du film ce dimanche (11h) à la Cinémathèque, en présence des réalisateurs et du producteur du film.



Bon WE !
Je parle pas aux mecs qui ont une scène de chasse sur leur pull
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Anorya »

Amer (Cattet & Forzani - 2009).

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AMER est un voyage initiatique envoûtant et angoissant dans les fantasmes colorés d'Ana confrontée à la découverte du corps et du désir à trois moments de sa vie...

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AMER est surtout une incroyable expérience de cinéma sensoriel comme on en voit que trop peu, à mi-chemin d'un hommage au cinéma de genre italien du Giallo, comme le film expérimental. Inutile de dire qu'il assume totalement ses deux références grandiloquentes qui ont tôt fait de fragiliser un film. Pourtant comme La solitude des nombres premiers, le film à l'instar de ce dernier tient sur des bases fragiles et ce n'est jamais gagné. Et c'est sans doute à nouveau difficilement racontable sans l'avoir vu une première fois tant la magnificence des images, leur composition presque parfaite du cadre est d'emblée déstabilisante de perfection face à un récit faussement abstrait (on suit en fait la vie d'une même femme à trois étapes de sa vie dans le même lieu --une grande maison semblant sortie des Frissons de l'angoisse de Dario Argento--) qui ne choisit jamais d'appuyer ou trop souligner un film à la frontière de l'expérimental.

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Car de par ses partis-pris, AMER est à nouveau un film qui divisera. Les images sont tellement composées qu'elle prennent d'office le pas sur la narration et dans le même temps, je l'ai ressenti comme quelque chose de parfaitement voulu et qui alors dans ce sens, marchait très bien sur moi. En fait on s'en rend compte très vite, tout le film est un objet purement sensitif qui transpire de tous les pores d'images réelles ou mentales, de fragments visuels, de flashs sonores, de petites ritournelles en refrain (avec utilisation parfois assez jouissive de musiques d'Ennio Morricone, Cipriani, Nicolai déjà existantes dans plusieurs giallos). Tout est d'autant plus construit en ce sens qu'il était déjà pensé et réfléchi par le couple de cinéaste dès le départ. Ces derniers filment alors l'ensemble du film en 16 millimètres pour un final transposé en 35. Tout le son est travaillé d'une manière hallucinante en post-production. On frôle un travail perfectionniste d'autant plus bancal dans son histoire que parfait visuellement, alors dès lors comment ne pas vouloir envie de le défendre pour certains cinéphiles (dont moi) ?

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Amer est donc un film qui s'affiche déjà en décalage dès le départ avec la majeure partie de ce qu'on peut habituellement voir. Le générique souligne bien que le film est l'oeuvre de deux têtes pensantes (un homme et une femme), ce qui ouvre donc plusieurs points de vues et idées, par exemple notamment sur l'idée du désir féminin et de son articulation dans un cadre précis. De par de nombreux plans dans le film et leur montage qui tiennent autant du dispositif mental que de la réalité, le film biaise habilement les conceptions liées au giallo entre le prédateur et sa (future) victime. De nombreux plans, dans la seconde et troisième parties entres-autres soulignent très souvent l'emprise d'un certain regard masculin (on pourra gloser ou non sur ces choix et la légèreté ou lourdeur à laquelle le message est appliqué quitte à jouer du cliché, il n'empêche que c'est clairement montré) sur les femmes.


Concupiscence, avidité, peur, envie... Une voiture qui ralentit et le reflet des corps de femmes aussi bien sur la tôle réfléchissante et lustrée du véhicule que dans les lunettes du conducteur masculin et son sourire fugitif. Ou des rapprochements de corps (masculins mais on ne le devine pas forcément sur l'instant) resserrés sur le protagoniste principal féminin dans un bus (le montage aborde cette troisième partie par des gros plans extrêmes et rapides qui découpent brutalement des parties de corps pour un instant basculer presque dans du subliminal : des cheveux ou poils sous les bras qui forment un instant la pilosité d'un sexe féminin :shock: ). Autant de moments montés comme figurant une inquiétante présence mâle qui pourrait déboucher sur notre "héroïne". Et dans le même temps, on comprends que cela peut tout aussi clairement être un fantasme irraisonné qu'un moment donné du point de vue qui nous est ensuite retiré l'instant d'après. Surtout, il faut comprendre que cela ne représente nullement le point de vue global de la femme vis à vis de son environnement mais le point de vue à ce moment là d'une jeune fille puis d'une femme dans les secondes et troisième partie mais que cela ne tient en aucune sorte d'une généralisation. Certes on pourrait penser à voir que les hommes sont diabolisés dans ces passages là mais il faut garder en tête que cela est dû au fait que le personnage prend peur et donc influence sa manière de voir les choses et nous de même dans ces moments là.

