Les Amants du Pont-Neuf (Leos Carax - 1991)

[Demi-Lune]

Je ne m'attendais pas à être aussi cueilli par ce film qui, à bien des égards, demeure une proposition (d)étonnante au sein du paysage cinématographique français.
On a souvent catalogué Carax dans le Cinéma du Look des années 80 qui, aux côtés de Besson et de Beineix, a redéfini toute une esthétique et a expérimenté des histoires branchées. Si Carax travaille effectivement ses images, il y a cependant quelque chose qui différencie à mes yeux Les amants du Pont-Neuf du cinéma des deux autres réalisateurs qui ne reste que superficiel : des personnages forts et puissamment incarnés, une poésie unique, une grande sensibilité.
Non pas que j'adhère forcément à tout ce que propose le film ; quitte à faire s'étrangler ACR, je lui trouve parfois une tendance à cultiver sciemment sa singularité dans des poses qui le rendent alors momentanément ennuyeux (exemples parmi d'autres : Binoche qui fait du ski nautique sous les ponts illuminés de la Seine, ou Lavant qui poursuit Binoche sur la plage la queue en l'air). Pour autant, la fascination qui s'exerce ne faiblit jamais et est sans doute même renforcée par ce dialogue permanent dans le film entre le réalisme et la magie, l'artificialité et l'incarnation, qui en fait une expérience baroque, bigger-than-life et cependant toujours intimiste, humaine. De nos jours, le mot « poésie » est totalement galvaudé mais je pense qu'il convient bien ici : l'écriture transporte le spectateur dans un univers à la croisée de la quotidienneté et du rêve, patchwork d'idées romantiques, fulgurantes, émouvantes ou auteurisantes, d'où éclot une grande délicatesse. Là où les critiques ont parlé de misérabilisme, j'ai surtout vu une fragilité émouvante, une entraide salvatrice dans sa redécouverte d'une raison de vivre, bref une sentimentalité dont le soupçon de pathos est réfuté par les inclinations poétiques de Carax. Le pansement sur le visage laiteux de Binoche, une nuit parisienne illuminée par les détonations d'un feu d'artifices, découvrir la mer, retrouver l'amour sous la neige façon Nuits blanches : au-delà de son monumental décor recréé en studio, Carax crée le lyrisme avec trois bouts de ficelle.
En résulte une œuvre dédiée à la vie, enivrante, sorte de monstre entre un musical MGM et Victor Hugo : on l'aura compris, ça ne ressemble pas à grand-chose de connu, ça peut aussi bien agacer que fasciner – c'est beau, tout simplement.

[AtCloseRange]

Ah mais je te rejoins pour les scènes que tu signales (notamment la scène du jet ski). En tout cas, content que le film t'aies autant plu.
Ne te reste plus qu'à voir Mauvais Sang que je trouve vraiment une taille au-dessus dans la maîtrise et l'inspiration. Les Amants du Pont Neuf a tendance à "déborder" et s'apparente plus à un grand film malade qu'à une vraie franche réussite. Il a néanmoins le mérite de beaucoup tenter et ses beautés éparses restent renversantes.

[julien]

En plus, on ne le dirait pas mais l'essentiel du film à était tourné ici :



A Lansargues, prés d'un campement de gitans. J'avais vu le tournage à l'époque. Le décorateur a fait un superbe boulot. Bon à l'époque le cinéma français avait de l'argent et surtout des producteurs assez audacieux pour se lancer dans des défis de taille.

[Barry Egan]

Découvert cet après-midi (après "Mauvais Sang" hier soir, splendide), et je suis proche de l'avis d'ACR, ce n'est pas une réussite complète, il y a un grand film qui dort sous les problèmes de rythme.

J'ai apprécié la scène du jet-ski, c'est mégalo mais c'est beau.
J'ai apprécié le fait de montrer des personnages dans la plus grande marginalité et pauvreté sur les presque trois premiers quarts du film, puis de les montrer s'en être sortis. Meilleur moyen de tuer toute velléité de stigmatisation.
Et Denis Lavant est génial.

[tchi-tcha]

Pardon si je ne poste pas au bon endroit...

Vu et laissé en ressourcerie cette édition DVD :



Est-ce qu'il existe un blu-ray de ce film ?
(Amazon semble me dire que non)
Est-ce que j'ai fait une connerie en le reposant ?

J'avoue que non seulement je n'étais pas motivé pour glisser un antique DVD dans ma platine (avec la qualité d'image que j'imagine), mais c'est aussi un film dont je suis revenu il y a longtemps... À vrai dire, et en mettant de côté son tournage épique, Les Amants... ne m'avait pas laissé une grande impression, bien moindre que Mauvais sang. Et je crois qu'avoir découvert L'Atalante peu avant n'avait pas joué en sa faveur non plus...

(mais faudrait que je retrouve le numéro des Inrocks où Carax était en couverture avec son chien)

Bref, même si je ne suis pas super chaud pour lui redonner une chance, est-ce qu'il existe un blu-ray ou est-ce que je dois retourner fissa à ma ressourcerie ?

[murphy]

(mais faudrait que je retrouve le numéro des Inrocks où Carax était en couverture avec son chien)

N°32 | Nov/Déc 1991

[Barry Egan]

Ne vous laissez pas avoir par la couverture, c'est le chien qui pose avec Carax, pas l'inverse.