Il est rare que j'arrive à me motiver pour aller à la Cinémathèque. Mais lorsque j'ai vu
Une belle journée d'été (
A Brighter Summer Day) dans le programme, qui plus est en copie restaurée, j'y suis allé sans hésitation, samedi soir. Ça fait bien quatre ans que j'ai le divx sur mon disque dur, mais la mauvaise copie et le sous-titrage anglais rudimentaire m'avaient toujours découragé.
Très content d'avoir enfin découvert ce film, certes très long, mais passionnant. J'y ai retrouvé quelques éléments de
Yi Yi - seul film de Yang que j'avais vu ( 3 fois au ciné, c'est l'un de mes films préférés), comme de petits éléments de comédie éparpillés au détour de scénettes et surtout avec un personnage de gamin naïf mais dont l'attitude révèle une certaine maturité (un peu comme le gamin de NJ dans
Yi Yi).
Seulement l'histoire de ce film part d'un postulat plus sombre, plus désespéré, et moins lumineux, ce que le travail sur la photo ne manque pas de nous rappeler avec ses très nombreuses scènes de nuit, dans l'obscurité poisseuse de repères de petits gangtsers. D'ailleurs, même si le film est restauré, j'ai vraiment eu l'impression de voir un vieux film, non pas contemporain de son histoire (1960), mais pas loin.
C'est un univers incertain dans lequel vivent ces protagonistes ; avant tous des adolescents paumés dans cette société chinoise exilée depuis peu à Taiwan, la seule qu'ils connaissent mais qui ne leur offrent aucun repaire solide ; ces adultes, des continentaux qui ont fui le communisme et comptent toujours reconquérir et rentrer en Chine, et vivent en attendant dans des maisons japonaises construites durant l'occupation ; les prémices d'un régime totalitaire avec sa police secrète paranoïaque , qui fait écho au développement inexorable de groupes mafieux... Au milieu de tout ça, le personnage de Si'r (Chang Chen, excellent dans son première rôle), élève moyen ne sachant dans quel direction aller, et sa famille, ne vivent pas sereinement cette année 1960, décisive pour leur destin.
Comme pour
Yi Yi, Edward Yang s'attache beaucoup à la description de ses personnages, avec en première ligne la famille de Si'r. Autre point fort, pas mal d'idées de mise en scène très simples mais très efficaces émaillent le film et le rendent fascinant (jeux d'éclairage comme lors d'un extraordinaire règlement de compte à l'arme blanche dans la nuit noire en plein typhon, ellipses, etc) tout en aidant à faire passer cette saga assez longue.