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C'est au final extrêmement brillant et complètement casse-gueule parce que le film fragmente, donne plusieurs points de vues mais ne prend jamais parti, continuant sur sa lancée tel un petit bolide, alignant moments de grâce et passages un brin ralentis voire plombés. S'il y a une empathie pour le personnage et donc le film, elle doit clairement dès lors venir du spectateur qui jugera au final de la pertinence de ce qu'il voit, le film mettant (trop) souvent une certaine mise à distance. Et ce d'autant plus que chacune des 3 histoires qui composent ce film ont leur propre rythme (la seconde prend clairement trop de temps et veut tout dire sans toujours y arriver), leur propre personnalité et références (Suspiria et les frissons de l'angoisse dans la première partie, à mes yeux la meilleure), que le film est un concentré de fétichisme prolongeant les recherches formidables qu'avait donné le Giallo dans les 70's, qu'il y a une part d'érotisme complètement assumé à travers les images (quitte à virer dans des trucs complètement nawak : ah bon sang, le plan de la baignoire dans la troisième partie. :fiou: :D A vrai dire, je ne sais qu'en penser mais au moins les images me restent encore bien en tête et ça c'est pour le coup assez positif).


Autant d'éléments peu souvent vus dans le paysage cinématographique franco-belge qui me donnent d'autant plus envie d'évoquer ce film et d'expliquer donc pourquoi je l'ai plus qu'apprécié. Bien sûr mon amour du giallo y joue quelque peu mais j'aime aussi un cinéma plus contemplatif et sensitif animé bien souvent d'un vrai sens de la mise en scène, de vrais points de vues et idées et ce, même si l'histoire en devient un simple prétexte à une exploration cinématographique (chose que ne fut pas Vinyan pour moi vu quasiment dans le même temps. Comme quoi, ça tient à peu de choses).

En ce sens, quoi qu'on en dise AMER est bien une vision et une expérience à tenter, qui peut marquer durablement qu'on apprécie ou pas. A vous de tenter, moi j'ai adoré ce voyage.

5/6.
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Helena
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par Helena »

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Perso j'ai vraiment bien aimée revoir ce film, il nous propose vraiment un film à la foi très référentiel (Suspiria par exemple) et à la fois très différent de ce à quoi je m'attendais en partie... paye ta phrase peu logique je sais ^^, enfin à l'exception de ceux très connus et de ce que propose Amer dans ce genre est vraiment bon! Ce que j'adore dans ce type de film est la musique et la je suis vraiment comblée tellement elle est enivrante de bout en bout, d'habitude quand celle ci est omniprésente m'énerve au plus au point mais la je trouve vraiment ça très bien, surtout le générique du début. Concernant les acteurs et actrices, je ne connaissais aucun des membres du casting et je dois dire qu'ils sont vraiment pas mal dans leurs rôles, on prend plaisir à les voir à l'écran et la photo sublime le tout je trouve. D'ailleurs les scènettes qui parcourent le récit sont incroyables de beauté et scotchent littéralement dans le siège (les scènes dans le taxi ou bien les scènes dans le village avec Ana qui arrive près des motards) , bon aucun le film a réel problème avec son rythme et la seconde partie du récit est un peu chiante et trop longue par moment mais perso j'étais quand même à fond dans l'histoire donc on va dire que ça ne gâche pas du tout mon plaisir. Dans l’excellente BO du film, on reconnaît certains thèmes de Giallo comme par exemple le thème principal de La Coda dello Scorpione qui reste excellente même aujourd'hui. Il y aussi une référence au segment "The Drop of Water" du film de Mario Bava "I tre Volti della Paura" avec le mort. La bande annonce nous a promis un réel hommage au Giallo et les deux réalisateurs ne nous ont jamais trompée, le film est une expérience pour moi, voir un Giallo au cinéma déjà c'est une première me concernant et j'espère que ça ne sera pas la seule fois que cela pourra m'arriver, en attendant je lui donne la note de 5/6 et je conseille ce film à tous et toutes en espérant pouvoir le revoir prochainement en dvd et surtout en Blu-Ray. J'espère que les réalisateurs vont nous pondre prochainement un autre film aussi intéressant à voir sur grand écran et qui renvoie vraiment à tout un pan du cinéma que j'aime ^^!

Amer est une œuvre fascinante car atmosphérique du début à la fin, en effet j'ai eu une bouffée comme vous dites de nostalgie et surtout une envie de vacances, en effet l’œuvre est belle car elle fait écho à notre culture, et en même temps elle nous dépayse, la France est un beau pays et si je ne me trompe, l’œuvre fut tournée en France et les réalisateurs ont mis en valeurs les paysages qui nous sont proposés à plusieurs moments. Le village d'ailleurs est excellent car très mystérieux, j'ai eu l'impression par moment de voir un village au Perou ou en Colombie, c'est mystérieux, très beau, très exiguë et on a presque l'impression d'être observé comme l'héroïne.
D'ailleurs les lieux de ce récit sont tous très particuliers et comme dans un Giallo, ont une certaine importance. Ici la house est particulière, on s'imagine même des pièces supplémentaires et on prend peur pour notre héroïne quand celle-ci revient dans la house, d'ailleurs on a une très belle scène dans une salle de bain, une pièce large comme seule les Européens savent le faire selon moi. Ici les lieux sont réels et pourtant il y a une magie ancienne qui s'en découle et qui est mise en valeur par leur mise en scène. Ici les différents endroits qu'ils nous présentent sont vivantes.
On sent que les réalisateurs sont inspirés et bien qu'il ne présente pas tous ce qui pourrait être présenter pour de tel endroit, mais on aime qu'il reste un certain mystère justement. En dehors des différents lieux, c'est l'atmosphère sur laquelle je vais revenir. Ici comme je l'ai dit on a sensation bien connu, on se sent bien en quelque sorte car comme vous dites en France, on a l'impression d'avoir un terrain balisé et pourtant Madame Cattet et Monsieur Forzani nous étonnent, nous surprennent, arrivent à nous faire peur à plusieurs reprises et surtout nous captiver, je pense notamment aux scènes avec la domestique qui s'en prend à notre héroïne ou bien les scènes adultes ou un homme la pourchasse sans qu'on ne sache qui il est justement.

