Le ffcp cru 2020 qui n'avait connu que 2 jours de projections avant le deuxième confinement a repris fin juin pour 10 jours !
Ok ! Madam (Lee Cheol-ha – 2020)
Un modeste couple de commerçants gagne un voyage pour Hawaï. L'occasion pour eux d'emmener leur petite fille qui prend l'avion pour la première fois. Sauf que leur avion est rapidement détourné par des agents nords-coréens qui cherchent un double-agent les ayant trahi.
Le film d'ouverture de ce festival est une sympathique comédie d'action et un bon représentant de l'aisance des coréens dans ce genre de blockbuster, à la fois très classique dans son déroulement et sa formule (un côté
Die Hard en avion) mais qu'une forte dose d'humour parvient à rafraichir.
Même si les effets ne sont pas toujours fins ou bien dosés, on rit très souvent entre des comédiens qui sont les premiers à s'amuser, divers runnings gags savoureux, des seconds rôles bien décalés et des ruptures de tons irrésistibles : le stewart se rêvant d'être agent secret, le nord coréen ne parlant pas chinois, la comédienne de cinéma... Ca ne se prend donc pas vraiment au sérieux et préfère miser sur la connivence avec le public. On sent que l'équipe vise avant tout le plaisir des spectateurs, à l'image du générique de fin qui semble avoir envie de faire perdurer le plaisir autant que possible. On pardonne ainsi volontiers quelques gags ou situations plus faibles, et surtout un scénario prétexte auquel il ne vaut pas mieux réfléchir.
A part une ouverture plus musclées avec fusillades et nombreux mort, les scènes d'actions sont des combats en huis clos avec de bonnes chorégraphies qui savent exploiter l'espace et les possibilités du décor (chariot, siège, cuisine, toilettes, soutes, costume d'hôtesse). Mine de rien, la mise en scène tire un bon profit de cet avion avec un astucieux plan-séquence qui présente l'ensemble des passagers dans les différentes classes ou en situant des séquences dans des lieux moins souvent visités (soute à bagage, salle de repos des membres de l'équipage). Le hasard a fait que j'ai vu pour le boulot la même semaine l'américain
Non-stop et les coréens l'atomisent sans souci en terme d'action et de rythme (ainsi que l'humour donc). Je regrette juste que le final soit assez décevant, un vrai pétard mouillé pour le coup.
C'est donc un honnête divertissement du samedi soir qui fait le job, sans génie, mais avoir un certain savoir-faire, à commencer par sa mécanique humoristique.
Bref, encore un film qui mériterait plus de visibilité en occident.
Deliver us from evil (Hong Won-chan – 2020)
Un redoutable tueur à gage apprend que son ancienne fiancée vient d'être assassinée en Thaïlande suite au kidnapping de sa fille dont il pourrait être le père. Il part sur place pour retrouver la petite sans savoir que le frère de son dernier "contrat", un impitoyable yakuza, se lance à ses trousses pour se venger.
Autre représentant typiquement coréen : le polar violent et sadique. Autant dire que ce n'est pas ce film-ci qui va réconcilier les récalcitrants avec le cinéma coréen (encore que la violence reste heureusement hors champ). C'est donc très frustrant de voir que les distributeurs français privilégient systématiquement ce genre de blockbuster plutôt que les équivalents plus légers (
Midnight Runners,
Extreme Job,
Ok ! Madam,
Exit...). D'autant que
Deliver us from evil est tout juste honnête et ne transcende jamais le genre entre une réalisation basique et une première moitié linéaire au possible : on trouve un suspect, on le torture (coucou le sécateur) et on a de quoi aller chercher un nouveau suspect qu'il faudra rendre plus coopérant...
En revanche, une fois que le face à face entre les deux tueurs se met en place, coïncidant avec de surcroît un course contre le temps, ça devient plus « amusant », musclé... et couillon.
On enchaîne les combats à l'arme blanche, traque, morts en pagaille et grosses fusillades explosives qui sont évidement tous sauf réalistes (la voiture du héros pris entre un barrage de police et le tuk-tuk du yakuza
). Pas trop de temps mort, quelques passages fun mais ça manque de surprise et donc d'intensité dramatique pour des personnages qui restent des victimes interchangeables en devenir face aux deux pro qui survivent à 10 coups de couteaux. On se console avec le ladyboy coréen, même s'il n'a pas grand chose à apporter.
La réalisation n'a rien de particulièrement notable (j'aurais pas été contre quelques money shots) d'autant qu'on trouve quelques ralentis fort mal pensés et intégrés.
On va dire que ça se suit pour son exubérance de la seconde moitié où les enfants sont pour le moins malmenés ! Ca surprend toujours pour une production friquée.
Way back home (Park Sun-joo)
Mariée depuis quelques années et sur le point de déménager, Jeong-won reçoit un appel de la police lui expliquant qu'on vient d'arrêter l'homme qui l'avait violé il y a 10 ans. Un traumatisme qu'elle pensait derrière elle et que son mari ignorait.
Premier long métrage pour la cinéaste et une belle réussite, surtout pour son scénario et l'interprétation d'une immense qualité.
La réalisation est assez en retrait et les quelques tentatives d'onirismes sont assez maladroites (rêve de l'arbre où se déroula l'agression, un moment d'absence dans une piscine) mais le montage – également signée par la cinéaste-scénariste – offre un récit non linéaire plutôt intelligent. La présence de Park Sun-joo aux 3 postes clés donne une belle homogénéité à l'ensemble en accordant beaucoup d'attention aux non-dits, aux moments de doutes, à l'observation mais aussi à la séparation, qu'elle soit spatiale ou temporelle comme pour mieux évoquer le gouffre qui se creuse au sein de ce couple ou de sa famille.
Plus que l'histoire d'une agression,
Way back home raconte l'impossible reconstruction et comment ce passé qu'on croyait surmonté resurgit et impacte les relations avec les proches de l'héroïne, dont en premier lieu son mari qui ne sait plus comment se comporter avec elle. Tous les personnages sont écrasés par ce poids qui échappe aux mots.
Pour un film coréen, et vu le sujet, le film est d'une étonnante – et remarquable – sobriété, tout en intériorité et silence. Avec une économie de dialogues et de mouvements, les acteurs font passer une brillante gamme d'émotions plus complexes et variées qu'il n'y paraît.
Cette pertinence dans le traitement donne une jolie fin ouverte où rien n'est vraiment résolu mais où des portes commencent à s'ouvrir. Peut-être l'heure enfin des réconciliations et une compréhension au sein d'une famille brisée, dépassée par les événements. Le personnage de la jeune sœur est assez joli à ce titre et la caractérisation n'est jamais forcée ou stéréotypée.
Le film a logiquement rencontré un beau succès critique, méritée, et j'espère que la cinéaste va continuer sur cette lancée.