Le film fonctionne aussi grâce à ses personnages, ici on ressent toute la force qui émane de la fille qui deviendra femme, en effet on ressent ses changements qui interviennent, on ressent ses doutes et l'interprétation des trois actrices est parfaite vraiment, jamais on se demande ce qu'il tente de nous conter au contraire. Les réalisateurs arrivent à donner un aura sensuel, fort, érotique et mystérieux à notre personnage sans qu'on ne sache ce qu'elle peut penser (sauf adulte et encore) et tout en conservant le charisme qui se dégage naturellement d'elle. Ici tous les personnages font preuve de figure en quelque sorte, comme dans un conte, en effet, ici ils servent au personnage principal, ce sont soit des éléments perturbateurs, soit des aides, soit des témoins et j'en passe, certes ce sont des personnages fonctions, mais ils n'oublient pas de les étoffer ou de leur donner une scène marquante pour ne pas qu'on les oublie la scène suivante et cela fonctionne très bien!
L’œuvre n'est pas un giallo bien qu'il soit doté de nombreux éléments venant du genre, que ce soit dans le tueur, dans la photographie, dans certaines figures du récit et même dans la musique ou l'affiche, mais il est tout autre, on ressent une inspiration latine, on voit les références comme celles que je cite au début, mais l'approche est tout autre c'est très bien! Le film a sa propre atmosphère et c'est surtout mis en avant grâce aux réalisateurs et leur mise en scène qui est très bien! Ce n'est pas une mise en scène fonctionnel au contraire, ici c'est vraiment bien car à chaque fois les réalisateurs donnent vraiment tout une ampleur aux scènes, une beauté magnifié par la mise en scène et c'est remarquable pour une première réalisation. Ce n'est pas parfait loin de la, mais contrairement à tout une vague venant de France, Belgique, Suisse ou Espagne, les références sont digéré pour donner le meilleur de ce que propose justement leurs inspirations! On ne peut que faire une danse du popotin devant une œuvre aussi belle!
10/10

Sincèrement je ne peux que remercier le duo qui nous offre une œuvre vraiment belle, intéressante et que l'on pourrait décortiquer à chaque vision. Je vous le recommande!
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El Dadal
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Re: Amer (Cattet & Forzani - 2009)

Message par El Dadal »

Échaudé par L'étrange couleur des larmes de ton corps, je m'étais gardé le premier opus des co-réalisateurs sous le coude toutes ces années, craignant une nouvelle déconvenue. Force est d'admettre que ce AMER est bien plus réussi, palpitant et immersif, se déplaçant comme un équilibriste là où l'essai suivant m'avait semblé par trop enseveli sous la théorie.

J'ai juste un grief, et l'on me rétorquera que je juge le film à l'aune de ce que j'aurai aimé qu'il soit et non pas de ce qu'il est, mais je me pose la question de la nécessité du meurtre un peu gratuit dans son troisième acte. Je m'explique.
Pendant 1h20min, les codes du giallo, la mise en scène du macabre et du suspense sont déjà là, mais utilisés à des fins quasi strictement sensuelles. Le film exprime la naissance des premiers désirs, trouvant leur source dans une pulsion de mort déréalisée qui les unit. L'hypersensibilité et le sens du détail, tactiles, presques olfactifs, ont une puissance incroyable, digne d'un Julio Medem des grands jours. Les figures stylistiques fétichisées, le craquement du cuir, le vent entre les cuisses qui vient donner des sueurs froides etc... tout est nourri de cet art du suspense consommé et codifié à l'extrême, mais ici donc détourné. Les réalisateurs utilisent savamment les clichés en leur donnant une acceptation unique, décorrélés des machinations et autres arcs narratifs criminels. L'outil giallesque ne sert plus le même maître.
Mais quand vient le final, impossible de ne pas regretter une orientation moins esclave d'un genre castrateur. En tenant jusqu'au bout la ligne de la sexualisation, en ne cédant pas à la figure imposée du meurtre, de la violence non pas menaçante mais réalisée, AMER aurait été le fils spirituel parfait de L'enfer ou de La prisonnière de Clouzot. Le plaisir du spectacle est bien là, mais je sentais qu'il était véritablement possible d'exploser définitivement le corset du genre. On n'était vraiment pas loin.

Me reste désormais à découvrir le troisième film du duo. Je n'attendrai pas 10 années cette fois.
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